Intervention de Charles Gautier

Réunion du 25 octobre 2005 à 16h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion générale

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

Il préconise notamment la mise en place du bracelet électronique mobile.

Avec la loi du 19 décembre 1997, le législateur avait déjà entériné la première forme de surveillance électronique : le placement sous surveillance électronique. Dans ce dispositif, le condamné, dont le consentement est requis pour l'application de cette peine, a l'interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge de l'application des peines en dehors des périodes fixées par celui-ci.

Une telle idée n'est ni de droite ni de gauche, même si elle a été avancée pour la première fois dans le rapport Bonnemaison, publié en 1989, et officialisée sous un gouvernement socialiste. Il s'agit simplement de la mise en oeuvre d'une modalité technique dans le domaine des sanctions.

Le projet de bracelet électronique présent dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est une forme de placement mobile, permettant de suivre le détenu où qu'il aille. Elle repose sur la technologie GPS, qui présente l'avantage de localiser à distance la personne avec précision, en tout lieu et à toute heure du jour et de la nuit.

En première lecture, nous nous étions opposés fortement à la proposition de loi, qui nous semblait nettement inconstitutionnelle. La rédaction en avait été d'ailleurs largement remaniée par le Sénat. Après quelques déclarations hasardeuses et d'incessants changements, le texte qui nous est finalement soumis est devenu un peu plus souple.

Ainsi, M. le garde des sceaux a accepté que le placement sous surveillance électronique mobile s'applique dans le cadre du suivi socio-judiciaire et a abandonné l'idée d'étendre cette mesure à certains détenus ayant effectué l'intégralité de leur peine.

Il subsiste néanmoins dans la rédaction actuelle nombre de dispositions inadmissibles.

Le Gouvernement nous présente le placement sous surveillance électronique mobile comme la solution idéale, qui aurait à la fois un effet dissuasif et préventif. Cela prête à sourire, car ce dispositif, n'ayant aucun effet préventif, ne peut être considéré comme une mesure de sûreté.

En réalité, notre collègue député Georges Fenech reconnaît lui-même dans son rapport que le PSEM est un très intéressant outil complémentaire d'enquête. Il a, de plus, l'honnêteté de constater que cette forme de placement s'assimile plus à une peine qu'à une mesure de sûreté, et il propose donc d'en limiter la durée.

De plus, nous ne connaissons pas bien le système qui nous est proposé, trop de zones d'ombre subsistent. Il serait illusoire de penser que le placement sous surveillance électronique mobile permet une surveillance permanente, le coût tant financier qu'humain en serait d'ailleurs trop élevé. Il permet juste de déclencher une alerte en temps réel en cas de violation d'une interdiction, et tout démontre que la faisabilité technique d'un tel dispositif reste une illusion.

Il apparaît, en conséquence, que le placement sous surveillance électronique mobile doit impérativement faire l'objet d'études et d'expérimentations sérieuses complémentaires avant d'être, éventuellement, généralisé.

C'est pourquoi nous demandons qu'une telle expérimentation soit accompagnée d'une évaluation sur trois ans et qu'elle fasse ensuite l'objet d'un réexamen devant le Parlement.

Enfin, nous considérons que l'instrument proposé ne peut faire l'objet d'une contrainte. Le consentement de l'intéressé doit donc être une condition de sa mise en oeuvre.

Mes chers collègues, la précipitation actuelle a quelque chose de suspect. Là encore, les promoteurs de cette réforme essaient de faire croire au dynamisme d'une certaine politique répressive, alors qu'ils négligent les précautions élémentaires en matière non seulement de liberté, mais aussi de technique pure.

Certes, le placement sous surveillance électronique mobile peut être un outil utile, mais nous devons impérativement y appliquer les limites d'usage.

Il faut aussi cesser de faire croire aux victimes que cet instrument empêchera, comme par magie, toute récidive.

De plus, nous ne pouvons pas écarter la pression psychologique qu'entraînera le PSEM et celle qu'entraîne déjà le placement sous surveillance électronique. C'est la raison pour laquelle nous devons d'abord exclure que cette mesure s'applique aux mineurs et, ensuite, veiller à ce qu'elle s'applique pour une durée maximale de deux ans.

Michel Dreyfus-Schmidt l'a dit tout à l'heure, le bracelet électronique sera toujours préférable à la prison, mais pas sans accompagnement, pas sans mesures concrètes contribuant à la réinsertion.

Mes chers collègues, il existe des solutions qui ne sont toujours pas appliquées. Il est encore possible d'améliorer largement le système actuel en appliquant déjà les lois existantes plutôt que de faire de la surenchère législative. Ainsi le suivi socio-judiciaire est-il une mesure très prometteuse, mais qui n'a pas donné toute la mesure de son efficacité car les moyens ne suivent pas.

Il faut rappeler que les textes existants, du fait du principe de non-rétroactivité en droit français, ne s'appliquent pas aux cas sordides évoqués et auxquels les auteurs du présent texte tentent de trouver une solution. C'est un principe protecteur de notre droit que jamais nous ne devons contourner.

Les professionnels du droit pénal nous demandent une pause dans les réformes qui ne cessent de se succéder. Nous devons également tenir compte des résultats des recherches dont la récidive fait l'objet depuis longtemps et qui sont effectuées en France et à l'étranger. Ce serait une bonne idée d'écouter l'avis des chercheurs lorsqu'ils affirment que, pour lutter contre la récidive, le fait de favoriser l'aménagement des peines est la seule politique pénale dont l'efficacité est reconnue.

La lutte contre la récidive doit relever avant tout d'une politique globale contre la délinquance.

Le bracelet électronique n'est pas une solution miracle. Ce n'est qu'un outil dont nous devons nous saisir, tout en encadrant juridiquement son utilisation et en écoutant les professionnels du droit. Il n'est point besoin de loi pour cela ! C'est pour toutes ces raisons que, vous n'en serez pas surpris, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

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