Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 27 mai 2009 à 14h30
Débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes — Point de vue des groupes politiques

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le malaise des jeunes n’est pas l’apanage de notre époque.

Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles, le 6 mai dernier, Luc Ferry avait sans doute raison d’introduire son propos en faisant observer que la situation générale des jeunes pouvait paraître meilleure que celle des générations précédentes, confrontées au pire des maux : la guerre.

Au moment où nous débattons de ce sujet, j’ai également à l’esprit la célèbre formule de Paul Nizan, qui fut tué durant les combats de 1940 : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » C’est par ces mots que s’ouvre Aden Arabie, livre paru en 1932.

Pour autant, pouvons-nous considérer que la situation des jeunes de notre époque est satisfaisante ? Si nous les questionnons, nous apprenons qu’ils ont peur pour leur avenir, qu’ils sont inquiets et qu’ils rencontrent des difficultés pour entrer dans la vie active.

Notre propre génération a sans doute eu plus de chance. En effet, la guerre d’Algérie était derrière nous et la France connaissait un important développement économique. Notre seul problème était de réussir nos études : nous ne connaissions pas l’angoisse du chômage, sachant qu’une bonne formation permettait à coup sûr d’avoir un emploi intéressant.

Nous qui avons eu cette chance, nous avons le devoir de faire le maximum pour les jeunes d’aujourd’hui. Ces derniers doivent avoir confiance en l’avenir, ce qui n’est malheureusement pas le cas à l’heure actuelle.

Nous nous glorifions souvent de notre titre de champion d’Europe de la natalité. Certes, nous avons des jeunes en nombre, mais nous ne leur permettons pas d’entrer dans la vie active avec confiance. Si nous ne remédions pas à une telle situation, nous aurons été injustes à leur égard et n’aurons pas rendu service à notre pays.

En tant que président de la commission des affaires culturelles du Sénat, je suis particulièrement sensible à ce problème. C’est pourquoi j’ai tenu à en traiter à plusieurs reprises, notamment en commettant, avec d’autres collègues, deux rapports d’information, l’un portant sur ce « délit d’initié » que constitue parfois l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, l’autre sur le baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel. Nous avions en particulier montré que la réussite à cet examen suscite des frustrations à la hauteur des espoirs qu’il peut faire naître, notamment chez tous ceux dont les parents ne sont pas eux-mêmes bacheliers, car il ne leur permet finalement pas toujours d’obtenir dans la société la place qu’il est censé leur garantir.

Cela dit, je me félicite des avancées récentes en matière de décloisonnement de l’orientation et de l’action interministérielle. Le délégué interministériel à l’orientation nous a présenté la très récente instruction interministérielle du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire. Si les mesures en question vont dans le bon sens, encore faudra-t-il s’assurer qu’elles seront bien appliquées sur le terrain...

Le 24 avril dernier, alors que nous travaillions, au sein de la mission commune d’information, sur ces questions, le Président de la République a annoncé un important plan de soutien à l’emploi des jeunes ; nous nous en réjouissons.

Mes chers collègues, vous savez l’importance qui s’attache aux filières professionnelles et aux formations en alternance. Voilà vingt-neuf ans, alors que j’étais secrétaire d’État chargé de la formation professionnelle, au cours des débats parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la première loi sur l’alternance, à savoir la loi du 12 juillet 1980 relative aux formations professionnelles alternées, j’avais dressé – qu’on me pardonne de me citer moi-même ! – le constat suivant : « Sur les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, 200 000 ont une formation générale relativement faible et sont dépourvus de qualification professionnelle. » Je soulignais alors « l’impression de tourner en rond pour qui ne peut trouver un emploi faute d’expérience, et qui ne peut en acquérir puisqu’il n’a pas encore pu travailler ».

Mes chers collègues, si je n’avais pas indiqué l’époque à laquelle ces propos ont été tenus, je me demande si vous n’auriez pas eu l’impression qu’ils décrivaient la situation actuelle ! Pourtant, de nombreuses décisions sont intervenues depuis lors, et les moyens ont été substantiellement renforcés.

La loi du 12 juillet 1980 visait à systématiser le recours à la pédagogie nouvelle que constituait l’alternance, destinée à permettre aux jeunes d’acquérir à la fois une qualification et une expérience. Considérée comme une mauvaise loi, elle a été abrogée en 1981, mais fort heureusement reprise à partir de 1983. Aujourd’hui, nous pouvons en faire le constat : sur toutes nos travées, nous avons fait quelques progrès !

Actuellement, à l’issue de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire en fin de troisième, près de 40 % des élèves – cette part est stable depuis dix ans – s’engagent dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire soit sous contrat d’apprentissage. Il convient de rattacher à ces deux filières d’alternance les contrats de professionnalisation, ouverts à tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans ainsi qu’aux demandeurs d’emplois âgés de vingt-six ans qui relèvent de la formation professionnelle.

La mission a formulé d’importantes propositions en faveur des jeunes apprentis, en vue notamment d’aligner leur statut sur celui des étudiants. Nous souhaitons aussi que des aides au logement et à la mobilité géographique permettent aux jeunes qui le désirent de s’engager dans cette voie sans être freinés par des obstacles matériels et financiers.

Les jeunes qui ont bénéficié d’une formation en alternance obtiennent, je le rappelle, d’excellents résultats en termes d’insertion professionnelle – et c’est bien cela qui compte ! – puisque 80 % d’entre eux trouvent un emploi durable en moins d’un an. Selon moi, il convient donc, tout particulièrement en cette période de crise, de poursuivre nos efforts dans ce domaine.

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