Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une prime, même si elle est annoncée pérenne, demeure une prime. Les accords salariaux sont conclus sur la durée. C’est bien le reproche majeur que nous faisons à cette proposition, monsieur le ministre.
Faisons un peu d’histoire.
C’est en 2005 que le gouvernement alors en place a engagé une opération de relance de la négociation salariale : 40 % des branches avaient à l’époque des grilles qui commençaient sous le SMIC. En 2008, vous êtes allés jusqu’à prévoir des sanctions pour les branches qui persisteraient dans cette voie, à savoir des allégements de cotisations sociales qui démarreraient non plus sur la base du SMIC mais sur celle du minimum conventionnel.
En 2010, il faut reconnaître que 12 % des branches – c’est toujours trop, mais il y avait un progrès – commençaient encore sous le SMIC. Il n’est pas inintéressant de rappeler lesquelles : les prestataires de services du tertiaire – comme d’habitude –, mais aussi les officines de pharmacie, les particuliers employeurs, les organismes de formation. Il ne s’agit pas forcément des secteurs les plus touchés par la crise, par exemple les industries, mais cela concerne bien des branches où les salariés sont isolés et trop peu défendus.
Les syndicats vous ont avertis de la dégradation de la situation. Or vous n’avez rien fait d’autre que d’écouter les avis des experts qui affirmaient qu’il fallait absolument éviter ce que l’on appelle en jargon « les effets de second tour », c'est-à-dire l’augmentation des salaires qui nuirait à la compétitivité.
Où en est-on aujourd’hui ?
Actuellement, 48 branches sur 175 ont des grilles salariales qui commencent sous le SMIC. Cela représente plus de 2 millions de salariés !
Au 1er août prochain, ce seront 124 branches employant 8, 5 millions de salariés qui seront dans ce cas. On sait depuis l’année dernière qu’il en sera ainsi, les minima conventionnels étant alors trop bas pour ne pas être noyés à la hausse suivante du SMIC.
Qu’avez-vous fait ?
Vous avez reporté au 1er janvier 2013 la sanction prévue par la loi de 2008 sur la diminution des allégements de cotisations sociales patronales. Parce que des élections difficiles approchent, parce que les journaux sont pleins des montants démentiels des revenus des milliardaires – selon Le Nouvel Observateur, M. Arnault aurait perçu 557 millions d’euros de dividendes cette année, ce qui donne une idée du montant de son capital –, parce que la consommation est en berne et que les entreprises, surtout les PME, voient leur chiffre d’affaires et leur bénéfice diminuer, il fallait politiquement se manifester, donner le sentiment que le Gouvernement s’intéresse à cette problématique. Alors, vous inventez cette prime discrétionnaire, d’un montant variable.
Ce n’est pas cela qu’attendent les salariés de notre pays. La négociation salariale est la seule réponse sur la durée pour des millions de salariés en difficulté, et il serait sage et efficace de revenir à des réductions d’allégements de cotisations sociales patronales pour les entreprises qui s’y refusent.