L’Assemblée nationale n’a pas remis en cause, en effet, les principaux apports du Sénat sur ce texte. Elle n’a pas bouleversé les grands équilibres que nous avions su trouver sur l’assurance, sur la contractualisation, sur les interprofessions, ou encore sur l’étiquetage de l’origine.
Ce respect mutuel entre les deux assemblées a permis de se mettre d’accord assez facilement sur un texte en commission mixte paritaire.
Depuis son dépôt, le projet de loi est passé de 24 articles à 66 après lecture au Sénat, puis à 96 articles au sortir de la commission mixte paritaire. Le Parlement n’a donc pas été une « chambre d’enregistrement », bien au contraire.
La commission mixte paritaire a adopté plus d’une centaine d’amendements. Beaucoup sont rédactionnels ou portent sur des mesures de coordination et de précision, mais quelques-uns sont plus substantiels.
Sur le titre Ier, l’Assemblée nationale a confirmé l’orientation de la politique de l’alimentation vers les circuits courts et le développement de l’information sur l’origine des produits.
La commission mixte paritaire a confirmé les ajouts de l’Assemblée nationale : définition d’un statut législatif pour le Programme national nutrition santé, et mise en place d’une base juridique nouvelle pour le système de cotation des vins.
La commission mixte paritaire a également précisé certaines dispositions introduites à l’Assemblée nationale, parmi lesquelles figurent : l’encadrement, à l’article 1er ter A, des possibilités d’alléguer qu’un produit est « à la truffe » ou « truffé » ; la sanction, à l’article 1er ter B, des détournements de notoriété des produits bénéficiant d’une appellation d’origine ; l’extension à l’outre-mer de la mention valorisante « produits de pays ».
Sur le titre II, véritable cœur du texte, la version issue de l’Assemblée nationale est largement la même que celle votée au Sénat.
À l’article 3, relatif à la contractualisation, le principe de priorité de l’accord interprofessionnel pour définir un contrat type a été maintenu.
À l’article 4, les obstacles opposés par le Sénat à la pratique du prix après vente ont été maintenus dans le texte, l’Assemblée nationale ayant simplement précisé les conditions dans lesquelles peuvent se dérouler les ventes à la commission effectuées par un mandataire.
À l’article 5, l’interdiction totale des remises, rabais et ristournes dans le secteur des fruits et légumes frais, que nous avions adoptée, a été confirmée.
Les députés ont demandé un rapport annuel sur les accords de modération de marge institués à l’article 5 bis.
Le texte de la commission mixte paritaire conforte les apports du Sénat concernant l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il sera doté d’un président ; quant aux opérateurs qui refusent de répondre aux enquêtes statistiques, ils pourront être sanctionnés, non seulement par une amende, mais également par le dévoilement de leur identité au grand public.
De longues discussions ont été menées sur les interprofessions, mais la majorité, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, considère qu’il appartient à celles-ci, en leur qualité d’organismes de droit privé, de déterminer librement leur organisation interne, qui devra nécessairement évoluer.
Sur les regroupements de producteurs, le texte proposé tend à encourager, à l’article 8, la constitution d’associations d’organisations de producteurs, les regroupements étant indispensables pour faire changer les rapports de force.
Le dispositif d’assurance prévu à l’article 9 a été préservé. La commission mixte paritaire est également revenue à la rédaction du Sénat concernant les engagements du Gouvernement en matière de réassurance publique, à l’article 10. Nous tenions particulièrement à ces avancées sur la question de l’assurance, car nous y avions beaucoup travaillé, en particulier avec notre collègue Daniel Soulage et le président Emorine.
Notons aussi, s’agissant du secteur viticole, que l’Assemblée nationale a adopté un article donnant une base juridique à la distillation de crise obligatoire, et que la commission mixte paritaire a rétabli un article du Sénat permettant une dénomination de vente unifiée des vins sous appellation d’origine contrôlée.
Enfin, la commission mixte paritaire a adopté la rédaction de compromis de l’Assemblée nationale concernant les installations classées dans le secteur de l’élevage : les regroupements d’élevages resteront soumis au régime des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, mais dans un cadre qui n’empêchera plus ces regroupements, alors que, de fait, la situation est actuellement gelée.
Par ailleurs, l’examen des demandes d’autorisation et les délais de recours ont été raccourcis, pour mettre fin à cette situation de blocage.
L’Assemblée nationale a regroupé les dispositions fiscales adoptées au Sénat dans un titre II bis A intitulé « Améliorer la compétitivité des exploitations agricoles ». C’était bien là notre préoccupation lorsque nous avons voté ces articles.
Sur ce titre, la commission mixte paritaire a confirmé la suppression de l’article 11 bis, adopté au Sénat, qui visait à permettre aux viticulteurs de remettre en cause le forfait agricole lorsque celui-ci ne correspondait pas à la catégorie sous laquelle le vin est effectivement vendu.
La commission mixte paritaire a supprimé la déliaison partielle entre la déduction pour aléas, ou DPA, et l’assurance, introduite par Michel Raison, considérant qu’il s’agissait d’une orientation contradictoire avec celles du titre II.
La commission mixte paritaire a confirmé la possibilité de constituer un groupement agricole d’exploitation en commun, un GAEC, entre époux, ainsi que les autres apports du Sénat et de l’Assemblée nationale, notamment en matière de lissage des revenus.
Sur l’installation, la commission mixte paritaire a confirmé dans ses grandes lignes le texte issu du Sénat. Elle a fait de même, à l’article 13, concernant la taxe sur les plus-values à l’occasion de l’urbanisation de terrains agricoles, qui a été affectée à l’installation.
En matière de foncier, l’Assemblée nationale avait souhaité étendre la compétence de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, la CDCEA, en prévoyant qu’elle donne un avis sur l’élaboration et la révision des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, si ceux-ci ont pour conséquence une réduction des espaces agricoles. La commission mixte paritaire a entériné cette extension.
Monsieur le ministre, la question de la forêt a été plus conflictuelle. Les députés, qui l’avaient pourtant votée en séance, se sont opposés en commission mixte paritaire à l’utilisation du compte épargne d’assurance pour la forêt pour des travaux d’investissement.
Apport majeur du Sénat au projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le compte d’épargne d’assurance pour la forêt restera donc limité à des travaux liés aux sinistres forestiers, ce qui n’est pas rien !
Le dispositif comporte également, ne l’oublions pas, une aide au paiement de la prime d’assurance.
Le texte de la commission mixte paritaire prévoit, par ailleurs, une orientation prioritaire des crédits issus des centimes forestiers en faveur des actions des chambres départementales de l’agriculture concernant la forêt.
La commission mixte paritaire s’est également accordée sur le droit de préférence des voisins, en cas de cession de parcelle forestière.
Enfin, la commission mixte paritaire a confirmé les dispositions du titre III bis, regroupant différentes mesures de simplification du droit pour les agriculteurs, et celles du titre V relatives à l’agriculture et à la pêche ultramarines. Au chapitre des simplifications, la commission mixte paritaire a entériné la décision de confier aux chambres d’agriculture les missions d’information sur l’installation.
En conclusion, je crois que, malgré des délais très courts, le Sénat comme l’Assemblée nationale ont su faire évoluer le texte du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche dans un sens très positif.
Ce texte nous fournit les outils pour nous projeter dans l’avenir, mais aussi, et surtout, pour préparer notre agriculture aux enjeux de l’après 2013. Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.