Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 13 juillet 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Ma première observation concerne les interprofessions. La contractualisation a le mérite de la transparence, mais pour que le rapport « gagnant-gagnant » s’établisse, elle doit se dérouler dans le cadre d’une négociation loyale et équilibrée, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui ! Il est vrai que, à la différence d’autres secteurs de notre économie, le secteur agricole est peu organisé, insuffisamment organisé.

Les filières doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités, prendre leur destin en main. Le Sénat a modifié le dispositif présenté par le Gouvernement en y introduisant un principe de subsidiarité : il appartient, d’abord, à tous les acteurs d’un secteur de s’asseoir autour d’une même table pour élaborer des contrats types ; l’intervention de l’État n’est prévue qu’en cas d’échec ou d’abstention.

Nous sommes favorables à cette disposition qui place les interprofessions plus directement sur des enjeux économiques, et non pas seulement techniques.

Néanmoins, il y a, à notre sens, deux conditions préalables qui ne sont pas réunies : la fixation de règles du jeu collectives, comme des modalités d’établissement des prix qui garantissent un niveau de prix au moins égal au coût de production et, surtout, la représentativité des interprofessions.

Celles-ci doivent s’ouvrir plus largement aux organisations dites « minoritaires », afin que la responsabilité des décisions qui y sont prises soit plus largement partagée. Certaines interprofessions persistent à refuser la diversité et à se crisper sur une défense – intenable – du monopole syndical. C’est aussi le cas dans d’autres instances de concertation et de décision, comme, parfois, au sein des SAFER.

Alors que nous vous avons entendu dire que vous étiez favorable à une représentation pluraliste, monsieur le ministre, comment comprendre le refus de tous les amendements, notamment ceux du RDSE, en faveur de ce qui paraît être un minimum dans une démocratie sociale ? La représentativité des syndicats, c’était d’ailleurs le fondement de votre texte relatif à la démocratie sociale dans les petites entreprises. Mais il est vrai que vous n’avez pas été suivi !

Ma seconde observation concerne l’installation.

En effet, à quoi servira-t-il de préserver le potentiel foncier s’il n’y a plus de capital humain ? Or les départs à la retraite sont nombreux et les jeunes prêts à prendre la relève, de plus en plus rares. Comment les en blâmer ? Pourquoi seraient-ils tentés par un labeur de tous les jours très faiblement rémunéré, puisque beaucoup d’agriculteurs sont aujourd’hui dans ce cas ? Ils en ont d’autant moins envie qu’ils doivent, pour bénéficier de l’assurance maladie, payer une cotisation minimale qui n’existe pas dans d’autres secteurs ? Quant à leur retraite, ils savent qu’elle sera maigre !

Alors que le projet de loi initial ne prévoyait aucune mesure favorisant l’installation des jeunes, le Sénat a introduit quelques dispositions en ce sens ; malheureusement, déjà insuffisantes, elles ont été encore réduites…

Je regrette par ailleurs que n’aient pas été adoptés les amendements visant à étendre le champ d’application du contrôle des structures pour favoriser les installations et à modifier le critère d’affiliation au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles, qui ne permet pas les installations progressives avec une acquisition sur plusieurs mois. C’est une occasion manquée.

Je ne peux également que déplorer, monsieur le ministre, le silence assourdissant qui a entouré un sujet pourtant au cœur des préoccupations dans mon département : je veux parler des CUMA, les coopératives d’utilisation du matériel agricole.

Enfin, je regrette que la question des retraites n’ait pas été abordée dans ce texte ou qu’elle ne l’ait été que très peu. Trop d’agriculteurs perçoivent encore aujourd’hui une retraite de l’ordre de 500 euros, alors que le minimum vieillesse s’élève à plus de 700 euros et devrait augmenter. Notre groupe avait déposé plusieurs amendements pour permettre à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui travaillent dur de quitter le métier dans des conditions dignes.

Il faudrait, monsieur le ministre, trouver des solutions concrètes pour remédier à cette situation. Sinon, comment arriverons-nous à susciter des vocations ?

« Les paysans sont sans cesse au travail et c’est un mot qu’ils n’utilisent jamais », disait Tchekhov. C’est sans doute parce que ce sont des hommes et des femmes passionnés et combatifs. Ils méritent donc une attention particulière.

Ils ont fait part de leurs préoccupations, le 1er juillet, devant le Président de la République et, s’ils ont bien entendu les assurances de soutien du Gouvernement, ils n’en sont pas moins inquiets, en particulier du fait du recours systématique à l’article 40 pour venir au secours de votre administration, monsieur le ministre, ce qui ne manquera pas de limiter les effets d’une loi dans laquelle, à titre personnel, je trouve bien des éléments positifs, bien des innovations.

À ce dernier égard, je veux, monsieur le ministre, rendre hommage à votre clairvoyance, ainsi d’ailleurs qu’à votre courtoisie sans faille.

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