Séance en hémicycle du 27 mai 2009 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • d’information
  • haut-commissaire
  • jeunesse
  • logement

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

(Ordre du jour fixé par le Sénat)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle un débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme la présidente de la mission commune d’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, pourquoi une mission d’information sur la politique en faveur des jeunes ? Parce que les jeunes, ce n’est pas un concept théorique ou une catégorie statistique de l’INSEE, ce sont les 8 millions de Français qui vont prendre notre relève. Ils sont notre avenir, rien de moins ! Or la situation des 16-25 ans en France est loin d’être brillante ; elle s’aggrave, et il y a urgence !

La plupart des indicateurs de notre jeunesse sont dans le rouge : le taux de chômage dépasse les 20 % – soit plus du double du taux de chômage de l’ensemble de la population. Déjà parmi les plus élevés d’Europe, ce taux de chômage des jeunes a très fortement augmenté, avec une hausse de 34 % ces douze derniers mois. Tous contrats confondus, les perspectives d’embauches sont catastrophiques... Résultat, nous vivons dans un pays où plus d’un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Aussi, il n’est pas étonnant que, à l’échelle des pays riches, seule la jeunesse japonaise soit plus déprimée que la nôtre !

Pour la première fois en France, la jeune génération pense que son avenir sera plus difficile et plus sombre que celui de ses parents. Quand la sinistrose atteint ceux qui sont précisément censés rêver à des lendemains qui chantent, il n’est plus temps de s’inquiéter ; il faut agir.

Bien sûr, cette mission s’imposait, parce que, dans le contexte de crise économique majeure qui est le nôtre, la situation va empirer. D’ailleurs, tous les analystes s’accordent à dire que, malheureusement, pour les jeunes, le fond n’a pas encore été atteint.

La dimension conjoncturelle n’est pas seule en cause. Depuis trente ans, le taux de chômage des jeunes en France est supérieur à 18 %. Depuis trente ans, la situation se dégrade, plus ou moins lentement. Depuis trente ans, nous avons tenté de trouver des remèdes, mais nous avons aussi développé des problèmes structurels dans l’accompagnement, la réalisation, l’épanouissement de nos jeunes... Quand on en arrive à ce qu’une frange non négligeable de notre jeunesse doive choisir entre se loger et se nourrir, admettons-le, c’est bien que, depuis trente ans, en matière de politique des jeunes, nous nous sommes tous rendus coupables d’une certaine incompétence.

Cette mission avait donc pour double objectif de faire des propositions – je laisserai M. le rapporteur vous les exposer –, mais également de comprendre comment nous en sommes arrivés là en identifiant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Monsieur le haut-commissaire, vous en conviendrez certainement, à cette fin, une commission et une mission lancées en parallèles ne sont pas de trop.

Avant que je n’aborde les principaux constats auxquels nous sommes parvenus, permettez-moi de vous dire quelques mots de la façon dont nous avons travaillé.

Dans un délai délibérément condensé en à peine deux mois, la mission a mené un peu plus de quatre-vingts auditions et tables rondes rencontrant, entre autres, des sociologues, des chercheurs, des représentants des employeurs, des représentants des salariés, des syndicats d’étudiants, des jeunes militants politiques, des éducateurs, des travailleurs de terrain, des jeunes réalisant un service civique, et même des ministres et un haut-commissaire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Autant que la quantité de ces auditions et la qualité des intervenants véritablement impliqués dans leurs actions, ce qui a fait, à mes yeux au moins, l’intérêt du travail de cette mission, c’est bien l’esprit d’ouverture dont tous les membres ont su faire preuve.

Je ne vous dirai pas que nous sommes venus sans a priori – nous en avons tous –, mais il me semble que les membres de cette mission ont su les dépasser au gré des nécessités, afin de comprendre en profondeur les défaillances de notre système.

La mission a également effectué deux déplacements en province, le premier en milieu rural, à Bayeux, le second, en milieu urbain et en « banlieue », à Lyon et à Saint-Fons. S’il y a des problématiques transversales, les difficultés qu’affrontent nos jeunes ne sont pas les mêmes pour celui qui vit dans une tour, proche d’un centre d’activités, ou dans un secteur géographique plus dépeuplé.

Dès le début, malgré leur ampleur et leur complexité, nous avons choisi de traiter les thèmes qui nous semblaient centraux – formation, orientation, emploi et accès à l’emploi, ressources et autonomie financière, logement, santé, citoyenneté... – et, même si certains thèmes se sont peu à peu imposés, nous avons tenté de nous y tenir jusqu’au bout, sans très bien y parvenir. Les questions relatives à l’accès à la culture, au sport, et même à la santé, auraient mérité que nous nous y intéressions d’avantage, ce que nous n’avons pu faire, faute de temps. Il en est de même pour la difficile question de l’autonomie financière.

Aussi, les membres de la mission ont convenu de se réunir dans les semaines à venir pour aboutir à la fin du mois de juin au second tome de notre rapport, comprenant les auditions que nous avons réalisées, les débats de ce jour. Ce second tome s’intéressera également aux propositions du Livre vert de la « commission Hirsch ».

J’en viens maintenant au cœur de ce qui nous occupe aujourd’hui, à savoir les principaux constats auxquels est parvenue la mission.

L’amélioration de l’orientation est une priorité. Les membres de la mission sont unanimes sur ce point, d’autant que c’est une des premières préoccupations exprimées par les jeunes. En effet, la quasi-totalité des personnes auditionnées a dénoncé l’illisibilité des structures d’orientation et la persistance d’un paradoxe français entre la coexistence des 8 500 points d’information recensés sur le territoire, qui manifestent l’ampleur des moyens consacrés à l’orientation, et la permanence d’un sentiment général de déficit de « signalisation » des parcours de formation ou d’insertion professionnelle.

Parce que c’est là un élément déterminant, nous nous sommes demandé pourquoi l’orientation était trop souvent vécue, en France, comme un traumatisme. Contrairement à ce qui se passe dans les pays scandinaves, notre système exerce une très forte « pression » sur les jeunes ; il ne leur reconnaît pas suffisamment le droit au positionnement progressif des trajectoires.

Dans l’enseignement scolaire, l’orientation apparaît, dès le plus jeune âge, comme une cascade d’exclusions successives fondées sur des critères contestables. On a trop tendance à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits, ce qui mine peu à peu l’estime de soi de nombreux jeunes, leur fait porter un regard négatif sur eux-mêmes, les conduit au découragement

Il faut noter encore la persistance des déterminismes sociaux, puisque l’origine sociale et les diplômes des parents continuent de peser lourdement sur l’orientation des jeunes.

En outre, de fortes disparités territoriales, une rigidité de l’offre de formation professionnelle, une orientation des élèves de la filière professionnelle largement irréversible à défaut de réelles passerelles, minent notre système.

En résumé, notre schéma d’orientation fonctionne mal et, pire, il ne laisse aucune possibilité de seconde chance. Dans la mesure où 20 % des jeunes, soit environ 150 000 personnes, sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, nous pouvons dire – et je cite le rapport de la mission – que « notre modèle méritocratique républicain marque le pas ». Nous nous prononçons clairement pour la création d’un service public de l’orientation avec l’embauche de personnels dédiés.

Par ailleurs, la nécessité d’accentuer le rapprochement entre l’école et le monde du travail a fait l’objet du plus grand consensus au sein de notre mission.

Les possibilités de stages demeurent aujourd’hui limitées, et tant qu’elles ne seront pas organisées par les établissements sur le principe de « bourses aux stages », elles continueront de reproduire les inégalités sociales liées au milieu d’origine, puisque l’obtention d’un stage dépend aujourd’hui avant tout du réseau familial, quand il y en a un…

Plus profondément, toute la difficulté est d’insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable « culture du stage » ainsi que de combattre les cloisonnements qui handicapent l’insertion des jeunes.

Évidemment, nous nous sommes également penchés sur la nécessaire valorisation des filières en alternance, qu’elles soient sous statut scolaire ou sous contrat d’apprentissage. Leur « segmentation » complique l’orientation et soulève des interrogations sur la nécessité de mutualiser les moyens de formation, notamment en zone rurale.

Il est vrai que le taux d’accession à l’emploi des jeunes issus de l’alternance sous contrat est plus élevé. Mais avant de miser sur le « tout apprentissage », comme souhaite le faire le Président de la République, il serait bon de se demander, surtout en ce moment, quelle sera la capacité d’accueil des entreprises françaises ? Comment renforcer l’attractivité des lycées professionnels ? Ou encore, comment décloisonner les différentes voies de formation par alternance ?

J’en viens au volet relatif à l’emploi des jeunes.

Dans ce domaine, je l’ai dit au début de mon intervention, le constat est alarmant : à la fin de l’année 2008, plus d’un jeune sur cinq était au chômage et l’augmentation constatée était de 34 % sur un an, notamment parce qu’un grand nombre de contrats précaires n’ont pas été renouvelés. La France est mal placée dans ce domaine car le taux de chômage des jeunes est supérieur de sept points à la moyenne de l’OCDE. Les jeunes de banlieue sont confrontés à des problèmes encore plus graves : dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c’est-à-dire les banlieues, le taux de chômage est d’environ 40 %.

Pour sortir du chômage, les jeunes sont souvent contraints d’accepter des emplois précaires. La proportion de contrats d’intérim ou de contrats à durée déterminée chez les 16-25 ans est ainsi deux fois supérieure à la moyenne nationale. Un grand nombre de jeunes alternent contrats courts, stages, périodes de chômage et retours en formation avant de se stabiliser. Il s’écoule donc en moyenne six à sept ans entre le moment où un jeune achève ses études et celui où il décroche un contrat à durée indéterminée. Six ou sept ans, c’est un long parcours du combattant, inacceptable pour nous.

Les raisons de ce constat sont sans doute multiples. La mission en a fait émerger plusieurs parmi lesquelles le concept de « culture d’entreprise ».

Il n’est pas normal que ceux qui s’occupent d’éducation, de formation et d’orientation n’aient aucune notion de la « culture d’entreprise ». Ces deux mondes doivent apprendre à se rencontrer et à échanger.

Il n’est pas normal que les entreprises soient, elles aussi, atteintes de la « diplômite » aiguë, ne valorisant que le diplôme ou le parcours de formation sans faute, au détriment du savoir-faire, du savoir-être et du parcours personnel du candidat, valorisé au contraire de façon intéressante dans les pays du nord de l’Europe.

Il n’est pas non plus normal que nombre d’entreprises s’autorisent à proposer à un jeune diplômé un stage plutôt qu’un contrat de travail. Nous évoquons là un changement de paradigme qui amènerait nos entreprises à se sentir concernées par l’entrée des jeunes dans la vie professionnelle.

Nous nous sommes aussi préoccupés des ressources financières des jeunes et de la question plus générale de leur autonomie.

Plusieurs sociologues auditionnés par la mission ont souligné le décalage croissant entre une aspiration à l’indépendance personnelle plus précoce des jeunes et une autonomie financière rendue plus tardive par l’allongement de la durée des études et la précarisation des emplois.

À défaut de consensus tant sur le concept d’autonomie même que sur les moyens d’y arriver, les aides publiques aux jeunes sont toutefois plus que jamais nécessaires pour remédier à l’inégalité des chances et pour les aider à s’insérer dans une société où les nouveaux entrants sont structurellement désavantagés, notamment en raison des caractéristiques du marché du travail ou du marché du logement. En d’autres termes, les jeunes sont victimes d’inégalités criantes et ils ont besoin d’une solidarité intergénérationnelle organisée et mutualisée.

Pour répondre aux difficultés des jeunes, des dispositifs différenciés ont été mis en place selon qu’ils poursuivent ou non un cursus de formation.

Pour les étudiants, si des bourses sont versées à environ 525 000 d’entre eux, leurs montants limités ne suffisent pas à répondre à la problématique de l’autonomie.

Pour les jeunes inactifs non étudiants, la situation est encore pire puisque les seules aides existantes consistent en l’addition de dispositifs ponctuels et peu diffusés tels le contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, 366 euros par an en moyenne, ou le contrat d’autonomie, 300 euros pendant six mois. Pourquoi un tel vide ? La France est l’un des trois seuls pays de l’OCDE qui exclut les moins de 25 ans des minima sociaux. C’est bien une dimension centrale des politiques en faveur des jeunes qu’il faudra envisager de front à court terme.

Il me semble important de rappeler ici que le préambule de la Constitution prévoit le droit pour chacun à des moyens convenables d’existence. Il faudra bien avancer sur cette difficile question de l’autonomie financière des jeunes. La mission entend donc poursuivre ses travaux sur ce point pendant le mois de juin.

L’accès au logement constitue également un élément clé de l’accès à l’autonomie des jeunes. En effet, 57 % des 16-25 ans vivent encore chez leurs parents et force est de constater que l’offre de logements adaptée aux jeunes est très largement insuffisante, comme l’offre générale d’ailleurs.

Le parc du CROUS – centre régional des œuvres universitaires et scolaires – n’offre que 157 000 logements pour 2, 3 millions d’étudiants.

Les foyers de jeunes travailleurs ne disposent que de 40 000 places pour loger les quelque 600 000 jeunes en formation en alternance et près de 800 000 jeunes travailleurs en situation précaire.

Le parc social présente l’inconvénient de n’offrir que très peu de logements de petite taille, avec des délais d’attente compris entre six et vingt-quatre mois dans certaines zones tendues, peu compatibles avec la mobilité des jeunes.

Enfin, alors que 58 % des jeunes sont locataires dans le parc privé, l’accès à un logement s’apparente de nouveau à un « véritable parcours du combattant » s’ils ne bénéficient pas de l’aide de leurs parents.

Enfin, mes chers collègues, pour terminer sur une note plus personnelle, je voudrais partager avec vous deux ou trois impressions qui m’ont le plus marquée au cours de cette mission.

Que ce soit lors des auditions ou lors des déplacements sur le terrain en province, à Bayeux et à Saint-Fons, j’ai été frappée, pour tout dire impressionnée, par l’implication de nos interlocuteurs.

Les professionnels que nous avons rencontrés sont motivés, innovants, créatifs, ayant tous mené une réflexion approfondie sur leur action et conscients de l’importance des enjeux. Les jeunes que nous avons rencontrés, qu’ils soient étudiants, travailleurs ou en recherche d’emploi, malgré des parcours très différents, étaient manifestement avides d’être entendus, pressés de témoigner, et, bien souvent, si elles étaient empreintes d’une certaine désillusion, leurs analyses étaient éclairantes et étonnantes de maturité.

À Bayeux, nous avons rencontré au Pôle emploi une douzaine de jeunes regroupés pour un bilan sur leur recherche d’emploi déjà ancienne.

Pour la plupart sans qualification, avec des histoires de vie difficiles et une série d’échecs scolaires, précisément victimes de ce système d’exclusion par l’échec que j’évoquais précédemment, ces jeunes nous ont dit comment ils persévèrent, s’acharnent même, pour tenter de s’en sortir.

Nous avons tous été vraiment remués par cette rencontre. Nous avions face à nous une France qui se lève tôt pour essayer désespérément de trouver sa place dans la société.

Enfin, concernant les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système sans formation, je tiens à dire à quel point j’ai été frappée par le nombre de professionnels qui nous ont expliqué qu’avant même de penser formation ou emploi, il s’agissait de les « réparer », de les persuader qu’ils étaient capables de réussir quelque chose.

Lorsque ces propos sont tenus par des associations d’éducation populaire ou des missions locales, ce regard, cette approche sont considérés comme normaux ; mais ces mêmes propos sont tenus par le représentant de l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, un militaire de carrière, qui raconte : « Quand un jeune arrive chez nous, il nous dit “je suis une merde” et notre premier travail va consister à lui permettre de réussir enfin quelque chose. » Lorsqu’on entend cela, on se dit qu’il est grand temps d’agir.

Le rapport de la mission n’a pas été adopté par l’ensemble des membres, mais tous nous refusons qu’un jeune sorte du système scolaire sans aucune reconnaissance d’un savoir-faire ou d’un savoir-être ; nous refusons que des jeunes diplômés mettent presque dix ans à stabiliser leur vie professionnelle, donc leur vie personnelle ; nous refusons qu’un jeune ait à choisir entre se loger et manger.

C’est cette ambition qui nous a fédérés et je terminerai en disant à chaque membre de la mission, ainsi qu’aux collaborateurs qui nous ont assistés, que j’ai vécu à l’occasion de cette étude deux mois passionnants, et je ne doute pas que notre travail sera encore enrichi par les échanges que nous aurons aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l ’ Union centriste et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à me réjouir de l’organisation de ce débat en séance publique. Nos nouvelles pratiques parlementaires nous permettent ainsi de débattre tous ensemble des sujets de préoccupations qui ont inspiré les travaux de notre mission commune d’information, avant même que le rapport ne soit rendu public, ce qu’il sera demain.

Comme l’a indiqué Mme Le Texier, de nombreuses raisons justifiaient que le Sénat se penche sur la situation des jeunes. Nous avons aussi voulu contribuer, en amont, à la concertation que vous avez engagée, monsieur le haut- commissaire.

Enfin, nous jugeons indispensable que le regard de la société sur la jeunesse change car elle pâtit de l’image négative souvent véhiculée par les médias, notamment à travers la mise en avant d’épiphénomènes de violence qui ne concernent qu’une infime minorité. Cela ne doit pas faire oublier le message transmis par les représentants des radios très écoutées par les jeunes entendus par la mission.

Aux questions : « Quels sont les attentes et les besoins des jeunes d’après vous et comment les pouvoirs publics pourraient-ils s’adresser plus efficacement à eux ? », ils répondent que les jeunes ont besoin de sincérité, de proximité, de respect, mais aussi de repères et d’autorité leur donnant un cadre. Ils ont une forte envie d’explications les aidant à comprendre le monde dans lequel ils évoluent et celui qui les attend. Ils ont envie de dialoguer, mais il faut absolument éviter l’écueil du jeunisme !

C’est avec cette envie d’aider notre société à retisser les fils intergénérationnels, d’écouter, de dialoguer avec les jeunes et de fixer de nouveaux cadres pour une société plus positive et accueillante à leur égard que notre mission a conduit ses travaux.

Quelles sont nos propositions ? Sans être exhaustif, j’en évoquerai les principales.

Tout d’abord, pour renforcer l’efficacité de l’orientation, la mission préconise un ensemble cohérent de recommandations.

S’agissant des structures, et dans le prolongement de la création de la Délégation interministérielle à l’orientation, nous estimons souhaitable de créer un véritable service public de l’orientation et de généraliser les plateformes multiservices d’information régionales exerçant une fonction d’aiguillage vers les dispositifs existants.

En ce qui concerne la méthode, nous proposons de développer les démarches volontaristes de soutien à l’orientation et d’accompagnement des jeunes les plus en difficulté, y compris en les contactant à leur domicile, comme le font, par exemple, les Danois.

S’agissant des personnels, la mission estime qu’il convient de fonder la formation et le recrutement des conseillers d’orientation sur la connaissance concrète du monde du travail et d’organiser un recrutement au « tour extérieur » de nouveaux conseillers d’orientation ouvert à d’anciens professeurs ou à des personnes issues du monde de l’entreprise.

Enfin, mieux informer et sensibiliser les jeunes à l’égard des métiers en tension qui connaissent des difficultés de recrutement nous apparaît comme une mesure de bon sens.

En matière d’orientation, tout se joue en réalité dès le primaire. Même si notre mission ne devait pas évoquer les problèmes de l’enseignement, nous avons estimé nécessaire de faire un point sur ce sujet particulier et nous avons jugé essentiel de combattre les « décrochages » scolaires dès le plus jeune âge, notamment en dédoublant les cours d’apprentissage de la lecture en cours préparatoire.

De façon plus globale, on ne pourra réduire le traumatisme de l’orientation qu’en s’attaquant aux principaux défauts de notre « modèle méritocratique républicain », dont la rigidité explique le malaise de bien des jeunes.

Nous soulignons l’importance qui s’attache, tout d’abord, à reconnaître aux jeunes le droit à la différenciation des parcours, en développant les passerelles entre les différentes voies de formation, pour faciliter les réorientations et les reprises d’études.

Dans la même logique, nous recommandons de « semestrialiser » ou de « trimestrialiser » la durée des formations en lycée professionnel.

Il est en même temps essentiel de garantir à chaque jeune, en particulier à celui qui s’engage dans une formation professionnelle courte, une possibilité ultérieure de reprise d’études.

Enfin, pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme et en finir avec la logique actuelle du « tout ou rien », la mission appelle très solennellement à évaluer et à identifier les compétences ainsi que les acquis scolaires de tous les élèves et à leur délivrer une certification ou une attestation. Il faut valoriser non seulement les savoirs, mais aussi les savoir-faire et les savoir-être.

Le rapprochement du monde éducatif et du monde professionnel est une sorte de « serpent de mer » : au fil du temps, nous sommes passés de l’incantation à l’affichage de principes ; pour parfaire leur mise en œuvre, la mission propose plusieurs mesures concrètes.

Pour rendre les stages des jeunes plus accessibles et plus formateurs, nous souhaitons que les établissements d’enseignement scolaire et universitaire organisent des « bourses de stages », afin de favoriser l’égalité des chances et, pour ce faire, d’intensifier les partenariats avec les employeurs et le service public de l’emploi.

Nous préconisons de labelliser et de valoriser les entreprises et les collectivités publiques qui se mobilisent pour accueillir des stagiaires et proposent un accompagnement de qualité. Nous proposons aussi d’insuffler la « culture du stage » au sein des entreprises, dans l’intérêt bien compris de développement du vivier de recrutement de leur entreprise.

La mission commune d’information recommande aussi de rendre obligatoires, pour l’ensemble des enseignants et des personnels d’orientation, des stages d’immersion en entreprise, dans le secteur public ou dans l’enseignement professionnel, et d’encourager l’intégration des professionnels de terrain dans l’enseignement secondaire, en tant que conférenciers, référents, représentants au sein du conseil d’administration ou formateurs.

Constatant que le développement de la formation en alternance est l’un des moyens les plus efficaces pour favoriser l’accès des jeunes à l’emploi, la mission commune d’information estime nécessaire d’encourager l’entreprise à devenir plus « formatrice » sans, pour autant, se limiter à s’acquitter de prélèvements destinés à financer des organismes de formation.

Souscrivant ainsi au principe qui a guidé l’annonce, par le Président de la République, d’un plan de soutien à l’alternance sous contrat, chiffré à 1, 3 milliard d’euros, la mission commune d’information a identifié, sur le terrain, quelques mesures complémentaires utiles.

Elle appelle ainsi à veiller à ce que les incitations à la signature de nouveaux contrats de professionnalisation puissent bénéficier aux jeunes non diplômés. Elle demande également de sécuriser le financement des centres de formation d’apprentis, les CFA, en simplifiant et en recentrant sur sa fonction essentielle le système d’affectation de la taxe d’apprentissage. Par ailleurs, elle estime légitime d’améliorer le statut des apprentis en alignant les avantages conférés par la carte d’apprenti sur ceux de la carte d’étudiant ou en fusionnant les deux documents.

Au-delà de ces mesures de soutien conjoncturel, la mission commune d’information préconise de poursuivre deux combats difficiles, mais exaltants.

Tout d’abord, nous proposons la constitution de pôles d’excellence à partir de certaines formations professionnelles existantes et la création de grandes écoles professionnelles accessibles aux bacheliers professionnels ou technologiques, afin de renforcer l’image et l’attractivité de cette filière.

Plus fondamentalement, la mission commune d’information milite pour le décloisonnement des voies d’alternance et la mutualisation de leurs moyens pédagogiques et financiers.

Dans cette logique, elle recommande la constitution de campus de formation intégrant l’hébergement des jeunes et remplissant une fonction de « brassage social » susceptible d’abolir les frontières entre le monde scolaire ou universitaire et le monde du travail.

La mission commune d’information préconise de porter le nombre des écoles de la deuxième chance à une centaine, avec au moins un site-école par département, et de mettre en place un internat dans les départements ruraux ou les plus défavorisés.

En outre, nous proposons d’explorer plusieurs pistes pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes.

Tout d’abord, le service public de l’emploi doit accompagner les jeunes. Il nous paraît essentiel de renforcer sa coordination avec l’éducation nationale, afin que les jeunes qui quittent le système scolaire sans formation bénéficient, dans les meilleurs délais, d’un suivi assuré notamment par les missions locales.

Les missions locales jouent un rôle irremplaçable au service des jeunes, et nous proposons de les renforcer, notamment en rapprochant leur réseau de celui des points d’information jeunesse.

Le travail des missions locales doit bien sûr être évalué, car les résultats sont inévitablement contrastés dans un réseau qui compte près de 500 structures. Selon nous, cette évaluation doit être fondée sur les résultats obtenus en matière d’insertion professionnelle des jeunes plutôt que sur une approche quantitative conduisant à dénombrer le nombre d’entretiens ayant eu lieu au cours d’une année.

Le travail des missions locales doit être complété par celui des autres opérateurs, Pôle emploi bien sûr, mais aussi les associations spécialisées et les opérateurs privés, qui ont été récemment mis à contribution pour lancer le contrat d’autonomie.

Les expériences de mise en relation directe des employeurs et des demandeurs d’emploi devraient être multipliées dans la mesure où elles permettent souvent de lever les préjugés qui peuvent exister de part et d’autre.

Nos déplacements sur le terrain nous ont également permis de mesurer à quel point les problèmes de mobilité peuvent faire obstacle à l’insertion professionnelle de nombreux demandeurs d’emploi. Les actions menées en ce domaine doivent donc être encore amplifiées, notamment pour faciliter l’accès au permis de conduire des jeunes les plus en difficulté.

Ensuite, il convient de généraliser la pratique des stages dans toutes les filières de formation tant pour les élèves du secondaire qui en ont besoin pour affiner leurs choix d’orientation qu’au niveau de la licence, afin que chaque étudiant ait un minimum d’expérience professionnelle au moment de l’obtention de son diplôme.

Parallèlement, nous proposons de compléter la réglementation applicable pour lutter contre la pratique des stages hors cursus, qui conduit des jeunes à s’inscrire fictivement à l’université pour obtenir une convention de stage. De plus, il est indispensable que les établissements d’enseignement s’investissent davantage dans la recherche et l’organisation de l’offre de stages.

Pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, des dispositifs spécifiques doivent être mobilisés. Il faut faire preuve de pragmatisme en la matière et recourir à tous les outils disponibles, y compris les contrats aidés dans le secteur non marchand. Mon expérience d’élu local, que partagent d’ailleurs nombre de participants à cette mission, m’a convaincu qu’il est possible d’accueillir un jeune dans une collectivité territoriale, de le former et de le réinsérer ensuite dans le secteur privé où il pourra valoriser ses compétences acquises.

De ce point de vue, la proposition du Président de la République de financer, cette année, 30 000 contrats aidés supplémentaires dans le secteur non marchand et 50 000 autres dans le secteur marchand, en privilégiant les secteurs porteurs, nous paraît aller dans le bon sens. Je rappelle que ces contrats s’ajoutent aux 300 000 contrats déjà prévus dans le budget de 2009. Ils devraient permettre d’atténuer l’effet de la crise sur l’insertion professionnelle des jeunes qui sortiront du système scolaire en cours d’année.

La mission commune d’information estime que les nombreux dispositifs d’aides aux jeunes mis en place et réformés au fil des années sont trop épars, et sans doute globalement insuffisants. Or l’autonomie des jeunes doit être accrue, non pas dans une logique d’assistanat, mais dans l’objectif de garantir l’accès de tous à une formation, puis à un emploi.

Dans ce contexte, nous avons décidé de ne pas statuer sur ce sujet et nous nous donnons encore un mois pour formuler des propositions précises. Toutefois, nous n’écartons aucune piste.

Deux modèles ont notamment retenu notre attention.

Il s’agit tout d’abord des pays d’Europe du Nord, où existent des droits de tirage pour le financement des périodes de formation, financés par une combinaison de bourses et de prêts ; notre rapport présente ces dispositifs en annexe.

Ensuite, l’idée de dotations en capital pour les jeunes, évoquée notamment par M. Luc Ferry devant la mission et analysée dans un récent rapport du Centre d’analyse stratégique, est également séduisante. De tels systèmes existent, par exemple, au Royaume-Uni et au Canada.

Ces modèles ne sont évidemment pas totalement transposables, ni exempts de défauts. Leur mise en place nécessiterait des expérimentations préalables ; il nous faut donc y réfléchir pour le moyen terme.

En tout état de cause, la solution proposée sera coûteuse. C’est ainsi que je propose, à titre personnel et de manière exceptionnelle en cette période de crise, de réduire la portée du bouclier fiscal pour faire participer ses bénéficiaires à l’effort en direction de notre jeunesse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Dans l’immédiat, la mission commune d’information a souligné la nécessité de concentrer les efforts de façon ciblée, en tenant compte des besoins concrets des jeunes, afin de faciliter une insertion de ceux qui sont en plus grande difficulté.

Un suivi individualisé de chaque jeune en difficulté est nécessaire, afin d’identifier la nature de l’aide à lui apporter : aide au logement, aide à la mobilité, financement d’une formation spécifique. Des dispositifs tels que le Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, le FIPJ, ou encore l’allocation CIVIS répondent à cette problématique, mais leurs montants sont pour l’heure insuffisants. Nous proposons donc d’abonder le FIPJ à hauteur de 50 millions d’euros, afin de combler la réduction de ces crédits.

À court terme, la mission commune d’information suggère, par ailleurs, de s’orienter vers une amélioration des systèmes de bourses et de prêts de la façon suivante : en attribuant les bourses pendant dix mois plutôt que neuf ; en allouant des aides supplémentaires pour les formations dans les secteurs en tension ; en ouvrant le prêt étudiant garanti par l’État aux apprentis ; en transformant ce prêt en une avance remboursable garantie à 100 % par l’État afin de permettre à tous les jeunes étudiants et apprentis d’y accéder, à taux très réduits, avec un remboursement différé jusqu’à l’obtention d’un emploi stable et conditionnel aux revenus.

Enfin, la mission commune d’information présente plusieurs orientations de nature à favoriser la mobilité des jeunes.

Concernant le logement, il s’agit à la fois de développer l’offre de logements en direction des jeunes et de sécuriser leur parcours résidentiel.

Parmi les mesures que nous préconisons, je citerai en particulier : l’augmentation, si nécessaire, de la part des logements sociaux de petite taille, de type studio ou T1, dans les nouveaux programmes ; le développement de l’offre dans les foyers de jeunes travailleurs et les résidences hôtelières à vocation sociale, ainsi que la mise à disposition prioritaire de « logements passerelles » pour les jeunes actifs venant de décrocher un emploi.

Nous proposons également de promouvoir des formules innovantes de logement pour les jeunes, telles que la colocation, le logement intergénérationnel et les dispositifs d’intermédiation locative.

Enfin, il convient de mieux adapter les aides au logement à la situation des jeunes, en prévoyant une révision trimestrielle du montant des aides pour mieux prendre en compte l’évolution des ressources, en n’incluant pas une partie des revenus des étudiants qui travaillent pour financer leurs études, en offrant des aides journalières ou hebdomadaires et la possibilité de couvrir le coût de deux logements pour les jeunes engagés dans une formation en alternance.

Pour ce qui concerne la santé, la mission commune d’information souscrit pleinement aux orientations du plan « Santé des jeunes », lancé au mois de février 2008, et souhaite que sa mise en œuvre se poursuive. Il semble toutefois qu’un effort supplémentaire doit être consenti, d’une part, pour mieux former les médecins à la prévention des comportements à risques – addictions, dérives alimentaires, etc. – et, d’autre part, pour améliorer le recours aux soins et la couverture complémentaire santé des jeunes, en accordant aux étudiants boursiers et à tous les jeunes en situation précaire un « chèque santé » permettant de financer au moins 75 % du coût de leur complémentaire santé.

Par ailleurs, la mission commune d’information souhaite le renforcement du dispositif existant du service civil en lançant une campagne de promotion du service volontaire, en assurant une enveloppe budgétaire suffisante pour 50 000 jeunes et en inscrivant le service civil dans la validation des acquis de l’expérience.

Par ailleurs, la journée d’appel de préparation à la défense, qui a succédé au service militaire, devrait être musclée par l’introduction du bilan de santé prévu par le « Plan santé » et par un renforcement des partenariats avec les missions locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Enfin, pour améliorer l’accès des jeunes à la culture, la mission commune d’information souhaiterait que soit mise en place une maison numérique de la jeunesse et de la culture, qui serait, en fait, un site officiel de téléchargement illimité de contenus culturels libres de droits ou dont les droits seraient payés par l’État.

Le dispositif de la gratuité dans les musées pourrait être étendu de manière expérimentale aux entrées dans les théâtres nationaux.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux sujets que nous avons évoqués au cours de cette mission ; ils ne sont bien entendu pas exhaustifs. Comme l’a indiqué Mme la présidente de la mission, nous allons poursuivre nos travaux, notamment pour ce qui concerne l’autonomie des jeunes.

À ce stade de mon intervention, je tiens à remercier M. le président de la commission des affaires sociales d’avoir accepté d’interrompre l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires pour débattre de cette question importante.

Mme Gisèle Printz applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Par ailleurs, je veux rendre hommage au travail et à l’investissement de deux anciens ministres sur cette question, à savoir Gérard Larcher et Jacques Legendre, que je remercie par ailleurs pour leurs suggestions particulièrement intéressantes.

Je remercie également tous les membres de la mission. L’ambiance fut conviviale : même si nous n’étions pas forcément en accord sur toutes les questions, nous avons appris à nous connaître, et je suis persuadé que nous parviendrons, dans les semaines à venir, à trouver des solutions sur l’autonomie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Dans la suite du débat, la parole est aux orateurs des groupes.

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la mission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux dire d’emblée ma satisfaction – et celle des membres de mon groupe – d’avoir participé à la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes et rencontré, durant deux mois, des interlocuteurs très différents, mais tous concernés par la tranche d’âge des 16-25 ans, qui ont tant de difficultés à s’intégrer dans notre société, car ils peinent à s’insérer professionnellement. Ainsi, sur les 8, 18 millions de jeunes concernés, seuls 26 % pensent que « leur avenir est prometteur », contre 60 % au Danemark !

Nos débats ont été riches et diversifiés. Il nous incombe maintenant d’en tirer des conclusions et de formuler des propositions pour vous permettre, monsieur le haut-commissaire d’avancer sur cette question.

Je centrerai mon propos sur le volet « éducation et orientation » ; mon collègue Martial Bourquin interviendra tout à l’heure sur le volet « emploi et autonomie des jeunes ».

Ma première remarque sera pour regretter de ne pas avoir rencontré suffisamment d’interlocuteurs de l’éducation nationale. Même si ce sont les 16-25 ans qui sont concernés, nous nous sommes rendu compte, tout au long de cette mission, que beaucoup se joue en amont.

En caricaturant à peine, je dirais que tout se passe comme si l’éducation nationale avait peu à voir avec les difficultés de nos 16-25 ans. Pourtant, les difficultés d’une partie d’entre eux apparaissent très tôt. Ce qui se joue dès les premières années de la scolarité est très fortement déterminé par les conditions de vie de la famille.

Aujourd’hui, je le rappelle, et M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté le sait bien, près de 6, 7 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays. Cet accroissement de la pauvreté a bien sûr des conséquences sur la réussite scolaire des enfants.

M. le rapporteur rappelle d’ailleurs que, contrairement aux principes fondateurs de l’école républicaine, l’origine sociale et les diplômes des parents sont déterminants pour l’avenir de leurs enfants.

On ne peut pas se contenter de déplorer la sortie massive du système scolaire de 150 000 jeunes sans qualification chaque année, soit 20 % de la population des sortants du système éducatif, sans exiger une réelle réflexion de l’éducation nationale sur ce sujet.

En cela, notre mission a un petit goût d’inachevé. Qui plus est, comment ne pas s’interroger, comme l’a fait devant nous l’ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, M. Luc Ferry, aujourd’hui président délégué du Conseil d’analyse de la société au sein du Comité d’orientation du Centre d’analyse stratégique, sur les conséquences néfastes du non-remplacement de 30 000 enseignants qui prennent leur retraite et sur la suppression programmée des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ? Selon les propres termes de M. Luc Ferry, « la réforme du primaire est calamiteuse » !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Voilà pour les remarques générales.

Je voudrais maintenant revenir sur cinq des nombreux points qui ont été examinés, et tenter de faire quelques propositions.

Si, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, on ne peut expliquer l’échec scolaire qu’au prix d’une démarche pluridisciplinaire, la problématique de l’apprentissage de la lecture occupe une place toute particulière.

En effet, 80 % des enfants qui n’ont pas appris à lire au cours préparatoire n’apprendront jamais. Ce premier échec scolaire est dramatique pour la suite. Par conséquent, il faut changer les choses dès l’école primaire et même dès le cours préparatoire.

Monsieur le rapporteur, la mission propose un dédoublement des classes de cours préparatoire pour les modules de lecture. Selon nous, il faut aller encore plus loin. Dès cette classe, les groupes ne doivent pas être supérieurs à douze élèves pour l’apprentissage de la lecture.

Mais le nombre d’enfants n’est pas seul déterminant. La formation des professeurs des écoles est aussi indispensable. Formation initiale, bien sûr, pour laquelle nous réclamons le maintien des IUFM – c’est un point important –, mais aussi formation continue sous la responsabilité des inspecteurs de l’éducation nationale et avec le soutien de tous ceux qui sont regroupés au sein des RASED : les psychologues scolaires, les rééducateurs psychopédagogiques et les rééducateurs en psychomotricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cette obligation de l’apprentissage de la lecture ne mérite pas des réductions budgétaires, mais bien plutôt des priorités budgétaires.

Comme cela est souligné dans le rapport au sujet du déterminisme social, il y va « des principes fondateurs de l’école républicaine » !

J’en viens au deuxième point et à une deuxième proposition.

L’une des difficultés de notre système scolaire réside dans ce que je qualifierais de « tout ou rien ». En effet, avec l’obtention d’un diplôme, on a tout, mais, en cas d’échec à l’examen ou au passage dans la classe supérieure, on n’a rien ! Il faut trouver les moyens de sortir de cette dichotomie.

L’Uniopss, qui est à l’origine de contributions au débat tout à fait intéressantes sur l’emploi des jeunes, dit fort justement : « L’accès à l’emploi des jeunes passe [...] par une formation initiale achevée, ayant permis d’acquérir les savoirs de base ».

Mettons donc en place à partir du collège et tout au long de la scolarité un système semestriel, voire trimestriel, à l’issue duquel chaque élève pourra valider ses acquis scolaires, ses compétences professionnelles pour ceux qui suivent une formation professionnelle.

Le troisième point concerne la formation professionnelle initiale sous statut scolaire, qui est aujourd’hui très dévalorisée, à la fois par les acteurs économiques et les acteurs du système scolaire eux-mêmes. Elle est tellement dévalorisée que nombreux sont les élèves qui suivent cette filière par défaut !

En lien avec les conseils régionaux, en charge des lycées et de la formation professionnelle, ne pourrait-on regrouper au sein des mêmes établissements la formation professionnelle – qui permet d’acquérir un CAP, un BEP, un bac professionnel –, la formation technologique – qui prépare au bac technologique –, la formation générale – qui conduit au bac général – et – pourquoi pas ? – la formation par apprentissage ?

Les établissements ne seraient ainsi plus stigmatisés et, par voie de conséquence, les élèves de ces filières non plus. Qui plus est, cela freinerait sans doute le développement d’un « territorialisme » qui met les établissements en concurrence, favorise la désectorisation et pénalise les élèves, notamment ceux qui sont d’origine modeste.

À ce sujet, le bac professionnel en trois ans nous paraît extrêmement dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Créé pour permettre aux élèves qui ont besoin de plus de temps pour apprendre d’accéder à un niveau de formation supérieur, ce diplôme professionnel n’était jusqu’à présent accessible qu’aux élèves titulaires du BEP, voire du CAP. Alors que le Gouvernement parle de « revalorisation de l’enseignement professionnel », comment imaginer qu’un élève qui a besoin de quatre ans de formation réussira en trois ans, sans diplôme intermédiaire ? Que deviendront ceux qui ne le réussiront pas ? Disposeront-ils d’un niveau reconnu ? N’y a-t-il pas une volonté de supprimer les BEP pour ne laisser que les bacs pro en trois ans et quelques CAP ?

Gageons que la fermeture massive, partout en France, de sections de CAP et de BEP sera lourde de conséquences, y compris sur l’accroissement du nombre de jeunes qui quittent le système scolaire sans qualification. Voilà encore un bel exemple du système de « tout ou rien » que je dénonçais tout à l’heure.

J’en arrive au quatrième point. Toujours sur le plan régional, je pense qu’il faut aussi réinventer de nouvelles formes d’internats, de résidences lycéennes, pour les jeunes qui souhaitent suivre des formations qui ne sont pas dispensées à proximité du domicile de leurs parents, et ceux qui ne bénéficient pas chez eux des conditions nécessaires à leur réussite scolaire. Ce ne serait que la traduction dans les faits de l’égalité républicaine et de la justice sociale, ainsi que de l’exercice du droit d’accès à la formation souhaitée.

Enfin, le cinquième et dernier point, qui est important, concerne l’orientation. Si un thème fait l’unanimité contre lui dans tous les débats, c’est bien celui-là !

Pour résumer, on peut parler d’un « système d’orientation actuellement très défaillant ». La difficulté réside dans le flou qui définit l’orientation. Qui en porte la responsabilité ? Le chef d’établissement, le conseiller d’orientation, le jeune et ses parents, le monde économique ? L’orientation est à la fois un choix personnel, une demande, satisfaite ou non, d’affectation dans une formation, un choix de métiers... Ce n’est bien évidemment pas un processus linéaire.

Le sujet est difficile, mais essentiel. Nous proposons de créer dans les régions un service public de l’orientation, voire de l’orientation et de l’emploi, qui serait chargé d’aider les jeunes dans la connaissance de soi, la connaissance des métiers, la connaissance des formations.

Lien entre l’école et l’entreprise, il serait chargé d’organiser les stages en entreprise des élèves et des enseignants, le passage entre la sortie de la formation et l’entrée dans l’emploi, et le regroupement à l’échelle du territoire de l’ensemble des professionnels de l’orientation et de l’emploi. La formation de ces professionnels, objet de beaucoup de critiques, serait pluridisciplinaire. Elle pourrait être commune aux actuels conseillers d’orientation, aux conseillers professionnels de Pôle emploi, et aux conseillers en insertion professionnelle des missions locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Relevons le défi avec ces quelques propositions qui ont pour objectif de résoudre les difficultés auxquelles se heurtent trop souvent les jeunes dans les domaines de l’orientation, de la formation et, bien sûr, de l’emploi.

Soyons certains d’une chose : si ces réformes ont parfois un coût – et, à ce sujet, nous avons apprécié les propos de M. le rapporteur, qui a osé lever un tabou sur le bouclier fiscal ! –, elles ont avant tout pour objectif un investissement sur l’homme et son avenir, en l’occurrence sur notre jeunesse, et donc sur notre devenir collectif !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’image d’une jeunesse insouciante, pleine d’espoir et de confiance dans l’avenir est une image d’Épinal en ce début de XXIe siècle ! Les jeunes d’aujourd’hui sont pessimistes et se sentent abandonnés. Les chiffres sont accablants. Le fameux ascenseur social républicain hoquette sans arrêt.

À vrai dire, la question n’est ni récente, ni propre à la France, même si, comme nous avons pu le constater lors des travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, la situation apparaît plus inquiétante dans notre pays qu’ailleurs.

Le problème est structurel, même si, déjà fragilisée, la jeunesse prend de plein fouet les conséquences de la crise, ce qui amplifie les problèmes existants.

Depuis une trentaine d’années, des politiques ont été mises en œuvre. Devenues illisibles, elles manquent de cohérence, sont inégalement dotées et s’avèrent peu efficaces. Il était temps de saisir à bras-le-corps ce sujet ; la nomination au mois de janvier dernier d’un haut-commissaire à la jeunesse est un signe fort.

La mission a abordé de nombreuses thématiques : éducation, orientation, emploi, logement, revenus, santé, loisirs, vie associative. Le sujet de la famille mériterait d’être aussi approfondi dans les semaines à venir.

Intervenant en mon nom et en celui de mon collègue Jean-Léonce Dupont – nous représentons le groupe de l’Union centriste au sein de la mission –, je m’attacherai à développer trois points qui, selon moi, sont constitutifs de la construction et de l’épanouissement d’un jeune : l’éducation et la formation, l’insertion professionnelle et les pratiques culturelles et sportives.

En 1995, Tony blair avait défini ses priorités : éducation, éducation, éducation. Son opposant conservateur avait répliqué, non sans humour, que ses priorités étaient les mêmes, mais ... dans un ordre différent !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

L’éducation est en effet la clé de voûte. Beaucoup se joue à l’école, où se forgent les apprentissages fondamentaux. Aussi faut-il garantir à tous les enfants la poursuite d’études dans des conditions optimales, avec une attention particulière pour les acquis au cours préparatoire.

Sachant que, depuis des années, 20 % d’une classe d’âge sort du système éducatif sans diplôme ni qualification, et un taux de chômage chroniquement élevé, il faut poser les vraies questions.

Regardons les choses en face ! Malgré un budget qui a augmenté de 23 % en dix ans, les enquêtes internationales nous placent légèrement au-dessous de la moyenne, très loin derrière la Finlande, qui est en tête. La réussite des jeunes n’est donc pas, comme nous l’entendons trop souvent, uniquement une question de moyens.

Notre système éducatif, avouons-le, est souvent bridé par des conservatismes. Il faut avoir de l’aptitude scolaire une approche moins académique, plus souple, plus complète, et reconnaissant à l’élève un droit à l’erreur. La grande mission de l’école est de veiller à ce que soient acquis non seulement les savoirs définis par le socle commun des connaissances, mais également le savoir-faire – l’acquis d’une technique particulière – et le savoir-être – la relation à soi et aux autres.

À l’école, comme au sein de l’entreprise, des administrations, dans le monde du sport, des arts et de la culture, il faut promouvoir les talents, faire bénéficier la collectivité de la diversité des intelligences et des sensibilités. Mais la France souffre d’un système de hiérarchisation des formes d’intelligence qui privilégie l’intelligence abstraite.

Des jeunes de mon département, épanouis aujourd’hui dans une formation professionnelle agricole, ont tous dénoncé la pression qu’ils ont subie lors de leur orientation de la part des professeurs, qui, au vu de leurs résultats, les encourageaient à poursuivre dans la filière générale.

Les filières courtes, l’enseignement professionnel et l’apprentissage, bien que prometteurs sur le marché du travail, continuent de pâtir d’une mauvaise image. Le travail de revalorisation effectué depuis quelques années est à poursuivre absolument, tant auprès des familles que des enseignants eux-mêmes, ainsi que la réflexion sur une réforme des lycées inchangés depuis 1975.

J’en viens à une autre question, celle de l’orientation et de son organisation, que ce soit à l’école ou à l’université.

La multiplication des structures et des interlocuteurs, le manque de lisibilité, sont autant de difficultés qui font que les jeunes ont du mal à s’y retrouver. Résultat : près de 60 % d’entre eux ne terminent pas les études qu’ils ont commencées à l’université !

Et que dire de l’orientation fondée sur des stéréotypes dont les filles sont les premières victimes ? À elles les études littéraires ou paramédicales ; à eux les études scientifiques et techniques ! Le service public de l’orientation préconisé dans le rapport de mission, garant de la connaissance concrète du monde du travail, s’avère donc indispensable.

Les difficultés d’orientation sont accrues par le décalage existant entre la représentation que les jeunes se font du monde du travail et la réalité de celui-ci. Cela implique de généraliser les stages réguliers et obligatoires tout au long de la scolarité et de la formation. Car il faut savoir qu’un étudiant en sciences humaines peut passer cinq années sur les bancs de la faculté sans jamais être obligé de faire des stages !

Le rapprochement entre l’entreprise, d’une part, l’école et l’université, d’autre part, est donc indispensable. On l’a dit, ces deux univers sont trop cloisonnés, et toutes les auditions nous l’ont confirmé.

C’est donc une véritable révolution culturelle qui doit s’accomplir, tant du côté des enseignants que de celui des employeurs. En effet, ces derniers ont, eux aussi, un rôle à jouer ; cela fait partie de leur responsabilité sociale.

En matière d’éducation, on observe une méfiance générale envers toute démarche pragmatique, à laquelle on préfère trop souvent les grands principes. Mais les bons sentiments transformés en slogan – « 80% de réussite au bac » – ainsi que le rêve du collège unique ont fait, nous l’avons vu, la preuve de leur échec.

Il faut bien l’avouer, la phobie générale à l’égard de toute orientation précoce, voire de toute orientation et de toute sélection ont conduit des jeunes dans des impasses. Pourquoi laisser des dizaines de milliers d’étudiants s’engouffrer dans des filières qui ne conduisent nulle part ?

En dehors de certaines d’entre elles – médecine, droit ou encore pharmacie –, les filières universitaires longues offrent trop peu de débouchés par rapport au nombre d’étudiants. Ces derniers sont donc confrontés à une concurrence très forte. Cela veut dire, chaque année, 80 000 jeunes quittant l’université sans avoir obtenu de diplôme.

La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou loi LRU, a été une première étape dans la réforme de l’enseignement supérieur ; cette réforme, il faut la poursuivre. À cet égard, des chantiers ont été ouverts, portant notamment sur l’insertion professionnelle, les bourses et le logement étudiant.

Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne la question de l’insertion professionnelle, qui revêt une acuité particulière en ces temps de crise où le chômage des jeunes atteint des sommets.

L’insertion des jeunes dans l’emploi est devenue incertaine, lente et chaotique ; elle subit davantage les fluctuations de la conjoncture. Cela fait trente ans que la question préoccupe les gouvernements. Depuis 1977, date à laquelle, je le rappelle, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans était de 11, 3 %, contre 5, 3 % pour les autres catégories, bien des mesures incitant les entreprises à prendre des jeunes en échange d’exonérations de charges se sont succédé, sous différentes appellations. Hélas ! ces politiques n’ont pas toujours eu le succès escompté.

La difficulté à être embauché s’explique également par différentes raisons, qui parfois se cumulent : le manque de diplôme – même si les diplômes ne constituent plus un rempart contre le chômage, contrairement à ce qui se passait dans les années soixante-dix –, l’inadéquation entre la formation et le marché du travail, mais aussi le manque d’expérience. Cela confirme l’absolue nécessité des stages et des immersions régulières, qui permettent aux jeunes non seulement de mieux s’orienter, mais encore d’acquérir la fameuse première expérience.

Les mutations du marché du travail et des métiers doivent, par ailleurs, être mieux anticipées. Parfois, on ne peut être que frappé par l’inadéquation entre les offres et les demandes d’emploi.

Ceux qui, par bonheur, ont réussi à franchir le cap de l’embauche sont confrontés à une deuxième difficulté, celle des contrats précaires – CDD, intérim, temps partiel –, qui ne leur permettent pas de vivre correctement, de devenir pleinement autonomes et ainsi de pouvoir se projeter dans l’avenir.

Un certain nombre de jeunes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Le revenu de solidarité active, mis en place à partir du 1er juin, ne concerne pas les jeunes qui vivent des ruptures dans leur parcours professionnel. On peut le regretter.

Au sein de la mission commune d’information, l’idée d’instaurer une « allocation jeune » a été émise. S’il convient, selon nous, de distinguer ce qui est souhaitable de ce qui est possible, cette question de l’autonomie financière des jeunes mérite d’être approfondie.

Le troisième et dernier point que j’aborderai concerne le risque qu’il y a à voir grandir, dans la jeunesse, compte tenu des difficultés qu’elle rencontre, le repli sur soi et le sentiment d’inutilité. Plus que jamais, dans un monde où l’individualisme se développe et fragilise la cohésion sociale, la vie associative, qui ouvre aussi à la vie citoyenne, de même que les pratiques sportives et culturelles pour tous – mais en particulier pour les jeunes – doivent être facilitées.

On ne saurait trop le répéter : de l’école à l’université, dès le plus jeune âge, la pratique d’activités physiques et la sensibilisation aux arts et à la culture participent de l’équilibre et de l’épanouissement des individus.

Rendre les musées et les théâtres gratuits, comme le propose notre mission commune d’information, serait certes une mesure intéressante, mais elle suppose, pour être pleinement bénéfique, qu’en amont dans la vie des jeunes on se soit attaché, à travers des dispositifs appropriés, à les familiariser à la culture, à éveiller leur goût et leur curiosité.

Ainsi, l’effort doit porter non seulement sur l’école, mais aussi sur l’université, où, à la différence de ce que l’on constate dans d’autres pays, l’offre reste malheureusement disparate et insuffisante. À cet égard, j’ai souhaité qu’une étude sur les pratiques culturelles à l’université soit réalisée dans le cadre de notre mission commune d’information, car la culture est, comme le sport, un outil de socialisation indispensable au moment où l’on construit sa personnalité et où l’on doit s’ouvrir au monde et aux autres.

Aujourd’hui, les jeunes vivent la culture essentiellement sur le Net ; elle n’est plus forcément associée à un lieu – théâtre, musée ou cinéma – ou à des supports réels, comme les livres ou les disques. D’ici à quelques années, ces nouveaux comportements seront ceux de quasiment toute la population. Territoires réels et territoires virtuels de la culture sont désormais intrinsèquement liés. Aussi, à côté des industries culturelles, les pouvoirs publics doivent s’emparer de ces champs nouveaux, car, si la culture c’est la création, la découverte, l’innovation, c’est aussi la transmission de nos patrimoines et de nos valeurs. Or il convient d’assurer cette transmission.

On a déjà eu l’occasion de le dire lors de précédents débats : il faut veiller à ce que les nouveaux supports de diffusion de la culture disposent d’une offre riche et « multi-supports » de qualité.

Pour finir, je souhaiterais dire quelques mots sur le rôle des collectivités territoriales, que notre Haute Assemblée a notamment pour mission de représenter. Si la jeunesse doit être abordée de façon transversale au niveau de l’État, il doit en aller de même au niveau local : elle mériterait de se voir dédier une délégation à part entière dans les collectivités.

Par ailleurs, celles-ci, comme les entreprises, doivent veiller à accueillir les jeunes. Comme au niveau central, une mobilisation de tous les acteurs concernés sur nos territoires est indispensable. Or il n’existe actuellement aucune réelle coordination des politiques liées à la jeunesse. Il n’y a que des instances qui, le plus souvent, travaillent parallèlement : les services de la ville, les associations, les instances de l’éducation nationale, les parents, les entreprises, le milieu associatif. Qui, mieux que le maire, peut fédérer tous ces acteurs ? Il rencontre en effet au quotidien ses jeunes administrés.

L’objectif, quel que soit le niveau d’intervention, est d’extirper les racines de l’échec en trouvant pour chacun le parcours qui le mènera à la réussite et en l’aidant à trouver sa voie d’accès à l’autonomie.

La jeunesse constitue la force de demain. C’est donc un investissement incontournable, qui concerne, rappelons-le, 8, 2 millions de nos concitoyens dont nous avons la responsabilité. Gardons toujours à l’esprit que, selon le mot d’un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, « la jeunesse est le sourire de l’avenir ».

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, de l ’ UMP, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour le groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en participant à cette mission commune d’information, nous souhaitions favoriser l’émergence de nouvelles politiques publiques pour répondre enfin à l’ensemble des problèmes des jeunes de notre pays, dont la situation sociale n’a cessé de se dégrader depuis trente ans et qui, pour nombre d’entre eux, subissent une stigmatisation permanente.

Depuis de nombreuses années, les jeunes sont plutôt oubliés par l’action publique. Pourtant, la situation qui est faite à notre jeunesse, nous la connaissons tous !

Les problèmes qui enflamment régulièrement nos villes nous montrent la désespérance de beaucoup de jeunes. Tenter d’y remédier suppose des réformes touchant tous les compartiments de leur vie, en vue de les accompagner sur le chemin de l’autonomie. Ces réformes doivent être aussi audacieuses qu’ambitieuses : l’heure n’est plus aux petits ajustements qui, au nom du pragmatisme prévalant ces derniers temps, permettent au mieux de maintenir entre deux eaux les populations qui se noient, mais ne les autorisent jamais à rejoindre la rive d’une existence apaisée.

Aussi demandons-nous des engagements forts de la nation, inscrits dans la durée, assortis d’importants moyens et qui instituent de nouveaux droits pour tous les jeunes. C’est une vraie mobilisation qu’il faut déclarer, monsieur le haut-commissaire. La jeunesse doit devenir une cause nationale !

Voilà pourquoi je vous proposais, dès notre première rencontre, d’inscrire vos projets et les travaux de notre mission commune d’information dans la perspective d’une loi d’orientation pour un engagement national en faveur de l’autonomie des jeunes, loi que nous appelons de nos vœux. Pour l’instant, vous n’avez pas souscrit à cette demande.

Nous ne pouvons, dès lors, que regretter que notre mission commune d’information se soit bornée à n’examiner que certains aspects des problèmes posés, et seulement à partir des pistes ouvertes par vos déclarations, monsieur le haut-commissaire. En ne proposant que des adaptations aux politiques actuelles, notre mission commune d’information se contente de continuer dans des voies qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

C’est pourquoi nous considérons que, malgré la pertinence de l’approche choisie pour notre étude, fondée sur des auditions et des débats, de très nombreux aspects ne sont pas abordés dans le rapport et que de très nombreuses pistes, bien qu’elles aient été ouvertes, ont été insuffisamment explorées.

Si nous approuvons évidemment certaines des propositions, d’autres nous semblent trop timides et d’autres encore, dangereuses.

Nous regrettons, tout particulièrement, que l’ensemble des questions d’éducation ne soient pas traitées dans leur globalité, alors qu’elles sont au cœur des problèmes rencontrés.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire d’un ensemble de propositions qui ne visent qu’à rapprocher le monde de l’entreprise et celui l’enseignement. Sans nier, bien sûr, la nécessité d’une telle relation, non plus que caractère indispensable d’une revalorisation des filières professionnelles, nous estimons que le fait de privilégier cette seule piste de réflexion ouvre la voie à un assujettissement renforcé de notre système éducatif au monde de l’entreprise.

De plus, cette perspective ignore l’objectif fondamental qui devrait être celui de notre service public d’enseignement, à savoir la transmission des connaissances et l’épanouissement de toutes les capacités. Par le fait même, elle nous en éloigne toujours plus. C’est cette action éducative qu’il nous faut pourtant renforcer, à rebours des politiques actuelles de restriction des moyens et de suppression de postes.

Nous pourrions alors repenser les contenus et la pédagogie pour parvenir à la réussite de tous, dans le cadre d’un projet éducatif global passant par l’accompagnement, le soutien et la valorisation de chacun.

En ce qui concerne l’insertion et l’emploi, nous savons tous que les jeunes sont les premières victimes de notre système économique, qui privilégie les dividendes au détriment de l’emploi et de l’innovation.

C’est donc par des mesures réelles de revalorisation du travail, par des investissements authentiquement productifs et par la reconnaissance de tous les diplômes que notre jeunesse trouvera la voie de l’emploi.

Cependant, les jeunes se trouvent confrontés à une série de problèmes spécifiques qu’il nous faut résoudre.

Depuis trente ans, de façon insidieuse, l’idée que le travail des jeunes possède une moindre valeur s’est répandue dans notre société, se légitimant elle-même au fil des « mesurettes » qui se sont succédé. On en finirait par s’interroger sur leur capacité à exercer convenablement une activité professionnelle, alors que leur niveau de formation s’est élevé !

Ainsi, notre société impose aux jeunes une véritable course d’obstacles, leur fait subir un insupportable « bizutage » social en les contraignant, pendant des années, aux petits boulots, à de multiples compléments de formation ou d’adaptation à l’emploi, à des stages et autres contrats spécifiques peu rémunérés ; elle leur réserve également les emplois précaires.

Dès lors, toute mesure allant à l’encontre des règles favorisant la flexibilité et la baisse du coût du travail renforcerait l’insertion professionnelle des jeunes.

Quant aux aides et primes diverses en faveur des entreprises, qui se sont développées au cours des dernières décennies, elles n’ont pas permis d’endiguer le chômage massif et la précarisation des jeunes. Elles doivent donc être réorientées vers le soutien à des formations réellement qualifiantes, à l’insertion et aux véritables emplois en CDI et à temps plein. Dans ce cadre, l’ensemble des pouvoirs publics doivent être mobilisés.

Pour les jeunes éloignés de la formation et de l’emploi, il faut renforcer les politiques publiques d’accompagnement en faveur de leur insertion sociale et professionnelle par un suivi plus personnalisé et inscrit dans la durée.

Plus généralement, nous soutenons certaines propositions de notre mission commune d’information visant à améliorer les conditions de vie de la jeunesse, telle l’attribution d’un dixième mois de bourse, mais nous regrettons qu’elles se bornent à envisager de refondre l’ensemble des dispositifs d’aides, sans proposer d’aller résolument vers la création d’un revenu pour l’autonomie des jeunes, proposition que nous portons avec force pour accompagner leurs efforts de formation, d’insertion et de recherche d’emploi.

Nous le regrettons d’autant plus que, loin de promouvoir cette solidarité active, notre mission commune d’information propose d’endetter les jeunes avant même qu’ils ne disposent d’un revenu !

Certes, notre proposition d’un revenu d’autonomie nécessite la mobilisation d’importants moyens financiers. Nous en avons d’ailleurs discuté lors de notre dernière réunion. Qu’il me soit cependant permis de rappeler ici que gouverner, c’est faire des choix. Pour exonérer d’impôts les plus riches, vous avez trouvé des moyens considérables ! Et je ne parle pas seulement du bouclier fiscal ; j’ai aussi en tête, évidemment, toutes les niches fiscales, qui représentent plusieurs dizaines de milliards. Il suffirait d’en réduire le nombre pour mettre en place cette allocation.

Du reste, ces sommes attribuées aux jeunes viendraient non pas augmenter les capitaux spéculatifs qui nous font tant de mal, mais enrichir notre économie. C’est donc un investissement durable que nous proposons.

Cette question du pouvoir d’achat est essentielle au regard de l’autonomie que doivent acquérir les jeunes. Elle est à la base de bon nombre des difficultés qu’ils rencontrent dans le domaine du logement, de la santé, de l’accès à la culture et aux loisirs ; elle conditionne aussi leurs possibilités de déplacements et de détente.

C’est pourquoi nous soutenons toutes les mesures tendant à améliorer la situation dans ces domaines, notamment par l’institution de droits nouveaux, dont la mise en œuvre doit reposer sur la mobilisation non seulement des collectivités locales, mais aussi des pouvoirs publics, notamment en matière de logement et de transport.

Pour ce qui concerne la citoyenneté, nous ne pouvons nous satisfaire des propositions qui sont mises en avant. Nous considérons que de nouvelles étapes doivent être franchies pour permettre l’expression des jeunes, favoriser leur prise de responsabilité, valoriser leur rôle dans notre société et faire en sorte que leurs droits soient mieux respectés.

Enfin, à propos de la création d’un éventuel service civique, nous sommes, pour notre part, favorables à un service national de solidarité largement ouvert à tous les jeunes. Ses missions et ses conditions d’exercice, mais aussi sa rémunération devront être attractives, afin que des dizaines de milliers de jeunes fassent le choix de s’y engager, ce qui permettrait, à terme, de le généraliser.

Mes chers collègues, après ces remarques, ces critiques et ces contre-propositions, vous ne serez pas étonnés que, tout en saluant le travail réalisé par cette mission, en particulier par sa présidente et son rapporteur, entourés de fonctionnaires des commissions, dont je tiens à saluer la compétence, notre groupe ne soit pas favorable à ses conclusions.

Nous restons cependant disponibles pour engager de vraies réformes, qui transformeraient, enfin, la vie de la jeunesse de notre pays !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le malaise des jeunes n’est pas l’apanage de notre époque.

Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles, le 6 mai dernier, Luc Ferry avait sans doute raison d’introduire son propos en faisant observer que la situation générale des jeunes pouvait paraître meilleure que celle des générations précédentes, confrontées au pire des maux : la guerre.

Au moment où nous débattons de ce sujet, j’ai également à l’esprit la célèbre formule de Paul Nizan, qui fut tué durant les combats de 1940 : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » C’est par ces mots que s’ouvre Aden Arabie, livre paru en 1932.

Pour autant, pouvons-nous considérer que la situation des jeunes de notre époque est satisfaisante ? Si nous les questionnons, nous apprenons qu’ils ont peur pour leur avenir, qu’ils sont inquiets et qu’ils rencontrent des difficultés pour entrer dans la vie active.

Notre propre génération a sans doute eu plus de chance. En effet, la guerre d’Algérie était derrière nous et la France connaissait un important développement économique. Notre seul problème était de réussir nos études : nous ne connaissions pas l’angoisse du chômage, sachant qu’une bonne formation permettait à coup sûr d’avoir un emploi intéressant.

Nous qui avons eu cette chance, nous avons le devoir de faire le maximum pour les jeunes d’aujourd’hui. Ces derniers doivent avoir confiance en l’avenir, ce qui n’est malheureusement pas le cas à l’heure actuelle.

Nous nous glorifions souvent de notre titre de champion d’Europe de la natalité. Certes, nous avons des jeunes en nombre, mais nous ne leur permettons pas d’entrer dans la vie active avec confiance. Si nous ne remédions pas à une telle situation, nous aurons été injustes à leur égard et n’aurons pas rendu service à notre pays.

En tant que président de la commission des affaires culturelles du Sénat, je suis particulièrement sensible à ce problème. C’est pourquoi j’ai tenu à en traiter à plusieurs reprises, notamment en commettant, avec d’autres collègues, deux rapports d’information, l’un portant sur ce « délit d’initié » que constitue parfois l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, l’autre sur le baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel. Nous avions en particulier montré que la réussite à cet examen suscite des frustrations à la hauteur des espoirs qu’il peut faire naître, notamment chez tous ceux dont les parents ne sont pas eux-mêmes bacheliers, car il ne leur permet finalement pas toujours d’obtenir dans la société la place qu’il est censé leur garantir.

Cela dit, je me félicite des avancées récentes en matière de décloisonnement de l’orientation et de l’action interministérielle. Le délégué interministériel à l’orientation nous a présenté la très récente instruction interministérielle du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire. Si les mesures en question vont dans le bon sens, encore faudra-t-il s’assurer qu’elles seront bien appliquées sur le terrain...

Le 24 avril dernier, alors que nous travaillions, au sein de la mission commune d’information, sur ces questions, le Président de la République a annoncé un important plan de soutien à l’emploi des jeunes ; nous nous en réjouissons.

Mes chers collègues, vous savez l’importance qui s’attache aux filières professionnelles et aux formations en alternance. Voilà vingt-neuf ans, alors que j’étais secrétaire d’État chargé de la formation professionnelle, au cours des débats parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la première loi sur l’alternance, à savoir la loi du 12 juillet 1980 relative aux formations professionnelles alternées, j’avais dressé – qu’on me pardonne de me citer moi-même ! – le constat suivant : « Sur les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, 200 000 ont une formation générale relativement faible et sont dépourvus de qualification professionnelle. » Je soulignais alors « l’impression de tourner en rond pour qui ne peut trouver un emploi faute d’expérience, et qui ne peut en acquérir puisqu’il n’a pas encore pu travailler ».

Mes chers collègues, si je n’avais pas indiqué l’époque à laquelle ces propos ont été tenus, je me demande si vous n’auriez pas eu l’impression qu’ils décrivaient la situation actuelle ! Pourtant, de nombreuses décisions sont intervenues depuis lors, et les moyens ont été substantiellement renforcés.

La loi du 12 juillet 1980 visait à systématiser le recours à la pédagogie nouvelle que constituait l’alternance, destinée à permettre aux jeunes d’acquérir à la fois une qualification et une expérience. Considérée comme une mauvaise loi, elle a été abrogée en 1981, mais fort heureusement reprise à partir de 1983. Aujourd’hui, nous pouvons en faire le constat : sur toutes nos travées, nous avons fait quelques progrès !

Actuellement, à l’issue de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire en fin de troisième, près de 40 % des élèves – cette part est stable depuis dix ans – s’engagent dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire soit sous contrat d’apprentissage. Il convient de rattacher à ces deux filières d’alternance les contrats de professionnalisation, ouverts à tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans ainsi qu’aux demandeurs d’emplois âgés de vingt-six ans qui relèvent de la formation professionnelle.

La mission a formulé d’importantes propositions en faveur des jeunes apprentis, en vue notamment d’aligner leur statut sur celui des étudiants. Nous souhaitons aussi que des aides au logement et à la mobilité géographique permettent aux jeunes qui le désirent de s’engager dans cette voie sans être freinés par des obstacles matériels et financiers.

Les jeunes qui ont bénéficié d’une formation en alternance obtiennent, je le rappelle, d’excellents résultats en termes d’insertion professionnelle – et c’est bien cela qui compte ! – puisque 80 % d’entre eux trouvent un emploi durable en moins d’un an. Selon moi, il convient donc, tout particulièrement en cette période de crise, de poursuivre nos efforts dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Bien entendu, les entreprises doivent se mobiliser, et j’ai insisté pour que cela soit clairement affirmé dans le rapport de la mission commune d’information. Il est en effet de la responsabilité citoyenne des entreprises de s’engager à accueillir des jeunes et de contribuer à leur formation. Si notre système éducatif n’est pas sans défaut, il ne peut toutefois se substituer aux employeurs, qui sont évidemment les plus à même de transmettre les connaissances et compétences concrètes de leurs métiers, en perpétuelle évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

En revanche, le rapport le dit bien, il appartient à l’école d’identifier et de valoriser tous les potentiels des jeunes : les connaissances théoriques, à l’évidence, mais aussi les savoir-faire et le savoir-être.

Je me souviens avoir entendu certains, au cours d’un débat, proclamer que l’entreprise n’avait pas de rôle à jouer dans l’éducation et la formation. Or, on s’en rend bien compte aujourd’hui, les entreprises n’ont jamais cherché à jouer un rôle dans le domaine de la formation des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Au contraire, en France, les entrepreneurs souhaitent avoir des jeunes formés aux tâches de production, alors que, dans d’autres pays – je pense notamment à l’Allemagne –, il leur semble normal de former les jeunes aux exigences des métiers. Selon moi, la vérité se situe entre ces deux conceptions.

J’évoquerai rapidement un sujet qui a fait débat au sein de la mission d’information : faut-il orienter les jeunes vers les métiers dits « en tension » ?

Soyons clairs : personne ne s’est exprimé, au sein de la mission, pour l’orientation forcée de quiconque. En revanche, il paraît de bon sens de prendre en considération – sans être taxé, comme j’ai pu l’entendre, d’« adéquationnisme » ! – l’inadéquation entre les offres et les demandes d’emploi. Peut-on continuer à former plus de 50 % des psychologues européens – je n’ai rien contre les psychologues, mais cela fait tout de même beaucoup ! – et ne pas s’interroger sur les 100 000 projets de recrutement recensés en 2009 qui peinent à trouver preneurs, même en cette période de crise économique ?

Bien entendu, les professionnels en question doivent aussi s’interroger et découvrir pour quelles raisons leurs métiers n’attirent pas les jeunes. Mais il n’est pas inutile de rappeler aux jeunes l’existence des secteurs qui recrutent. Le devoir de la formation est de préparer à l’emploi dans les métiers où les embauches sont avérées.

Peut-on laisser 150 000 élèves sortir chaque année du système scolaire sans aucun diplôme ni certification – je disais la même chose il y a trente ans : c’est grave ! – et, le plus souvent, avec un sombre avenir pour tout horizon, et ne pas penser que certains d’entre eux pourraient trouver leur voie dans ces secteurs d’activité ?

Bon sens et pragmatisme doivent prévaloir à cet égard. Les propositions de la mission commune d’information s’orientent dans cette direction et c’est pourquoi elles me paraissent très raisonnables. Nous avons souhaité mettre les jeunes au centre des dispositifs et leur redonner confiance. Puissent nos propositions être entendues, monsieur le haut-commissaire !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de souligner la densité et la richesse des travaux de notre mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Je tiens à remercier Mme la présidente Raymonde Le Texier et M. le rapporteur Christian Demuynck d’avoir mené avec brio cette étude passionnante, malgré la brièveté des délais.

Il relève de notre responsabilité de parlementaires de garder toujours à l’esprit cette préoccupation lorsque nous légiférons : quels arbitrages notre société veut-elle et doit-elle faire en faveur des jeunes ? Quel sens les mesures législatives que nous votons, ou ne votons pas, ont-elles pour les générations futures ?

Par nature, ces questionnements ont un caractère transversal. Ils sont restés, tout au long des travaux de la mission commune d’information, au centre de nos réflexions sur la mise en place de nouveaux outils en faveur des jeunes.

En effet, dans la crise profonde que nous traversons, ces derniers sont, avec les seniors, en première ligne face à l’effondrement du marché du travail. Déjà, les chiffres du chômage évoqués pour cette année annoncent un taux record d’un jeune sur quatre sans emploi. Pour noircir encore le tableau, je rappellerai que 49 % de ceux qui ont la chance de travailler occupent un emploi précaire. On observe la paupérisation et la précarisation de toute une classe d’âge sur laquelle devrait, au contraire, reposer l’élan de notre pays.

Dans ce contexte, l’éducation et la formation sont la clé des dispositifs en faveur des jeunes. Toute politique digne de ce nom ne doit pas se limiter aux seules questions d’emploi et d’employabilité : il convient de prendre aussi en compte la santé, l’aide sociale, le logement, ainsi que l’accès à la culture et au sport.

Au terme de la très large consultation qu’il nous a été possible de mener, de nombreuses propositions concrètes ont été esquissées. Mais, avant d’aller plus loin, permettez-moi de vous faire part de ma perplexité et de ma très vive inquiétude face aux moyens insuffisants que le Gouvernement a consacrés aux budgets de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur dans la loi de finances de 2009. Ces choix budgétaires consacrent l’exclusion des 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme.

Monsieur le haut-commissaire, comment redonner espoir aux générations futures en appliquant une politique de pénurie de moyens ?

Cette contradiction ayant été soulignée, je souhaite évoquer les grands axes susceptibles, selon moi, de donner un nouvel élan aux jeunes générations.

En premier lieu, il est urgent de dédramatiser l’orientation, tout en fournissant une meilleure information aux jeunes.

Je suis convaincue que l’initiation à la connaissance du monde du travail doit être conçue comme un nouveau module d’enseignement consacré à la découverte de l’éventail des possibles. L’enseignement de cette nouvelle matière à part entière, qui doit commencer avant que n’interviennent les premières orientations vers l’enseignement général ou professionnel, pourrait être prodigué selon un rythme mensuel en fin de primaire et hebdomadaire au collège. Il pourrait être assorti d’un bilan annuel qui serait, tout au long de la scolarité et jusqu’aux débuts de la vie active, réalisé avec un conseiller d’orientation. Cela imposerait évidemment de recruter davantage de conseillers, eux-mêmes bien formés.

Pour que l’orientation soit vécue non plus comme un choix négatif ou subi, mais comme une chance, le rôle de l’enseignant est de la dédramatiser dès le plus jeune âge, auprès des jeunes et de leurs familles. C’est pourquoi cette nouvelle thématique devrait également être intégrée à la formation des enseignants au moyen de stages en entreprise leur permettant de parfaire leur connaissance du monde du travail.

La découverte du monde du travail, telle qu’elle est conçue aujourd’hui en classe de troisième, me paraît très insuffisante. Elle se résume à un stage d’une semaine qui, dans le meilleur des cas, confirme ou infirme une vocation naissante. Le plus souvent, il s’agit d’une simple formalité administrative sans autre lien avec le projet personnel du jeune que sa capacité – ou plutôt celle de son entourage – à « trouver un stage ». Cela manque terriblement de sens et d’ambition !

Pour autant, je ne voudrais pas donner l’impression de chercher à formater les élèves suivant la seule logique de la demande de l’entreprise, notamment celle des secteurs en tension.

Il serait réducteur de limiter la connaissance en matière d’orientation professionnelle aux seuls secteurs d’activité qui recrutent. Il est en revanche nécessaire de l’ouvrir à la grande diversité des métiers. Comment ? Tout simplement en donnant à chaque jeune la possibilité de découvrir, tout au long de sa scolarité, les cursus qui l’attirent le plus, afin qu’il cerne mieux ses propres goûts, ses chances de réussite, les débouchés professionnels de telle ou telle formation et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs.

Certes, cet effort pour améliorer l’orientation n’empêchera pas les erreurs de parcours, mais il devrait sérieusement restreindre l’absence de motivation, les désillusions et les abandons de filières, que ce soit à l’université ou dans l’enseignement professionnel.

Afin d’orienter les vocations vers les métiers émergents, il serait aussi très utile d’engager une revalorisation statutaire des professions concernées ; je pense, en particulier, aux métiers de la culture, du sport, de l’animation ou encore des services à la personne.

En second lieu, il conviendrait de redorer l’image de l’apprentissage et de l’enseignement professionnel. La filière technique continue d’apparaître comme une sanction de l’échec. Elle est pourtant porteuse d’espoir, car elle a un fort potentiel, notamment grâce à l’alternance. Elle n’interdit en rien l’excellence professionnelle ni l’épanouissement personnel, bien au contraire. Les jeunes qui s’engagent dans cette voie peuvent s’assumer financièrement et débuter une vie d’adulte autonome.

Pour parvenir à rendre ces filières plus attractives, les allers-retours entre la formation et l’emploi doivent être facilités tout au long du parcours professionnel, sous forme de capitalisation des acquis et de modules, si petits soient-ils. Ce droit à tâtonner et à se former, s’il était élargi, pourrait renforcer l’implication du jeune et sa confiance envers les dispositifs de validation des acquis de l’expérience.

Ainsi, les dispositifs des écoles de la seconde chance, qui ont accueilli 5 000 personnes en 2008, doivent être généralisés. Ils ont fait leurs preuves et sont d’autant plus importants qu’ils s’adressent aux jeunes les moins qualifiés.

La réforme du bac professionnel a, elle aussi, été évoquée durant nos travaux. Ma conviction est que cette troisième année obligatoire n’est pas pertinente, car elle exclut les élèves qui sont le plus en difficulté. Il est préférable que le jeune obtienne un premier module en deux ans, puis le complète, immédiatement ou après une période de travail pendant laquelle il aura pu mesurer, tout à la fois, la pertinence de son choix professionnel et la nécessité de compléter sa formation dans un domaine précis s’y rattachant.

Je rappelle à cette occasion que la formation continue constitue un droit accessible au salarié tout au long de sa carrière. Encore faut-il l’encourager à en bénéficier !

Je souhaiterais également aborder la mise en place d’une allocation d’autonomie. Ce concept, intéressant si l’on envisage la refonte de l’ensemble des dispositifs d’aide financière existants, suppose toutefois une réelle ambition.

II faut se rendre à l’évidence : l’attribution d’une allocation, qu’il s’agisse d’un prêt à taux zéro ou de l’allongement d’un mois de la durée du versement des bourses étudiantes, ne suffira pas à ralentir la paupérisation de nos jeunes. Surtout, elle n’encouragera pas leur désir de formation.

Pour éviter l’écueil de l’assistanat, cette allocation pourrait être conditionnée au suivi d’un cursus qualifiant. Accompagné d’un dispositif de tutorat, ce cursus permettrait de replacer le jeune sans qualification dans une logique de projet, de réussite et de confiance en l’avenir. En envoyant ce signe fort, notre société montrerait que, loin d’abandonner les plus jeunes au bord du chemin, elle entend leur donner le temps et les moyens de se former et d’acquérir des compétences.

En ce qui concerne la santé, il ressort des auditions que, par manque de moyens, les jeunes négligent la prévention et s’exposent à des problèmes chroniques. C’est pourquoi je soutiens la proposition, évoquée dans le rapport, de mettre en place, pour tous les jeunes, des outils de type chèque-santé ou visite médicale annuelle gratuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Parmi les nombreuses questions qui mériteraient encore d’être développées, je me contenterai donc d’aborder celle de l’accès à la culture et au sport pour tous, que nous n’avons pas traitée, faute de temps. Dans ce domaine, de nombreuses initiatives ont déjà été prises, notamment grâce aux collectivités territoriales. Il est aussi envisagé d’évaluer le succès de certaines mesures engagées par l’État, telles que la gratuité d’accès aux musées pour les moins de vingt-six ans.

Pour ma part, comme tous les membres du groupe du RDSE, je m’interroge sur les moyens qui seront déployés pour traduire dans la législation les pistes tracées par notre mission.

La deuxième partie de nos travaux devra valider les mesures financières à mettre en œuvre afin d’améliorer les conditions de vie de notre jeunesse. C’est une noble ambition ; c’est aussi un devoir pour la représentation nationale. Car n’oublions pas ces mots très justes et d’une grande actualité de l’écrivain Georges Bernanos : « Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et de l ’ Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j’ai rejoint les rangs des membres de cette mission commune d’information avec une forte attente : que l’on puisse dégager quelques mesures pour mettre un terme à l’exception française d’un taux de chômage des jeunes deux fois supérieur à la moyenne nationale.

Comme mes collègues qui se sont exprimés précédemment, je tiens à adresser mes félicitations à la présidente et au rapporteur de la mission pour la qualité des travaux qui ont été menés.

Deux mois après le début des auditions, je viens devant vous avec la même obsession et, je dois l’avouer, avec un certain nombre de craintes.

Mon propos s’articulera autour de trois remarques relatives à l’accès des jeunes à l’emploi.

La première concerne l’apprentissage. Dans sa première mouture, le rapport de la mission – déjà très médiatisé avant même d’avoir été soumis à la représentation nationale et évalué – consacrait de très nombreuses pages au récent discours du Président de la République sur ce sujet.

L’apprentissage constitue une filière d’excellence efficace, qu’il faut davantage valoriser sans pour autant la dénaturer. À cet égard, je m’inquiète d’une montée en puissance trop rapide qui serait sans lien avec les entreprises ou avec les possibilités d’orientation privilégiée des jeunes concernés. L’apprentissage doit rester une formation d’excellence. Prenons garde de ne pas la galvauder.

Deux autres écueils sont à éviter : d’une part, un effet d’aubaine pour des entreprises qui n’auront pas la capacité en si peu de temps d’accueillir des jeunes et de leur dispenser une formation de qualité, mais bénéficieront d’une main-d’œuvre sous-payée ; d’autre part, une tentative du Gouvernement et de l’État de se dégager de leurs responsabilités. Nous savons que les régions ont en charge l’apprentissage et que, au fil des années, de nombreuses compétences leur ont été transférées sans compensation financière. Nous savons aussi que le produit de la taxe d’apprentissage ne couvre pas l’ensemble des dépenses liées à l’apprentissage.

Le taux de rupture des contrats d’apprentissage est déjà très élevé et, si nous nous contentons d’une approche quantitative, sans nous préoccuper de la qualité de l’apprentissage, nous courrons au-devant de déboires importants.

L’État, et c’est là ma deuxième remarque, doit prendre toute sa part de responsabilité dans ce combat pour l’emploi des jeunes.

Tout en émettant des réserves, le rapporteur a affirmé que la mission n’était pas opposée au recrutement éventuel de jeunes dans le secteur non marchand. Le secrétaire d’État à l’emploi a fait, lui aussi, lors de son audition par la mission, part de sa non-hostilité.

En ce qui me concerne, je serai plus précis encore : il s’agit d’une proposition phare que les sénateurs socialistes soutiennent sans ambiguïté et qu’ils voudraient voir se concrétiser le plus vite possible. Mais y a-t-il une réelle volonté politique de mettre en œuvre cette préconisation ?

Monsieur le haut-commissaire, plusieurs faits me font douter que l’emploi des jeunes soit aujourd’hui une priorité.

En premier lieu, la défiscalisation des heures supplémentaires coûte environ 4, 3 milliards d’euros à l’État et empêche environ 90 000 personnes de rentrer sur le marché du travail, tout en alourdissant très sensiblement les comptes de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Avec cette somme, nous aurions, tenez-vous bien, les moyens de créer 300 000 emplois-jeunes !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ce rapport, même s’il n’y consacre que quelques lignes, reconnaît certains mérites au dispositif qui a permis l’insertion professionnelle et sociale de 350 000 jeunes. Nous croyons qu’il est tout à fait souhaitable de se servir de cette expérience pour améliorer la qualité des tutorats et des formations et pour relancer le dispositif.

En deuxième lieu, j’évoquerai la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Depuis 2007, plus de 100 000 postes ont disparu de la fonction publique. Des emplois occupés par des seniors n’ont pas été remplacés. Là encore, cette réserve d’emplois fait cruellement défaut à nos territoires. Elle aurait pu être pour partie proposée à des jeunes peinant à s’insérer aujourd’hui, d’autant que d’autres propositions phares du rapport, comme le dédoublement des classes de CP ou la création d’un service public de l’orientation, que nous soutenons, nécessitent des femmes et des hommes qualifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

À condition qu’ils soient vraiment qualifiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Chers collègues, monsieur le haut-commissaire, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas avares de propositions et nous espérons que l’urgence et, parfois, la gravité de la situation vous conduiront à les examiner de près.

Nous proposons que, dès maintenant, soient recrutés et formés 100 000 emplois-jeunes dans le secteur non marchand, ce qui aurait des effets immédiats sur la croissance et la consommation.

Nous proposons également la création d’un service public de l’orientation, assorti de la formation et du recrutement de conseillers d’orientation.

Avec quels moyens ? me direz-vous. Et je sais que l’application de l’article 40 de la Constitution suscite régulièrement des discussions dans notre assemblée. L’UNEDIC vient d’annoncer 600 000 chômeurs de plus en 2009. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de mettre un terme à la défiscalisation des heures supplémentaires et à la RGPP ? Nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, n’ont pas à faire les frais d’un entêtement devenu intenable. En pleine période de récession, avec des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, c’est un non-sens de continuer à défiscaliser les heures supplémentaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Bien sûr que si ! C’est directement lié ! Lorsqu’une entreprise licencie des salariés et renvoie des centaines d’intérimaires tout en continuant à recourir aux heures supplémentaires, il y a quelque chose qui ne va pas ! Et les intéressés ressentent cela comme une profonde injustice !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

En troisième lieu, ce rapport fait la part belle à une théorie sur le papier très séduisante : celle des métiers « en tension ». D’un côté, des secteurs économiques peinent à trouver des candidats à l’emploi durable ; de l’autre, des jeunes n’arrivent pas à trouver du travail. La tentation est forte de rapprocher les deux pour que ces jeunes s’orientent massivement et mécaniquement vers ces secteurs demandeurs de main-d’œuvre.

Je souhaite que nous brisions les tabous. Tout à l’heure, vous en avez levé un, monsieur le rapporteur, et je vous en sais gré. Ne pourrait-on pas prolonger cette expérience intéressante ? Pourquoi ces métiers ne sont-ils pas suffisamment attractifs ? Pourquoi les jeunes ne se dirigent-ils pas davantage vers ces filières demandeuses ?

À ce titre, je regrette vivement que le rapport passe sous silence le fait que les entreprises confrontées à des difficultés de recrutement ont également la responsabilité, si elles souhaitent fidéliser leurs employés, de rendre plus attractifs les métiers concernés. Certaines d’entre elles – n’hésitons pas à le dire, puisque nous brisons les tabous – proposent des salaires insuffisants et des conditions de travail pénibles, recourent massivement à la précarité, n’assurent aucun tutorat ni aucune formation réelle, ne prennent pas en compte les difficultés de logement ou de transport. Et elles se plaignent ensuite de ne trouver personne !

La Fédération nationale des travaux publics a commencé à se pencher sur ce problème et a engagé, avec un certain succès, des mesures concrètes pour fidéliser ses employés. Nous devons encourager d’autres fédérations à suivre cet exemple.

Dans quelque temps, nous aurons à débattre de la mise en œuvre de la TVA à 5, 5 % dans la restauration, qui est un secteur sous tension. J’y vois l’occasion de conditionner la diminution de la TVA à un véritable engagement des entreprises à revaloriser les rémunérations et les conditions de travail de leurs employés, et à contribuer ainsi à rendre plus attractifs des métiers qui, s’ils sont passionnants, nécessitent une forte technicité.

Je suggère que l’État et les filières de la restauration signent une charte en faveur de l’emploi et de la formation des jeunes. J’aurais aimé que le rapport définisse comme prioritaire la nécessité de poser des contreparties fortes à la mise en place de la TVA à 5, 5 % dans ce secteur. Le Gouvernement ne peut pas manquer une telle occasion de passer du discours aux actes.

Mes chers collègues, le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans est passé en peu de temps à 21, 2 % et 600 000 jeunes vont entrer en septembre sur le marché du travail. Les perspectives qui s’ouvrent à eux sont terriblement sombres. Dans certains quartiers sensibles, nous devons en être conscients, la situation est désespérante. Nombre de jeunes ont le sentiment de n’avoir aucun avenir.

Dans un sondage récent, 51 % des personnes interrogées déclaraient ne pas avoir confiance dans la jeunesse. Ce sont pourtant ces jeunes qui constituent l’avenir de notre société et qui contribueront, par leur travail, à assurer demain le financement des retraites et à alimenter la croissance, qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui.

Mes chers collègues, notre responsabilité est grande. Comme la présidente Raymonde Le Texier l’a justement rappelé, notre mission ne fait que commencer. Je suis de plus en plus convaincu qu’il faut faire de l’emploi des jeunes une véritable urgence nationale, pas seulement dans les discours, mais aussi dans les actes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Thiollière, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire ma joie de participer à ce débat, contribution du Sénat à cette responsabilité que nous avons tous envers la jeunesse. Je souhaite en particulier saluer le travail de la présidente Raymonde Le Texier et du rapporteur Christian Demuynck, qui, secondés par des fonctionnaires du Sénat, ont permis à cette mission commune d’information de se dérouler dans de très bonnes conditions et de produire des fruits dans des délais très brefs.

La politique en faveur des jeunes doit permettre de valoriser, comme cela est dit dans le rapport, l’« atout majeur de notre pays » que constituent nos huit millions de jeunes Français âgés de seize à vingt-cinq ans.

Ce sujet se trouve au cœur des valeurs de notre pays. Luc Ferry, président délégué du Conseil d’analyse de la société, que nous avons auditionné, écrit que « le xxe siècle a vu la déconstruction des valeurs et des autorités traditionnelles ». Or, lorsqu’on parle des valeurs et de l’autorité, c’est tout simplement à la vie en société que l’on fait référence. Notre société se trouve donc, à l’aube du xxie siècle, à un tournant : soit nous renforçons nos valeurs et refondons la société de manière que les jeunes y trouvent toute leur place, soit nous courons à notre perte en laissant se produire l’irrémédiable décrochage – au sens que les aviateurs donnent à ce mot – de notre jeunesse.

Pour nous, l’enjeu n’est pas de résoudre un problème catégoriel ou socioprofessionnel : c’est le cœur même de la société et de la République qui se trouve en cause. Voilà pourquoi il nous appartient, j’en suis convaincu, de construire ensemble un véritable pacte républicain entre les jeunes de notre pays et nous-mêmes, car notre génération a le devoir d’apporter des réponses à leurs inquiétudes.

Ce pacte républicain doit d’abord reposer sur l’acquisition par les jeunes de l’autonomie indispensable à leur épanouissement personnel. Toutefois, il s’agit aussi de faire émerger une société qui donne toute sa place à cette génération et nous permette de construire ensemble de nouvelles valeurs et de nouvelles autorités.

Dans le cadre de ce pacte républicain, nous pourrions inclure un ensemble de mesures qui seraient autant de passeports permettant d’accéder à la vie adulte. Je prendrai deux exemples.

On entend dire souvent que le baccalauréat constitue un passeport pour la vie universitaire. De même, le permis de conduire est le passeport pour une plus grande mobilité. Or, selon moi, le logement et l’entreprise doivent être aussi deux moments forts dans le cheminement des jeunes vers leur vie d’adulte.

Le logement, d’abord, joue souvent le rôle d’un passeport pour accéder à la vie communale, que l’on vive dans un village ou en ville ; il est la première marque tangible de l’acquisition de l’autonomie. Dans le cadre du pacte républicain, le premier logement est aussi considéré comme le début d’un parcours résidentiel. De nombreuses aides personnalisées sont accordées par divers niveaux d’administration. Cependant, les travaux de notre mission, en particulier les auditions auxquelles nous avons procédé, ont mis au jour le fait que l’offre de logements était insuffisante, qu’il s’agisse de foyers de jeunes travailleurs, de résidences universitaires ou d’offre locative dans nos villes et nos villages.

L’État réalise d’importants efforts financiers pour la rénovation urbaine, l’amélioration de l’habitat et, dans certaines collectivités, la construction ou la réhabilitation d’édifices publics. Mais il est nécessaire de revoir ces priorités, qui ont conduit pendant une trentaine d’années à regrouper de petits logements pour en faire de grands, alors que nous en avons aussi besoin pour permettre aux jeunes d’accéder à leur premier logement. Il convient donc de réorienter ces efforts budgétaires vers des logements adaptés aux jeunes.

Le second exemple concerne l’entreprise. Dans ce domaine, notre pacte républicain doit s’engager plus fortement en faveur des stages. Les travaux de la mission nous ont en effet permis de prendre conscience du fait que les stages constituaient une priorité pour les jeunes et un passeport formidable pour accéder à l’entreprise, donc à une formation et à un emploi durable. Des chartes existent. Il y a aussi la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. En outre, le Président de la République, a fait, le 24 avril dernier, des déclarations importantes à ce sujet.

À l’heure où nous débattons, un certain nombre de stagiaires, étudiants d’université ou élèves de grande école, effectuent des stages en région ou à Paris. Or, lorsqu’ils indiqueront la mention « stage » sur leur CV, elle n’aura pas toujours la même valeur. Selon moi, en même temps que nous incitons les jeunes à faire des stages, il convient aussi d’encourager les entreprises à accompagner les stagiaires – même si cela est difficile pour les plus petites d’entre elles – et à procéder à une certification de ces stages de manière que leur valeur soit universellement reconnue.

À travers ces deux exemples, je souhaitais affirmer notre volonté de faire de concert un effort considérable en faveur des jeunes, dans le cadre de ce pacte républicain aux termes duquel ils doivent être pourvus d’un passeport pour leur vie d’adulte. Il est nécessaire que notre société s’engage et que, ainsi, elle redonne confiance à nos jeunes, leur insuffle l’envie de bâtir la société de demain.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur quelques travées de l ’ Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Monsieur le haut-commissaire, depuis le vote de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, dans laquelle le Sénat avait inséré un amendement concernant la situation des 18-25 ans en recherche d’emploi, vous avez été également placé en charge de la jeunesse.

Le 24 avril dernier, le Président de la République a annoncé un plan d’urgence en faveur des jeunes.

Dans le même temps, le Sénat a créé une mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Aujourd’hui, celle-ci rend compte de son analyse et formule des propositions.

À mon tour, je tiens à remercier Mme la présidente et M. le rapporteur de notre mission pour la façon dont ils ont mené à bien ces réunions qui avaient parfois, il faut le reconnaître, des allures de marathon...

Les résultats de toutes les auditions convergent : notre jeunesse connaît de graves problèmes d’insertion dans la société. C’est le cas tout particulièrement d’une population qui se trouve en déficit de formation et est donc inapte à l’emploi. Or ce déficit peut entraîner addictions, actes de violence, délinquance, voire trafics illicites et autres formes de désespérance.

Il convient également, en cette période de crise, de noter la croissance du taux de chômage des jeunes diplômés.

Et je ne saurais passer sous silence la question du travail des jeunes handicapés, qui font toujours, hélas, figure de lanterne rouge en matière d’embauche.

Depuis plusieurs années, l’État a mis en place, en direction des grands adolescents et des jeunes adultes, des politiques d’accompagnement dont les multiples volets n’ont pas abouti aux résultats espérés. D’innombrables associations, publiques ou privées, œuvrent dans ce domaine avec, pour la plupart, persévérance et conviction. Des millions d’euros – après des millions de francs – sont mobilisés. Et pourtant, il faudrait investir encore plus. En tout cas, il serait sans doute nécessaire d’investir différemment.

Notre mission a organisé plusieurs déplacements et auditions, et le constat de défaillance est quasiment unanime. Tout cela vous a été exposé et le tableau noir a usé beaucoup de craie ! Il reflète malheureusement une réalité que l’on ne peut ignorer, d’autant qu’aux difficultés structurelles la conjoncture en a ajouté d’autres. De ce constat découlent les propositions de la mission commune quant à l’environnement et l’accompagnement des jeunes : il s’agit de créer un nouvel élan.

La jeunesse, cela a souvent été rappelé, est le futur de notre pays. Notre devoir est de la préparer à prendre en main son avenir et de lui apprendre à conjuguer savoir-être et savoir-faire, comme l’a excellemment dit notre rapporteur.

Certaines des racines du mal ont été évoquées. L’accent a été mis notamment sur la question de l’enseignement primaire, d’où un fort pourcentage d’enfants sortirait dépourvu des bases les plus élémentaires, au premier rang desquelles la lecture. Mauvais primaire, secondaire chaotique… Comment, dans ces conditions, nos jeunes pourraient-ils affronter sereinement leur avenir professionnel ? Il y a, dans cette copie-là, beaucoup à corriger ! Et nous devons le faire en étant animés d’une volonté commune.

J’évoquerai pour ma part, avant d’ajouter une note d’espoir, voire d’optimisme à notre débat, la racine volontairement ou involontairement passée sous silence alors qu’elle est la première de toutes : la famille.

Nous avons tous entendu, il y a quelques années, qu’il n’y avait plus « un » modèle familial, mais « des » modèles familiaux. Or cela a rendu, durant les vingt-cinq dernières années, la politique familiale de l’État totalement illisible, fractionnée, voire inexistante.

Mme Janine Rozier applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

A présent, je souhaiterais apporter une note de confiance. Un sondage IPSOS-Santé réalisé pour la fondation Wyeth et publié le 13 mai dernier nous donne, à entendre les adolescents qui ont été interrogés, des raisons d’espérer : 75 % d’entre eux estiment être parvenus à accomplir une chose positive durant les derniers trois mois dans leurs relations amicales, 63 % dans leurs relations familiales et 56 % à l’école ; sept adolescents sur dix déclarent être confiants dans leurs capacités à réussir dans la vie ; 60 % croient pouvoir faire mieux que leurs parents, étant toutefois précisé que seulement 12 % en sont tout à fait convaincus. Ils font plus confiance aux filières professionnelles et technologiques qu’aux filières générales. Ils disent aspirer à travailler pour réussir, avoir confiance en soi, être bien dans sa peau, avoir un bon métier, être en bonne santé et mener une vie de couple épanouie.

Autre note positive : les Xèmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui se sont tenues hier, ont donné à voir l’image réconfortante d’une jeunesse déterminée à réussir.

En conclusion, je rappellerai que, particulièrement en cette période de récession, il nous faut accorder toute notre attention aux jeunes qui sont aujourd’hui en difficulté et mettre toute notre détermination à les aider, en prenant néanmoins garde qu’ils ne tombent pas dans l’assistanat. Mais il est également indispensable que, dans le même temps, nous reprenions le problème dans sa globalité en fortifiant les racines appauvries de notre société.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nos hôtes ont été reçus par nos collègues le questeur Jean-Marc Pastor, président du groupe France-Pays du Cône Sud, et Bernard Angels, président délégué du groupe pour le Chili.

Leur présence dans notre pays témoigne de l’intérêt soutenu qu’ils portent à nos travaux et, tout comme nous, à l’établissement de relations toujours plus étroites entre nos deux assemblées et, à travers elles, entre nos deux pays.

Qu’ils soient assurés des sentiments fraternels du Sénat de la République française et des vœux chaleureux que nous formons pour le succès de leur mission.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous poursuivons le débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

La parole est à M. le haut-commissaire.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse

Madame la présidente, madame la présidente de la mission d’information, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie le président Gérard Larcher ainsi que Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, et Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, d’avoir permis l’organisation d’un débat consacré à la politique en faveur des jeunes, dans le cadre de cette semaine de contrôle. C’est le symbole fort de la priorité qui doit être accordée à la jeunesse.

Je remercie aussi l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à la tribune, à commencer par Mme la présidente de la mission d’information et M. le rapporteur. Je salue l’investissement de chacun et me réjouis qu’autant de propositions aient pu être formulées en seulement deux mois, s’agissant d’un sujet dont on mesure toute la complexité et toutes les exigences.

Pour notre part, nous avons entamé notre réflexion voilà quelques mois. À cet égard, je ne doute pas que les réflexions engagées, d’une part, par le haut-commissariat et, d’autre part, par la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes permettront d’élaborer d’intéressantes propositions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souscris à nombre de vos orientations. Soyons tenaces et saisissons cette occasion pour faire passer nos messages.

Comme le rappelait Mme Bernadette Dupont, le Sénat, voilà six mois, dans le cadre de l’examen de la loi généralisant le revenu de solidarité active, adoptait à l’unanimité un amendement créant un fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Doté dans un premier temps de 10 millions d’euros, ce fonds atteint désormais 150 millions d’euros. Tout en maintenant la limite d’âge à vingt-cinq ans pour bénéficier du RSA, nous avions pris l’engagement, devant vous, de ne pas oublier pour autant les 16-25 ans. Aujourd’hui, six mois plus tard, nous voulons, avec votre soutien, tenir notre promesse.

Je vous exposerai la logique de notre action et détaillerai nos orientations en sept points.

Premier point : M. Legendre a montré que ce qu’il pouvait déclarer voilà trente ans était, hélas ! pratiquement toujours d’actualité aujourd’hui. Il importe de s’accorder sur des objectifs politiques quantifiés portant à la fois sur le taux d’emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans, sur leurs qualifications, sur la réduction des situations d’échec et de la pauvreté dans cette population. Nous devons être liés par des objectifs, qui doivent nous inciter à tout tenter pour aider ces jeunes à entrer dans la vie active. À cette demande d’estime et de respect, nous ne pouvons répondre par le mépris et l’indifférence.

Deuxième point : il faut garantir la continuité des parcours. Vous avez été plusieurs à souligner qu’on ne peut pas laisser un jeune de seize ans livré à son sort pendant un, deux ou trois ans, avant qu’il soit éventuellement « récupéré ». Les organismes publics chargés de la jeunesse ont l’obligation de maintenir une chaîne de responsabilités continue.

À cet égard, on peut se demander s’il ne conviendrait pas d’obliger les jeunes à suivre jusqu’à dix-huit ans une formation, en alternance ou non, en impliquant l’ensemble de la chaîne éducative et les missions locales.

Troisième point : vous avez tous évoqué la question de l’orientation. Sans doute faudrait-il créer un service public de l’orientation, laquelle serait alors dédramatisée. Une telle mesure irait certainement de pair avec l’attribution d’un droit à la réorientation et à une deuxième chance. Ce droit ne s’exercerait pas nécessairement dans les écoles de la deuxième chance, mais, à tout le moins, il conviendrait, pour prévenir les échecs et les ruptures, qu’il soit possible de passer d’une filière à une autre en tant que de besoin. Pour ce faire, le service public de l’orientation devrait veiller à organiser et décloisonner ces filières.

Unr filière ne doit pas être courte par principe ; l’essentiel est qu’elle permette au jeune qui le souhaite de poursuivre ses études. Au cours des Xèmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui ont eu lieu hier ici même, nous avons tous pu constater qu’on peut avoir suivi une excellente formation par apprentissage dans la boulangerie ou dans la céramique et, pour autant, vouloir poursuivre dans la voie de l’enseignement général ou de l’enseignement supérieur. Nous devons être capables d’organiser ce genre de parcours.

Ce service de l’orientation doit mettre en relation les jeunes avec les entreprises et les employeurs. Il doit permettre à tout jeune qui le souhaite d’effectuer un stage en entreprise, d’entrer en contact avec les professionnels du secteur qui l’intéresse, et cela même s’il ne bénéficie d’aucun réseau familial. Ce n’est qu’ainsi que nous mettrons fin à la sélection par l’échec et que nous offrirons aux jeunes la possibilité de choisir une formation en toute connaissance de cause.

Quatrième point : l’emploi. Il n’est pas acceptable que les jeunes doivent attendre six ou sept ans après l’obtention de leur diplôme pour décrocher un contrat à durée indéterminée. Beaucoup d’entre vous ont souligné que, pour remédier à une telle situation, l’essentiel était d’utiliser différents leviers, tant les contrats du secteur non marchand que ceux du secteur marchand.

M. Bourquin se demandait si nous renoncions aux emplois aidés dans le secteur non marchand. Je tiens à le rassurer en lui rappelant que le Président de la République a annoncé le 24 avril dernier que 30 000 emplois aidés allaient être créés dans ce secteur. Toutefois, les faits étant ce qu’ils sont, il faut être conscient que, malheureusement, le jeune qui a bénéficié d’un emploi aidé dans le secteur non marchand a plus de risque, un an après la fin de celui-ci, de se retrouver au chômage que le jeune qui n’a pas bénéficié d’un tel contrat aidé. C’est pourquoi il ne faut pas faire de ces contrats l’alpha et l’oméga de la lutte contre le chômage des jeunes.

Il est cohérent, à mon sens, de privilégier, là aussi, les formules d’alternance dans le secteur public, dans le secteur associatif, dans la fonction publique hospitalière, dans la fonction publique territoriale, formules que nous développerons. Depuis vingt-cinq ans, depuis la création des travaux d’utilité collective, les TUC, nous déplorons tous que les contrats aidés, aussi bénéfiques soient-ils, ne comportent pas une dimension formation.

Proposons donc des contrats d’alternance aidés intégrant une formation systématique et obligatoire. Les jeunes ne seront plus contraints de choisir entre l’alternance et le contrat aidé et il sera possible de combiner les deux. Il faut savoir que, dans l’ensemble des secteurs, une formation par apprentissage, dans 80 % des cas, permet à son bénéficiaire d’obtenir un contrat à durée indéterminée dans l’année qui suit la fin de sa formation.

Cinquième point : la question de l’amélioration des ressources. La mission commune d’information reviendra sur ce sujet et la commission que j’ai l’honneur de présider proposera de mettre fin au statu quo sur la question des ressources. Quelles sont les pistes ? Rappelons que l’alternance permet à la fois de percevoir des revenus tout en assurant une formation. L’augmentation des ressources doit aller de pair avec une meilleure qualification ; elle ne doit pas se faire au détriment de l’insertion professionnelle.

Alors que nous venons de créer le revenu de solidarité active pour les plus de vingt-cinq ans, il est exclu que nous en revenions à une situation moins profitable. C’est pourquoi il faut interdire les stages hors cursus et privilégier les vrais emplois ou l’alternance. Pour ce faire, utilisons les notions de capital ou de dotation, autant de pistes que vous avez ouvertes, mesdames, messieurs les sénateurs, pour permettre aux jeunes de percevoir des ressources durant leurs périodes de formation, de recherche d’emploi ou d’insertion. Personne ne doit rester sans revenu, sauf à violer le principe énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que l’a rappelé Mme Le Texier.

Enfin, il conviendra de compléter les ressources de ceux qui travaillent afin d’éviter que des jeunes âgés de vingt-quatre ou de vingt-six ans, percevant le même salaire et exécutant le même travail, n’aient finalement des revenus différents.

Sixième point : la notion de citoyenneté et le service civique, sur lesquels plusieurs d’entre vous ont insisté. Il serait vain de proposer aux jeunes un projet qui ne leur permettrait pas de s’engager. Il faudra ouvrir plus largement le service civique et en faire un instrument à la disposition des jeunes de toutes conditions, de tous niveaux d’étude, de manière à étancher leur soif d’engagement, d’innovation et de création.

Toute politique en direction des jeunes doit comporter une dimension artistique et culturelle, et sa place mérite d’être centrale parce qu’elle seule leur permet d’exprimer leur créativité au service de la transformation de la société. Elle ne doit pas se contenter de leur offrir un moule dans lequel se couler, alors même que les liens sociaux ont tendance à se distendre en raison de la crise.

Septième et dernier point : la programmation des moyens. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison de dire que, puisqu’il existe des lois de programmation pour la police et l’armée, par exemple, il ne serait pas incongru qu’une politique en direction de la jeunesse puisse être programmée et évaluée dans la durée. Ce n’est qu’ainsi que nous obtiendrons à des résultats tangibles, qui nous placeront, en la matière, dans le peloton de tête des pays de l’OCDE, et non parmi les deux ou trois derniers, comme c’est le cas actuellement. La bonne santé démographique de notre pays sera ainsi récompensée !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. Les membres de la mission ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à M. Antoine Lefèvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le premier point que je souhaite aborder concerne la valorisation de l’apprentissage.

Ce mode de formation pourrait faire l’objet de l’une des mesures phares en matière de qualification des jeunes en difficulté scolaire, car il est, depuis longtemps, dévalorisé et délaissé par les entreprises. Ne pourrait-on pas le relancer par des mesures incitatives, afin de redorer l’image des métiers manuels et de redonner aux artisans et aux chefs d’entreprise confiance dans ce système mixte d’indemnisation et de formation, cette période de test débouchant éventuellement ensuite sur la conclusion d’un contrat de travail ?

Par ailleurs, nous l’avons constaté à de nombreuses reprises lors des auditions de la mission, certains jeunes sont dans une situation de véritable survie, rencontrant des problèmes d’hébergement et même, parfois, des difficultés pour assurer leur subsistance. Ils sont alors plus rétifs à toute notion d’accompagnement du fait de leur instabilité permanente.

S’agissant des adultes, il existe le RMI et il y aura bientôt le RSA pour pallier ces difficultés. Ne pourrait-on pas imaginer un système d’aide ou de bourse, gérées par les structures d’accueil, qui viendrait compléter les contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et les contrats d’autonomie ? Un tel dispositif contribuerait à améliorer l’équité de traitement des populations jeunes sur un même territoire.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Monsieur le sénateur, je répondrai en premier lieu à vos observations sur la revalorisation de l’apprentissage.

Dans la période de crise que nous connaissons, nous nous sommes efforcés de réduire le coût des apprentis pour les employeurs afin d’inverser la tendance à la décélération annoncée pour la rentrée.

Le mot d’ordre est simple : à la rentrée 2009, les places en alternance, sous quelque forme que ce soit, doivent être occupées à 100 %. Nous reviendrons devant vous avec les engagements des branches professionnelles tendant à augmenter le nombre de places de formation en alternance, notamment en apprentissage. Les négociations sont en cours avec les grandes fédérations. La fédération du bâtiment, par exemple, qui emploie plus d’un tiers des jeunes en apprentissage, proposera plus de places en 2009 qu’en 2008. Et d’autres filières suivront.

Il faut continuer à marteler que l’apprentissage s’applique à tous les métiers, à tout l’éventail des professions : boulangerie, journalisme, soins infirmiers, management, etc.

J’en viens aux jeunes en difficulté, second volet de votre intervention, monsieur Lefèvre.

Vous avez évoqué les différents systèmes d’aide. Il faut réviser les CIVIS et les contrats d’autonomie afin d’être en mesure d’apporter un soutien plus individualisé et plus marqué, avec un vrai contrat comportant des droits et des devoirs. Les prochains dispositifs devront tirer les enseignements du fonctionnement des CIVIS et des contrats d’autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Le rapport précise que, « dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le taux de chômage des jeunes est presque deux fois plus élevé » que la moyenne, se situant à 42 % en 2007. Ce chiffre a récemment explosé dans les zones urbaines sensibles, progressant de 57, 2 % entre janvier 2008 et janvier 2009. Chez les jeunes titulaires d’un bac+3, il a même plus que doublé, enregistrant une augmentation de 104 %.

On peut s’interroger sur les causes de cette situation, mais le rapport ne traite pas de cette question.

Pourquoi être jeune et habiter en banlieue sensible serait-il un double handicap ? Sans doute parce que l’expression « jeune de banlieue » est source d’amalgames insupportables et installe d’emblée une représentation négative. Sans doute parce que le Gouvernement et les médias instrumentalisent, à des fins sécuritaires, le moindre fait divers qui se déroule dans un quartier sensible.

Inutile d’encombrer le Parlement avec une énième loi répressive, qui se révélera aussi inefficace que les précédentes !

Dans quelques quartiers, s’installe une logique de guérilla entre jeunes et forces de l’ordre. Il est nécessaire d’avoir une police de proximité qui gomme les difficultés. Il est nécessaire d’encourager, notamment financièrement, les associations qui interviennent dans ces quartiers parce qu’elles y sont sources d’équilibre. Il est nécessaire d’accélérer les restructurations urbaines. Il est nécessaire de bannir les pôles de compétitivité, qui concentrent l’emploi sur un seul site au détriment de ces quartiers.

Non, les jeunes de banlieue ne sont pas des délinquants en puissance ! Ils sont un vivier, une chance, pas une menace à contenir ! Pour les côtoyer chaque jour, je connais bien leur potentiel de richesse et d’inventivité. Mais je sais aussi quelle peut être la désespérance de ceux qui, à seize ans, passent sans transition de l’école au chômage.

Cette situation, intolérable dans un pays civilisé, est source de graves tensions dans nos quartiers. Plus d’un jeune sur deux s’y retrouve sans emploi. C’est le résultat d’une politique aveugle.

Monsieur le haut-commissaire, vous avez mis fin aux emplois-jeunes, alors que, contrairement à vos affirmations, il y a eu des réussites pleines et entières dans nos municipalités, dans l’éducation nationale.

Ce gouvernement se fait une gloire de supprimer chaque année des postes dans la fonction publique : encore 34 000 suppressions annoncées pour 2010 !

En mars, pour réaliser une économie de 100 millions d’euros, on a réduit, par décret, la prise en charge des cotisations sociales en faveur des entreprises installées en zone franche urbaine, alors que ces entreprises embauchent.

Où est le plan Marshall pour les banlieues ? Se résume-t-il à la « mesurette » du contrat d’autonomie, dont le rapport souligne le « démarrage laborieux »’ ? Ce sont 600 000 jeunes – nous l’avons dit et répété, le groupe socialiste n’a cessé d’insister sur ce point – qui arriveront sur le marché du travail en septembre prochain. La situation est extrêmement préoccupante.

Monsieur le haut-commissaire, j’attire votre attention sur l’urgence qu’il y a à prendre des mesures. Pouvez-vous décrire plus particulièrement celles qui sont destinées aux jeunes habitant dans nos quartiers sensibles.

J’espère très sincèrement que votre rapport va nous enthousiasmer ! Alors, monsieur le haut-commissaire, étonnez-nous par des mesures concrètes qui s’adressent en priorité aux jeunes des quartiers !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Il se trouve que je suis élu d’une commune voisine de Neuilly-sur-Marne, dont Jacques Mahéas est maire.

Il est vrai que les banlieues connaissent des problèmes et des difficultés. Il faut donc absolument les valoriser, comme cela se fait à Neuilly-sur-Marne, comme je le fais à Neuilly-Plaisance, car certains des jeunes de ces quartiers ont des qualités absolument remarquables.

Ce serait sûrement plus facile si nous pouvions faire passer ce message dans les médias. Bien sûr, l’opération « Talents des cités », dont le Sénat est partenaire, rencontre quelque écho, mais, tout le reste de l’année, lorsqu’on parle de la Seine-Saint-Denis ou de certains quartiers, c’est de manière négative. On en donne une image déformée.

Comment remédier à cette situation ? Pour ma part, je crois beaucoup aux contrats aidés, notamment dans les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Permettez-moi d’évoquer ma propre expérience. J’ai, comme d’autres sans doute, mis en place des contrats d’accompagnement dans l’emploi, des CAE, pour des jeunes en très grande difficulté. Personne d’autre que nous n’est prêt à les prendre ! L’objectif est d’amener ces jeunes à un certain niveau de compétence – meilleure aptitude à la lecture et au calcul, simplement – afin de les insérer dans les services municipaux. La collectivité peut alors – c’est ce qui s’est passé dans ma commune – prendre en charge la formation de ces jeunes dans un CFA. Seule une collectivité publique peut assumer cette tâche !

Voilà un moyen d’aider ces jeunes. D’autres dispositifs sont mis en place par l’État, mais je pense que les contrats aidés sont un moyen efficace pour lutter contre cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Remettez donc en place les emplois-jeunes ! C’est beaucoup plus intelligent !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avant d’en venir à l’objet de ma question, permettez-moi de réagir aux propos que vient de tenir M. Demuynck en réponse à M. Mahéas, l’un et l’autre étant maires d’une commune de Seine-Saint-Denis.

Vous déclarez, monsieur le rapporteur, qu’il faut cesser de stigmatiser les jeunes de banlieue, et je ne peux que partager ce point de vue. Mais ne pensez-vous pas que Mme la ministre de l’intérieur devrait, d’abord, appliquer elle-même ce précepte ? Déclarer que certaines villes de ce département sont des « supermarchés de la drogue » ne contribue pas à aplanir les difficultés !

En qualité de membre de la mission, je tiens à saluer à mon tour le sérieux et la qualité de ses travaux. Cela a été rendu possible grâce à sa présidente, Mme Le Texier, à son rapporteur, M. Demuynck, et aux collaborateurs du Sénat qui nous ont accompagnés.

Monsieur le haut-commissaire, comme cela a été rappelé du haut de la tribune, chacun des membres de la mission a constaté qu’un consensus se formait sur l’objectif d’octroyer à tous les jeunes une allocation ; c’est ce que, pour notre part, nous appelons le « revenu pour l’autonomie des jeunes ».

Je considère que ce consensus est une avancée. Les élus de mon groupe soutiennent ce projet depuis de nombreuses années, mais force est de constater qu’il ne s’est jamais trouvé une majorité pour le mettre en œuvre.

Aujourd’hui, pour justifier le report de son étude, a fortiori de sa mise en œuvre, on avance bien entendu son coût. Monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous donc nous indiquer la nature et le montant actuel des différentes aides fiscales et budgétaires destinées aux jeunes ?

Pour calculer le coût réel d’une telle aide, nous vous proposons d’envisager un revenu qui comprendrait deux allocations : l’une, fixe, pour tous les jeunes, l’autre, variable en fonction des revenus de chacun. Il est bien évident qu’il s’agit du revenu du jeune, pas de celui de ses parents, et que la somme de ces deux allocations devra dépasser le seuil de pauvreté.

Enfin, monsieur le haut-commissaire, comme l’a suggéré M. Jean-François Voguet, ne pourrait-on pas rechercher les fonds nécessaires à la mise en place de ce revenu d’autonomie du côté des niches fiscales et du bouclier du même nom ?

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame le sénateur, on estime à 30 milliards d’euros le coût des divers dispositifs de soutien fiscaux et sociaux. Je parle sous le contrôle de votre collègue Virginie Klès, coprésidente du groupe « ressources », en charge de ce dossier.

La question de la mise en place d’un revenu ou d’une dotation d’autonomie pour les jeunes n’est pas simplement de nature financière.

Si, depuis des dizaines d’années, ce projet figure dans les programmes politiques sans pour autant trouver une traduction concrète, ce n’est pas seulement pour une question de coût. C’est aussi pour une question de principe. Nous considérons en effet qu’il serait préjudiciable d’accorder un revenu sans avoir, parallèlement, une augmentation du taux d’activité, du niveau de formation ou de qualification. C’est le nœud du problème et cela nous force à être imaginatifs.

Nous envisageons donc différents scénarios. Il faut expérimenter divers dispositifs en évitant de créer un revenu de soutien qui se substituerait à un revenu du travail. Je suis persuadé que vous seriez les premiers à accuser le gouvernement qui instaurerait un tel dispositif de se substituer aux employeurs, de faire de l’insertion factice, d’encourager la concurrence vis-à-vis de vrais contrats salariaux. Il faut donc trouver un levier.

À cet égard, il existe plusieurs pistes, mais je pense surtout à celle qui consisterait à créer une sorte de capital dont le jeune pourrait disposer sous certaines conditions. Cela aurait évidemment des effets sur le pourcentage de jeunes en formation ou ayant un emploi. Mais cela doit aussi avoir une incidence sur les efforts qu’ont, de leur côté, à consentir les entreprises et les différents organismes publics pour ne pas continuer à avoir 14 % ou 15 % de jeunes qui ne sont ni en formation ni dans un emploi.

Nous ne travaillons donc pas uniquement dans un esprit comptable. Nous essayons de trouver la dynamique qui permettra d’augmenter les taux d’activité, de formation et de qualification.

J’ai cru comprendre que vous me demandiez par ailleurs s’il serait envisageable – mais il s’agit aussi de savoir si la représentation nationale l’accepterait – que des aides soient versées directement aux jeunes, sans passer par leur famille.

Parmi les différentes aides, qu’il s’agisse du quotient familial, des prestations familiales après dix-huit ans, pouvons-nous trouver un accord pour que tout ou partie des ressources allouées aille directement sur le compte du jeune ? Au passage, est-il possible de prévoir une égalisation pour que les jeunes issus de familles modestes perçoivent une aide supérieure à celle qu’ils perçoivent aujourd'hui ?

Effectivement, la logique impose d’accepter de telles propositions. J’espère que le réalisme politique ne s’y opposera pas.

Mme Éliane Assassi s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Chacun d’entre nous sait que la crise ne fait qu’amplifier le problème récurrent du chômage des jeunes.

La flexibilité accrue du marché du travail pèse, pour une large part, sur leurs épaules : dans le secteur privé comme dans la fonction publique, ils servent souvent de variable d’ajustement.

En marge de l’actualité conjoncturelle, il convient de ne pas négliger un aspect déterminant qui est la perte de sens, voire la perte du sens même de notre culture.

Depuis le siècle dernier, le travail s’impose comme une notion centrale. La formation doit déboucher sur l’emploi ; l’emploi assure l’autonomie. Cette centralité est en adéquation avec notre culture, qui établit que l’épanouissement de la personne est intimement lié à son activité professionnelle.

Aujourd’hui encore plus qu’hier, la réalité économique détruit cette logique, mais aussi l’emploi, la qualité du parcours pour y parvenir, les conditions de travail et, parfois, toute perspective d’épanouissement.

En 2008, seulement 26 % des jeunes Français jugeaient leur avenir prometteur, contre 60 % au Danemark et 54 % aux États-Unis.

C’est dans ce contexte que s’effectue le précieux travail des missions locales ; précieux parce qu’il relève de l’accompagnement de publics à qui l’on ne cesse de promettre des solutions qui tardent à venir ou auxquelles on ne croit plus depuis longtemps.

La notion d’accompagnement est cruciale. Un seul chiffre vous convaincra : en 2007, grâce aux missions locales, 600 000 jeunes ont trouvé un emploi bien qu’ils n’aient pas été inscrits à l’ANPE ni répertoriés dans vos statistiques.

Ces résultats attestent que les missions locales ont développé un savoir-faire contribuant sans aucun doute à restaurer le sens et la valeur – la vraie ! – du travail dans notre société, comme en leur temps les emplois-jeunes avaient eu pour vertu d’intégrer le public concerné dans un parcours cohérent au sein du monde du travail en le maintenant à distance de la précarité.

L’actuel gouvernement considère ouvertement que l’insertion des jeunes a un coût élevé. Cette conception étriquée ne prend pas en compte la notion incontournable du coût évité.

Si ce rapport valorise les missions locales, et l’on doit s’en féliciter, il s’abstient de préconiser une augmentation de leurs moyens alors que le nombre de jeunes concernés ne cesse de croître. Au moment où les charges des missions locales augmentent, leur budget stagne désespérément depuis 2005. À l’heure actuelle, un conseiller de mission locale peut suivre jusqu’à 400 jeunes sur l’année… C’est plus qu’incompréhensible : c’est inadmissible ! Comment concevoir un accompagnement personnalisé réalisable dans ces conditions ?

Monsieur le haut-commissaire, envisagez-vous de prendre les mesures budgétaires qui s’imposent pour donner aux missions locales, qui n’ont plus à faire la preuve de leur utilité et de leur efficacité, les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement ?

En parlant de coût évité, monsieur le haut-commissaire, je fais référence à un rapport qu’avait remis au Gouvernement, en 1990, un homme que vous connaissez bien, M. Claude Alphandéry, puisque ce rapport au gouvernement traitait du coût évité des politiques sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame le sénateur, vous avez raison.

Nous avons évoqué tout à l’heure les évolutions qui se sont produites au cours des trente dernières années. La création des missions locales, en 1982, a été une des initiatives les plus intéressantes parmi celles qui ont été prises à l’époque en matière de politique sociale en faveur des jeunes. Ce n’est pas un hasard si les missions locales ont peu à peu essaimé sur l’ensemble du territoire et si elles ont acquis la place qui est actuellement la leur.

Comme toutes les autres structures, elles ont connu des réussites variables d’un endroit à l’autre, mais il ne viendrait aujourd'hui à l’esprit de personne de remettre en cause leur existence. Au contraire, il convient de voir comment peut être améliorée leur articulation avec les autres acteurs.

Effectivement, un million de jeunes passent par les missions locales chaque année, lesquelles affichent un taux de retour à l’emploi d’environ 42 %, ce qui signifie aussi que, sur cent jeunes franchissant leurs portes, cinquante-huit ne trouveront ni un emploi ni une formation.

Mais il faut savoir que beaucoup de jeunes n’arriveront pas jusqu’à la mission locale ou mettront deux ou trois ans pour y parvenir. De nombreux acteurs des missions locales déplorent qu’ils n’aient pas accès aux établissements d’enseignement parce que, pour ces derniers, les missions locales sont synonymes d’échec.

Sur la question des moyens des missions locales, je peux vous annoncer que, face à l’afflux actuel de la demande, Pôle emploi augmentera de 20 % à 25 % sa contribution aux réseaux des missions locales dans les prochaines semaines. Le directeur général de Pôle emploi me l’a garanti il y a trois jours.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Sous forme de co-traitance. Dans la mesure où l’on reconnaît que les missions locales traitent plus de jeunes, il est clair qu’il faut augmenter le nombre de forfaits que Pôle emploi versera, à partir de ses ressources, aux missions locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Monsieur le haut-commissaire, le déficit de confiance dont souffrent les jeunes a été un véritable leitmotiv au cours de nos travaux.

Nous vivons le paradoxe d’une société dont l’objectif est d’émanciper l’individu, de le rendre plus autonome, mais qui, dans le même temps, dresse des obstacles devant lui.

C’est un problème de conscience et de justice sociale. Mais notre devoir d’élus et de parents doit aussi nous amener à considérer la jeunesse comme notre richesse et notre avenir.

Il s’agit de réconcilier la société avec ses jeunes, c’est-à-dire de croire en leur potentiel et de définir les moyens pour faciliter leur prise d’autonomie.

Accéder à un logement autonome est un moment fort dans la vie d’un jeune. Il marque le passage à l’âge adulte. Pour ceux qui sont en situation plus difficile, l’acquisition d’une adresse est aussi un préalable indispensable à la recherche d’emploi.

Le logement est un domaine où le déficit de confiance envers les jeunes est flagrant. On le mesure, notamment, à tout ce que les jeunes doivent fournir à un bailleur : caution parentale, fiches de paie, attestations de toutes sortes, avance de loyers, etc.

De nombreuses propositions sont faites à cet égard dans le rapport, qui ont reçu l’assentiment de mon groupe : extension des garanties des risques locatifs ; généralisation des Loca-Pass ; attribution d’une APL beaucoup plus réactive et adaptée aux jeunes.

Je souhaite apporter un éclairage particulier sur deux dispositifs et mettre en évidence une nécessité.

Tout d’abord, dans le cadre de la location, une piste intéressante, susceptible d’apporter une réponse innovante, alternative et immédiate – elle a été évoquée par le rapporteur – consiste à favoriser les rapprochements intergénérationnels. Nous avons, d’un côté, des jeunes qui rencontrent des problèmes de ressources et de logement et, de l’autre, des personnes âgées qui éprouvent des difficultés liées à la solitude. Les avantages matériels et pratiques apparaissent d’emblée : on soulage la demande de logement et l’on contribue à répondre au problème de solitude des personnes âgées en créant du lien social.

Il y a là une convergence qui relève indiscutablement d’une stratégie de gagnant-gagnant, grâce à des baux encadrés favorisant une cohabitation à la fois constructive et équilibrée.

Derrière ces évidences, c’est la notion de confiance qui réapparaît. Une telle démarche réhabiliterait le rôle des jeunes et réaffirmerait leur utilité aux yeux de la société et d’eux-mêmes.

Les agences immobilières à vocation sociale, les AIVS, ont aussi un rôle à jouer en matière d’autonomie grâce, notamment, au mécanisme de garantie locative.

Sur le plan pratique, ces agences tiennent lieu de « tiers de confiance » en dissipant la crainte du bailleur. Leur intervention facilite l’obtention d’un toit, le maintien de la dignité et permet au jeune de s’inscrire dans un parcours résidentiel ainsi que dans un processus d’autonomisation.

Le rôle dévolu aux AIVS s’affirme d’autant mieux qu’elles couvrent un éventail potentiel d’actions très large et qu’elles sont capables de s’adapter aux besoins des jeunes et aux réalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

La pénurie de logements sociaux ressort de manière frappante de nos auditions. La priorité des priorités est d’en construire non seulement pour les familles, mais aussi pour les jeunes et pour les moins jeunes.

Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer, qu’elles assument au travers d’outils de planification que nous connaissons tous.

Monsieur le haut-commissaire, il faut que nous puissions construire des logements et que nous en ayons les moyens.

J’espère que ces thèmes seront abordés lors des IVèmes rencontres parlementaires sur le logement, qui se dérouleront le 11 juin prochain.

Les jeunes attendent beaucoup de nous. Nous ne devons pas les décevoir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame Blondin, j’ai pu apprécier dans le Finistère les initiatives prises en faveur des jeunes et du logement.

La mission d’information a mis l’accent sur cette question, et nous y travaillons.

Concernant le logement intergénérationnel, il existe un paradoxe : tout le monde le plébiscite, mais il reste très marginal.

Les assises du logement intergénérationnel que nous organisons et qui se tiendront en septembre ont tout simplement pour objet de mettre les différents protagonistes autour d’une table et de populariser cette pratique. Les collectivités locales soutiennent cette démarche et nous devons mettre à contribution les différents acteurs pour que ce type d’échange se diffuse.

Cela suppose aussi que soit traité un problème juridique qui n’est pas bien compliqué, mais qui n’a jamais résolu à ce jour : il faut que le jeune puisse être accueilli en échange de quelques heures de travail sans violation de la législation en vigueur.

Le bail de colocation soulève également quelques problèmes juridiques, mais ils devraient être résolus assez facilement et le dispositif sera opérationnel au mois de juin.

Vous m’avez par ailleurs interrogé sur la garantie du risque locatif.

Il faut le marteler ici comme partout, le risque d’impayé de loyer n’est pas plus élevé chez les jeunes !

Du reste, la présomption d’impayé et de non-fiabilité que l’on fait peser sur les jeunes s’assimile purement et simplement à une pratique discriminatoire : tel est le cas lorsque l’on exige plus de garanties, à revenu égal, d’un jeune qui cherche à louer un logement que d’une personne plus âgée. J’ai donc décidé de saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, afin que, au-delà du travail qu’elle a déjà réalisé sur les discriminations en fonction de la couleur de la peau – et qu’elle a eu raison de mener ! –, elle procède à un testing pour démontrer la nécessité de mettre un terme aux discriminations à l’accès au logement en fonction de l’âge. J’espère que cette saisine sera traitée dans l’année.

Enfin, vous avez insisté sur le foncier et la commission de concertation sur la politique de la jeunesse devra se prononcer sur cette question. Le maire de Courcouronnes qui co-préside le groupe de travail sur le logement au sein de la commission estime, par exemple, que deux stratégies sont possibles : la première consiste à proposer une dizaine de mesures, assortie de quelques crédits, la deuxième consiste à mobiliser le foncier pour la construction de logements. Notre effort doit porter sur cette deuxième option, plutôt que sur la création de dispositifs spécifiques. Le Livre vert qui sera soumis à votre sagacité, avant la conclusion de vos travaux, abordera également cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Nous avons travaillé sur la question du logement intergénérationnel et nous avons considéré, comme vous, monsieur le haut-commissaire, que trop peu de contrats étaient signés : le dispositif fonctionne donc plutôt mal.

Aussi, nous avons envisagé la possibilité de distinguer, d’une part, le bail portant strictement sur les modalités de location et, d’autre part, les services supplémentaires que la personne âgée peut souhaiter et qu’elle rémunère au moyen de chèques services ou de tout autre mode de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable réalisé par la mission sénatoriale d’information et j’exprime l’espoir que des mesures pragmatiques et immédiatement applicables apportent des réponses aux difficultés rencontrées par nos jeunes dans tous les domaines évoqués aujourd’hui.

Plusieurs de mes collègues, monsieur le haut-commissaire, ont exprimé des interrogations quant à la tranche d’âge retenue, 16 à 25 ans. En effet, tout le monde en conviendra, les problèmes des jeunes trouvent généralement leur source avant l’âge de 16 ans.

Ce préalable étant posé, j’en viens plus précisément à ma question, relative à l’apprentissage, qui mérite de retrouver effectivement ses lettres de noblesse. L’accès à l’apprentissage à l’âge de 16 ans est une bonne chose, mais il vaudrait encore mieux permettre à certains jeunes d’y accéder plus tôt : je pense très précisément au dispositif de l’« apprentissage junior ». §Les jeunes qui en bénéficient réussissent le plus souvent parfaitement leur parcours. Pour eux, deux ans de scolarité normale en collège les auraient conduits à l’échec et auraient contribué à les démotiver, les poussant à décrocher totalement. Tel est, en effet, le langage tenu par les jeunes en rupture suivis par les missions locales, au sein des services « info-jeunes ».

Monsieur le haut-commissaire, comptez-vous promouvoir toute mesure qui permettrait à un jeune de moins de 16 ans qui en exprimerait le souhait d’accéder à l’apprentissage ?

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame la sénatrice, ces questions se sont déjà posées dans le passé. Je ferai délibérer sur ce sujet la commission sur la politique de la jeunesse, mais il me semble que, s’il peut être bon d’effectuer un passage en milieu professionnel avant 16 ans – pour changer d’air, apprendre autre chose, éventuellement reprendre confiance en soi en pratiquant des activités plus concrètes par rapport à ses aptitudes –, le fait de placer un jeune de moins de 16 ans dans la situation de subordination induite par un contrat de travail pose en revanche un problème.

On peut encourager la transition vers le monde du travail par un dispositif du type de la formation en alternance, mais en maintenant le terme de la scolarité obligatoire à 16 ans et sans abaisser l’âge à partir duquel on peut souscrire un contrat de travail. Il me semble possible de concilier ces objectifs sans rouvrir les débats infructueux sur l’apprentissage et le salariat de jeunes de 13 ou 14 ans engagés il y a trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Puisque notre débat est interactif, je souhaiterais ajouter un commentaire aux propos de M. le haut-commissaire.

Il me semble qu’il ne faut pas faire l’économie d’une réflexion sur la tendance que l’on observe trop souvent, consistant à renvoyer les jeunes qui « s’ennuient » dans le cursus scolaire classique vers l’apprentissage, des stages ou, directement, l’emploi. Je souhaiterais que l’on se pose vraiment la question de savoir pourquoi tant de jeunes ne réussissent pas dans le circuit scolaire classique : pourquoi conserver ce système d’éducation linéaire, le même pour tous, auquel tous les gamins – excusez ce terme familier qui se voulait chaleureux – doivent s’adapter ? Nous devons réfléchir aux différences existant entre les élèves et tenter de trouver des réponses adaptées.

Notre mission d’information propose de dédoubler les effectifs des cours de lecture au cours préparatoire, ou CP, parce que 80 % des enfants qui ne savent pas lire à la fin du CP ne sauront jamais lire : elle reprend ainsi une idée émise notamment par Luc Ferry. En même temps, lorsque nous avons intégré cette proposition à notre rapport, je me disais qu’il serait bon de dédoubler complètement les classes de CP : je n’ai cependant pas formulé cette proposition parce que j’étais sûre qu’elle serait refusée, en raison du coût financier et des difficultés de tous ordres qu’elle entraînerait, en termes d’effectifs, de locaux, etc. En revanche, le dédoublement des classes de lecture est indispensable. Il devrait également être possible d’inventer d’autres solutions pour les enfants en difficulté scolaire, avant de les orienter vers l’apprentissage.

M. Mahéas a soulevé la question des villes et des quartiers en difficulté : je la connais bien, étant élue dans une ville difficile, eu égard aux nombreux problèmes que rencontrent ses habitants. Notre commune compte vingt et un groupes scolaires : le taux de réussite au brevet des collèges s’élève à 43 % ! Les remèdes sont connus : au lieu de constituer des classes de trente élèves, limitons les effectifs à douze élèves, renforçons la présence des adultes dans les établissements…

M. Jacques Legendre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Oui, cela coûte cher ! Mais voulez-vous que des milliers de gamins continuent d’échouer au brevet des collèges ? Les solutions existent, elles ont été expérimentées notamment aux États-Unis, des sociologues comme Edgar Morin en parlent très bien ! Les remèdes sont connus, mais ils ont un coût : les choix financiers sont des choix politiques, et vice-versa. Je ne vous dis pas que nous allons adopter cette solution ce soir, mais je voudrais que l’on se pose sérieusement cette question !

Mme Maryvonne Blondin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Qu’allez-vous faire de ces jeunes ?

Je vous le dis très amicalement, pour abonder dans le sens de l’intervention de Jacques Mahéas, – et je profite de la présence de M. le haut-commissaire – les situations dans ces villes deviennent absolument ingérables : on y trouve une concentration de toutes les misères, la mixité sociale n’y existe plus ! Ne vous faites pas plaisir en continuant de parler de notre idéal de mixité sociale, il est mort ! Nous sommes en train de fabriquer ce que l’on a toujours voulu éviter en France : des ghettos et de l’apartheid !

Mme Patricia Schillinger opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Nous devons donc nous interroger sur cette situation. Je suis très heureuse que M. le haut-commissaire soit présent aujourd’hui parce qu’il ne pourra pas me répondre en évoquant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et les moyens qui lui sont accordés. L’action de l’ANRU est très positive, mais il ne suffit pas de ravaler les façades, de restructurer les quartiers ; il faut réfléchir aux moyens de mettre un terme à la formation de ghettos.

Vous ne voulez pas vous poser cette question : je vous assure que nous allons tous le payer très cher, dans peu de temps ! Mais ce sont ces jeunes qui le paieront le plus cher, et cela, ce n’est pas de la démagogie !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je souhaite simplement répondre à Mme la présidente de la mission d’information car je suis un peu choquée par ses propos liminaires sur l’apprentissage. J’ai clairement dit qu’il importe, à mes yeux, de rendre à l’apprentissage ses lettres de noblesse. Je n’ai pas voulu dire qu’il fallait placer en apprentissage, dès 14 ou 15 ans, des enfants en rupture qu’il faudrait aiguiller sur une voie de garage. Cessons de dire qu’un enfant qui ne réussit pas doit aller en apprentissage !

Au contraire, des jeunes disposant des capacités intellectuelles qui permettent de poursuivre des études longues – vers lesquelles on les pousse d’ailleurs ! – décident de quitter l’école à 16 ans, parce que ce type d’enseignement ne répond pas à leurs attentes. Le monde de l’apprentissage manque précisément de ces jeunes, dotés de capacités intellectuelles importantes, et qui, par la suite, continueront à se former parallèlement à l’apprentissage et fréquenteront peut-être un jour l’université. Donnons-leur la possibilité d’accéder plus tôt à l’apprentissage !

Mon propos ne portait donc pas sur les enfants en difficulté majeure, mais sur les enfants qui ont envie, à un moment donné, de quitter le circuit normal des études et se trouvent en difficulté à 16 ans, parce que cette possibilité ne leur a pas été offerte plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le haut-commissaire, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention exprimer votre volonté de maintenir et de développer le dispositif du service civil volontaire. Laissez-moi émettre le vœu que l’histoire ne soit pas un éternel recommencement ! En effet, si je confronte les annonces à mon expérience pratique d’élue de terrain, je ne peux qu’envisager une multitude de difficultés.

J’ai cru dès le début au service civil volontaire et, en tant qu’élue, j’ai œuvré pour qu’il puisse se mettre en place, sous toutes ses facettes, sur le territoire dont j’ai la charge. J’ai eu alors l’impression de devenir un yoyo ou un bilboquet, je vous laisse le choix, et de contribuer à la mise en œuvre d’une politique tenant lieu de « sparadrap » – or les vétérinaires, comme les médecins, savent que des pansements occlusifs posés sur des plaies infectées, ou prêtes à s’infecter, ne constituent pas la panacée !

L’idée était pourtant bonne ! Le service civil volontaire se présente essentiellement sous deux versions. La première, confiée à l’Établissement d’insertion professionnelle de la défense, l’EPIDE, et aux centres « défense deuxième chance », s’adresse aux gamins – je m’exprime comme Mme la présidente de la mission d’information ! –, aux jeunes les plus en difficultés, les laissés-pour-compte, ceux que l’on a oubliés au bord de la route, en les réaccompagnant avec des moyens très renforcés vers le savoir-être et le savoir-faire. Certes, le taux de démission dans ces centres est relativement important durant le premier mois, le plus souvent en raison de problèmes d’éloignement géographique, certains de ces jeunes ne pouvant pas rentrer chez eux le week-end ; mais, passé le premier mois, les taux de réussite et de réinsertion sociale et professionnelle sont de l’ordre de 60 % pour certains centres et de 90 % pour d’autres.

La deuxième version du service civil volontaire peut s’exercer au sein d’associations ou de collectivités locales. Cette formule s’adresse aussi bien à des jeunes en difficulté, après avoir rencontré quelques échecs successifs, qu’à des jeunes ressentant l’envie de s’investir dans des projets. Le point commun à tous ces jeunes est la volonté et l’envie de s’en sortir ou d’œuvrer au service de la collectivité.

J’évoquerai la période s’étendant de 2006 à 2009. À l’origine, l’EPIDE devait accueillir 20 000 volontaires par an dans une quarantaine de centres. Le budget de l’établissement public avoisinait alors 100 millions d’euros pour vingt-deux centres. Une forte montée en puissance avait donc été prévue. En 2009, le contrat d’objectifs et de moyens a été signé : il prévoit 2 000 jeunes dans vingt centres, pour un budget de 85 millions d’euros.

Cette logique d’ouverture et de fermeture m’échappe. Mme Fadela Amara nous annoncé récemment l’ouverture d’un centre au Mans, une région qui ne me semble pas dépourvue de centres « Défense deuxième chance », puisqu’on en trouve à Alençon, à Angers, et la région parisienne n’est pas très loin.

À l’inverse, un centre a été fermé en Bretagne et aucune ouverture n’est annoncée, sans doute d’autres régions en France en sont tout aussi dépourvues.

En ce qui concerne le service civil volontaire dans les associations et dans les collectivités, en 2005, 2006, 2008 et même encore très récemment, on annonçait la signature de 50 000 agréments. Or il n’y a aujourd’hui que 3 000 conventions dont 2 000 seulement sont pourvues, ce qui représente 2 000 jeunes contre 50 000 annoncés dans les territoires. C’est très peu !

Dans notre collectivité, après dix-huit mois de travail, nous avons obtenu l’agrément pour sept jeunes dans le service civil volontaire !

Dans une première fournée, nous avons recruté sept jeunes ; six mois plus tard, on nous annonçait qu’il n’y aurait pas de deuxième fournée ; puis six mois plus tard encore, on nous accorde finalement un autre recrutement ; quelques mois après on se rétracte et aujourd’hui nous avons recruté deux jeunes supplémentaires, nous avons même l’autorisation d’en recruter un autre dans quelques mois !

Comment organiser quelque chose de sérieux dans lequel les jeunes pourraient avoir confiance quand il nous faut quinze jours pour leur annoncer que nous avons une mission à leur confier, pour laquelle ils devront se présenter quinze jours plus tard avec quatre, cinq ou six autres candidats parmi lesquels personne ne sera finalement recruté ?

Cette politique de bilboquet et de yoyo doit absolument cesser !

Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement en la matière ? Je parle bien des intentions qui seront tenues et non de celles qui seront affichées ! Un véritable encadrement au niveau national est-il envisagé pour donner de la cohérence et de la stabilité au système ? Cela permettrait de rétablir la confiance des acteurs comme des jeunes dans ce dispositif de service civil volontaire.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Klès, ce sont des sujets sur lesquels vous nous alertez depuis toujours

Sourires

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Comme vous, je me refuse aux promesses qui ne seraient pas tenues, par respect pour les jeunes et eu égard à leurs espoirs.

D’abord, L’EPIDE, l’Établissement public d’insertion de la défense, a connu une croissance rapide dans un premier temps. Puis on s’est demandé si le coût n’était pas trop élevé et qui devait le payer. En conséquence, on constate une disproportion entre les moyens annoncés et les réalisations. Il a fallu du temps pour remettre de l’ordre dans ce système.

Vient d’être signé entre l’EPIDE et l’État un contrat d’objectifs et de moyens pour permettre une programmation réelle tenant ses objectifs et ses engagements. Je ne peux pas vous répondre précisément à propos du Mans, mais il est certain qu’une programmation aura lieu.

Ensuite, je ferai un parallèle avec la question des écoles de la deuxième chance. Ces dernières sont expérimentales depuis environ quinze ans. L’État n’y avait jamais mis d’argent. Tout le monde a pris plaisir à les inaugurer, à en faire l’éloge et la promotion. On a mis quinze ans pour mener des évaluations dans ces écoles, pour leur proposer un financement d’État pérenne et pour établir une stratégie de développement sur l’ensemble du territoire, là où les acteurs le veulent. Cela va, d’ailleurs, dans le sens de votre objectif. Vous prévoyez cent écoles, je ne sais pas si nous atteindrons ce nombre. Quoi qu’il en soit, nous envisageons une grande école de la deuxième chance par région avec une antenne départementale, ce qui paraît tout à fait normal. Ainsi, nous passerons de 7 800 à 15 000 places.

Évaluer le système pour savoir s’il convient peut sembler un peu technocratique, mais c’est le meilleur moyen de le pérenniser sur des bases solides. Si grâce à un encadrement et un accompagnement renforcé, un jeune en difficulté parvient à s’en sortir, cela permet-il de neutraliser la dépense supplémentaire qu’on lui a consacrée ? Dans certains cas, oui, dans d’autres, non. On ne peut pas répondre à la question au hasard.

Les procédures d’évaluation de montée en charge progressive sont les meilleurs moyens pour convaincre de la nécessité d’un financement pérenne, y compris parfois d’un financement plus élevé pour des jeunes davantage en difficulté.

Enfin, j’en viens au service civique proprement dit, pour lequel le rapporteur a montré tout son attachement il y a quelques semaines.

Si le service civique n’a pas été annoncé le 24 avril, c’était pour bien montrer qu’il ne s’agissait pas d’un substitut à l’emploi ni d’un contrat aidé de deuxième zone, mais d’un engagement, qui peut être indemnisé. Nous avons neuf chances sur dix de donner réellement son essor au service civique cette année.

Nous avons poussivement atteint 2 000 ou 3 000 places ; nous serons désormais en mesure d’obtenir un développement, un financement mais aussi un souffle. Le service civique est un magnifique projet, il ne faut pas le gâcher ! Je souhaite qu’il y ait plus de demandes de jeunes que de places disponibles. Le service civique doit attirer des jeunes très en difficulté comme des jeunes très diplômés auxquels il offre la possibilité de rendre à la nation ce qu’ils lui doivent, et faut que tous puissent le valoriser.

On voit émerger un consensus en faveur du service civique permettant de le pérenniser.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Nous avons eu l’occasion et le plaisir hier, dans l’enceinte de notre Haute Assemblée, de recevoir les apprentis de différentes activités professionnelles, venant de tous les départements de France. Ils avaient été sélectionnés à l’échelon départemental et régional pour être reçus au Sénat.

Cela a été pour nous un moment privilégié pour échanger avec les responsables des chambres de métiers, les maîtres d’apprentissage, et avec les PME, les TPE et les artisans qui emploient ces apprentis.

Comme ils me l’ont rappelé, il existe une volonté très forte du Président de la République de recruter davantage d’apprentis que par le passé. Un chiffre a d’ailleurs été fixé : 320 000 apprentis doivent être recrutés entre juin 2009 et juin 2010.

Des mesures très incitatives accompagnent cet objectif. Ainsi, la mesure « zéro charges » sera appliquée pour les nouvelles embauches d’apprentis. Le Gouvernement a mis en place, dans le cadre du plan de relance, le dispositif « zéro charges » pour toutes les embauches dans les entreprises de moins de dix salariés. On propose d’étendre ce dispositif aux entreprises de plus de dix salariés.

Cette mesure sera applicable pour un an aux embauches réalisées avant le 30 juin 2010.

Cette mesure est incitative, certes, mais un an, c’est un peu court lorsque l’apprentissage s’étale sur trois ans. Ne pourrait-on pas imaginer de porter le délai à trois ans ?

Ces aides d’accompagnement sont évidemment les bienvenues. Cependant, le recrutement des apprentis n’étant pas une économie mais impliquant au contraire investissement personnel et disponibilité pour former les jeunes, ne peut-on pas prolonger cette mesure sur trois ans ?

Ces PME, ces TPE et ces artisans ne demandent pas un gain, ils souhaiteraient avant tout être accompagnés sur trois ans.

En outre, peut-on imaginer que cette mesure qui s’arrête au 30 juin 2010 sera reconduite dans l’année ou les années à venir ?

Par ailleurs, j’ajouterai une question concernant les collectivités territoriales. Existe-t-il une réglementation pour inciter les collectivités – les mairies, les régions ou les conseils départementaux – à recruter des apprentis ? Leur participation au dispositif constituerait un symbole très fort, un signal qui serait envoyé à l’ensemble des acteurs employant de jeunes apprentis. Selon moi, l’apprentissage est un passeport pour l’avenir.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Concernant la nature des aides et l’avenir des mesures prises, les dispositifs annoncés le 24 avril, qui permettent de concentrer un effort de 1, 3 milliard d’euros sur les jeunes, sont des dispositifs de crise.

Ils ont été prévus pour être incitatifs maintenant, afin d’inverser la tendance. Ces mesures fortes et relativement massives sont conjoncturelles. Elles visent à accroître le nombre d’apprentis à la rentrée, alors que l’on prévoyait une baisse de 30 %. Il en va de même pour les contrats de professionnalisation, qui tendent à diminuer de 40 %.

Chaque semestre, nous ferons le point, afin de savoir si la situation nécessite ou non l’incitation.

Ces mesures ont été prévues pour aider à franchir une mauvaise passe comprise entre maintenant et mai 2010. Je ne peux pas vous en dire plus. Pour beaucoup des acteurs que nous rencontrons, ces mesures sont fortes.

Le cumul que vous avez rappelé – l’exonération de charges, la prime de 1 800 euros et le cadre de l’apprentissage qui était déjà considéré comme favorable – rassemble des mesures suffisamment incitatives, même lorsqu’il s’agit de recruter un apprenti pour un ou deux ans. Nous souhaitons également éviter de déclencher le remplacement de la main-d’œuvre habituelle par cette main-d’œuvre durablement peu chère.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Il faut tenir cet équilibre conjoncturel de crise, suffisamment massif et ciblé pour être adapté. Et, je le répète, nous ferons le point sur la situation semestriellement.

J’ai parlé tout à l’heure d’évaluation. Je reviens sur un autre dispositif interactif qui a été évoqué au sujet du dédoublement des classes de cours préparatoire.

Si je suis d’accord avec nombre de propositions formulées par la mission, il me semble que sur ce point l’évaluation du dispositif ne soit pas très concluante.

Lorsque Luc Ferry avait proposé cette mesure, il avait envisagé qu’elle serait ensuite évaluée. Or l’évaluation n’a pas montré une réelle amélioration de la situation. En effet, dans une classe de trente élèves, quinze conservent leur professeur habituel, quinze autres ont un professeur qu’ils ne connaissent pas. Résultat : quinze s’en sortent et quinze ne s’en sortent pas. Ce n’est donc pas forcément la meilleure solution pour résoudre le problème du mauvais apprentissage de la lecture en cours préparatoire. Il faut absolument traiter cette question mais pas nécessairement par le dédoublement des classes.

Enfin, madame Gautier, j’en viens à votre question concernant l’apprentissage dans la fonction publique. Le député Laurent Hénart a été missionné par le Premier ministre auprès des différents membres du Gouvernement concernés pour pousser le développement de l’apprentissage dans la fonction publique.

On dénombre en tout et pour tout 6 000 contrats en alternance dans la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Des élèves infirmières suivent une formation tout en travaillant dans une pseudo-alternance où elles sont payées 90 euros par mois ! Ce n’est pas normal. Cela doit devenir une véritable alternance, pour obtenir la rémunération d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Monsieur le haut-commissaire, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des jeunes en milieu rural, dont il n’a guère été question jusqu’à présent. S’ils sont certes moins nombreux que les jeunes urbains, ils méritent aussi toute notre attention.

À l’occasion des auditions de la mission d’information, Mme Cécile Van de Velde, maître de conférences à l’école des hautes études en sciences sociales, a déclaré que l’on pouvait « établir un parallèle entre la situation des jeunes isolés en zone rurale et celle des jeunes qui se sentent “piégés” dans les cités : ces deux catégories sont, en effet, soumises à des trajectoires d’insertion d’autant plus difficiles que certains jeunes éprouvent des difficultés à quitter des lieux qui ne leur offrent pas de débouchés professionnels mais où se concentrent leurs attaches identitaires et personnelles ».

J’ai trouvé son analyse très juste étant moi-même élue d’un territoire rural.

Je voudrais insister sur deux difficultés spécifiques aux jeunes ruraux, même si de nombreuses autres difficultés se posent à eux, comme le manque d’emploi, les obstacles à l’accès à la santé ou à la culture.

La première difficulté que je veux souligner porte sur l’accès au logement.

En milieu rural, il est quasi impossible de trouver moyennant un loyer abordable un logement de petite taille qui puisse accueillir un jeune seul. Cette absence de logements pose souvent problème quand il s’agit de répondre à d’éventuelles offres d’emploi.

Créer des logements individuels, des foyers de jeunes travailleurs ou des résidences sociales mixtes et intergénérationnelles permettrait aux jeunes de se loger plus facilement à des prix raisonnables et favoriserait l’instauration d’un cercle vertueux non seulement pour les jeunes ruraux mais pour l’ensemble du monde rural et son économie.

On peut aussi se demander comment un jeune apprenti, compte tenu de l’indemnité qu’il perçoit, pourrait payer deux loyers : un loyer sur son lieu de travail, et un autre sur son lieu de formation. Comme cela se fait dans de nombreuses régions, notamment dans le Limousin, il convient de généraliser l’internat ou des structures d’hébergement dans les CFA.

La seconde difficulté concerne l’accès physique du jeune à l’emploi ou aux lieux de formation. Il s’agit de la mobilité et des moyens de transport.

La mission locale d’insertion des jeunes de Tulle, que vous avez récemment visitée, me rappelait récemment que 54 % des jeunes reçus par elle-même et ses antennes en moyenne Corrèze n’ont pas le permis de conduire et que 28 % de ceux qui en sont titulaires ne disposent pas d’un véhicule. Les jeunes des secteurs d’Egletons, d’Argentat et d’Uzerche, où sont situées les antennes, ne peuvent qu’utiliser les transports collectifs, souvent insuffisants ou aux horaires inadaptés par rapport aux horaires du travail.

Dans ces deux domaines, des actions vigoureuses doivent être menées. Elles ne peuvent reposer uniquement sur la responsabilité et les moyens des acteurs locaux, et notamment des collectivités locales, qui sont de plus en souvent sollicitées, y compris pour le financement des PAIO et des missions locales.

Par ailleurs, la mission locale de Tulle mène une action d’accompagnement renforcé des jeunes en apprentissage, action que vous-même soutenez. À cet égard, je regrette que les crédits des missions locales, notamment ceux qui leur sont alloués par l’État, stagnent, voire diminuent. Cela est contradictoire avec la forte mobilisation que nous avons observée sur le terrain et la motivation dont font preuve tous les acteurs concernés, comme Mme Jarraud-Vergnolle l’a souligné tout à l'heure.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame la sénatrice, vous avez insisté principalement sur deux points qui sont sources de difficultés pour les jeunes en milieu rural : le logement et la mobilité. Sans dire que les problèmes auxquels ils sont confrontés sont plus importants que ceux que rencontrent les autres jeunes – ce serait nier les difficultés qui ont été évoquées tout à l’heure pour les zones urbaines sensibles -, ces problèmes sont réels et il faut pouvoir les résoudre.

Sur la question du logement, notamment quand les jeunes sont en alternance, nous devons, là aussi, si nous le pouvons, madame la présidente de la mission, monsieur le rapporteur, unir nos efforts afin que l’aide au logement puisse suivre l’apprenti dans sa mobilité géographique et, éventuellement, être un peu plus élevée pour tenir compte de sa situation particulière. Qui doit avoir deux maisons pour suivre son apprentissage ne doit pas pour autant perdre la raison !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Les aides à la mobilité sont indispensables, nous le savons. Les jeunes qui n’ont pas les moyens de se payer le permis de conduire peinent à trouver un emploi. Un peu d’argent d’État et de l’argent privé ont été mobilisés. Sur les 50 millions d’euros que j’ai obtenus d’une grande compagnie pétrolière française à destination du fonds d’expérimentation pour les jeunes, 10 millions d’euros seront consacrés au financement de 10 000 permis de conduire.

Nous avons intégré cette aide dans l’appel à projets et vous pouvez annoncer à la mission locale de Tulle, pour laquelle j’ai une affection particulière, compte tenu de la qualité de son travail, qu’elle peut prétendre à cette aide, que nous mettrons immédiatement à sa disposition. Ce sera un utile complément au programme de prévention des ruptures des contrats d’apprentissage qu’elle conduit avec notre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, durant les travaux de cette mission, nous n’avons pas abordé la question de la situation des jeunes en milieu carcéral. Or il sera d’autant plus important d’y réfléchir, dans un second temps, que les jeunes, notamment les mineurs, qui se retrouvent en prison sont souvent dépourvus de qualification et que le milieu carcéral n’est guère propice à leur formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Madame Laborde, vous avez raison de soulever cette question, qui est essentielle.

En matière de formation des jeunes qui sont incarcérés, notre pays a quand même quelques lacunes, c’est le moins que l’on puisse dire ; il est donc urgent aussi de travailler sur cette question.

En même temps, ayant pris une part active à la mission, vous savez que nous avons préféré laisser provisoirement de côté un certain nombre de problèmes très vastes, notamment ceux qui touchent les banlieues, qui ont été évoqués tout à l’heure par M. Mahéas. Ne disposant que de deux mois, nous voulions nous concentrer sur un certain nombre de sujets, qui sont ceux dont nous avons discuté cet après-midi.

En tout cas, - et ce sera une manière pour moi de conclure ce débat - le point que vous avez abordé et d’autres sont à revoir. Je souhaite que nous restions mobilisés, aussi actifs et productifs pendant le mois de juin que nous l’avons été au cours de ces deux mois, avec le souci de travailler dans le même sens, sans a priori et en nous gardant des conflits stériles.

Je ne saurais terminer – même si ce type de propos peut paraître convenu – sans remercier très sincèrement, pour le travail qui a été accompli, les membres de la mission et les personnels du Sénat qui nous ont apporté leur collaboration et dont je tiens à saluer les compétences. Et bien entendu, je vous remercie, mes chers collègues, pour votre participation aujourd'hui à ce débat.

Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie également de vos réponses qui ont été, comme d’habitude, précises et en même temps encourageantes. Vous nous avez donné « la pêche » à la fin de cette mission ! Nous étions parfois un peu démoralisés lorsque nous prenions la mesure de tout ce qui nous restait encore à faire, les réflexions à mener, les actions à mettre en place…

Parmi tous les points que nous avons évoqués ce soir, notamment le dernier, qu’a soulevé Mme Laborde, certains pourraient être traités sans que cela coûte les yeux de la tête. Une volonté affirmée, partagée peut suffire à faire évoluer les situations. Il faut se battre sans lâcher prise. Le Livre vert, dont nous connaîtrons bientôt le contenu, ajouté au travail que nous menons, nous aidera sans doute à être toujours plus persuasifs et combatifs.

M. Demuynck et moi-même étudierons attentivement, à tête reposée, les débats que nous avons eus cet après-midi afin de les intégrer au travail que nous allons poursuivre au mois de juin, en particulier sur des sujets qui n’ont pas été évoqués ou sur lesquels nous piétinons – je ne les citerai pas, ils sont connus de tous ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Comme vient de le dire Mme Le Texier, la mission a effectivement bien travaillé. Une partie du rapport sera mise en ligne demain puis publiée, mais notre tâche n’est pas terminée.

Au moins une dizaine de points, qui ont été évoqués au cours de ce débat, restent à étudier. Cela étant, nous devrons probablement cibler les questions.

Nous savons que nous n’avons guère approfondi certains aspects, telle la culture. Il est vrai aussi que certains de nos collègues ont déjà mené des missions dont nous pouvons nous inspirer. Ainsi, M. Lecerf a effectué sur le milieu carcéral un travail très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

M. Christian Demuynck, rapporteur. N’aurions-nous pas intérêt à partir de son rapport, quitte à proposer des modifications, plutôt que de tout reprendre à zéro ?

Mme la présidente de la mission commune d’information et Mme Catherine Troendle opinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de vous êtes prêté à ce débat interactif, qui, pour vous, est une première, ainsi que vous l’avez souligné. Cette procédure, en permettant à tous ceux qui le souhaitent d’intervenir, nous paraît excellente.

Je remercie également mes collègues pour leur présence à ce débat ; nous étions en effet nombreux cet après-midi, ce qui montre que les sénateurs savent se mobiliser.

Enfin, je remercie une nouvelle fois pour leur travail les personnels du Sénat, sur qui nous comptons pour la suite, notamment le second tome de ce rapport !

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Madame Laborde, l’insertion professionnelle des jeunes détenus et, plus largement, des jeunes sous main de justice est effectivement, pourrait-on dire, une question orpheline. Elle a pourtant été au cœur de ce que l’on a appelé le « Grenelle de l’insertion ».

Des programmes ont démarré, notamment dans le Sud-Ouest, tels que le programme LOTU dans le Pays basque, qui rassemble des entreprises, des travailleurs sociaux, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, pour accompagner les jeunes sortant de prison vers une insertion professionnelle.

Des crédits supplémentaires ont permis de faire naître des programmes nouveaux. Nous voulons montrer que ces programmes de la deuxième chance, en quelque sorte, donnent de bons résultats. D'ailleurs, les employeurs qui ont collaboré à ce système en sont généralement les plus ardents défenseurs : ils expliquent qu’ils ont eu affaire à des gens motivés, qui ont eu raison de tous leurs préjugés.

Nous sommes parvenus à créer une dynamique et j’espère que vous nous apporterez votre aide pour continuer dans cette voie.

À mon tour, je voudrais exprimer ma reconnaissance pour le travail effectué, la confiance accordée, les propositions formulées. L’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve a permis qu’un véritable débat ait lieu et que l’on puisse trouver dans votre Haute Assemblée, plus qu’une écoute, une force de propositions pour les jeunes. Nous essaierons d’en être à la hauteur.

Nous vivons un moment de bascule de l’état d’esprit, qui est notamment lié au fait que des jeunes ayant toujours tout fait comme il faut se retrouvent quand même en difficulté. Il y a là un problème systémique. C'est la raison pour laquelle la question des ressources ou celle de l’accompagnement sont envisagées différemment aujourd'hui qu’il y a deux ou trois ans. Il y a là une opportunité de jeter les fondements de quelque chose de nouveau. Si nous le faisons ensemble, j’en serais très honoré.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008, déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.