Autant l’article 1er de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, qui constituait une première, n’était qu’un prétexte, autant son article 2 permet d’entrer véritablement dans le vif du sujet. Cette disposition a pour objet de rectifier le montant de la compensation des réductions et exonérations de cotisations et contributions sociales en les faisant passer de 3, 4 milliards d’euros à 3, 6 milliards d’euros.
Voilà des années que nous ne cessons de dénoncer les exonérations de cotisations sociales, considérant qu’elles ont un effet négatif sur les comptes sociaux – c’est une évidence –, mais également sur l’emploi.
Depuis peu, la Cour des comptes nous a rejoints dans cette critique, considérant que les exonérations générales de cotisations ont tendance à privilégier le sous-emploi et l’emploi mal rémunéré, puisque les principales exonérations se concentrent sur les bas salaires. Les employeurs ont donc tout intérêt à conserver des bas salaires, car plus ces derniers sont nombreux, moins ils payent de cotisations. Les conséquences sont pourtant dramatiques pour nos concitoyens qui doivent, eux, se contenter de ces salaires pour vivre.
Les comptes sociaux sont quant à eux doublement pénalisés. Ils souffrent non seulement de ces exonérations, mais aussi de la faiblesse de l’assiette sur laquelle reposent les cotisations restantes. Monsieur le ministre, vous qui prônez systématiquement le « gagnant-gagnant », force est de constater que nous sommes ici dans une relation « perdant-perdant » qui devrait vous inciter à l’action, notamment dans le domaine de la protection sociale.
Face à l’émoi légitime provoqué chez nos concitoyens par certaines exonérations de cotisations sociales consenties sur des éléments de rémunération dont ne bénéficient que les plus riches, vous avez fait preuve d’imagination en inventant le forfait social, mais celui-ci demeure trop bas et ces rémunérations sont moins taxées que le travail des salariés.
Dans le même temps, les critiques sont devenues régulières de la part de la Cour des comptes. Le Gouvernement prétend s’être engagé dans une lutte importante contre les niches sociales. Pourtant, les suppressions de ces dispositifs sont marginales.
D’ailleurs, l’annexe V du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 montre très clairement que, si le montant total des exonérations générales de cotisations sociales diminue, c’est en raison moins de l’action du Gouvernement que de la crise, qui a entraîné la destruction de centaines de milliers d’emplois, notamment ceux qui étaient peu qualifiés et sur lesquels étaient assises ces exonérations.
C’est ainsi que perdurent des dispositifs que nous considérons comme nuisibles à l’économie et aux comptes sociaux et que les structures de contrôle que sont la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires jugent peu efficaces, coûteux et mal maitrisés. C’est notamment le cas pour l’évaluation du dispositif Fillon d’exonération générale sur les bas salaires.
L’annexe V du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale renvoie à une étude qui conclut que « la réforme Fillon n’a pas eu d’effet clair sur l’emploi ».
Certains dispositifs sont même iniques, puisqu’ils coûtent plus qu’ils ne rapportent, à l’image des exonérations de cotisations sociales consenties dans la loi TEPA d’août 2007 pour les heures supplémentaires. On comprend pourquoi deux députés, appartenant l’un à la majorité et l’autre à l’opposition, viennent de proposer de réformer considérablement ce dispositif.
Et lorsque le courage vous prend enfin de supprimer certaines exonérations, monsieur le ministre, vous vous trompez de cible et ne vous souciez guère des conséquences de vos décisions sur nos concitoyens. Disant cela, je vise la suppression des exonérations de cotisations sur les services à la personne. Cette mesure aura pour effet, à terme, d’obliger 54 000 personnes à renoncer aux services à la personne, alors qu’ils en ont besoin, du fait de leur âge, de leur état de santé ou de leur handicap.
Aussi, refusant de nous inscrire dans une logique qui soit affaiblit la sécurité sociale, soit fragilise nos concitoyens, nous ne pourrons que voter contre l’article 2.