Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 25 octobre 2005 à 21h30
Traitement de la récidive des infractions pénales — Question préalable

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Protéger par une surveillance permanente les victimes potentielles est, selon le rapport Fenech, une illusion, à laquelle aucun pays n'a succombé, pour des raisons techniques et financières. Il y a quelque temps, en Grande-Bretagne, le meurtre d'une bijoutière par un jeune homme placé sous surveillance électronique mobile a d'ailleurs montré les limites des solutions technologiques.

Quant aux effets sur la population carcérale, ils sont contestés.

Que le placement sous surveillance électronique mobile soit une mesure de rééducation et de réinsertion, on peut en douter. On en doutera d'autant plus que cette mesure n'est pas associée à un « accompagnement social fort », pour reprendre les termes du rapport Fenech. On peut également en douter compte tenu des possibilités réelles d'accompagnement. En Floride, Etat humaniste s'il en est, chaque agent de probation chargé du suivi d'un placement sous surveillance électronique mobile s'occupe de quinze ou vingt condamnés avec lesquels il est en contact quasi quotidien et qu'il voit au moins deux fois par semaine. Vous connaissez les statistiques concernant les moyens dont on dispose en France, même si, comme M. le garde des sceaux l'a fait remarquer, ceux-ci ont été augmentés.

Le seul bénéfice, donc, à attendre du placement sous surveillance électronique mobile, c'est une amélioration du taux d'élucidation des crimes et délits. C'est loin d'être négligeable, mais on est très éloigné de l'objectif de prévention et de protection qui est à l'origine de cette proposition de loi.

A quel prix ? On est ici dans le brouillard. Les estimations de coût fournies dans le rapport Fenech varient de 1 à 18. Certains orateurs chiffrent cette mesure à plusieurs centaines de millions d'euros, si elle était généralisée. Pour ma part, je n'en sais rien.

En tout état de cause, on développe une mesure dont on ignore véritablement le coût financier et, surtout, on risque de rogner les moyens de l'accompagnement tel qu'il existe.

On nous dit qu'il faut se saisir de toutes les possibilités permettant de lutter contre la récidive. C'est tout à fait exact, à condition que la technique soit assortie des moyens financiers adéquats. Si, pour faire fonctionner ce dispositif, on ponctionne les maigres moyens affectés à l'accompagnement, l'effet sera contraire à l'objectif visé.

Selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée, « la proposition de loi est le fruit d'une réflexion approfondie, fondée sur un diagnostic solide et incontesté ». Je pense avoir montré que la réflexion était superficielle, que le diagnostic était fragile et contesté par ceux-là même qui étaient censés l'étayer.

Il convient donc de remettre l'ouvrage sur le métier, d'où cette motion tendant à opposer la question préalable.

Aux amateurs de procédures expéditives, de solutions simples et générales aux problèmes complexes, je livre en conclusion ce témoignage du juge Gilbert Thiel.

Evoquant la dernière comparution de Guy Georges devant la juridiction correctionnelle avant que celui-ci bascule dans le crime en série, le juge écrit : « Devant cette juridiction correctionnelle, Guy Georges consent à passer des aveux de manière extrêmement sommaire, en prenant grand soin de présenter l'agression dont il reconnaît désormais être l'auteur comme ayant obéi à des mobiles d'ordre exclusivement pécuniaires. Dépassant les réquisitions du parquet, le tribunal correctionnel de Paris inflige à Guy Georges une peine de trente mois d'emprisonnement ferme pour violence sous la menace d'une arme en état de récidive légale. Car Guy Georges, son casier judiciaire l'atteste, a déjà été condamné pour des agressions. Et notamment pour des agressions à caractère sexuel... La juridiction répressive décerne de surcroît à l'audience un mandat de dépôt contre le prévenu.

« Voilà de la justice rapide, qui fait face sans délai à l'événement : agression le 25 août, arrestation le 8 septembre, jugement le 9 septembre et prison le même jour. »

Rapidité de la réponse pénale, prise en compte de l'état de récidive, lourdeur des peines, mandat de dépôt à l'audience : c'est tout ce que prévoit la présente proposition de loi. Pour quel résultat ?

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