Intervention de Michel Dreyfus-Schmidt

Réunion du 25 octobre 2005 à 21h30
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 1er bis

Photo de Michel Dreyfus-SchmidtMichel Dreyfus-Schmidt :

Depuis longtemps, avant même que M. Pascal Clément ne devienne garde des sceaux, de nombreux parlementaires - dont beaucoup de nos collègues ici présents, y compris sur le banc des commissions - et de nombreuses organisations ont réclamé la mise en place d'un observatoire de la récidive des infractions pénales.

J'aimerais vous faire part d'une lettre rédigée par M. le Premier président de la Cour de cassation à l'attention de M. Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS : « J'ai pris connaissance avec grand intérêt de votre envoi du 4 août dernier me transmettant copie de la proposition faite à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de la création d'un observatoire de la récidive des infractions pénales. Votre projet présente le grand avantage de recueillir des données objectives et une réflexion informée sur un sujet qui, devenant sensible, est trop souvent exploité de manière polémique. Pour être utile, un tel instrument de connaissance et d'études devra être accompagné d'une politique de prévention de la récidive dotée des moyens appropriés pour répondre aux objectifs que se sont données les réformes pénitentiaires successives depuis 1945, dont il apprécierait périodiquement les résultats. Il va sans dire que si la Cour de cassation était consultée dans le cadre de la discussion de la loi sur la récidive des infractions pénales en cours d'élaboration, elle ne manquera pas de prendre en compte votre projet. »

Et puis, par un communiqué du 10 octobre 2005, M. le garde des sceaux a fait part de sa décision de créer une commission d'analyse et de suivi de la récidive.

A cette occasion, il a d'ailleurs indiqué que la présidence de cette commission avait été confiée - je ne sais par quelle décision ; y a-t-il eu un décret, un arrêté ?- à M Jacques-Henri Robert, professeur des universités, la commission comprenant notamment un chef de juridiction, un avocat et un médecin psychiatre.

Or, le 12 octobre, devant l'Assemblée nationale, monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé que cette commission, présidée par le directeur de l'Institut de criminologie de l'université de Paris, comprendra, non plus un chef de juridiction, mais un juge de l'application des peines, et exit l'avocat

Il faudrait savoir ! Tout à l'heure, dans la discussion générale, j'ai vu que vous tiquiez, monsieur le garde des sceaux, lorsque j'ai dit que vous n'étiez pas fixé et que vous aviez donné deux compositions différentes. J'ai vu aussi que vous recherchiez à vos côtés des précisions. Je viens de vous les donner.

Votre commission, ce n'est pas la même chose qu'un observatoire de la récidive tel que nous le proposons. Je rappelle notre proposition.

« Un observatoire de la récidive des infractions pénales est institué. Il est placé auprès du ministre de la justice.

« Il est composé de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit, d'un avocat et d'un organisme de recherche en sciences sociales.

« Avec la collaboration d'un secrétariat scientifique, il est chargé de centraliser les données juridiques, statistiques, criminologiques concernant la récidive, en France et à l'étranger, de mettre ces informations à disposition de tout intéressé et de les actualiser en permanence.

« Ces données portent sur la mesure de la récidive, l'étude des conditions du nouveau passage à l'acte, ainsi que l'étude du prononcé des mesures et sanctions pénales, des conditions juridiques et sociologiques de leur application en milieu fermé comme en milieu ouvert, et des conditions de fin de placement sous main de justice.

« Il se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à des visites et à des auditions.

« Il publie, dans un rapport annuel, une synthèse des données en sa possession, régionales, nationales et internationales, sur la récidive ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre.

« Un décret du Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

A l'Assemblée nationale, vous avez répondu que ce n'est pas la peine de dépenser de l'argent. Ce n'est pas sérieux ! Le problème de la récidive est tout de même assez grave pour qu'on lui consacre les quelques subsides nécessaires. Si votre propre commission d'analyse et de suivi ne peut rien faire, si elle ne peut ni recevoir ni visiter des gens, à quoi bon la créer ?

Voilà la raison pour laquelle nous demandons la création de cet observatoire, réclamé par de très nombreux parlementaires, par M. Hervé Morin, par d'autres, par nous-mêmes à l'Assemblée nationale et encore ici ce soir.

Nous avons formulé notre demande de création d'un tel observatoire avant que vous n'ayez cette idée baroque de créer vous-même cette commission. Vous avez tout de même reconnu, et c'est intéressant, qu'il s'agit de lutter efficacement contre ce phénomène mal connu. Cela ne vous empêche pas de décider d'ores et déjà de mesures pouvant entraîner des peines allant de deux ans de prison - comme M. Georges Fenech et nous-mêmes le proposons - à trente ans de prison, comme cela avait été retenu par l'Assemblée nationale en première lecture.

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