Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j’ai rejoint les rangs des membres de cette mission commune d’information avec une forte attente : que l’on puisse dégager quelques mesures pour mettre un terme à l’exception française d’un taux de chômage des jeunes deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Comme mes collègues qui se sont exprimés précédemment, je tiens à adresser mes félicitations à la présidente et au rapporteur de la mission pour la qualité des travaux qui ont été menés.
Deux mois après le début des auditions, je viens devant vous avec la même obsession et, je dois l’avouer, avec un certain nombre de craintes.
Mon propos s’articulera autour de trois remarques relatives à l’accès des jeunes à l’emploi.
La première concerne l’apprentissage. Dans sa première mouture, le rapport de la mission – déjà très médiatisé avant même d’avoir été soumis à la représentation nationale et évalué – consacrait de très nombreuses pages au récent discours du Président de la République sur ce sujet.
L’apprentissage constitue une filière d’excellence efficace, qu’il faut davantage valoriser sans pour autant la dénaturer. À cet égard, je m’inquiète d’une montée en puissance trop rapide qui serait sans lien avec les entreprises ou avec les possibilités d’orientation privilégiée des jeunes concernés. L’apprentissage doit rester une formation d’excellence. Prenons garde de ne pas la galvauder.
Deux autres écueils sont à éviter : d’une part, un effet d’aubaine pour des entreprises qui n’auront pas la capacité en si peu de temps d’accueillir des jeunes et de leur dispenser une formation de qualité, mais bénéficieront d’une main-d’œuvre sous-payée ; d’autre part, une tentative du Gouvernement et de l’État de se dégager de leurs responsabilités. Nous savons que les régions ont en charge l’apprentissage et que, au fil des années, de nombreuses compétences leur ont été transférées sans compensation financière. Nous savons aussi que le produit de la taxe d’apprentissage ne couvre pas l’ensemble des dépenses liées à l’apprentissage.
Le taux de rupture des contrats d’apprentissage est déjà très élevé et, si nous nous contentons d’une approche quantitative, sans nous préoccuper de la qualité de l’apprentissage, nous courrons au-devant de déboires importants.
L’État, et c’est là ma deuxième remarque, doit prendre toute sa part de responsabilité dans ce combat pour l’emploi des jeunes.
Tout en émettant des réserves, le rapporteur a affirmé que la mission n’était pas opposée au recrutement éventuel de jeunes dans le secteur non marchand. Le secrétaire d’État à l’emploi a fait, lui aussi, lors de son audition par la mission, part de sa non-hostilité.
En ce qui me concerne, je serai plus précis encore : il s’agit d’une proposition phare que les sénateurs socialistes soutiennent sans ambiguïté et qu’ils voudraient voir se concrétiser le plus vite possible. Mais y a-t-il une réelle volonté politique de mettre en œuvre cette préconisation ?
Monsieur le haut-commissaire, plusieurs faits me font douter que l’emploi des jeunes soit aujourd’hui une priorité.
En premier lieu, la défiscalisation des heures supplémentaires coûte environ 4, 3 milliards d’euros à l’État et empêche environ 90 000 personnes de rentrer sur le marché du travail, tout en alourdissant très sensiblement les comptes de la sécurité sociale.