Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 23 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Adoption définitive des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille, rapporteur-adjoint pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rendre hommage à Élisabeth Lamure, qui s’est exprimée en tant que rapporteur de la commission mixte paritaire, pour le travail tout à fait remarquable qu’elle a accompli dans la partie sans doute la plus délicate de ce texte très complet et très complexe, et à Gérard Larcher, qui a effectivement été un remarquable chef d’orchestre.

Je voudrais évoquer rapidement les deux objectifs que j’ai cherché à atteindre en tant que rapporteur pour le titre Ier du texte en première lecture : la simplification et la plus grande diminution possible du nombre des habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.

Le premier objectif a été de renforcer l’envie d’entreprendre de nos concitoyens, en simplifiant, autant que possible, des dispositifs juridiques à l’heure actuelle inutilement complexes et – pourquoi ne pas le dire ?– dissuasifs au regard de l’activité de nos concitoyens.

Le Sénat s’est beaucoup investi dans cette démarche de simplification, et les avancées qu’il a introduites dans ce texte n’ont pas été remises en cause par la commission mixte paritaire. C’est le cas, en particulier, des mesures ayant pour objet d’alléger les contraintes qui pèsent sur les petits entrepreneurs. Ces allégements concernent tous les entrepreneurs générant un chiffre d’affaires limité, quel que soit leur statut administratif.

À cet égard, le fait que l’auto-entrepreneur, c’est-à-dire la personne exerçant une activité commerciale ou artisanale sous le régime de la « micro-entreprise », ne soit pas tenu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ne saurait être de nature à fausser la concurrence avec des entreprises déjà immatriculées.

Nos débats l’ont montré et la commission mixte paritaire l’a confirmé, ce nouveau statut administratif ne remet pas en cause les obligations qui pèsent sur tout entrepreneur : même obligation de qualification pour exercer certaines activités artisanales, même soumission aux règles protectrices du droit de la consommation et même régime au regard du droit des assurances et, bien sûr, obligation de non-concurrence ou de fidélité lorsque l’auto-entrepreneur exerce son activité de manière complémentaire à une activité salariée.

Sur ce point particulier, je tiens à souligner que la situation de l’auto-entrepreneur salarié n’est pas différente de celle qui s’applique d’ores et déjà à tout salarié selon les dispositions actuelles. Un salarié est libre de cumuler plusieurs emplois, sous réserve qu’il respecte l’obligation de fidélité qui s’impose à tout salarié vis-à-vis de son employeur. L’employeur peut ainsi se prémunir contre l’exercice, par son salarié, de toute autre activité, en insérant dans son contrat de travail une clause d’exclusivité. Cette possibilité n’est nullement remise en cause par le texte qui vous est soumis.

En l’absence de dispositions dans le contrat de travail, le texte qui vous est proposé pose le principe de l’interdiction, pour l’auto-entrepreneur exerçant en complément d’une activité salariée, de travailler à ce titre auprès des clients de son employeur, sauf si celui-ci en décide autrement.

Il était nécessaire de préciser ces dispositions, qui confirment pleinement la jurisprudence actuelle, afin de lever toute ambigüité et de rassurer tous ceux qui, à tort ou à raison, s’inquiétaient à ce sujet.

Pour les autres situations, et notamment lorsque l’auto-entrepreneur exercera, hors des clients de l’employeur, l’activité pour laquelle il est salarié, la jurisprudence continuera à s’appliquer : il reviendra au juge de décider si l’activité exercée met à mal, ou non, l’obligation de fidélité.

J’ajoute que, si les simplifications que nous apportons permettent de faire reculer le travail non déclaré, elles auront justement pour effet de diminuer la concurrence déloyale qui est par essence le travail au noir.

Cette volonté de simplification s’est également traduite par plusieurs aménagements du droit des sociétés et, en particulier, par l’adaptation des règles relatives au contrôle des comptes des sociétés.

Sur ce point, le Sénat a maintenu le dispositif du projet de loi supprimant l’obligation générale, pour toutes les sociétés par actions simplifiées, ou SAS, de désigner un commissaire aux comptes.

Cependant, pour prendre en compte la nécessité d’assurer la sécurité financière dans une société à la dimension fortement contractuelle, notre Haute Assemblée, suivie par la commission mixte paritaire, a renforcé l’obligation de nommer un commissaire au compte dans les SAS appartenant à un groupe de sociétés.

Le Sénat a également étendu le champ d’application de la norme d’exercice professionnel simplifiée au-delà des seules SAS, afin qu’elle concerne également les SARL, les sociétés en nom collectif ainsi que les sociétés en commandite simple, de taille modeste.

Cette norme spécifique, mieux adaptée aux PME, devrait à la fois alléger les coûts du contrôle légal des comptes dans ces sociétés et constituer – c’est important – une incitation à se doter d’un commissaire aux comptes lorsque cela ne constitue pas une obligation légale.

Pour respecter le partage entre la loi et le règlement, le Sénat comme la commission mixte paritaire n’ont pas entendu inscrire directement dans le texte qui vous est soumis les seuils d’effectif salarié, de chiffre d’affaires et de bilan au-dessus desquels les SAS devront se doter d’un commissaire aux comptes, ainsi que les seuils en dessous desquels s’appliquera la norme d’exercice professionnel simplifiée.

Nous souhaitons néanmoins, comme la commission mixte paritaire, que ces seuils soient fixés par le Gouvernement au départ à vingt salariés, à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et à 1 million d’euros de bilan ? Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer l’engagement du Gouvernement sur ce point ?

En outre, le Sénat, conforté par la commission mixte paritaire, a souhaité confirmer la simplification prévue par le projet de loi en ce qui concerne la définition des entreprises solidaires. À cette fin, il a repoussé la fixation, par la loi, de la proportion de salariés recrutés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d’insertion professionnelle qu’une entreprise solidaire doit employer.

Lors de ses travaux, la commission mixte paritaire a expressément souhaité que le Gouvernement informe le Parlement du seuil qu’il compte retenir pour les entreprises solidaires dans le cadre des dispositions d’application de la loi. Je me permets donc, madame le ministre, de vous interroger sur ce point.

Le second objectif du Sénat, je l’ai dit tout à l’heure, a été, chaque fois que cela était matériellement possible dans le temps qui nous était imparti, de transformer les habilitations à légiférer par ordonnance en des mesures d’application directe.

C’est ce que nous avons fait dès que les textes avaient une résonnance particulière : c’est le cas, en particulier, sur le plan pénal, en matière d’interdiction d’exercer une activité commerciale ou industrielle ; c’est aussi le cas en ce qui concerne l’extension des qualités de fiduciaire et de constituant d’une fiducie ou pour l’Autorité de la concurrence.

Cette démarche a, là encore, été confirmée par la commission mixte paritaire.

Aussi, le texte qui vous est aujourd’hui soumis, mes chers collègues, mérite pleinement votre approbation.

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