Intervention de Pascal Clément

Réunion du 25 octobre 2005 à 21h30
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article 2, amendement 46

Pascal Clément, garde des sceaux :

Contrairement à ce que disent les auteurs des amendements de suppression n° 44 et 90, l'article 2 est très utile pour clarifier une question complexe et, surtout, mal comprise. C'est d'ailleurs pour cette raison que, dans le rapport d'information déposé en juillet 2004 par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, il avait été proposé que le code pénal traite expressément la réitération. Les auteurs de ce rapport avaient constaté qu'il n'était pas satisfaisant que cette notion importante de notre droit, intermédiaire entre celle du concours d'infractions et celle de la récidive d'infractions, ne fût pas, à la différence des deux autres, définie par le législateur.

Les débats que cette disposition a suscités sont la démonstration de la nécessité qu'il y a à légiférer sur le sujet, surtout s'il s'agit de légiférer à droit constant.

S'agissant des amendements identiques n° 1 et 45, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Je reconnais que le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 132-16-7 du code pénal n'est pas indispensable, car il affirme plus un principe général qu'une règle de droit précise. Ce qui compte, c'est la définition de la réitération, à savoir le premier alinéa, et les précisions sur le cumul des peines et l'impossibilité de confusion, c'est-à-dire le troisième alinéa.

Par ailleurs, si les dispositions du deuxième alinéa, selon lesquelles, pour fixer la peine, le juge prend en considération l'existence de la précédente condamnation du prévenu sont justifiées sur le fond et - je le précise pour les orateurs socialistes - évidentes, elles figurent également dans la nouvelle rédaction de l'article 132-24 du code pénal sur l'individualisation de la peine que l'article 2 bis de la proposition de loi prévoit de compléter à cette fin.

En ce qui concerne l'amendement n° 46, le Gouvernement émet un avis défavorable pour deux raisons. D'une part, parce qu'il est favorable à l'amendement de réécriture de la commission des lois. D'autre part, parce que les auteurs de l'amendement n'ont pas compris le texte, qui ne change rien au droit actuel. Il ne prévoit nullement le cumul des peines prononcées pour plusieurs infractions commises en réitération et générerait ni inégalité ni répression excessive.

Je prendrai un exemple : une personne commet des violences et est condamnée à deux ans de prison.

Après cette condamnation définitive - mais non encore mise à exécution -, elle commet : un vol pour lequel elle est condamnée à trois ans d'emprisonnement ; une escroquerie pour laquelle elle est condamnée, par un autre tribunal, à quatre ans d'emprisonnement.

Par rapport aux violences, le vol et l'escroquerie sont commis en réitération, car ils ont eu lieu après la condamnation définitive pour violences.

Mais le vol et l'escroquerie sont, entre eux, des délits en concours - il n'y a pas eu de condamnation définitive -, car l'escroquerie a été commise avant que la condamnation pour vol ne soit définitive.

Les peines du vol - trois ans - et de l'escroquerie - quatre ans - ne pourront donc dépasser le maximum de la peine la plus sévère qui est encourue, c'est-à-dire cinq ans pour l'escroquerie : elles vont donc se cumuler jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, et non sept ans. Et le condamné pourra demander leur confusion, notamment au second tribunal, à hauteur, par exemple, de quatre ans d'emprisonnement. C'est l'article 132-4 du code pénal qui prévoit ces deux règles - cumul limité au maximum légal et possibilité de confusion - pour les délits en concours.

Mais la peine de quatre ans résultant de la confusion va se cumuler avec celle de trois ans pour les violences, soit sept ans en tout. Et la personne ne pourra pas demander de confusion entre ces quatre et trois ans, pour ramener les sept ans à six ou cinq ans par exemple. En effet, l'article 132-4 du code pénal n'est pas applicable.

Le nouvel article 132-16-7 ne fait que rappeler clairement ces règles. §

Autrement dit, il n'y a réitération que s'il y a condamnation définitive entre deux actes délictueux ; sinon, il y a confusion. Voilà le résumé le plus clair possible de l'état du droit. A vouloir être plus précis, on risque de lasser la Haute Assemblée.

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