Monsieur Jean-Claude Carle, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, qui m’a chargé de vous répondre.
Vous l’interrogez sur les moyens dont disposent aujourd’hui les pouvoirs publics pour contrôler les organismes privés agréés pour l’adoption.
Je vous rappelle que ce contrôle s’exerce en fait à deux niveaux.
En premier lieu, l’organisme doit solliciter, en application de l’article L. 225-11 du code de l’action sociale et des familles, une autorisation du département dans lequel il a son siège social pour assurer les missions d’intermédiaire pour l’adoption et le recueil d’enfants français nés sur le territoire français.
En second lieu, s’il souhaite mener son activité à l’étranger, il devra obtenir du ministre des affaires étrangères une habilitation, pays par pays, conformément à l’article L. 225-12 du même code.
Son activité est donc bien soumise au double contrôle du président du conseil général, pour ce qui relève de son fonctionnement sur le territoire français, et du ministre des affaires étrangères, pour l’action qu’il mène à l’étranger.
S’agissant plus particulièrement de la situation des mineurs nés en France et recueillis par un organisme, la législation impose à ce dernier d’en informer le président du conseil général du département dans lequel est né l’enfant.
Par ailleurs, il doit saisir, dans les meilleurs délais, le juge des tutelles, afin d’organiser une tutelle de droit commun. L’intérêt de l’enfant à être adopté sera ensuite apprécié par le conseil de famille, présidé par le juge des tutelles, dont la voix est prépondérante en cas de partage des voix. Cette procédure garantit donc le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Vous interrogez également le ministre de la justice sur l’opportunité d’instaurer une voie de recours, afin de prendre en compte la situation du père qui n’aurait été informé de sa paternité qu’une fois la procédure d’adoption engagée.
À cet égard, la loi du 5 juillet 1996 relative à l’adoption est claire : le législateur ayant fait le choix, conformément à l’article 348-3 du code civil, de réduire de trois à deux mois le délai pendant lequel les parents peuvent rétracter leur consentement à l’adoption de leur enfant, il avait été décidé, par coordination, de raccourcir dans les mêmes termes le délai, prévu à l’article 351 du code civil, à l’issue duquel un enfant dépourvu de filiation peut être placé en vue d’une adoption, étant observé que ce placement, une fois qu’il est réalisé, fait échec à tout établissement de filiation.
En effet, le placement permet la remise effective de l’enfant aux candidats à l’adoption et son immersion dans une cellule familiale, ce qui constitue une priorité. Je vous rappelle, monsieur le sénateur que ce choix, qui avait été défendu par le rapporteur de la loi de 1996 à l’Assemblée nationale, monsieur Jean -François Mattei, était fondé sur l’intérêt pour l’enfant d’être accueilli le plus rapidement possible dans une famille, plutôt que de demeurer dans des structures collectives d’accueil.
Le ministre de la justice partage une telle position. Il considère en effet qu’il serait contraire à l’intérêt de l’enfant abandonné de permettre de retarder son adoption, dans l’attente de sa reconnaissance incertaine par celui qui se prétendrait être son père.
Vous pouvez convenir avec moi, monsieur le sénateur, de l’insécurité juridique pour l’adoption et de la confusion qui pourrait résulter pour l’enfant lui-même d’un allongement des délais permettant d’ouvrir une voie de recours à la personne qui se prétend son parent.
C’est la raison pour laquelle le ministre de la justice ne souhaite pas s’engager dans la voie que vous lui proposez.