Madame la présidente, madame la présidente de la mission d’information, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie le président Gérard Larcher ainsi que Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, et Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, d’avoir permis l’organisation d’un débat consacré à la politique en faveur des jeunes, dans le cadre de cette semaine de contrôle. C’est le symbole fort de la priorité qui doit être accordée à la jeunesse.
Je remercie aussi l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à la tribune, à commencer par Mme la présidente de la mission d’information et M. le rapporteur. Je salue l’investissement de chacun et me réjouis qu’autant de propositions aient pu être formulées en seulement deux mois, s’agissant d’un sujet dont on mesure toute la complexité et toutes les exigences.
Pour notre part, nous avons entamé notre réflexion voilà quelques mois. À cet égard, je ne doute pas que les réflexions engagées, d’une part, par le haut-commissariat et, d’autre part, par la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes permettront d’élaborer d’intéressantes propositions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souscris à nombre de vos orientations. Soyons tenaces et saisissons cette occasion pour faire passer nos messages.
Comme le rappelait Mme Bernadette Dupont, le Sénat, voilà six mois, dans le cadre de l’examen de la loi généralisant le revenu de solidarité active, adoptait à l’unanimité un amendement créant un fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Doté dans un premier temps de 10 millions d’euros, ce fonds atteint désormais 150 millions d’euros. Tout en maintenant la limite d’âge à vingt-cinq ans pour bénéficier du RSA, nous avions pris l’engagement, devant vous, de ne pas oublier pour autant les 16-25 ans. Aujourd’hui, six mois plus tard, nous voulons, avec votre soutien, tenir notre promesse.
Je vous exposerai la logique de notre action et détaillerai nos orientations en sept points.
Premier point : M. Legendre a montré que ce qu’il pouvait déclarer voilà trente ans était, hélas ! pratiquement toujours d’actualité aujourd’hui. Il importe de s’accorder sur des objectifs politiques quantifiés portant à la fois sur le taux d’emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans, sur leurs qualifications, sur la réduction des situations d’échec et de la pauvreté dans cette population. Nous devons être liés par des objectifs, qui doivent nous inciter à tout tenter pour aider ces jeunes à entrer dans la vie active. À cette demande d’estime et de respect, nous ne pouvons répondre par le mépris et l’indifférence.
Deuxième point : il faut garantir la continuité des parcours. Vous avez été plusieurs à souligner qu’on ne peut pas laisser un jeune de seize ans livré à son sort pendant un, deux ou trois ans, avant qu’il soit éventuellement « récupéré ». Les organismes publics chargés de la jeunesse ont l’obligation de maintenir une chaîne de responsabilités continue.
À cet égard, on peut se demander s’il ne conviendrait pas d’obliger les jeunes à suivre jusqu’à dix-huit ans une formation, en alternance ou non, en impliquant l’ensemble de la chaîne éducative et les missions locales.
Troisième point : vous avez tous évoqué la question de l’orientation. Sans doute faudrait-il créer un service public de l’orientation, laquelle serait alors dédramatisée. Une telle mesure irait certainement de pair avec l’attribution d’un droit à la réorientation et à une deuxième chance. Ce droit ne s’exercerait pas nécessairement dans les écoles de la deuxième chance, mais, à tout le moins, il conviendrait, pour prévenir les échecs et les ruptures, qu’il soit possible de passer d’une filière à une autre en tant que de besoin. Pour ce faire, le service public de l’orientation devrait veiller à organiser et décloisonner ces filières.
Unr filière ne doit pas être courte par principe ; l’essentiel est qu’elle permette au jeune qui le souhaite de poursuivre ses études. Au cours des Xèmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui ont eu lieu hier ici même, nous avons tous pu constater qu’on peut avoir suivi une excellente formation par apprentissage dans la boulangerie ou dans la céramique et, pour autant, vouloir poursuivre dans la voie de l’enseignement général ou de l’enseignement supérieur. Nous devons être capables d’organiser ce genre de parcours.
Ce service de l’orientation doit mettre en relation les jeunes avec les entreprises et les employeurs. Il doit permettre à tout jeune qui le souhaite d’effectuer un stage en entreprise, d’entrer en contact avec les professionnels du secteur qui l’intéresse, et cela même s’il ne bénéficie d’aucun réseau familial. Ce n’est qu’ainsi que nous mettrons fin à la sélection par l’échec et que nous offrirons aux jeunes la possibilité de choisir une formation en toute connaissance de cause.
Quatrième point : l’emploi. Il n’est pas acceptable que les jeunes doivent attendre six ou sept ans après l’obtention de leur diplôme pour décrocher un contrat à durée indéterminée. Beaucoup d’entre vous ont souligné que, pour remédier à une telle situation, l’essentiel était d’utiliser différents leviers, tant les contrats du secteur non marchand que ceux du secteur marchand.
M. Bourquin se demandait si nous renoncions aux emplois aidés dans le secteur non marchand. Je tiens à le rassurer en lui rappelant que le Président de la République a annoncé le 24 avril dernier que 30 000 emplois aidés allaient être créés dans ce secteur. Toutefois, les faits étant ce qu’ils sont, il faut être conscient que, malheureusement, le jeune qui a bénéficié d’un emploi aidé dans le secteur non marchand a plus de risque, un an après la fin de celui-ci, de se retrouver au chômage que le jeune qui n’a pas bénéficié d’un tel contrat aidé. C’est pourquoi il ne faut pas faire de ces contrats l’alpha et l’oméga de la lutte contre le chômage des jeunes.
Il est cohérent, à mon sens, de privilégier, là aussi, les formules d’alternance dans le secteur public, dans le secteur associatif, dans la fonction publique hospitalière, dans la fonction publique territoriale, formules que nous développerons. Depuis vingt-cinq ans, depuis la création des travaux d’utilité collective, les TUC, nous déplorons tous que les contrats aidés, aussi bénéfiques soient-ils, ne comportent pas une dimension formation.
Proposons donc des contrats d’alternance aidés intégrant une formation systématique et obligatoire. Les jeunes ne seront plus contraints de choisir entre l’alternance et le contrat aidé et il sera possible de combiner les deux. Il faut savoir que, dans l’ensemble des secteurs, une formation par apprentissage, dans 80 % des cas, permet à son bénéficiaire d’obtenir un contrat à durée indéterminée dans l’année qui suit la fin de sa formation.
Cinquième point : la question de l’amélioration des ressources. La mission commune d’information reviendra sur ce sujet et la commission que j’ai l’honneur de présider proposera de mettre fin au statu quo sur la question des ressources. Quelles sont les pistes ? Rappelons que l’alternance permet à la fois de percevoir des revenus tout en assurant une formation. L’augmentation des ressources doit aller de pair avec une meilleure qualification ; elle ne doit pas se faire au détriment de l’insertion professionnelle.
Alors que nous venons de créer le revenu de solidarité active pour les plus de vingt-cinq ans, il est exclu que nous en revenions à une situation moins profitable. C’est pourquoi il faut interdire les stages hors cursus et privilégier les vrais emplois ou l’alternance. Pour ce faire, utilisons les notions de capital ou de dotation, autant de pistes que vous avez ouvertes, mesdames, messieurs les sénateurs, pour permettre aux jeunes de percevoir des ressources durant leurs périodes de formation, de recherche d’emploi ou d’insertion. Personne ne doit rester sans revenu, sauf à violer le principe énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que l’a rappelé Mme Le Texier.
Enfin, il conviendra de compléter les ressources de ceux qui travaillent afin d’éviter que des jeunes âgés de vingt-quatre ou de vingt-six ans, percevant le même salaire et exécutant le même travail, n’aient finalement des revenus différents.
Sixième point : la notion de citoyenneté et le service civique, sur lesquels plusieurs d’entre vous ont insisté. Il serait vain de proposer aux jeunes un projet qui ne leur permettrait pas de s’engager. Il faudra ouvrir plus largement le service civique et en faire un instrument à la disposition des jeunes de toutes conditions, de tous niveaux d’étude, de manière à étancher leur soif d’engagement, d’innovation et de création.
Toute politique en direction des jeunes doit comporter une dimension artistique et culturelle, et sa place mérite d’être centrale parce qu’elle seule leur permet d’exprimer leur créativité au service de la transformation de la société. Elle ne doit pas se contenter de leur offrir un moule dans lequel se couler, alors même que les liens sociaux ont tendance à se distendre en raison de la crise.
Septième et dernier point : la programmation des moyens. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison de dire que, puisqu’il existe des lois de programmation pour la police et l’armée, par exemple, il ne serait pas incongru qu’une politique en direction de la jeunesse puisse être programmée et évaluée dans la durée. Ce n’est qu’ainsi que nous obtiendrons à des résultats tangibles, qui nous placeront, en la matière, dans le peloton de tête des pays de l’OCDE, et non parmi les deux ou trois derniers, comme c’est le cas actuellement. La bonne santé démographique de notre pays sera ainsi récompensée !