Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 25 octobre 2005 à 21h30
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article 4 quater, amendements 93 94 4

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Je défendrai en même temps les amendements n °s 93 et 94 qui portent respectivement sur les articles 4 quater et 4 quinquies, tous deux étant destinés à encadrer très étroitement les conditions de mise en oeuvre des suspensions de peine pour raison médicale.

Ces amendements introduits par l'Assemblée nationale en deuxième lecture restreignent considérablement le droit, prévu par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, d'obtenir une suspension de peine pour raison médicale, ce que nous ne pouvons accepter.

Comme le rappelle à juste titre le pôle Suspension de peine constitué d'associations et d'organisations diverses qui luttent, depuis l'adoption de la loi Kouchner du 4 mars 2002, pour que les droits des détenus gravement malades soient respectés, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les libérations accordées dans le cadre de l'article 720-1-1 l'ont été au compte-gouttes et non automatiquement, comme l'a pourtant affirmé Gérard Léonard, le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.

Je citerai quelques chiffres.

Selon l'administration pénitentiaire, au second trimestre de l'année 2005, 191 détenus ont bénéficié d'une suspension de peine pour raisons médicales. Or, par comparaison, ce sont chaque année 120 personnes qui décèdent pour ces mêmes raisons.

Nous ne sommes donc pas confrontés à un afflux massif de détenus libérés pour des raisons médicales.

Les conditions de détention sont déplorables - l'Observatoire international des prisons vient d'ailleurs de le constater une nouvelle fois dans son rapport du 20 octobre dernier - et, de ce fait, complètement inadaptées à la détention de personnes en fin de vie.

Pourtant, vous prévoyez de maintenir ces personnes en détention en restreignant les conditions de leur libération. Désormais, une suspension de peine peut être accordée « hors les cas où cette suspension est susceptible de provoquer un trouble exceptionnel à l'ordre public ou s'il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné ».

Jusqu'à présent, pour accorder une suspension de peine, le juge de l'application des peines se fondait sur deux expertises médicales. Avec cet article, il devra prendre sa décision en prenant en compte le passé pénal du détenu, reléguant au second plan les expertises scientifiques et médicales.

Par ailleurs, l'article 4 quinquies, qui prévoit la mise en place d'une expertise médicale tous les six mois pour tous les bénéficiaires d'une suspension de peine condamnés à une peine criminelle, risque d'avoir des effets pervers.

Des personnes malades pourront interrompre tout traitement à l'approche de l'expertise semestrielle afin de pouvoir continuer à bénéficier de leur suspension de peine.

L'article 720-1-1 du code de procédure pénale n'a pas eu pour effet de libérer des centaines de détenus. Il a eu simplement le mérite d'introduire un peu d'humanité dans le monde carcéral. Il correspond au principe de respect de la dignité humaine. C'est pourquoi nous demandons la suppression des articles 4 quater et 4 quinquies, qui remettent en cause des dispositions fondées sur la générosité et l'humanisme.

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