Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 19 novembre 2008 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 40

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Madame la ministre, l’article 40 du projet de loi suscite des interrogations de ma part s’agissant du sort qui sera réservé aux gestionnaires des hôpitaux lorsqu’ils ne pourront atteindre les objectifs budgétaires fixés à leur établissement.

En effet, alors même que la réforme de l’hôpital annoncée n’est pas encore en œuvre et ne met pas à la disposition des conseils d’administration et des décideurs les moyens de mener, par exemple, une politique territoriale, l’article 40 du PLFSS prévoit des dispositions surprenantes.

Premièrement, il instaure le placement sous administration provisoire automatique de l’établissement à partir d’un certain seuil de déficit budgétaire, conseillers généraux ou IGAS mettant en œuvre un plan de redressement sans qu’aucune procédure contradictoire ne soit prévue.

Deuxièmement, il prévoit le placement, également automatique, en position de recherche d’affectation, sans examen de la commission administrative paritaire compétente, du directeur et des membres de l’équipe de direction, ce qui, à défaut d’être inquiétant, est pour le moins surprenant. Cette disposition étonne d’ailleurs l’ensemble des représentants des corps de direction.

Ces mesures apparaissent d’autant plus inacceptables que les responsabilités dans la survenue de difficultés budgétaires n’ont pas fait l’objet d’une identification préalable réaliste aux différents échelons de la chaîne de décision.

De plus, elles ne prennent pas en compte les particularismes locaux liés à la situation géographique, aux problématiques particulières des établissements en termes de missions, d’histoire ou d’architecture.

Ne sommes-nous pas, madame la ministre, devant une tentative de « caporalisation » – le mot n’est pas trop fort – des directeurs d’hôpital et des directeurs des soins infirmiers qui ne déféreraient pas avec assez de zèle à la volonté du Gouvernement de voir muter, à marche forcée, l’hôpital public en hôpital-entreprise, vieux rêve, je le concède, de quelques cadres hospitaliers ?

Je vois poindre, concernant l’hôpital, une philosophie sociale qui ne laisse pas de m’inquiéter.

Si l’on n’y prend garde, l’hôpital, demain, deviendra une entreprise de production obéissant à la seule logique mercantile de la rentabilité à court terme, bien éloignée de l’idéal humaniste qui, depuis des décennies, fonde son identité et tourne, au-delà des qualifications professionnelles de chacun, tous les acteurs de la communauté hospitalière publique vers la recherche d’un seul profit : la préservation du « capital santé » du malade.

Je terminerai en disant que la politique du Gouvernement en matière de gouvernance et de gestion des hôpitaux publics m’inquiète également. Malheureusement, je ne suis pas seul à éprouver cette inquiétude.

J’en veux pour preuve le malaise qui gagne de nombreux hôpitaux, à commencer, tout près de nous, par ceux de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Pour la première fois, l’ensemble des présidents des comités consultatifs médicaux des quarante hôpitaux de l’AP-HP ont fait part de leur fort mécontentement devant la situation de leurs établissements.

Dans une lettre ouverte qui vous a été adressée, madame la ministre, ces représentants des 15 000 médecins de l’AP-HP dénoncent l’ « étranglement financier » délibéré de leurs hôpitaux. Ils soulignent que les « restrictions budgétaires sans objectifs médicaux ni de santé publique clairement identifiés font courir des risques graves au système de santé » qu’ils s’honorent de servir. Ils affirment qu’« il y a danger » et soulignent, notamment, la « paupérisation » de leurs établissements et le « découragement de l’ensemble des personnels qui y travaillent ». Tout est dit, hélas !

Voilà pourquoi nous nous opposerons avec détermination à votre politique de financement de l’hôpital public.

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