Restaient donc les 1, 173 million d’entreprises et leurs 15 millions de salariés. Or on apprenait que seules celles qui versaient des dividendes seraient concernées, soit un peu plus de 16 % de l’ensemble. Après application de ce critère restrictif, il ne restait plus que 6 millions de salariés, sur l’ensemble des 15 millions. Mais d’autres limites ont été ajoutées.
Ainsi, seules les entreprises de plus de cinquante salariés, soit 4, 3 millions de personnes, sont ciblées. Il me semble d’ailleurs avoir entendu Mme Procaccia le dire. De plus ne seront retenues que les entreprises qui versent des dividendes en augmentation par rapport aux deux exercices précédents.
Dans le meilleur des cas, ce sont moins de 4 millions de salariés sur les 21 millions que compte notre pays qui seraient concernés, soit à peine 20 %.
Venons-en au montant de la prime.
Grâce à la fameuse communication gouvernementale, chacun avait compris qu’elle serait d’un montant de 1 000 euros. Or il n’y a rien d’obligatoire, sauf la négociation ! On peut donc aisément imaginer que cette négociation puisse déboucher sur une prime d’un montant largement inférieur à la somme moyenne envisagée par le ministre, soit 700 euros. Rajoutons que, bien évidemment, cette somme ne comptera pas pour le calcul de la retraite…
En revanche, du côté des employeurs, j’observe qu’il sera aisé de contourner cette mesure. Je pense, par exemple, à la stabilisation du dividende d’une année sur l’autre, au rachat par une entreprise de ses propres actions afin de rémunérer les actionnaires sans verser de dividendes, ou bien à la réduction de la participation et de l’intéressement d’un montant égal à la prime, ce qui semble être déjà le cas dans certaines entreprises.
Enfin, je saisis mal ce qui justifierait, par exemple, qu’une entreprise ayant versé sur les deux dernières années un dividende au taux de 17 % soit exemptée de prime, et pas une autre qui aurait, elle, versé des dividendes en augmentation de 1 % à 4 %.
Alors, me direz-vous, que reste-t-il de cette fameuse prime ? Pas grand-chose, à vrai dire !
En revanche, fidèles à votre credo libéral et injuste, vous n’avez pas manqué d’exonérer cette rémunération de cotisations patronales et salariales. L’impact serait de 20 millions d’euros en 2011, et de 350, voire de 640 millions d’euros, comme le dit notre rapporteur général, si la prime est pérennisée.
En effet, un amendement adopté par l’Assemblée nationale prévoit que ce dispositif s’appliquera jusqu’à l’intervention d’une loi suivant les résultats de la négociation nationale interprofessionnelle sur le partage de la valeur ajoutée. Certains peuvent y voir la volonté du Gouvernement de « rendre la main » aux partenaires sociaux. Mais ne nous leurrons pas, il ne s’agit encore que de dispositifs variables et largement à la discrétion de l’employeur, et non de salaires assortis de cotisations, ce que dénoncent d’ailleurs les représentants des salariés !
Au final, ce texte repose sur des hypothèses macroéconomiques, notamment de recettes, qui procèdent plus de l’incantatoire que du réalisme. L’incertitude du contexte économique actuel et ses impacts sur la masse salariale, comme sur la croissance, éléments essentiels de nos finances sociales, en sont la preuve.
Pour ce qui est de la prime, nous venons de démontrer qu’il s’agit ici de créer, en contradiction avec l’exigence de réduction des déficits, une nouvelle « niche sociale ». Elle est donc un accélérateur de la dégradation de nos comptes sociaux.
Enfin, ce projet de loi n’est pas une réponse acceptable ni une garantie que seront tenues les promesses de progression du pouvoir d’achat faites à l’adresse des catégories modestes et moyennes, celles-là même qui ont vu leur niveau de vie baisser depuis plusieurs années.
Pour l’ensemble de ces motifs, je vous invite, chers collègues, à voter cette motion tendant à opposer la question préalable.