Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à examiner cette proposition de loi en deuxième lecture, je souhaiterais préalablement revenir sur les dispositions à propos desquelles notre groupe a entamé sa réflexion.
Nous avons en effet entendu ici et là que nos deux assemblées avaient des vues radicalement différentes sur ce texte. Telle n'est pas mon analyse. Bien au contraire, il me semble que nous n'avons pas de divergences fondamentales avec nos collègues députés.
Notre objectif est rigoureusement le même : il consiste à apporter une réponse pénale effective et adaptée à la situation très particulière des délinquants récidivistes.
Si de nombreuses réponses ont été apportées à nos concitoyens en matière de lutte contre l'insécurité, le phénomène de la récidive persiste, et tend même à s'ancrer.
Nous partageons donc la volonté d'améliorer notre procédure pénale pour apporter des réponses efficaces contre ces récidivistes qui contribuent très largement au sentiment d'insécurité qui habite encore certains de nos compatriotes les plus fragiles.
La méthode avec laquelle nous avons souhaité engager notre réflexion sur cette proposition de loi, aussi bien en première lecture qu'aujourd'hui, est donc très simple.
En premier lieu, il s'agissait de vérifier que les dispositions proposées, au-delà du caractère pédagogique de la sanction, sont réellement de nature à lutter contre la récidive en dissuadant le délinquant ou le criminel concerné de recommencer.
En second lieu, il s'agissait de vérifier que les mesures qui nous sont soumises ne répondent pas à une éventuelle surenchère et s'inscrivent dans la continuité de notre droit positif, dans le respect de toutes les parties et de la hiérarchie des sanctions.
Ainsi, je ne souscris pas à l'analyse qui a pu être faite selon laquelle il résulterait des lectures de l'Assemblée nationale un texte uniquement répressif. A contrario, je m'inscris également en faux contre celle qui ferait de la version du Sénat soit pour les uns un texte laxiste soit pour les autres un texte seulement plus respectueux des libertés publiques que celui des députés.
J'en veux pour preuve le fait que certaines de nos propositions vont plus loin que celles de nos collègues députés. Je pense en particulier à l'article 4 quater, relatif aux conditions complémentaires à la mise en oeuvre d'une suspension de peine pour raison médicale, ou à l'article 14, qui étend la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle à d'autres types d'infractions.
En revanche, toujours avec cette double exigence à l'esprit, nous avons souhaité supprimer d'autres dispositions dont le seul caractère répressif ne nous semblait pas apporter une utilité particulière à l'objectif de lutte contre la récidive. Je pense à l'article 4, prévoyant l'incarcération dès le prononcé de la peine des prévenus en état de récidive légale, ou à l'article 5, limitant le crédit de réduction de peine pour les récidivistes.
Ces précisions liminaires étant apportées, je souhaite développer notre position sur les points les plus saillants du texte.
C'est le bracelet électronique qui a le plus largement retenu l'attention de nos concitoyens, et je souhaite donc commencer par ce point.
Je salue l'effort des députés pour concilier leurs convictions fortes avec les exigences constitutionnelles qui s'imposent évidemment au législateur. Les bases d'un consensus sont à présent réunies, puisque la copie de la première lecture a été largement corrigée.
Rappelons qu'il avait été envisagé de permettre le port d'un tel bracelet à titre de mesure de sûreté, pour une durée qui aurait pu être portée jusqu'à trente ans.
De surcroît, la question de la rétroactivité a été tranchée par la définition du régime de la surveillance judiciaire, qui ne pourra s'appliquer à ceux qui ont été condamnés antérieurement à la promulgation de la loi que dans le cadre de la durée correspondant au crédit de réduction de peine, sans dépasser la durée de la peine prononcée.
De la sorte, le risque d'inconstitutionnalité pour rétroactivité me semble levé, puisqu'il ne s'agit plus ni d'une peine complémentaire ni d'une mesure de sûreté qualifiée également comme une peine par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mais bel et bien, à présent, d'une modalité d'application de la peine.
Il convient toutefois de donner toutes les garanties de constitutionnalité au triple dispositif retenu. Aussi, nous souscrivons aux conclusions de la commission des lois, qui a su prendre en compte les recommandations du rapport de Georges Fenech, député du Rhône, sur le placement sous surveillance électronique mobile.
Je rappelle que nous souhaitions prendre connaissance de ce rapport avant de nous prononcer en première lecture, ce qui explique la position adoptée par la commission des lois.
Ainsi, nous partageons la nécessité de recueillir le consentement du condamné pour le placement sous surveillance électronique mobile, afin de garantir la constitutionnalité du dispositif. Cependant, il nous semble effectivement souhaitable de préciser qu'en cas de refus le condamné devra effectuer la peine d'incarcération à laquelle il était condamné.
Nous sommes également favorables à l'extension de l'usage du bracelet à l'ensemble des condamnés dangereux, et non plus seulement aux délinquants sexuels ou auteurs de violences les plus cruelles. En effet, si la délinquance sexuelle est celle qui touche souvent le plus nos concitoyens en raison de l'horreur de ces actes, il convient d'appréhender le problème de la récidive dans sa globalité. Or le bracelet électronique est également très adapté à d'autres formes de délinquance.
C'est la raison pour laquelle il est souhaitable de concentrer son action en fonction plus du quantum de la peine que de la nature de l'infraction. Ainsi, il peut être préférable d'élargir les catégories d'infractions tout en portant de cinq à dix ans le seuil de peine prononcé permettant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique.
Par ailleurs, il nous semble tout à fait légitime d'exclure les mineurs du dispositif. La délinquance des mineurs répond à des règles bien souvent très différentes que celle des adultes. L'existence même de l'ordonnance de 1945 dans notre corpus législatif rappelle cette spécificité, avec laquelle il convient de ne pas rompre.
Enfin, si nous ne doutons pas de la pertinence de l'extension de l'usage du bracelet électronique, il nous semble judicieux de ne pas nous tromper de débat. Si la surveillance électronique est un moyen très efficace de lutte contre la récidive, elle n'est pas non plus la panacée et ne réglera pas demain tous les problèmes.
Le PSEM doit s'intégrer dans un arsenal juridique global de lutte contre la récidive. A ce sujet, nous avons introduit, en première lecture, sur l'initiative de notre rapporteur, un dispositif de traitement médicamenteux des délinquants sexuels, afin de donner une base légale à ces expérimentations.
Enfin, je rejoins les observations d'un certain nombre d'entre nous, en particulier du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, sur la nécessité de mener une réflexion sur la gestion des individus les plus dangereux et contre lesquels aucune mesure ne peut s'avérer efficace.
La commission « Santé-justice », présidée par Jean-François Burgelin, a fait une proposition extrêmement novatrice en ce sens. Il s'agirait de prendre modèle sur l'Allemagne et les Pays-Bas, Etats qui ne sont pas spécialement réputés pour leur extrême sévérité pénale, pour créer des centres fermés de protection sociale afin de protéger définitivement la société des criminels les plus dangereux. Le placement dans une telle structure pourrait intervenir soit à l'issue de l'exécution de la peine, soit pour ceux qui auraient été déclarés irresponsables pénalement.