Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 17 juin 2008 à 10h00
Conseil européen des 19 et 20 juin 2008 et présidence française de l'union européenne — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé les grandes lignes de la politique européenne que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre lors de la présidence française de l’Union. Nous les approuvons pleinement, au même titre que les deux lignes directrices qui ont été annoncées : promouvoir l’Europe en tant que protection et conduire une présidence « citoyenne ». Ce dernier point est lui aussi très important.

Les Français, nous le savons, semblent se méfier du monde, en avoir peur. C’est dans l’Europe qu’ils placent leurs espoirs de pouvoir maîtriser les évolutions globales qu’ils ont trop souvent l’impression de subir.

Parmi les sujets que nos concitoyens considèrent comme particulièrement prioritaires figure bien sûr l’énergie, le contexte actuel de hausse des prix représentant une préoccupation singulièrement aiguë.

L’approvisionnement en énergie est une priorité absolue pour l’Union européenne et pour la France. Notre pays doit soulever les questions touchant à la sécurité du continent en matière d’approvisionnement énergétique. Il doit aussi promouvoir le rôle du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique.

La politique européenne de l’énergie est en effet étroitement liée à la lutte contre le changement climatique. L’objectif est de mettre en place une Europe du développement durable et de l’innovation. Dans l’élan de son Grenelle de l’environnement, la France peut faire de l’Union européenne un exemple mondial en matière de protection de l’environnement.

La maîtrise des flux migratoires constitue une autre priorité à laquelle nous souscrivons volontiers. L’Europe est soumise à des tensions démographiques et économiques importantes Tous les États membres sont concernés, même si les situations sont diverses, 80 % des flux ne concernant que cinq pays, dont la France.

Il est donc nécessaire de coordonner les actions des États membres et d’assurer leur cohérence avec les politiques communautaires. Il s’agit de voir dans quelle mesure nos politiques en matière de traitement des demandes d’asile d’une part, d’accueil et d’intégration d’autre part, ainsi que nos actions concrètes en termes de lutte contre l’immigration illégale et de développement solidaire, peuvent être mieux harmonisées et partagées.

Au-delà de la définition d’une politique d’immigration commune à l’échelon européen, qui est indispensable et dont l’élaboration a d’ailleurs déjà commencé, l’immigration clandestine doit être, selon nous, l’un des thèmes phares de la présidence française.

La mise en place d’une collaboration avec les pays du Sud pour élaborer une solution collective apparaît comme une priorité évidente. La création d’un « pacte européen sur l’immigration », dont l’idée est défendue brillamment par M. Brice Hortefeux dans toutes les capitales européennes, est un projet remarquable qui doit être mis en œuvre. Il n’impose aucun transfert de souveraineté à l’échelon européen, chaque État membre étant libre d’accueillir ou non des étrangers. Protéger les frontières extérieures de l’Union, organiser l’immigration légale et mettre en place une politique commune de l’asile nous semblent des objectifs de bon sens.

J’en viens à l’’Europe de la défense. Nous y travaillons depuis les années quatre-vingt-dix. Les Européens doivent avoir les moyens militaires de leurs ambitions politiques. La politique européenne de sécurité et de défense, qui est inscrite dans le traité de Lisbonne, devrait nous permettre, à terme, de répondre à cette exigence.

Nous considérons que l’édification d’une Europe de la défense n’est pas incompatible avec l’existence de l’OTAN : l’une et l’autre sont au contraire complémentaires, comme le montre le nombre croissant des crises dans lesquelles l’Union européenne et l’OTAN déploient ensemble leurs moyens sur le terrain. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement alors que vingt et un des vingt-six alliés de l’OTAN sont membres de l’Union européenne et que vingt et un des vingt-sept partenaires de l’Union sont membres de l’OTAN ?

Nous pensons que la défense européenne dépend de l’engagement de chaque État et que tous les pays membres de l’Union peuvent y prendre part.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement l’Union pour la Méditerranée.

Les initiatives que vous nous avez annoncées, monsieur le secrétaire d’État, nous paraissent excellentes. L’élargissement prévu à vingt-sept pays du Nord et vingt-sept du Sud est une bonne chose. Les objectifs que vous envisagez me semblent réalisables.

Enfin, la France doit engager une réflexion sur le réexamen des politiques européennes et de leur financement après 2013, s’agissant en particulier de la politique agricole commune. Notre intérêt est de le faire dès maintenant, sans attendre l’échéance de 2013. Il faut en effet éviter que le débat agricole soit submergé par celui sur les perspectives financières pour la période 2013-2020.

Paradoxalement, la hausse des prix agricoles mondiaux constitue selon nous un atout pour préparer l’avenir de la PAC dans de bonnes conditions. Par conséquent, faisons-le sans attendre.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, malgré les difficultés, la présidence française de l’Union européenne apparaît comme une chance pour notre pays d’assurer son « retour en Europe », pour reprendre l’expression du Président de la République, et comme une occasion de mobiliser toute son énergie pour recréer une envie collective d’Europe. Après l’échec du référendum irlandais, nous devons montrer que nous pouvons rassembler et rassurer.

Le traité de Lisbonne n’est pas mort, le processus de ratification doit continuer. Cela demandera une forte volonté politique, conjuguée à une tout aussi forte adhésion des sociétés civiles et des opinions publiques.

Il est donc urgent de conférer un élan renouvelé à l’Union européenne. Comme l’a souligné M. Josselin de Rohan, les pays de l’est du continent qui ne sont pas encore membres de l’Union européenne rêvent de l’Europe. Les Irlandais, pour leur part, semblent ne plus rêver de l’Europe, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion