Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 25 octobre 2005 à 16h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion générale

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille :

Il s'agit, me semble-t-il, d'un important débat dont le Parlement ne pourra s'exonérer dans les prochaines années.

Ainsi que je l'indiquais, la volonté de notre groupe n'est en aucun cas de faire dans la permissivité. Il convient dès lors de ne pas hésiter à renforcer certaines dispositions prévues par l'Assemblée nationale, lorsque cela peut améliorer la lutte contre la récidive.

Ainsi, nous nous félicitons de la précision apportée à l'article 4 quater sur le « risque grave de renouvellement de l'infraction ». En effet, limiter l'interdiction de la suspension de peine pour raison médicale dans le seul cas de « trouble exceptionnel à l'ordre public » ne permet pas de lutter contre toutes les formes de récidive, plus particulièrement contre celle qui concerne les leaders d'organisations criminelles qui, même diminués physiquement, pourraient reprendre leur activité.

De la même manière, alors que nous étions défavorables à l'extension du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles aux irresponsables pénaux en première lecture, nous souscrivons à l'extension de ce fichier aux délinquants et criminels les plus dangereux afin de ne pas le limiter aux seuls délinquants sexuels. De plus, nous souhaitons que les personnes déjà condamnées pour les nouvelles infractions donnant lieu à une inscription dans le fichier soient effectivement enregistrées et soumises aux obligations qui y sont liées.

En revanche, avec la même volonté de discernement nous partageons la position de la commission des lois et de notre excellent rapporteur, M. François Zocchetto, sur le maintien de notre désapprobation concernant certaines dispositions réintroduites par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Ainsi, faire du mandat de dépôt la règle semble inopportun. En effet, comme notre rapporteur l'a souligné, cette disposition est contraire à l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal selon lequel la liberté est la règle et la détention l'exception. De plus, à mon sens, cette disposition n'apporte pas grand-chose, puisque le juge peut toujours s'y soustraire s'il l'estime nécessaire.

De la même manière, il ne nous semble pas non plus raisonnable, dans notre grande majorité, de prévoir un barème de crédit de réduction des peines propre aux récidivistes, et ce pour deux raisons au moins. En premier lieu, parce que cela pourrait paraître redondant dans la mesure où, en amont, le récidiviste encourt déjà un doublement de la peine au moment du prononcé. Il ne conviendrait donc pas, en aval, de lui appliquer un nouveau barème plus contraignant. En second lieu, parce que ce dispositif irait, me semble-t-il, à l'encontre du processus de réintégration du récidiviste dans la société. En effet, comment peut-on vouloir à la fois lutter contre la récidive et donner à ce délinquant moins de chance qu'aux autres de bénéficier de cette incitation à la bonne conduite ? A vrai dire, cela nous semble presque contreproductif !

Enfin, l'un des principaux problèmes que nous rencontrons est celui de la non-exécution des peines. Rappelons que 40 % des peines ne sont pas exécutées. La position de principe qui invite à allonger la durée effective d'une peine méconnaît la réalité, puisque cela aurait pour effet induit d'augmenter encore la proportion de non-exécution de la peine pour d'autres condamnés.

Je conclurai en indiquant notre totale approbation avec les dispositions proposées aussi bien par l'Assemblée nationale pour renforcer les droits de la partie civile que par notre Haute Assemblée pour renforcer ceux de la défense, et plus particulièrement pour protéger l'exercice de la profession d'avocat.

Ainsi, la possibilité pour l'avocat de la partie civile de faire valoir ses observations devant la juridiction de l'application des peines permettra de mieux prendre en compte l'intérêt des victimes au moment d'une libération éventuelle du condamné.

De la même manière, il était souhaitable de revenir sur la rédaction de l'article 434-7-2 du code pénal, dont l'interprétation extensive avait conduit au placement en détention provisoire d'un avocat, et de préciser les règles de perquisition dans les cabinets d'avocats ainsi que les règles relatives à leur écoute téléphonique. Ces dispositions étaient très attendues par la profession, et nous nous réjouissons qu'elles aient trouvé dans notre enceinte un écho favorable.

Fort de cet équilibre qu'a su trouver la commission des lois, le groupe UMP votera ce texte qui répond, tel qu'il est issu de nos travaux, à cette double exigence de lutte contre la récidive et de respect des principes fondamentaux de notre droit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion