Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 10 novembre 2004 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

... nous rendons plus complexe encore le code général des impôts, et nos amendements ont des effets tout à fait marginaux sur le plan budgétaire : ils correspondent plus à une nécessité optique, à une sorte d'effet d'annonce, qu'à la recherche de l'efficience de l'action.

Sommes-nous capables, mes chers collègues, de réfléchir sur le rôle de l'impôt et, plus globalement, des prélèvements obligatoires dans le pacte républicain ? Car nous touchons là le point le plus aigu et le plus sensible de la relation entre chaque citoyen et l'ensemble des institutions publiques.

Pouvons-nous continuer à distinguer l'impôt que percevrait l'Etat, qui s'établit à 38 % du montant des prélèvements obligatoires - le ministre d'Etat l'a rappelé -, de l'impôt mis en recouvrement par les collectivités territoriales, qui représente 12 % de ce même montant, et des cotisations sociales, qui en constituent à elles seules la moitié ?

L'heure est venue de mettre en discussion simultanément, globalement, les prélèvements sociaux, les impôts que perçoit l'Etat et ceux que perçoivent les collectivités territoriales. Peut-être un jour pourrons-nous même discuter en même temps du budget de l'Etat et du budget de la protection sociale. C'était une heureuse initiative, sans doute, que de prévoir un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; mais, à l'épreuve, que de déceptions ! L'ONDAM échappe à tout contrôle et, comme l'horizon, s'éloigne au fur et à mesure que l'on avance !

Nous avons besoin d'être accompagnés dans notre souci de réflexion et de débat par une observation aussi objective que possible. Alain Vasselle a fait référence au Conseil des impôts. J'ai pour ma part une grande considération pour le Conseil des impôts ; mais puis-je rappeler qu'il a été fondé sur une base réglementaire, en 1971, que sa composition est très élitiste puisqu'il ne comprend que des hauts fonctionnaires, et que ses méthodes de travail sont pour le moins étonnantes ? J'avoue avoir été surpris par la tonalité de sa dernière « livraison », qui entrait en contradiction avec un récent rapport de la commission des finances à propos de la délocalisation.

Comment travaille ce Conseil des impôts ? Nous vous ferons, messieurs les secrétaires d'Etat, des propositions destinées à donner une base légale à une institution dont les bases actuelles ne sont que réglementaires. Il faut veiller à élargir sa composition, de telle sorte qu'en son sein puissent être désignées des personnalités qualifiées qui ne soient pas nécessairement des représentants de la haute fonction publique. Il faut aussi que son champ d'investigation soit élargi à l'ensemble des prélèvements obligatoires et ne se limite plus au seul impôt, car il est des prélèvements sociaux qui présentent toutes les caractéristiques de l'impôt. Il faut enfin que cette institution puisse être mise à la disposition du Parlement pour éclairer le débat sur les prélèvements obligatoires.

Nous avons besoin de cet instrument de visibilité, de lucidité, et nous avons besoin qu'il travaille avec la plus grande impartialité possible.

Par ailleurs - et je m'adresse là plus particulièrement à vous, monsieur le secrétaire d'Etat au budget -, il est d'usage de présenter le projet de loi de finances en distinguant ce qui est impôt à la charge des ménages et ce qui est impôt à la charge des entreprises ; et, chaque année, on distingue les mesures en faveur des uns et les mesures en faveur des autres.

A la vérité, cette distinction a-t-elle un sens ? Y a-t-il tant d'impôts réputés à la charge des entreprises qui ne soient pas, en définitive, supportés par les ménages ? Je mettrai à l'écart, naturellement, l'impôt sur les bénéfices des sociétés ou sur les bénéfices des entrepreneurs individuels. Mais les impôts que sont la taxe professionnelle, les cotisations sociales mises à la charge de l'employeur, ces impôts de production sont tous intégrés dans le prix de revient des productions marchandes, qu'il s'agisse de biens ou qu'il s'agisse de services, et, en définitive, ce sont les ménages qui les supportent. Car les entreprises qui ne parviendraient pas à en répercuter le poids dans le prix des services et des biens acquitté par les ménages, ces entreprises-là disparaîtraient, à moins que d'être des entreprises publiques.

Cessons donc, si vous le voulez bien, d'opposer les prélèvements sur les ménages et les prélèvements sur les entreprises, opposition qui relève d'une vision aussi archaïque, aussi datée historiquement que celle que nous avons des charges patronales, que nous avons héritée du temps où il y avait d'un côté les patrons et de l'autre les salariés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion