Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis heureux que le Sénat puisse débattre de ce grave problème de la Côte-d'Ivoire, et je remercie le Gouvernement d'avoir accepté la demande du Sénat et de son président.
Je tiens avant tout à saluer, au nom du groupe du RDSE, la mémoire des neuf soldats français qui sont tombés samedi dernier à Bouaké, victimes d'une attaque que nous condamnons de la manière la plus ferme. Que leurs familles reçoivent l'expression de notre vive sympathie et de notre solidarité.
Nous pensons aussi aux trente-quatre soldats qui ont été blessés, et nous formons des voeux pour leur rapide rétablissement.
Tous ces hommes servaient non seulement leur pays, mais aussi la défense de la paix, dans un pays victime de troubles graves depuis plus de deux ans.
La décision immédiate du Président de la République de détruire les avions ivoiriens était proportionnée aux événements ; elle répondait, je crois, à un objectif mesuré.
La présence de la France en Côte-d'Ivoire est placée sous le mandat légitime de l'ONU et s'articule avec les forces de l'ONUCI, qui émanent des Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO. Elle est donc indispensable.
Le groupe du RDSE soutient la politique du Gouvernement, qui a sagement choisi de ne pas prendre parti, mais seulement de s'interposer, de protéger les populations civiles et de s'assurer qu'aucune exaction ni aucun nettoyage ethnique ne soit commis. Malheureusement, des charniers ont déjà été découverts dans les zones du Nord, sans que les coupables aient pu, à ce jour, être clairement identifiés.
La mission la plus urgente des forces de paix doit demeurer la protection des populations civiles, quelle que soit leur origine C'est à ce titre que doit répondre l'envoi de militaires du 43e BIMA - bataillon d'infanterie de marine -, stationnés au Gabon ou basés à Brive et en Corse.
Ce sont 15 000 à 16 000 de nos compatriotes qui vivent aujourd'hui dans l'inquiétude. Les actes anti-Français se multiplient, conduisant même, parfois, à une véritable « chasse au blanc ». Plusieurs milliers de nos compatriotes ont déjà trouvé refuge dans le camp militaire français, tandis que plusieurs centaines d'autres se sont abrités dans la mission de l'ONU.
Face à ce climat délétère, le dispositif militaire doit s'orienter vers une protection renforcée de nos compatriotes.
Votre Gouvernement, monsieur le ministre, a pris acte de la très grave détérioration de la situation. Il a annoncé, hier, la mise à disposition de plusieurs avions pour rapatrier les Français en détresse qui en expriment le souhait. Ces Français doivent être assurés de trouver aujourd'hui, auprès de nous, le réconfort de la solidarité nationale.
Les différents présidents qui se sont succédé à la tête de la Côte-d'Ivoire depuis la disparition du président Houphouët-Boigny portent une grave responsabilité dans la déliquescence du régime ivoirien. Leur incapacité, ou leur refus conscient, de prendre la mesure des nécessaires évolutions du pays a conduit, de fait, au chaos L'obstination du président Henri Konan Bédié à refuser qu'Alassane Ouattara, pourtant ancien Premier ministre du président Houphouët-Boigny, puisse se présenter aux élections présidentielles de 1995 a contribué à fragiliser la démocratie ivoirienne, en cristallisant les antagonismes.
Le président Gbagbo n'a, jusqu'à présent, pas démontré sa capacité à réconcilier le pays. Sa réticence à mettre en oeuvre les accords de Marcoussis ne pouvait que favoriser la situation actuelle de troubles. Ce texte fixe l'objectif de rétablissement de la paix et de réconciliation nationale. Il souligne, pour se faire, l'impérieuse nécessité de la tenue d'élections libres, transparentes et ouvertes. Il met également en exergue la mise en oeuvre d'un programme de réformes des principaux sujets de fond qui sont à l'origine de la crise actuelle, au premier rang desquels la nationalité et l'éligibilité, gages de concorde nationale.
L'application de ces accords exige au préalable que les interlocuteurs en présence entendent la voix de la communauté internationale et appellent fermement les fauteurs de troubles à mettre fin aux exactions qui compromettent gravement l'avenir de leur pays.
La résolution de cette crise ne peut être que politique. L'action du Gouvernement français est engagée dans ce sens, et le groupe du RDSE lui affirme son soutien.