Séance en hémicycle du 17 juin 2008 à 10h00

Résumé de la séance

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  • irlandais
  • l’europe
  • présidence

La séance

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La séance est ouverte à dix heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Conseil européen des 18 et 19 juin 2008 et sur la présidence française de l’Union européenne.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la délégation pour l’Union européenne, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Irlande a voté non au référendum sur le traité de Lisbonne jeudi dernier.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

C’est une déception,

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

... mais nous prenons acte de ce choix et le respectons. C’est un épisode européen, qui n’est d’ailleurs pas spécifiquement irlandais.

Il nous faut maintenant donner au gouvernement irlandais l’opportunité d’analyser ce vote.

Nous avons écouté très attentivement la déclaration du Premier ministre irlandais, M. Brian Cowen, le 13 juin. Nous en avons retenu trois éléments, qui portent sur les implications du vote de son pays pour l’Union européenne.

Tout d’abord, M. Brian Cowen a clairement affirmé que l’Irlande n’avait pas souhaité donner un coup d’arrêt à la construction européenne. Je ne le crois pas non plus. Il ne faut pas se méprendre sur la portée de ce vote, qui ne signifie pas que l’Irlande souhaite sortir du jeu européen.

Ensuite, il a appelé à une réflexion sereine, dans son pays comme avec ses vingt-six partenaires.

Enfin, il s’est engagé à consacrer toute son énergie à rechercher des réponses satisfaisantes aux préoccupations qui ont été révélées par ce vote. Il a précisé que l’Union européenne avait déjà connu de telles situations et que chaque fois une solution avait été trouvée pour aller de l’avant.

C’est dans ce contexte, et après avoir pris note de la position du Taoiseach, que la France et l’Allemagne ont, dans une déclaration commune, appelé à la poursuite du processus de ratification et rappelé que le traité de Lisbonne comportait des avancées pour la démocratie et permettait de rendre l’Europe plus efficace.

Beaucoup d’autres acteurs ont soutenu très explicitement et très rapidement une position similaire : la présidence slovène de l’Union européenne, le Président du Parlement européen, le Président de la Commission européenne, ainsi que le Luxembourg, le Portugal, la Finlande et la Slovaquie, qui comptent parmi les dix-huit États qui ont déjà approuvé le traité.

D’autres d’États, qui ont engagé leur ratification sans l’avoir encore conclue, ont également appelé à poursuivre le processus. Je pense au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, à la Belgique et à l’Espagne.

Par ailleurs, le Président de la République, que j’ai accompagné lundi à Prague, s’est entretenu avec le Premier ministre tchèque, M. Mirek Topolanek, lequel a affirmé qu’il avait besoin d’un temps de réflexion, mais qu’il n’excluait pas de se rallier à ce consensus, compte tenu des responsabilités prochaines qui allaient incomber à la République tchèque. Mme Merkel s’est rendue à Gdansk pour s’entretenir avec le Premier ministre polonais.

Tout est donc prêt pour la discussion qui se tiendra jeudi soir au Conseil européen. Les chefs d’État et de gouvernement feront le point sur la situation avec l’Irlande et évalueront les mesures à prendre.

Ce qui est sûr, c’est que nous n’allons pas nous engager dans la rédaction d’un traité nouveau. Aucun État membre ne le demande.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

L’Europe ne s’est pas arrêtée le 13 juin. Nous fonctionnons actuellement à partir du traité de Nice, qui devait être et sera le cadre institutionnel de la présidence française.

Comme l’a souligné le Président de la République, la meilleure réponse que la présidence française puisse apporter aux préoccupations qui viennent d’être exprimées est de faire en Europe plus de politique et plus de politiques communes. Nous ne pouvons pas nous permettre de retarder les décisions qui vont en ce sens et qui peuvent être traitées indépendamment des questions institutionnelles. C’est le cas des priorités que le Président de la République a fixées pour la présidence française et qui ont été, depuis un an, présentées à tous nos partenaires européens. Nous continuerons évidemment à les consulter pendant toute la durée de la présidence française.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous aurez également un agenda dense de rencontres interparlementaires dès le 3 juillet prochain. Par ailleurs, une réunion de la COSAC est prévue dès le 7 juillet. Je m’en félicite.

Le nouveau contexte depuis le 13 juin nous conduit à aborder ce semestre avec modestie et rigueur.

Avec modestie, parce que le vote irlandais appelle à une remise en question de chacun sur la façon dont nous faisons le lien entre le débat national et le débat européen, qui s’inscrit souvent dans un horizon de plus long terme. Dans un contexte international économique et financier difficile, il nous faut aussi être conscients des limites et des contraintes dans lesquelles notre action s’inscrit et il nous faut sans doute, à l’échelon européen, faire preuve de plus de réactivité par rapport aux enjeux à court terme qui préoccupent nos concitoyens, notamment en ce qui concerne la hausse des matières premières et des prix alimentaires.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Avec rigueur, parce que notre unique objectif est de servir l’intérêt collectif des Européens et de faire progresser honnêtement tous les dossiers avec l’ensemble de nos partenaires afin d’apporter des réponses concrètes aux préoccupations de nos concitoyens.

C’est pourquoi nous nous efforcerons de dégager un accord politique sur le paquet « énergie-climat », qui nous permet de contenir les effets du changement climatique en réduisant de 20 % les émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2020 et qui promeut le développement des énergies renouvelables. C’est un élément clé de l’exemplarité que nous voulons pour l’Europe, pour conforter son rôle moteur dans les négociations internationales sur le climat en vue de la conférence de Copenhague en 2009. La question du prix de l’énergie sera bien sûr également au cœur de nos préoccupations.

Au-delà du paquet « énergie-climat », la France souhaite également contribuer sous sa présidence à l’amélioration de la sécurité énergétique européenne par des actions visant à mieux maîtriser la consommation d’énergie, à faire fonctionner l’espace européen de façon unifiée et solidaire et à renforcer la politique extérieure européenne en matière d’énergie.

De ce point de vue, les négociations que nous aurons sous présidence française avec la Russie dans le cadre du partenariat que nous devons établir entre l’Union et ce pays seront déterminantes.

L’Union sera alors en mesure de mieux assurer sa sécurité énergétique à court et à long terme. Cela suppose un esprit de solidarité entre États de l’Union et un devoir de responsabilité pour chacun d’entre eux, que nous devons assurer notamment à l’égard des pays d’Europe centrale et orientale entièrement dépendants de la Russie sur le plan énergétique.

Autre projet politique concret, nous proposons un pacte européen sur l’immigration et l’asile qui engage, pour la première fois, les États membres et les institutions européennes à des lignes de conduite communes pour gérer les flux migratoires, dans tous leurs volets : immigration économique, lutte contre l’immigration illégale, contrôle des frontières, politique de l’asile et stratégie de développement en partenariat avec les pays d’origine.

Être concret, c’est également faire de la politique agricole commune une politique moderne et durable. Dans un contexte d’offre mondiale insuffisante, la politique agricole commune doit être renforcée. Elle doit aussi être adaptée aux attentes des consommateurs européens, qui souhaitent consommer des produits alimentaires sûrs, structurer le développement économique de nos territoires, investir dans la recherche, favoriser les productions durables, simplifier les mécanismes d’aides et permettre la stabilisation des marchés au moyen d’instruments efficaces de gestion des risques climatiques et sanitaires.

Autre ambition de la présidence française de l’Union européenne : la relance de l’Europe de la défense. Comme le montre l’expérience de ces dix dernières années, le développement de la politique européenne de sécurité et de défense dépend moins du cadre institutionnel que de la volonté politique.

Parce que les moyens des Européens ne sont pas à la hauteur des crises et des menaces actuelles et futures, nous nous sommes donné les objectifs suivants : doter l’Union européenne d’une stratégie de sécurité actualisée pour la prochaine décennie afin de mettre à jour l’analyse commune des nouvelles menaces ; renforcer les capacités civiles et militaires de gestion des crises autour de nouveaux projets capacitaires structurants, même si ceux-ci n’étaient initiés que par quelques pays ; nous devrons enfin faire un effort important pour l’industrie de défense, et notre objectif sera de parvenir à un accord politique sur le paquet « défense » de la Commission européenne.

Notre ambition s’inscrit dans une vision politique renouvelée de la politique européenne de sécurité et de défense, dans une approche prenant en compte la complémentarité entre la défense européenne et l’OTAN.

Enfin, nous poursuivrons les efforts en cours sur la stabilisation des marchés financiers, la stratégie en faveur de la croissance et de l’emploi, l’Europe de l’avenir et le renouvellement de l’agenda social de l’Union européenne.

Je voudrais ici insister sur ce dernier point. La présidence française aura un programme social très dense. Nous aurons à travailler ensemble sur la lutte contre les discriminations, les échanges d’étudiants et d’apprentis, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, la mobilité des patients, la révision de la directive sur les comités européens d’entreprise, la « flexicurité », ainsi que les réflexions que souhaite engager Martin Hirsch sur l’inclusion active, le retour à l’emploi et les services sociaux d’intérêt général.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Au-delà des résultats sur le référendum irlandais, je souhaiterais vous dire quelques mots sur les autres sujets à l’ordre du jour du prochain Conseil européen.

Cette nouvelle réunion des chefs d’État et de gouvernement européens conclut le semestre de la présidence slovène, qui a conduit les travaux avec intelligence et savoir-faire. Je souhaite devant vous lui rendre hommage.

Cinq sujets seront plus particulièrement abordés jeudi et vendredi, au-delà des résultats du référendum irlandais.

Le premier sujet est l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Les conclusions du Conseil européen devraient passer en revue les nombreuses propositions en cours de discussion dans ce domaine et appeler à leur adoption rapide.

Deux points me paraissent devoir être plus particulièrement relevés : l’appel à mettre en œuvre une stratégie commune de gestion des flux migratoires, ce qui correspond aux objectifs du pacte, et l’encouragement à proposer une approche intégrée de la gestion des catastrophes.

Le deuxième sujet, ce sont les conséquences de la hausse des prix agricoles et de celle des prix des carburants.

Le Conseil européen tentera d’apporter des réponses aux conséquences de la hausse des prix agricoles et des prix de l’énergie, tant au plan intérieur qu’au plan international. Le Président de la République a pris une position forte sur ce dossier et présenté des pistes de réflexion sur la TVA et un fonds dédié aux professions et catégories de population les plus durement affectées par la hausse des prix.

Le troisième sujet, ce sont les questions économiques, sociales et environnementales.

Le Conseil européen engagera à poursuivre les travaux sur le paquet « énergie-climat », saluera l’accord politique obtenu par la présidence slovène sur le troisième paquet de libéralisation du marché et invitera à le finaliser avec le Parlement européen. Cet accord a validé un choix des États entre la séparation patrimoniale et une troisième voie dite « de régulation », maintenant des opérateurs intégrés au niveau européen, pour laquelle la France pourra opter, conformément au souhait de votre Haute Assemblée, qui nous a appuyés.

Le Conseil européen devrait également approuver l’entrée de la Slovaquie dans la zone euro.

Le quatrième sujet, ce sont les Balkans occidentaux, priorité forte de la présidence slovène.

Le Conseil européen adoptera des conclusions substantielles sur les Balkans, qui ont été une priorité de la présidence slovène dans le domaine des relations extérieures. Parmi les progrès enregistrés, on notera la signature des accords de stabilisation et d’association avec la Serbie et la Bosnie-Herzégovine.

L’Union européenne a par ailleurs assuré la stabilité générale de la région dans le contexte de la proclamation d’indépendance du Kosovo. L’Union européenne devrait assurer un rôle croissant dans la consolidation du nouvel État à travers la poursuite du déploiement de la mission EULEX, qui prendra la relève de certaines tâches assumées auparavant par la mission des Nations unies.

La présidence française de l’Union européenne aura pour objectif de concrétiser la perspective européenne de la région à travers notamment la progression des négociations d’adhésion avec la Croatie.

Nous espérons que la Commission pourra, si les toutes les conditions sont remplies, annoncer cet automne une date pour l’achèvement des négociations, ce qui constituerait un signal fort en faveur de toute la région, même s’il convient de souligner que le traité de Nice était adapté aux vingt-sept États et que le cadre de futurs élargissements était un des fondements du traité de Lisbonne.

Le cinquième sujet, ce sont l’Union pour la Méditerranée et le développement de la politique de voisinage à l’Est.

Le Conseil européen abordera la préparation du sommet de l’Union pour la Méditerranée. La participation d’un grand nombre de chefs d’État ou de gouvernement paraît aujourd’hui assurée pour ce qui sera la première réunion dans l’histoire de l’ensemble des États riverains de la Méditerranée, avec quarante-quatre pays.

L’Union pour la Méditerranée marquera une nouvelle étape de la politique de l’Union européenne envers ses voisins du Sud, dans le prolongement du processus de Barcelone. Cette union sera fondée sur une nouvelle gouvernance reposant sur les principes de l’égalité et de la parité entre le Nord et le Sud.

Les discussions entre pays participants font apparaître quatre projets principaux : un plan concernant la dépollution de la Méditerranée, le développement de l’énergie solaire, la mise en place d’autoroutes de la mer, une coopération accrue en matière de protection civile contre les incendies et les catastrophes naturelles et, si possible, une agence de financement des PME. Chacun de ses projets sera à géométrie variable et seuls participeront les pays qui le souhaitent. Ainsi, avant même le début de la présidence française, la Méditerranée est devenue une priorité de l’Union.

Le Conseil européen abordera enfin la proposition suédo-polonaise de « partenariat oriental ». C’est une initiative qui s’inscrit dans le cadre institutionnel et financier actuel que nous soutenons. De notre point de vue, il est important que l’Union développe sa politique de voisinage, tant au Sud qu’à l’Est, sans opposer l’un et l’autre. À cet égard, la présidence française de l’Union européenne mettra un accent particulier sur l’Ukraine, avec laquelle nous organiserons un sommet en septembre en vue de lancer un nouveau partenariat stratégique.

Pour conclure, je voudrais faire un point de situation sur les préparatifs à deux semaines de notre présidence. Où en sommes-nous ?

Les préparatifs des principaux événements avancent bien, sous la houlette du secrétaire général de la présidence française, l’ambassadeur Claude Blanchemaison, qui gère et centralise le budget et coordonne l’organisation. Les premiers rendez-vous du mois de juillet sont calés. Certains d’entre eux revêtent d’ailleurs une importance toute particulière. J’y reviendrai dans un instant.

Mme Christine Albanel, M. Bernard Kouchner et moi-même avons présenté le 3 juin dernier la saison culturelle européenne, qui accompagnera la présidence tout au long du semestre.

Nous accueillerons dans ce cadre la culture et les créations de nos partenaires, partout en France, dans tous les domaines de l’expression artistique. En retour, les Vingt-six accueilleront la culture française. C’est la première fois que l’on se donne les moyens de nos ambitions pour montrer la richesse de nos cultures et partager avec le plus grand nombre de nos concitoyens cette vitalité européenne.

Enfin, les ingrédients traditionnels de communication et d’information sur la présidence française sont prêts : le logo, le site Internet, les systèmes d’accréditation, l’articulation avec les institutions européennes.

Nous aurons, dès le mois de juillet, plusieurs rendez-vous importants en France : le 1er juillet aura lieu à Paris une rencontre des membres du Gouvernement et de la Commission européenne ; le 10 juillet, le Président de la République présentera le programme de la présidence française devant le Parlement européen, à Strasbourg ; le 13 juillet, nous accueillerons à Paris le sommet si important de l’Union pour la Méditerranée, puis se tiendra un sommet avec l’Afrique du Sud à Bordeaux, le 25 juillet.

Sept réunions informelles des ministres auront lieu en France au mois de juillet. Outre les Conseils européens des mois d’octobre et de décembre, la France présidera dix sommets internationaux, notamment avec la Russie, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Ukraine et le Canada, la plupart étant des pays émergents.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Monsieur le président, monsieur le président de la délégation pour l’Union européenne, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a ceux qui n’ont pas confiance dans le projet européen et qui misent sur sa faiblesse.

Ce sont ceux qui se mettent en marge et qui, d’une manière ou d’une autre, chercheront à le réintégrer.

Ce sont également les ultra-libéraux, pour qui le laisser-faire et le libre jeu des marchés et des spéculations servent de stratégie économique et d’influence politique.

Ce sont les ultra-souverainistes, pour qui les chimères des anciens régimes servent de ligne Maginot à un monde bien vivant et toujours plus indépendant.

Ce sont les ultra-technocrates, qui préfèrent voir tout périr que d’abandonner leur dogme si la réalité ne s’y plie pas.

Et il y a ceux dont nous sommes, qui ont résolument confiance.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. L’Europe a toujours su trouver un chemin pour surmonter ses difficultés, parce qu’elle a la volonté et l’audace de mettre en œuvre des politiques pour servir le projet européen en dépit des incidents de parcours.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la délégation pour l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous savions déjà que la présidence française allait s’exercer dans un contexte économique défavorable, celui du troisième choc pétrolier. Nous savons aujourd’hui que le contexte politique sera lui aussi défavorable.

Après tous les efforts déployés pour repartir sur une bonne base, le « non » des Irlandais est un vrai coup dur. Faut-il critiquer les dirigeants irlandais d’avoir pris ce risque ? En réalité, ils n’y sont pour rien ! La Constitution irlandaise les obligeait à recourir au référendum. J’indique au passage que cela devrait faire réfléchir chez nous les partisans du référendum obligatoire.

Ne cédons pas non plus à la tentation de faire la leçon aux électeurs irlandais : nous sommes particulièrement mal placés pour le faire ! Et ne nous lançons pas dans des constructions imaginaires où l’on voudrait plus ou moins pousser l’Irlande vers la sortie ou bien appliquer le traité sans elle. La révision des traités exige l’unanimité. Pour abandonner cette règle, il faudrait préalablement un accord unanime. Le traité de Lisbonne est avant tout un traité sur les institutions. Or, en matière d’institutions, on ne peut pas faire de la géométrie variable.

On ne peut pas dire que les ministres irlandais au Conseil ou les députés irlandais au Parlement européen vont appliquer le traité de Nice, tandis que les autres appliqueraient le traité de Lisbonne ! Cela ne tient pas debout !

En réalité, pour sortir de cette nouvelle crise, il n’y a guère que deux voies possibles.

La première est de poursuivre la ratification dans les huit pays qui ne se sont pas encore prononcés. Si tous ratifient le traité de Lisbonne, nous pourrons alors reprendre le dialogue avec l’Irlande et voir comment le Conseil européen pourrait prendre des engagements susceptibles de rassurer les électeurs irlandais et de les faire changer d’avis. À ce moment-là, à condition de laisser un peu de temps au temps, un nouveau vote pourrait être organisé. C’est ce qu’il faut espérer, car nous avons besoin du traité de Lisbonne. Il y a des précédents. C’est une solution possible, lorsqu’un seul pays a dit « non ». Tous les autres peuvent alors se tourner vers lui et lui demander s’il veut vraiment, à lui seul, bloquer les progrès voulus par tous les autres.

En l’occurrence, ce ne sera pas une solution facile. D’abord, il faut une justification pour un nouveau vote. Dans le cas du Danemark, en 1992, le résultat avait été extrêmement serré ; dans le cas de l’Irlande, en 2001, la participation avait été très faible. Or, cette fois-ci, la participation a été relativement élevée, 54 %, et le résultat a été relativement clair, 53 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Il ne sera pas facile de renverser la tendance.

Ensuite, nous ne savons pas encore si le « non » irlandais sera sans conséquence en Grande-Bretagne et surtout en République tchèque. Le Conseil européen va sans doute nous donner des indications d’ici à la fin de la semaine. Aujourd’hui nous n’avons aucune certitude.

En cas d’échec, il resterait une autre voie. Elle consisterait à mettre quelque temps au second plan le débat institutionnel qui agite l’Europe depuis douze ans et à adopter une attitude plus pragmatique. Après tout, les progrès possibles de la construction européenne ne sont pas tous suspendus à des changements institutionnels. Et nous ne devons pas chercher nécessairement dans une Europe qui compte vingt-sept membres à avancer tous de la même manière. D’ailleurs, nous ne le pouvons plus. Ayons conscience de ce fait, et tirons-en les conséquences !

Prenons l’exemple de la défense. Quand nous nous sommes mis d’accord, au sein de la Convention, sur l’idée de créer une agence européenne d’armement, les États se sont rendu compte que rien n’interdisait de la réaliser d’ores et déjà. C’est ainsi que l’Agence européenne de défense a été lancée, sans attendre la révision des traités. Si, demain, certains États veulent aller plus loin dans la coopération en matière de défense, on voit mal ce qui pourrait les empêcher de le faire.

En revanche, si nous voulons absolument avancer à vingt-sept États, nous aurons toujours des difficultés à faire travailler ensemble, par exemple, une Irlande farouchement attachée à sa neutralité, ce qui est respectable, et ceux qui veulent construire un pilier européen de l’Alliance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

La situation n’est pas différente en matière de justice et d’affaires intérieures. L’Europe joue un rôle protecteur dans ce domaine. Les accords de Schengen, puis, plus récemment, le traité de Prüm, ou encore l’interconnexion des casiers judiciaires ont montré qu’il fallait savoir avancer à quelques-uns pour faire bouger les choses et faire évoluer les autres États membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

En réalité, qu’on le veuille ou non, dans l’Europe à vingt-sept, nous ne ferons de vrais progrès dans l’intégration qu’en acceptant une certaine différenciation, une certaine souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Absolument ! Sinon, on ne s’en sortira jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Toutes les possibilités d’action commune dans le cadre actuel sont loin d’avoir été épuisées. Et lorsqu’il y a une réelle volonté d’agir chez un nombre significatif d’États, l’expérience montre qu’on finit toujours par trouver une formule pour avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Il ne faut donc pas céder au découragement. L’idée européenne n’est pas morte à Dublin. J’espère vivement que nous trouverons avec les Irlandais une solution pour sauver le traité de Lisbonne. Mais, si, par malheur, ce n’était pas le cas, il ne faudrait pas pour autant tirer le rideau sur l’Europe, donner des arguments aux ultra-souverainistes et leur faciliter la tâche.

La construction européenne n’a jamais été une marche triomphale. Nous avançons en terrain mouvant, sur des chemins non balisés. Mais le pire serait de s’asseoir en regardant le monde changer et en renonçant à faire partie de ceux qui le façonnent.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, les responsabilités de la présidence française vont se trouver encore accrues. Alors même que les obstacles s’accumulent, il sera encore plus nécessaire d’arriver à des résultats.

Puisque les citoyens doutent, il faut leur montrer que l’Europe est capable de se saisir des grands problèmes de l’heure et de contribuer à les résoudre. Nous devons dire à nos partenaires que, dans le contexte d’une crise concernant les institutions, l’Europe ne peut se permettre de stagner aussi quant au développement des politiques communes. Elle doit montrer son utilité et sa résilience en agissant.

À cet égard, les priorités de la présidence française sont pertinentes. La crise énergétique, la crise alimentaire, le réchauffement climatique sont autant de domaines où la nécessité d’une action commune est évidente, de même que les questions d’immigration et d’intégration.

Nous devons continuer à avancer ; nous devons aussi veiller sur les acquis de cinquante ans de construction européenne, car certains sont menacés.

Je pense, bien sûr, à la politique agricole commune, la PAC, qui se trouve à nouveau accusée de presque tous les malheurs de la planète, et, d’abord, de la crise alimentaire qui sévit actuellement.

Il est consternant d’entendre répéter un tel discours à peu près inchangé depuis vingt ans, alors que la situation que nous vivons aujourd'hui lui apporte, en réalité, un démenti complet.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Que se serait-il passé si nous avions suivi ceux qui préconisaient de démanteler la PAC et d’abolir ce qui subsiste de la préférence communautaire ? La production agricole européenne aurait fortement chuté et, aujourd’hui, les consommateurs européens devraient se fournir sur le marché international. Cela entraînerait une hausse des prix mondiaux encore plus forte, dont les pays les moins avancés seraient les premières victimes. La crise alimentaire serait donc encore plus grave.

Ce fait me conduit à souligner que, quelles que soient nos affinités avec nos amis britanniques, il subsiste malheureusement, sur certaines questions essentielles, un fossé, qui reste à combler. Il était utile de resserrer les liens avec le Royaume-Uni, car, en matière d’action extérieure et de défense, rien n’est possible sans ce partenaire. De même, d’ailleurs, il était utile de se rapprocher des nouveaux États membres, avec lesquels, au-delà des malentendus, nous avons énormément de choses en commun.

Mais ne voyons pas dans ces démarches justifiées une alternative possible au couple franco-allemand, conduisant, en quelque sorte, à le mettre de côté, comme certains l’ont cru après le voyage du Président de la République à Londres.

L’ensemble franco-allemand ou, pour dire les choses autrement, pour employer mon propre jargon, le « fondu enchaîné » franco-allemand reste au cœur de l’Europe élargie. L’histoire comme la géographie lui donnent une capacité de synthèse et d’impulsion qui demeure irremplaçable, comme vous pourriez en témoigner, monsieur le secrétaire d'État, de par vos fonctions.

Même s’il y a inévitablement des hauts et des bas, nous devons garder le cap franco-allemand avec constance. C’est le meilleur moyen de faire en sorte que notre future présidence soit une présidence efficace et utile, ce dont l’Europe a aujourd’hui absolument besoin.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le contexte dans lequel s’inscrira la présidence française ne peut pas ne pas être affecté par les suites du référendum irlandais, comme cela a déjà été indiqué. Mais rien ne serait plus préjudiciable pour l’avenir de l’Union européenne que de tirer des conclusions hâtives de cet événement, qui est une péripétie et non une tragédie.

Il importe, comme l’a fort bien dit M. Haenel, que nous laissions du temps au temps pour rechercher avec nos partenaires une ligne de conduite commune, qui permette à l’Union de fonctionner de manière efficace.

Il appartient à chacun des pays qui doivent ratifier le traité de Lisbonne de faire connaître leur choix. À la fin du processus, le bilan sera tiré et la recherche de solutions concrètes entreprise. Faut-il rappeler que, même à la suite de référendums négatifs survenus en Irlande comme au Danemark, des arrangements, qui ont mis fin au blocage des initiatives européennes, ont été trouvés ?

Pour le moment, nous n’avons qu’une certitude : il n’est pas possible à la fois de dénoncer l’éloignement des réalités par les gouvernants, les élites ou les instances européennes et de se contenter du maintien durable de structures qui empêchent toute décision commune de voir le jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Comment nier qu’à vingt-sept il soit très difficile de faire progresser en commun la recherche de solutions à un certain nombre de problèmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Le temps presse. L’Union est assaillie de problèmes et soumise aux tensions les plus contradictoires. Il lui faut aller de l’avant, sous peine de se déliter ou de perdre toute influence dans le monde et toute crédibilité en son sein.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La tâche de la présidence française ne sera pas aisée. Il lui faudra donner corps aux priorités qu’elle a établies et s’efforcer d’obtenir des avancées décisives dans les domaines d’action qu’elle a retenus. Ces priorités reflètent très exactement les défis auxquels l’Union est confrontée. Il faut savoir gré au Gouvernement d’avoir su les présenter.

Ne l’oublions pas, mes chers collègues, c’est en France qu’a été conçu le pari de Pascal. Ceux qui ne parient pas ne perdront pas leur mise, mais ceux qui parient pourront gagner ! Nous pouvons proposer un tel pari à tous nos partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

C’est dans cet esprit qu’il convient d’aborder la présidence française, fondée sur les convictions et non sur la contrainte.

Quelles sont les priorités de la présidence française de l’Union européenne ?

Il s’agit, tout d’abord, d’une Europe qui protège, d’une Europe qui puisse constituer un levier face aux dysfonctionnements de la mondialisation.

Face à la forte hausse du prix des hydrocarbures, qui pénalise en Europe l’ensemble de ses citoyens, son agriculture et son économie, les institutions européennes ne peuvent pas rester inactives. Les inquiétudes dont témoignent les pêcheurs et les transporteurs aujourd'hui appellent une réponse, faute de quoi l’Europe apparaîtra comme étant inefficace. Il faut savoir gré au Président de la République de n’avoir pas hésité à poser les problèmes tels qu’ils sont.

Les citoyens attendent de l’Europe des réponses à leurs préoccupations concrètes. C’est de cette manière que l’Union européenne pourra démontrer son utilité ; à défaut, elle fera preuve de son inefficacité.

Il s’agit aussi d’une Europe qui sache répondre aux nouveaux défis, comme le réchauffement climatique, l’indépendance énergétique ou encore l’immigration et la sécurité face au terrorisme.

Enfin, la dernière priorité sur laquelle je veux insister concerne la place de l’Europe dans le monde et l’Europe de la défense.

J’ai la conviction que le domaine de la politique étrangère et de la défense constitue notre horizon pour l’Europe. C’est là que s’exprime l’attente des citoyens.

Le traité de Lisbonne comporte des avancées importantes sur ces questions, comme la création d’une présidence stable du Conseil européen, la nomination d’un haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ou encore l’existence d’un service européen pour l’action extérieure.

Toutefois, l’influence de l’Europe dépend moins des mécanismes institutionnels que de la volonté politique des Européens.

L’Union européenne ne parviendra à faire entendre sa voix sur la scène internationale que si une réelle unité existe entre les Européens, condition première d’une politique étrangère commune.

Lors du prochain Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement devraient évoquer la situation des pays des Balkans occidentaux, notamment la mise en place de l’opération EULEX Kosovo.

C’est dans cette région, déjà marquée par de terribles conflits dans un passé récent, que se joue la crédibilité de la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Si l’Union européenne ne parvient pas à apporter des réponses durables pour maintenir la paix et la stabilité sur son propre continent, comment peut-elle espérer jouer un rôle sur la scène internationale et contribuer à régler des conflits ailleurs dans le monde ?

Mes chers collègues, il suffit de fréquenter les instances européennes, de rencontrer les présidents des commissions des affaires étrangères ou de la défense pour se rendre compte de ce que l’Union européenne représente, pour les pays candidats à l’Union européenne, d’espoir de développement et de paix.

Nous savons tous très bien que, sans adhésion à l’Union européenne, la Serbie ne pourra trouver sa place dans les Balkans, une place qui lui permettra d’aller vers la démocratie et la paix.

Je conseille à tous les eurosceptiques de se rendre dans ces pays, pour se rendre compte à quel point l’attente de l’Europe y est forte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

… à quel point ils sont persuadés qu’il n’y a pas d’autre solution ni d’autre avenir pour eux que l’Europe.

Nous qui avons l’expérience de plus de cinquante années d’Europe sommes quelque peu blasés et, pour beaucoup de ces nations, faisons figure d’égoïstes et de nantis.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Bien évidemment, les relations avec la rive sud de la Méditerranée représentent un enjeu particulier pour notre pays.

Le projet d’Union pour la Méditerranée, lancé par le Président de la République, devrait constituer un projet important de la présidence française.

Peut-être pourrez-vous nous renseigner tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de vos réponses à nos interventions, sur l’état d’avancement de ce projet et les réactions des pays de l’autre rive ?

Enfin, la relance pragmatique de l’Europe de la défense doit rester l’un de nos principaux objectifs.

Certes, face aux réticences de certains de nos partenaires, il ne faut pas s’attendre à des avancées spectaculaires. La défense a ainsi certainement joué un rôle dans le « non » irlandais au traité de Lisbonne.

Toutefois, les choses progressent. Qui aurait imaginé, il y a encore quelques mois, que la Pologne se montrerait désireuse d’aller plus loin dans la voie d’une défense européenne autonome ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Pour progresser, il faut s’inspirer de la méthode de Jean Monnet et réaliser des avancées concrètes créant des solidarités de fait.

L’idée des coopérations structurées permanentes prévue dans le traité de Lisbonne me paraît être adaptée pour développer des projets entre Européens.

Les domaines de coopération ne manquent pas. Je pense, notamment, à la mutualisation de certaines de nos actions en matière de formation ou d’entretien des matériels, au rapprochement de nos industries et aux programmes communs d’équipements.

Nous devons également tenir compte des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’opération EUFOR au Tchad, en dotant l’Union européenne d’un véritable centre de planification et de conduite des opérations. J’ai bien conscience que ce sera une tâche difficile.

L’Union européenne ne parviendra à faire entendre sa voix sur la scène internationale, à être une puissance dans la mondialisation, que si elle dispose d’une politique étrangère et d’une défense européenne réellement autonome.

Prétendre apporter des réformes définitives aux questions abordées pendant cette présidence serait présomptueux. Renoncer à les traiter serait irresponsable.

Aussi est-ce avec humilité, mais avec détermination, avec courage et avec audace, qu’il faut nous engager.

Nous faisons confiance à l’habileté et à la ténacité du Président de la République pour faire de la présidence française une réussite en dépit d’un environnement difficile.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité m’exprimer aujourd’hui sur les enjeux de la politique européenne dans les secteurs de compétences de la commission des affaires culturelles.

J’avais en effet envisagé de répondre à la proposition formulée par le bureau du Sénat en organisant une réunion des commissions chargées de l’éducation, de la recherche, de la culture et de la communication au sein des États de l’Union européenne. Une concertation des responsables européens de ces secteurs stratégiques me paraissait utile, pour ne pas dire indispensable, à l’occasion de la présidence française.

Or, la tenue de cette manifestation supposait l’accord de l’Assemblée nationale, puisque ces réunions sont mixtes. La commission des affaires familiales, culturelles et sociales de l’Assemblée nationale n’a pas souhaité donner suite à cette proposition, ayant retenu le thème du financement de la protection sociale pour une réunion commune avec notre commission des affaires sociales et nos homologues des parlements de l’Union européenne.

La séance d’aujourd’hui est en quelque sorte une session de rattrapage particulièrement bienvenue, dont je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Nous savons que le Gouvernement attache une grande importance à la promotion de la culture européenne, comme en témoigne la tenue en novembre prochain du forum d’Avignon, première rencontre mondiale consacrée à la culture, aux médias et à l’économie.

J’évoquerai plus particulièrement quatre points dans les secteurs de compétences qui sont les nôtres.

Tout d’abord, la défense de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur, spécificité bien française héritée de Beaumarchais, reste totalement d’actualité, même si elle est loin de faire l’unanimité chez nos voisins européens.

Je souhaite que le Gouvernement soit vigilant dans ce domaine.

En effet, à l’occasion de la révision des directives concernant le service universel et la protection de la vie privée, la France est apparue très isolée sur ces questions.

Au regard des enjeux pour la défense de la propriété intellectuelle, il est nécessaire qu’une mobilisation politique et diplomatique française s’organise rapidement, afin de sensibiliser et de convaincre nos partenaires européens au Conseil et au Parlement.

Sans l’engagement fort des pouvoirs publics français, qui, par le passé, et quelles que soient les majorités politiques en place, ont toujours apporté à la création et à la diversité culturelle un soutien sans faille, il est à craindre que la chance offerte par la réforme du paquet « télécoms » de consolider le respect du droit d’auteur à l’ère numérique ne soit gâchée.

Les nouveaux moyens, les progrès des technologies sont tels qu’il importe de mettre en place rapidement des mesures enfin efficaces.

Il y va, en fait, de la possibilité de bénéficier d’un cadre européen qui concilie le respect de la vie privée et le droit d’auteur, sans empêcher le développement par les États d’outils permettant de lutter efficacement contre les téléchargements et les piratages illicites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Il y va également de l’avenir d’une réponse graduée, telle qu’elle a été imaginée, qui constitue une opportunité d’apporter une réplique juste et proportionnée au développement des téléchargements illicites sur Internet et qui a fait l’objet, pour l’instant, en Europe, d’une campagne de dénigrement fondée sur des approximations et débouchant sur des incertitudes.

À l’évidence, un travail de pédagogie et d’explication doit être mené sans tarder.

À cet égard, les résultats de la réunion qui s’est tenue à Luxembourg le 12 juin dernier sont encourageants et un consensus pourrait se dégager sur la proposition de la Commission visant à ce que les opérateurs de télécommunications informent leurs abonnés, avant la signature du contrat, de leurs obligations en matière de droit d’auteur.

La deuxième préoccupation de la commission des affaires culturelles que je tiens à relayer auprès du Gouvernement concerne la réglementation européenne en matière d’audiovisuel.

Le sujet est on ne peut plus d’actualité, chacun ici l’imagine bien, compte tenu des chantiers d’importance lancés par le Président de la République et par le Gouvernement en ce domaine : commission pour la nouvelle télévision publique, réforme des décrets Tasca, réforme de l’audiovisuel extérieur, notamment.

Cependant, il me semble néanmoins important de rappeler que notre pays devra se conformer, mais après l’avoir transposée d’ici à décembre 2009, à certaines dispositions de la directive « Services de médias audiovisuels sans frontières ».

La transposition de toutes les dispositions contenues dans la directive n’est sans doute pas impérative.

Il appartiendra notamment à la représentation nationale de juger de l’opportunité d’assouplir les règles relatives à la publicité pour les services télévisés privés. Cet assouplissement me paraît indispensable et doit être réalisé, pour la santé économique du secteur, dans les meilleurs délais, à la condition de renforcer, bien sûr, dans le même temps, la place du secteur public : la commission des affaires culturelles considère cette démarche comme indispensable.

Le troisième thème que je veux aborder est celui de la reconnaissance des diplômes au plan européen.

La commission des affaires culturelles souhaite que la France s’approprie rapidement le cadre européen des certifications actuellement en cours de finalisation, en positionnant avec clarté ses différents diplômes par rapport aux repères fixés par le cadre.

Même si l’harmonisation des diplômes secondaires suppose à l’évidence encore un long travail, il est nécessaire que les outils d’ores et déjà disponibles soient pleinement utilisés.

Il en va ainsi du portfolio européen des langues, qui définit des niveaux de maîtrise des langues étrangères reconnus partout en Europe.

Nous souhaitons que le ministère de l’éducation nationale aille plus loin encore, en utilisant ce cadre comme référence pour l’évaluation des élèves au baccalauréat.

Enfin, j’évoquerai la question du sport, dont les problématiques sont de plus en plus internationales : dopage, violence dans les stades, organisation des compétitions professionnelles, régulation de l’activité des agents de joueurs et protection des mineurs sportifs sont autant de défis auxquels les États européens ne peuvent répondre qu’ensemble, sous peine d’être complètement débordés.

L’insertion d’une référence au sport dans le traité de Lisbonne est une excellente nouvelle : elle permettra que le sport ne soit pas considéré comme une simple activité économique par la Cour de justice des Communautés européennes.

Toutefois, il faut aussi profiter de la circonstance pour en tirer des bénéfices concrets, et la France doit se saisir de ces questions pour faire avancer ses points de vue.

Elle devrait notamment avoir pour objectif la mise en place d’un fichier européen des interdits de stade, l’ouverture de la négociation sur la question du « 6+5 », c’est-à-dire le rapport du nombre de joueurs français et étrangers dans les équipes de clubs, l’instauration d’une régulation européenne de l’activité d’agent de joueur et la mise en place d’un contrôle de gestion des clubs au plan communautaire.

Au moment où, dans une circonstance politique européenne difficile – M. le président de la commission des affaires étrangères a parlé tout à l’heure de « péripétie », il ne s’agit pas d’un drame –, notre pays va assumer la présidence de l’Union européenne, il me paraissait utile de rappeler ces quelques points d’actualité qui nous concernent.

Je demeure persuadé que nous aurions eu intérêt à rencontrer, sur l’initiative française, nos homologues européens. Cela n’a pas été possible et je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous vouliez bien relayer les préoccupations que je viens d’évoquer.

La presse nous apprend que le secrétariat général de la présidence française vient de décider de développer des actions de communication auprès des entreprises, des universités et des grandes écoles. Nous sommes parfaitement en situation ; dans ce domaine, notre contribution a toujours été et sera permanente. Je vous remercie par avance d’être notre porte-parole, aux côtés de vos collègues du Gouvernement concernés, des initiatives et de la volonté de la France dans nos domaines de responsabilité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer, au nom de la commission des affaires économiques, ma satisfaction de pouvoir aborder, dans cet hémicycle, les questions européennes et la manière dont la France se prépare à une présidence charnière, ponctuée de grands rendez-vous.

Cette présidence intervient en effet à un moment particulier pour l’Union européenne : le traité de Lisbonne, porteur d’une réforme institutionnelle sans précédent, est en cours de ratification et le calendrier européen sera marqué par le renouvellement, en 2009, des institutions européennes.

Dans ce contexte, le « non » irlandais à la ratification du traité de Lisbonne ne doit pas remettre en cause le tempo imprimé à la construction européenne. Cependant, il relance indéniablement le débat sur l’Europe politique et le sens à donner à l’avenir de l’Union européenne.

Il nous rappelle de façon impérieuse que cette construction ne peut se réduire à des documents paraphés compris des seules élites, mais qu’elle doit s’incarner à travers un projet commun ambitieux dans lequel les citoyens européens se retrouvent et auquel ils peuvent adhérer.

Le résultat irlandais ne doit pas mettre un terme aux réformes institutionnelles qui permettront à l’Union européenne de mieux fonctionner avec vingt-sept membres.

Bien au contraire, il nous appartient, sous présidence française, de redoubler de pédagogie vis-à-vis de l’opinion publique afin de lui rappeler tout ce que la construction européenne nous a apporté en termes de paix, de stabilité et de croissance économique partagée.

Au-delà de la question institutionnelle, il nous faut impérativement définir et mettre en œuvre des politiques européennes visibles dans les secteurs qui intéressent le plus les citoyens européens.

Les 19 et 20 juin prochains se tiendra, à Bruxelles, le dernier Conseil européen de la présidence slovène. Les questions économiques à l’ordre du jour concerneront principalement l’énergie et le climat, ces dossiers constituant également des priorités pour la présidence française.

Le 1er juillet prochain, la France prendra donc la succession de la Slovénie, pour un semestre marquant effectivement son retour en Europe comme une force de proposition et d’entraînement, ainsi que l’avait souhaité le Président de la République. Les priorités que celui-ci et le Premier ministre ont fixées pour le second semestre de 2008 intéressent particulièrement notre commission.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite aborder plus spécifiquement trois dossiers économiques majeurs figurant à l’ordre du jour de la présidence française.

Le premier concerne le paquet « énergie-climat » et la politique énergétique européenne.

La commission des affaires économiques s’est déjà très largement mobilisée à propos de ce dossier, et ce dès la publication des propositions de la Commission européenne le 23 janvier dernier, puisqu’elle a constitué un groupe de travail sur le paquet « énergie-climat », présidé par nos collègues Marcel Deneux et Daniel Raoul.

L’ambition de la présidence française est de parvenir cette année à un accord politique sur l’ensemble de ce paquet.

Des objectifs élevés ont été fixés dans plusieurs domaines : réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, révision du système communautaire d’échange de quotas de CO2, recours aux biocarburants, répartition entre les États membres de l’effort pour développer les énergies renouvelables.

Ce paquet est un élément clé de l’exemplarité de l’Europe, devant permettre de conforter son rôle moteur dans les négociations internationales sur le climat, en vue de la conférence de Copenhague qui se tiendra en 2009. L’Union européenne devra donc diminuer sa consommation d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables.

Néanmoins, tout en nous inscrivant résolument dans le cadre de la politique européenne de lutte contre le changement climatique, mes collègues de la commission des affaires économiques et moi-même souhaitons attirer l’attention de la présidence française sur la nécessité de prendre en compte la compétitivité des entreprises européennes et de faire reconnaître à l’échelon européen la spécificité de la composition du bouquet énergétique français, particulièrement sobre en carbone en raison de la production d’électricité d’origine nucléaire.

La commission des affaires économiques sera donc particulièrement attentive aux propositions de la présidence française sur ce point, car elle est convaincue du rôle important que l’énergie d’origine nucléaire peut jouer dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, je tiens à le dire ici, la France ne pourra pas rester le « château d’eau nucléaire » de l’Europe sans que ce rôle soit effectivement pris en compte, notamment dans l’allocation des quotas.

Au-delà du paquet « énergie-climat », la présidence française fera des propositions en matière de sécurité énergétique concernant à la fois l’Union européenne elle-même et ses relations avec ses partenaires majeurs, notamment la Russie.

Pour la commission des affaires économiques, il est absolument nécessaire d’assurer une meilleure interconnexion entre les pays européens, de rendre les infrastructures accessibles à différents opérateurs et de faire bénéficier le consommateur de meilleurs prix. Toutefois, la libéralisation ne doit pas aboutir à un affaiblissement de nos opérateurs.

Le troisième paquet « énergie », présenté par la Commission en septembre 2007 et qui a fait l’objet d’une résolution du Sénat le 27 mai dernier, a été largement discuté, s’agissant en particulier de la question de la séparation patrimoniale des réseaux de production et de distribution d’énergie. Je me félicite de ce qu’un accord sur les aspects clés de la libéralisation soit intervenu lors du conseil Énergie du 6 juin dernier. Les ministres sont ainsi parvenus à un compromis sur la « troisième voie », option préconisée par la France et moins radicale que la dissociation patrimoniale, ce qui permettra d’éviter le démantèlement de nos grands groupes énergétiques.

Assurer la sécurité des approvisionnements de l’Union européenne sera également l’un des grands axes de la présidence française.

Je me réjouis que la commission des affaires économiques se soit saisie, avec d’autres commissions, de ce sujet capital dès 2006, en l’évoquant dans le rapport de la mission commune d’information sénatoriale sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, présidée par notre collègue Bruno Sido.

Le transport durable fera également partie des dossiers prioritaires de la présidence française, l’objectif principal étant de faire avancer les débats sur l’internalisation des coûts externes du secteur. Notre commission suivra avec attention l’important paquet « greening transport », que doit présenter la Commission européenne le 2 juillet prochain et qui vise notamment la modification de la directive « Eurovignette ». La France tentera de parvenir à un texte de conclusions lors du conseil Transports d’octobre, après le conseil informel qui se tiendra les 1er et 2 septembre prochains à La Rochelle.

L’accord sur les émissions de CO2 des automobiles, intervenu le 9 juin dernier entre le Président de la République et la Chancelière allemande, constitue une avancée importante contribuant à la réalisation de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020.

Je me félicite à cet égard de ce que, dans le cadre des réunions interparlementaires prévues sous la présidence française, nous organisions le 10 juillet prochain, avec la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, une réunion sur le thème des transports et du développement durable. L’implication de ce secteur est en effet essentielle, compte tenu des émissions de gaz à effet de serre qu’il génère.

Le deuxième dossier majeur de la présidence française concerne la politique agricole commune, la PAC.

La commission des affaires économiques suit avec attention l’actualité particulière liée au « bilan de santé » de la PAC, depuis la publication des propositions de la Commission européenne le 20 mai dernier. Elle a ainsi décidé de constituer un groupe de travail sur ce thème, convaincue qu’il ne faut pas attendre 2013 pour discuter de la réforme de la PAC, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

… comme l’a rappelé le Président de la République lors de son discours d’inauguration du salon de l’agriculture, le 23 février dernier.

Dans cette perspective, et conformément aux travaux issus du Grenelle de l'environnement, notre commission sera très attentive aux questions relatives à l’environnement, à l’équilibre des territoires ou encore à la qualité alimentaire.

Ces sujets seront également largement abordés les 3 et 4 novembre prochains à Bruxelles, lors de la réunion conjointe des commissions « Agriculture » du Parlement européen et des États membres sur la PAC et la sécurité alimentaire mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Le débat ouvert sur la refondation de la PAC doit en effet intégrer une réflexion plus générale sur la question de la sécurité alimentaire mondiale. Il s’agit de tirer les conséquences du contexte actuel, marqué par l’aggravation des déséquilibres alimentaires et la hausse du prix des matières premières, afin de fixer des principes directeurs pour la PAC du futur.

En effet, cette hausse des prix des produits de base est une source d’inquiétudes, tant à l’échelon intérieur, notamment pour les ménages à faibles revenus, qu’à l’échelon international, nombre de pays pauvres étant confrontés de façon dramatique aux effets de la pénurie alimentaire mondiale.

Il faut remettre l’agriculture au cœur des politiques de développement mondial. N’oublions pas non plus l’importance du potentiel agricole européen, qui peut contribuer à résoudre en partie la pénurie alimentaire actuelle.

En toute logique, le Conseil européen des 19 et 20 juin prochains devrait en débattre de manière approfondie et y consacrer un volet spécifique dans ses conclusions.

En outre, la commission des affaires économiques sera très attentive à la situation du secteur des transports et du secteur agricole, et se trouvera également en première ligne sur les questions énergétiques. Elle apportera son total soutien aux actions en faveur de l’efficacité énergétique et plaidera pour le développement de biocarburants de deuxième génération, fabriqués à partir de sous-produits et n’entrant pas en concurrence avec la production alimentaire.

Le troisième dossier économique de la présidence française concerne le secteur des télécommunications.

La réforme du cadre réglementaire des communications électroniques de l’Union européenne sera l’un des dossiers majeurs pour la France, qui souhaite favoriser la conclusion d’un accord politique lors du conseil Télécommunications du 27 novembre prochain.

La Commission européenne a en effet proposé, le 13 novembre 2007, un nouveau paquet « télécoms », afin de réformer le cadre réglementaire actuellement applicable aux réseaux et services de communications électroniques. Ces propositions ont d’ailleurs fait l’objet d’une résolution du Sénat présentée par la commission des affaires économiques, ce dont je me félicite.

La présidence française sera l’occasion de dégager des solutions de compromis sur le projet de libéralisation de la gestion des radiofréquences, ainsi que sur la proposition de création d’un régulateur européen des télécommunications, que les États membres ont refusée lors du Conseil européen du 12 juin dernier.

Je tiens à saluer, à cet égard, le travail réalisé par notre collègue Pierre Hérisson, qui a déposé un rapport sur ces sujets le 21 mai dernier. Je considère, comme lui, que la séparation fonctionnelle du réseau de l’opérateur historique ne doit constituer qu’une mesure exceptionnelle de dernier ressort.

La commission des affaires économiques se mobilisera pour combler le fossé numérique entre les villes bien pourvues en haut débit et les parties de l’espace rural délaissées par les opérateurs. À cet égard, elle plaidera pour l’extension, à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne, du « service universel » à l’internet haut débit et à la téléphonie mobile.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais simplement vous faire part de mon « euro-optimisme » concernant le retour de la France sur la scène européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Il y a une attente importante, à l’égard de notre pays, pour promouvoir une Europe dynamique, porteuse de croissance et de création d’emplois, ainsi que d’un mieux-être environnemental. Je suis convaincu que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, saura, par son expertise, apporter sa contribution.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, le « non » cinglant du peuple irlandais au traité de Lisbonne, qui rend ce texte caduc, constitue un cuisant revers pour le Président de la République, lequel se targuait d’être à l’origine de ce traité et de la prétendue relance européenne.

En ce sens, le résultat du référendum irlandais met fin à l’opération médiatico-politique orchestrée avec beaucoup d’emphase – on s’en souvient ! – par l’Élysée.

Il s’agit également d’une réponse cinglante à tous les tenants de la ratification par voie parlementaire d’un traité qui n’est que la copie de la défunte constitution européenne, fermement rejetée par les peuples français et néerlandais en 2005.

Rappelons-nous : après deux ans de cogitation, un avatar de l’ex-traité constitutionnel, nommé « mini-traité », « traité simplifié », puis « traité modificatif », avait été élaboré.

Cette élaboration, organisée par les États membres sans consulter ni informer les citoyens européens, avait été particulièrement rapide, puisqu’elle s’était échelonnée entre le mois de mai 2007et la mi-octobre de la même année.

Ensuite, la signature du traité de Lisbonne, le 13 décembre 2007, avait marqué le « top » du départ de la course à la ratification. Les chefs d’État et de gouvernement s’étaient alors entendus pour contourner les peuples, en s’assurant que les ratifications parlementaires soient préférées aux consultations populaires.

Or, chacun doit bien comprendre que l’utilisation de la démocratie représentative pour échapper à l’expression directe du peuple dénature le rôle du Parlement, qui se trouve alors instrumentalisé par l’exécutif.

Toutefois, les dirigeants européens ne s’en sont pas souciés : le traité de Lisbonne devait passer coûte que coûte, et à n’importe quel prix… démocratique !

Aussi vingt-six États membres sur vingt-sept ont-ils décidé de ratifier le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Seul le gouvernement irlandais a dû recourir au référendum, puisque la constitution de la République d’Irlande lui en faisait obligation. On en connaît le résultat : les Irlandais ont rejeté ce texte par 53, 4 % des suffrages, avec un taux de participation qui s’est élevé à 53, 1 %. C’est sûrement ce que M. de Rohan appelle une « péripétie » ; pour moi, c’est un résultat sans appel !

Depuis, la cacophonie règne au sein de l’Union européenne. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé malgré tout que « les ratifications qui restent à faire devraient continuer à suivre leur cours ».

Or, mes chers collègues, le vote n’a pas une signification purement nationale. Les citoyens irlandais se sont aussi exprimés au nom des autres peuples européens, privés de leur droit à l’expression directe de leur volonté.

M. le président de la commission des affaires économiques fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

En effet, contrairement à ce que nous avons pu entendre et lire ces derniers jours dans les médias nationaux, les Irlandais ne sont pas des ingrats, et encore moins des ignares. Ils ont, en toute connaissance de cause, repoussé une Europe dévouée aux lois du marché, au patronat et à la finance.

M. Aymeri de Montesquiou exprime son scepticisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. En témoigne l’accord trouvé entre les dirigeants européens à la veille du référendum irlandais – faut-il y voir un lien ? – sur la durée maximale hebdomadaire de travail pour les salariés. Si la durée légale hebdomadaire restera de 48 heures au maximum, on pourra travailler jusqu’à 60 ou 65 heures par semaine.

M. le président de la délégation pour l'Union européenne s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

La durée du travail pourra donc continuer à s’allonger partout en Europe, jusqu’à ce que l’on atteigne la limite de la résistance des travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

L’argument du mépris, selon lequel 3 millions d’électeurs ne sauraient entraver la marche de 450 millions d’Européens, ne résiste pas non plus à l’analyse. La vérité, c’est que si des consultations populaires étaient organisées dans d’autres pays de l’Union européenne, le « non » l’emporterait quasiment partout.

En France, le déni de démocratie dont Nicolas Sarkozy s’est rendu coupable lui revient aujourd’hui en pleine face, comme un boomerang. Le ciel irlandais lui tombe sur la tête au moment où la France doit assurer la présidence tournante de l’Union, jusqu’à la fin de l’année 2008.

Si le « non » irlandais constitue un camouflet pour Nicolas Sarkozy, il est également un sérieux désaveu pour la direction du parti socialiste, qui, en prônant l’abstention au congrès de Versailles, le 4 février dernier, a facilité la tâche du Gouvernement

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Aujourd’hui, force est de constater que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, escomptée au 1er janvier 2009, ne peut intervenir. En effet, il convient de rappeler que, sur le plan juridique, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est subordonnée à sa ratification unanime par les vingt-sept États membres de l’Union. Chacun d’entre eux détient un droit de veto ; en votant « non », les Irlandais ont clairement exprimé leur refus.

Le traité de Lisbonne est donc caduc. Alors que nous allons commencer à débattre, cet après-midi, de la réforme constitutionnelle, il convient dès à présent d’abroger l’article 88-1 de la Constitution et la loi constitutionnelle du 4 février 2008.

Par ailleurs, les dirigeants européens sont bien obligés d’admettre que la crise démocratique que traverse l’Union européenne n’est pas résolue. Au contraire, la crise de légitimité du modèle actuel de construction européenne ne cesse de s’étendre et de s’exacerber.

Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, mesurez-vous qu’il n’y aura pas d’avenir pour l’Union européenne si vous continuez de rester sourds aux exigences des peuples européens ? Vous persistez dans une voie que les citoyens européens ne veulent pas emprunter. C’est le moment d’en changer.

Aussi la présidence française qui s’ouvrira dans quelques jours ne peut-elle se limiter à « prendre acte de la décision démocratique des citoyens irlandais », et encore moins à « poursuivre le processus de ratification », comme Nicolas Sarkozy et la Chancelière allemande Angela Merkel l’ont déclaré dans un communiqué commun.

La juste réponse à apporter lors du prochain Conseil européen de Bruxelles ne consiste certainement pas à décider de faire revoter les Irlandais, comme ce fut le cas en octobre 2002 après qu’ils eurent rejeté, en juin 2001, le traité de Nice.

Non, l’Union européenne n’a surtout pas besoin d’un rafistolage juridique, et encore moins d’une Europe à plusieurs vitesses, comme le propose M. Hubert Haenel.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

La prochaine présidence française a le devoir de proposer l’arrêt du processus de ratification et d’engager l’élaboration d’un nouveau traité fondateur de l’Union européenne sur de tout autres bases, rompant avec les logiques libérales qui la conduisent de crise en crise.

Nous suggérons très concrètement que le Président de la République fasse la proposition aux autres chefs d’État et de gouvernement de convoquer l’ensemble des parlements nationaux pour qu’ils organisent le débat en leur sein et avec les populations. Il faut que ce travail permette d’entendre enfin la voix des peuples, qu’il s’ouvre à la vie réelle, à la participation active des citoyens européens. Il faut que le « non » irlandais porte la promesse d’un nouvel avenir pour l’Europe.

Pour ce faire, la présidence française de l’Union doit travailler en étroite collaboration avec ses partenaires, sans arrogance et dans l’intérêt des peuples de l’Europe, qui ne veulent plus être exclus de la construction européenne.

Sur le fond, les thèmes qui seront abordés lors du Conseil européen recoupent les « priorités européennes » fixées par Nicolas Sarkozy : la politique de l’immigration, la politique en matière d’énergie et la lutte contre le changement climatique, l’évaluation de la politique agricole commune, la défense européenne. Chacun de ces thèmes correspond à des politiques mises en œuvre aujourd’hui par l’Union européenne, politiques qui négligent l’intérêt des peuples, suscitant des rejets et de fortes mobilisations des salariés européens : c’est précisément là tout le message du « non » irlandais.

J’évoquerai brièvement chacun de ces thèmes.

Tout d’abord, la France souhaite progresser vers une politique européenne commune en matière d’immigration, la question sensible de l’immigration clandestine constituant sa principale priorité.

Comme l’a souligné un diplomate, depuis le retour au pouvoir de M. Silvio Berlusconi en Italie, M. Sarkozy n’est plus considéré comme un extrémiste essayant de tenir à distance les immigrants. Dès lors, le couple Sarkozy-Berlusconi, qui prône la mise en place de systèmes sophistiqués de contrôle policier, ainsi que le recul de la politique d’asile et d’immigration, pour « protéger », affirme-t-il, l’Europe contre les immigrés, semble succéder au couple franco-allemand. Cela témoigne de l’état de la construction européenne et de la vision de celle-ci par le Président de la République !

À cet égard, nous souhaitons réaffirmer notre opposition à toute tentative visant à créer une « Europe forteresse » en mobilisant tout un arsenal juridique, policier, militaire et technologique contre les immigrés, au mépris des droits et libertés fondamentaux.

À ce titre, la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, déposée le 1er septembre 2005 par la Commission européenne, nous paraît particulièrement préoccupante. Ce texte, fondé sur la volonté de mettre en place « une politique efficace d’éloignement », relègue au second plan les droits humains des personnes en instance d’éloignement. L’esprit répressif qui le sous-tend est très inquiétant, à l’heure où de graves atteintes aux droits de l’homme sont commises lors de la mise en œuvre de processus de rétention et d’expulsion. Comme pour de nombreux autres textes relatifs à l’harmonisation des politiques en matière d’immigration et d’asile, l’Union européenne opte, une fois de plus, pour une harmonisation « par le bas », qui ne retient que le plus petit dénominateur commun.

Notre groupe a déposé, le 11 juillet 2006, une proposition de résolution sur ce projet de directive, mais la procédure décisionnelle communautaire continue de se dérouler sans tenir compte des protestations qui s’élèvent contre le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

C’est pour cela qu’il faut le traité de Lisbonne !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Ce traité accentue encore ce travers !

La proposition de directive dite « retour » a été dernièrement modifiée et adoptée par le Comité des représentants permanents le jeudi 22 mai 2008. Cette dernière version, qui sera soumise au vote du Parlement européen le 18 juin prochain, est extrêmement alarmante.

En effet, alors que demeurent les trois points majeurs qui posaient problème, à savoir la durée de détention pouvant atteindre dix-huit mois, la détention des mineurs accompagnés et l’interdiction de revenir sur le territoire de l’Union européenne pendant cinq ans, des dispositions nouvelles apparaissent dans le texte, qui prévoit désormais la détention et l’éloignement des mineurs isolés, le renvoi des migrants illégaux dans leur pays d’origine, mais aussi vers un pays de transit, même s’ils n’ont aucun lien avec ce dernier, une réduction drastique des possibilités de départ volontaire, le délai précédant un départ volontaire pouvant être réduit à sept jours, ainsi que l’absence d’obligation, pour les États membres, de fournir une aide juridique gratuite.

S’agissant de la mise en œuvre d’un partenariat avec les pays du Sud, la présidence française souhaite mener un processus de rapprochement entre l’Union européenne et ses voisins méditerranéens avec le lancement, le 13 juillet prochain, d’une Union pour la Méditerranée.

Nicolas Sarkozy, initiateur de ce projet, a été contraint de réviser à la baisse son ambition initiale, à la suite de la fronde de certains de ses partenaires européens. Ce projet consistera essentiellement à redynamiser un processus de Barcelone amorphe. Les vingt-sept États membres seront parties prenantes de ce partenariat, que le budget communautaire ne financera pas et qui, sur le fond, ne semble pas à la mesure des enjeux régionaux.

Ainsi, le conflit israélo-palestinien est crucial en Méditerranée et fragilise toute la région. Comment mettre en œuvre des projets ambitieux dans une zone aussi profondément déstabilisée ? Mon sentiment est que la résolution du conflit israélo-palestinien est un préalable à la réalisation des projets de coopération envisagés, qu’il s’agisse de la dépollution de la Méditerranée, du plan solaire ou de l’accès à l’eau…

La question du positionnement de l’Union européenne par rapport au conflit israélo-palestinien est centrale. Sans un engagement européen résolu sur le terrain politique, rien ne se résoudra sur le fond. L’attitude européenne sur cette question est peut-être le critère décisif du succès ou de l’échec de toute tentative de relance du partenariat euro-méditerranéen.

Or le projet de renforcement des liens entre l’Union européenne et Israël, tendant à conférer à Israël un statut de quasi-membre de l’Union européenne, ne peut que susciter notre vive réprobation.

Lancé en mars 2007, à la demande de la ministre des affaires étrangères israélienne Tzipi Livni, ce projet vise à aboutir à une révision à la hausse de l’accord d’association signé en 2000 qui définit le cadre de la coopération entre les deux partenaires. Israël ne demande rien de moins qu’une intégration renforcée dans le marché unique et les institutions européennes, avec la présence des ministres israéliens lors des Conseils européens, la participation d’experts israéliens à l’ensemble des programmes et des groupes de travail européens, qu’ils portent sur des questions de sécurité et de dialogue stratégique ou sur des questions relatives à l’économie, aux finances, à la jeunesse. Cela équivaudrait bien, monsieur le secrétaire d’État, à conférer à Israël un statut de quasi-membre de l’Union européenne.

Pour faire aboutir ce projet, des négociations se déroulent dans le plus grand secret, depuis maintenant un an, sans consultation ni information du Parlement européen et des parlements nationaux. Si ce projet se concrétisait, alors même qu’Israël continue de mener sa politique en toute impunité, au mépris des droits de l’homme et du droit international, cela remettrait gravement en cause la crédibilité de l’Union européenne et sa capacité à jouer un rôle politique actif dans la région. Cette politique du « deux poids, deux mesures » à laquelle est en train de céder l’Union européenne est inacceptable !

Quant au lancement de l’Union pour la Méditerranée, prévu le 13 juillet à Paris, il s’annonce des plus incertains. Plusieurs dirigeants arabes sont encore indécis et demandent des clarifications s’agissant de l’entrée d’Israël dans la future instance.

En ce qui concerne maintenant la consommation d’énergie, on estime qu’elle devrait croître de près de 52 %, à l’horizon de 2030, par rapport à ce qu’elle était en 2003. Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, les importations devront couvrir près de 70 % des besoins en énergie de l’Europe en 2030, contre 50 % actuellement. Cela pose notamment la question du développement de la production énergétique, ainsi que celle de la sécurité d’approvisionnement.

En ce domaine, la priorité a été donnée à l’ouverture à la concurrence, ainsi qu’au démantèlement des opérateurs historiques. Où en est-on ? Jusqu’à présent, la libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité par les directives européennes successives a surtout accéléré leur concentration entre les mains de quelques grands groupes et favorisé le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.

S’agissant des tarifs, le recours accru au marché spot ainsi que l’interdiction faite aux États membres de garantir des tarifs réglementés, considérés comme des barrières inadmissibles à l’accès aux marchés, ont engagé le cycle d’une hausse généralisée du coût de ce bien de première nécessité.

Nous voyons donc bien que les vertus conférées au marché libre ne sont pas réelles. Bien au contraire, la sécurité d’approvisionnement est menacée et le droit d’accès pour tous à l’énergie n’est pas garanti. Les auteurs du rapport de la mission commune d’information sénatoriale sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver ont ainsi estimé que cette sécurité ne pouvait être obtenue sans maîtrise publique, notamment au regard de la situation géopolitique internationale et du contexte d’épuisement des ressources.

À cet égard, si nous sommes satisfaits de la décision de l’Union d’engager des négociations avec Moscou sur un nouvel accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie, nous pensons malgré tout qu’il ne s’agit pas d’une solution suffisante pour garantir la sécurité d’approvisionnement.

Sur le fond, nous souhaitons la mise en œuvre d’une politique européenne de l’énergie, fondée sur la coopération entre États membres et la reconnaissance d’un véritable service public assurant sécurité d’approvisionnement, égalité d’accès pour tous à l’énergie et respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’augmentation de la demande d’énergie, l’envol des prix pétroliers et le réchauffement planétaire confirment également l’urgence de développer les énergies renouvelables et de respecter les engagements que nous avons pris au travers du protocole de Kyoto.

Si nous approuvons les objectifs ambitieux inscrits dans le nouveau paquet « énergie-climat », à savoir une réduction de 20 % des émissions de CO2 d’ici à 2020 par rapport à leur niveau de 1990 et la production d’un minimum de 20 % de notre énergie à partir de sources renouvelables, les biocarburants devant représenter au moins 10 % du total, nous estimons que la question fondamentale est celle du système de production et de son organisation. Le développement du recours à des sources d’énergie propres permettant de répondre aux besoins et la reconnaissance de la place spécifique du nucléaire dans notre bouquet énergétique nous paraissent primordiaux.

Cela étant, le recours massif aux biocarburants, bien qu’il ait indéniablement des effets positifs, notamment au regard du réchauffement climatique, est de plus en plus fortement contesté. En effet, plus les surfaces cultivées sont réaffectées à des cultures vouées à la production de bioéthanol ou de carburant pour voitures propres, plus les récoltes de plantes nourricières se trouvent réduites et plus les prix des denrées augmentent, du fait de leur rareté.

Aussi me paraît-il opportun, comme l’a préconisé Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, d’imposer un moratoire, c’est-à-dire une suspension pendant cinq ans de toutes les opérations destinées à produire du biocarburant à partir de denrées alimentaires, afin d’évaluer les conséquences de cette production sur l’exercice du droit à l’alimentation ainsi que sur les autres droits sociaux et environnementaux.

En ce qui concerne la PAC, si nous reconnaissons l’importance de cette politique, nous savons également qu’elle engendre des effets pervers, comme en témoigne la situation française : les grandes exploitations sont favorisées, au détriment des petites et moyennes. Quant à l’agriculture des pays du tiers monde, elle est affectée par le maintien des aides à l’exportation.

L’actualité dramatique nous rappelle toutefois que l’alimentation reste un enjeu vital, un secteur que l’on ne peut abandonner aux lois du marché. Alors que le sommet mondial sur la sécurité alimentaire de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture s’est achevé le 5 juin dernier à Rome, aucun consensus n’a émergé à propos des mesures à prendre pour compenser l’effet de la flambée des prix du maïs, du riz et du blé, dont personne n’avait prévu la pénurie.

Ce fut, il est vrai, l’occasion de beaux discours. Les pays se sont entendus sur des promesses de dons pour plus de 6 milliards de dollars, mais n’ont pris aucune résolution sur le plan structurel. Rien n’a été décidé, monsieur le secrétaire d'État, car il n’y a aucune coordination à l’échelle mondiale. Seulement 4 % de l’aide publique mondiale et 1 % des prêts de la Banque mondiale sont affectés à la sécurité alimentaire !

Aussi sommes-nous favorables à la mise en place d’une organisation mondiale de l’agriculture. Il est, en effet, impérieux de répartir la production agricole et de lutter contre la pauvreté dans les pays en développement. Une organisation mondiale de l’agriculture pourrait réguler les prix agricoles, extrêmement volatils d’une année à l’autre, et éviter la spéculation qui affecte déjà les prix de l’énergie. L’agriculture doit réellement être gérée à l’échelon mondial. Les États doivent cesser de mener des politiques égoïstes dans ce domaine.

S’agissant de la défense européenne, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, la réintégration annoncée de notre pays dans les structures de commandement militaire de l’OTAN laisse peu de crédibilité à l’idée d’une Europe de la défense réellement autonome.

Cela éclaire les positions que nous avions déjà défendues lors de la ratification du traité de Lisbonne, quand nous vous avions interpellés ici même, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, sur le risque de subordination de la politique européenne de défense à l’OTAN. Nous l’avions dit alors, pour définir une politique de sécurité et de défense commune digne de ce nom, il serait grand temps de lever toute ambiguïté concernant la position de l’Union européenne à l’égard de l’OTAN.

Or le traité de Lisbonne, comme les textes précédents, dit une chose et son contraire au travers de formules alambiquées, met en avant la défense européenne tout en proclamant une nécessaire compatibilité avec l’OTAN. On ne peut que déplorer le manque d’ambition de l’Europe en matière d’autonomie politique et craindre la perte de notre image d’indépendance dans le monde.

Ces orientations sont malheureusement confirmées par les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui sont présentées aujourd’hui même par le Président de la République aux cadres militaires.

Il faudrait donc concevoir autrement la sécurité, en s’attaquant, par exemple, aux causes des tensions et des conflits.

Ainsi, le pillage des ressources naturelles, qui a pris une dimension systématique dans le cadre de la mondialisation, s’est fortement accéléré lors de cette dernière décennie. Les conflits pour leur appropriation s’exacerbent. Contrairement aux apparences, ils ne constituent pas des conflits locaux entre pays du Sud, mais sont souvent étroitement liés aux pays du Nord ou encore à des pays émergents, comme la Chine. L’Europe, directement concernée, se doit d’agir, monsieur le secrétaire d'État. Il y a urgence à mettre en place d’autres rapports avec les pays du Sud pour aller dans le sens d’un développement qui soit durable, renouvelable sur le plan écologique, générateur de progrès social et de développement humain.

En conclusion, le résultat du référendum irlandais atteste, une nouvelle fois, que lorsque les peuples en ont la possibilité, ils refusent l’actuelle construction européenne, celle que l’on veut leur imposer.

L’Europe, monsieur le secrétaire d'État, sera celle des peuples ou ne sera pas. Le message adressé par les Irlandais, après celui des Français et des Néerlandais en 2005, doit être pris en considération de manière urgente. C’est un appel pressant pour que l’Europe devienne enfin un espace de progrès social et de solidarité, un espace promoteur de paix et de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on avait cru l’Europe sortie de l’impasse dans laquelle elle se trouvait depuis des années. Après s’être perdue dans un débat institutionnel sans fin, on l’avait sentie prête, enfin ! à avancer sur des projets concrets. La présidence française de l’Union européenne s’annonçait sous des auspices favorables et devait se dérouler sans accroc.

Le « non » de l’Irlande au traité de Lisbonne vient, hélas, de briser cet élan d’optimisme. On peut, certes, considérer que l’Europe, toute couturée de cicatrices et maintes fois raccommodée, peut avancer vaille que vaille. Néanmoins, ce « non » traduit une inquiétude qui n’est pas propre aux Irlandais. Gageons que si la ratification du traité de Lisbonne avait été, dans d’autres pays, soumise au vote des peuples, elle aurait peut-être reçu le même accueil. Les citoyens européens se méfient des conférences au sommet et préfèreraient qu’on les écoute. Ils se sentent, en effet, très étrangers à la manière dont on construit l’Europe.

Nous avons notre part de responsabilité dans cette situation. Depuis trop longtemps, nous, responsables politiques, sommes dans l’incapacité de faire adhérer les peuples aux finalités de l’Europe, de donner du sens à cette union difficile, compliquée.

En France, au lieu de dire à nos concitoyens : « voilà ce que nous pouvons faire ensemble de grand », on leur a répété inlassablement : « nous n’y pouvons rien ». Attention : il ne faut pas que le peuple devienne l’ennemi numéro un de l’Europe !

Cela dit, un espoir point : il y a aujourd’hui une volonté, partagée par la plupart des pays, de poursuivre le processus de ratification du traité de Lisbonne. La France et l’Allemagne se sont déjà exprimées en ce sens dans une déclaration commune et, cette fois-ci, le Royaume-Uni semble décider à aller jusqu’au bout. L’attitude de ce pays est évidemment capitale, car elle constitue l’une des principales hypothèques pesant sur le traité.

Faisons un point, monsieur le secrétaire d’État : quel est l’état d’esprit de nos partenaires à la veille du Conseil européen ? Après la visite du Président de la République en République tchèque, pensez-vous que la ratification du traité par ce pays, plutôt eurosceptique, soit acquise ?

Je crois pour ma part que, malgré cette très forte déconvenue, il faut conserver ce traité de Lisbonne, qui donne des moyens d’action renouvelés à l’Europe. Il faut, certes, prendre acte de la décision démocratique des citoyens irlandais avec tout le respect qui lui est dû, mais il sera plus facile, le moment venu, d’aménager quelques clauses dpour l’Irlande que de renégocier demain un énième traité à vingt-sept.

Quoi qu’il en soit, cet incident risque de bouleverser le programme de la présidence française, qui devait, en effet, préparer la mise en œuvre du traité de Lisbonne, censé entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

Sera-t-il toujours question de discuter des attributions et des modalités de désignation des deux nouvelles autorités prévues par le traité, à savoir le président stable du Conseil européen et le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ?

Même si cette question n’est plus à l’ordre du jour, je m’interroge sur leurs attributions respectives. On comprend bien la mission du Haut représentant, qui s’apparente à celle d’un ministre des affaires étrangères et s’appuiera sur le futur service européen d’action extérieure. Du fait de sa « double casquette », il bénéficiera, au travers de son appartenance à la Commission européenne, de l’onction du Parlement européen, source de légitimité qui le rapproche du président de cette institution et du président de la Commission.

La plus grande inconnue reste la place effective que tiendra le président du Conseil européen. Paradoxalement, s’il est censé être le « monsieur Europe » ou la « madame Europe », il n’aura ni la légitimité démocratique ni les moyens du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union.

De plus, le risque de chevauchement des responsabilités et de rivalités entre les quatre autorités futures de l’Union est grand : on peut craindre qu’il ne nuise à l’action commune.

Nous n’en sommes évidemment pas là. Si le vote irlandais ajoute une difficulté majeure à la mise en œuvre du traité de Lisbonne, gardons à l’esprit que ce traité est un cadre. L’Union peut, et surtout doit, acquérir une dimension politique et une présence plus volontaire dans la mondialisation, avec ses institutions actuelles.

Il appartiendra à la présidence française et aux suivantes de fortement élever le niveau d’ambition en proposant des politiques nouvelles. En effet, les défis qui attendent l’Union européenne à vingt-sept sont considérables.

Nous avons ainsi à faire face au défi des délocalisations de nos industries et de nos services, au défi généré par la fragilité du système financier international, comme nous venons de le voir avec la crise des, au défi de l’augmentation des flux migratoires, au défi de la sécurité énergétique, aux défis du développement durable et du réchauffement climatique.

Plus que jamais, pour répondre à ces questions, nous avons besoin de l’Europe. Plus que jamais, nous avons besoin de regrouper nos forces et d’unifier nos conceptions, à la fois pour protéger nos citoyens et pour participer à la construction d’une mondialisation qui soit plus équilibrée, qui soit plus éthique, qui respecte davantage les individus. En résumé, que pouvons-nous faire sans l’Europe ?

La présidence française s’est fixé quatre priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, l’immigration, la sécurité énergétique, et enfin la politique de défense et de sécurité.

J’interviendrai sur les deux derniers aspects.

Bien que le secteur de l’énergie soit aux origines de la construction européenne, avec les traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA, et Euratom, il n’existe pas aujourd’hui, à proprement parler, de politique énergétique commune.

Pourtant, les menaces sont là.

Il y a d’abord la menace environnementale, avec le réchauffement climatique. L’Union européenne a pris en compte la nécessité de réduire la production de gaz à effet de serre.

Il y a ensuite la menace sur les approvisionnements en énergie. L’Europe est aujourd’hui dépendante à 50 % de sources situées dans des zones instables, telles que le golfe Persique, le Caucase et la Russie, ou plus loin encore.

Il y a enfin la menace sur la compétitivité de l’Union européenne, faute d’une recherche suffisante qui permettrait de fabriquer les produits du futur, économes en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre.

Le paquet « énergie-climat » de 2007 traduit, certes, un certain consensus des États membres sur cette question, mais aussi leurs hésitations à mettre en place une véritable politique de l’énergie. Il n’existe pas de véritable solidarité sur laquelle chaque pays puisse compter. L’Europe doit absolument accroître son efficacité énergétique, diversifier et sécuriser ses sources d’énergie, ainsi que les itinéraires de transport.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, les importations d’énergie de l’Union européenne sont assez bien réparties, même dans le cas du gaz naturel, souvent présenté comme une cause de grande inquiétude. L’Union importe, en réalité, le quart de sa consommation de la Russie. Comme le répètent à juste titre les responsables russes, l’approvisionnement en gaz de cette origine a toujours été garanti à l’Europe occidentale depuis trente ans, même dans des périodes particulièrement troublées pour Moscou. Pourtant, la dépendance européenne à l’égard du gaz russe est généralement présentée comme l’exemple même des risques qui pèsent sur la sécurité énergétique de l’Union.

Même si les événements récents en Ukraine et au Belarus ont donné à craindre que la Russie ne veuille utiliser les exportations de gaz comme un levier politique, même si ces craintes sont avivées par l’attitude du gouvernement russe, qui ne fait pas mystère de sa proximité avec l’équipe dirigeante de Gazprom et de son souci de renforcer le monopole de cette compagnie, les contrats ont toujours été respectés par la Russie.

Nous devons donc reconnaître la fiabilité de notre fournisseur et la chance qu’a l’Europe d’avoir un voisin aussi proche disposant de réserves aussi considérables. On ne peut se passer du gaz russe. Le rapport Mandil comporte d’excellentes propositions visant à rendre à l’Europe des marges de manœuvre à l’égard de ses fournisseurs, en particulier de son fournisseur russe. Quelles suites comptez-vous lui donner ? Je partage totalement l’analyse de son auteur lorsqu’il affirme que, trop souvent, l’attitude de l’Europe à l’égard de la Russie dans le domaine énergétique est celle du donneur de leçons. L’Union européenne oublie, d’une part, que la Russie est un pays souverain, et que, d’autre part, notre position obéit souvent au principe suivant : « faites ce que je vous dis, mais ne faites pas ce que je fais ».

Au-delà de bons rapports avec nos amis russes, il existe des solutions internes : d’abord et avant tout, consentir un effort en matière d’efficacité énergétique beaucoup plus intense que celui qui a été mis en œuvre jusqu’ici. L’Union s’est donné un objectif incertain de réduction de 20 % des émissions de CO2 d’ici à 2020. Il ne suffit pas de fixer un objectif pour qu’il soit atteint ! Il faut aujourd’hui arrêter concrètement les politiques et les mesures qui permettront à l’Union d’obtenir cette réduction de ses émissions de dioxyde de carbone le plus rapidement possible. Une politique énergétique d’une efficacité accrue est de nature à infléchir la demande globale d’énergie et à faire en sorte que celle-ci puisse être couverte par l’offre.

Comment ne pas rappeler aussi que l’énergie nucléaire est un substitut évident à l’utilisation du gaz pour produire de l’électricité ? La fermeture prématurée, donc absurde, de centrales nucléaires sûres et en bon état de fonctionnement va précisément à l’encontre du résultat visé.

Enfin, les énergies renouvelables jouent naturellement un rôle semblable, mais il ne paraît pas raisonnable de relever l’objectif déjà très ambitieux que l’Union s’est donné dans ce domaine.

Il est certain, en outre, que les faiblesses de la politique européenne de sécurité et de défense fragilisent la mise en œuvre d’actions stratégiques communes dans le secteur de l’énergie.

Cette politique est d’ailleurs une des autres priorités de la présidence française.

Nous sommes tous conscients de l’importance que revêt, pour l’Europe, l’existence d’une véritable politique étrangère et de défense qui soit à l’image de sa puissance démographique et économique. Or, soyons réalistes, cette politique n’existe pas aujourd’hui !

Toute avancée dans ce domaine suppose d’abord une rénovation de l’OTAN, dont les objectifs ne consistent plus à s’opposer à un Pacte de Varsovie qui a disparu, et une redéfinition du partage des tâches entre cette organisation et l’Union européenne.

Tant que nous n’aurons pas accompli cette démarche, l’OTAN restera, pour beaucoup, un substitut confortable et moins onéreux à une défense européenne.

En effet, la seconde condition, délicate à remplir, de la mise en place d’une telle défense est la suivante : les pays de l’Union européenne devront accepter une contribution plus équilibrée à l’effort de défense, ce qui se traduira nécessairement, pour certains d’entre eux, par un accroissement des crédits budgétaires à consentir.

Comment la France entend-elle aborder ce dossier durant sa présidence, alors que le problème de la neutralité de certains pays n’est pas réglé ? Ne risque-t-on pas, en prenant des initiatives en ce sens, de crisper un peu plus l’opinion publique irlandaise ? Je ne suis pas convaincu qu’il faille, à ce stade, faire porter nos efforts sur cette politique.

Aux priorités de la présidence française déjà définies, je voudrais en ajouter deux autres : l’Europe sociale et l’avenir de la PAC.

La campagne référendaire française avait dévoilé une attente forte quant à la dimension sociale de l’Europe. Celle-ci est essentielle si nous voulons que les peuples adhèrent à nouveau au projet européen, car, reconnaissons-le, le progrès économique n’est pas toujours synonyme de progrès social.

La Commission européenne vient d’annoncer un « paquet social ». Les thèmes évoqués sont nombreux. Certains, comme la flexisécurité, la lutte contre le travail illégal ou l’égalité des chances, sont abordés dans un climat assez harmonieux ; d’autres, en revanche, par exemple les services d’intérêt général ou la directive « temps de travail » font apparaître des différences vives et durables. Sur tous ces points, nous souhaiterions entendre le Gouvernement français.

L’adoption, d’ici à la fin de l’année, d’une ou plusieurs directives dans le domaine social aurait une portée symbolique très forte, notamment dans la perspective des prochaines élections européennes. La France doit tenter de convaincre les autres États membres de relever leur niveau de protection, en évitant une opposition entre l’Europe du Sud et un modèle anglo-saxon. Cela ne pourrait que contribuer à la cohésion de l’Union.

Un autre sujet de préoccupation tient à l’avenir de la PAC, qui doit, cette année, faire l’objet d’un « bilan de santé ».

Ce sujet revêt une acuité particulière, lorsqu’on sait qu’un sixième de la population de la planète a faim et que l’on voit des émeutes de la faim éclater un peu partout, notamment à Haïti, en Égypte, au Sénégal. Si la sécurité alimentaire est assurée en Europe, il reste que l’actualité nous contraint à nous poser la question du rôle de l’agriculture européenne pour l’alimentation de la planète.

En effet, qu’a-t-on observé au cours des derniers mois ? La hausse des prix agricoles s’est poursuivie. Dans certains pays, des pénuries alimentaires réapparaissent. Dans d’autres, les exportations ont été interdites pour empêcher l’apparition de telles pénuries. Or il s’agit là, indubitablement, d’une tendance qui n’est pas près de s’inverser.

À cela s’ajoute le développement des agrocarburants, auquel il est inexact d’imputer, comme le font certains, les hausses de prix actuelles ; il s’agit là, en effet, d’un facteur marginal, certes à prendre en compte dans une perspective de long terme.

En outre, ne cédons pas à un effet de mode ! Le bilan énergétique des agrocarburants demeure aujourd’hui médiocre, en attendant les produits de la « deuxième génération », qui restent d’ailleurs entourés d’incertitudes. Si nous devions poursuivre dans cette voie, il faudrait alors utiliser des plantes à vocation énergétique plutôt qu’alimentaire. Au Brésil, par exemple, pays de l’éthanol de canne à sucre, on subventionne l’essence pour la rendre compétitive.

Si l’on considère tous ces éléments, on ne peut manquer de conclure que l’agriculture est une activité dont l’importance sera demain stratégique. Voilà qui devrait discréditer, une fois pour toutes, le discours selon lequel nous pourrions nous contenter en Europe d’une politique rurale en guise de politique agricole, en faisant confiance au commerce international pour assurer notre approvisionnement.

Cette année est celle du bilan de santé de la politique agricole commune. Les propositions de la Commission, qui concernent, d’une part, le régime de paiement unique, et, d’autre part, l’organisation des marchés, doivent déboucher sur un accord en novembre.

Dans ce contexte, la France doit veiller à protéger ses agriculteurs, qui ont fourni un effort d’adaptation extraordinaire, mais il convient d’aller plus loin en posant, tant qu’il est encore temps, la question de l’avenir à long terme de cette politique, et pas seulement sous l’angle budgétaire.

C’est pourquoi je me réjouis que la présidence française donne lieu à un débat d’orientation sur l’après-2013, dont le temps fort sera le conseil informel des ministres de l’agriculture sur la PAC de l’après-2013, au mois de septembre prochain.

Avant de conclure, j’évoquerai brièvement la politique en faveur des PME.

Ces dernières représentent 99 % du total des entreprises et assurent 75 millions d’emplois dans l’Union européenne. Or la politique de l’Union européenne en faveur de leur développement est restée bien modeste jusqu’à présent, et ce alors même que les États-Unis, qui revendiquent leur libéralisme économique, n’ont pas hésité à mettre en place une politique d’inspiration beaucoup plus interventionniste, celle du .

L’annonce par le président Barroso de la mise en place d’un projet de small business act européen apparaît donc positive. La concrétiser devra être une priorité de la présidence française. Celle-ci a là une occasion unique de donner une nouvelle dimension à la politique en faveur des PME, afin qu’elle ne soit plus ce simple catalogue de bonnes intentions qui a trop longtemps masqué l’absence de mesures concrètes.

La France a souvent été un moteur de la construction européenne. C’est aujourd’hui à elle de jouer, sans doléances, ni brutalité, ni arrogance. Durant sa présidence, elle devra faire preuve de beaucoup de diplomatie et de souplesse pour éviter les conflits, et d’une grande imagination pour les transcender.

Bien sûr, le résultat du référendum irlandais vient jeter le doute et rend cette tâche plus délicate encore. Mais l’Europe doit et peut continuer d’avancer.

En conclusion, je développerai la métaphore du Tour de France, qui lui aussi va entrer dans l’actualité.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

L’Europe doit, à la manière d’un cycliste, rester toujours en mouvement pour se maintenir en équilibre. Or force est de constater que l’histoire européenne s’apparente plus à la conquête des cols alpins qu’au Tour des Flandres !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je sais que vous connaissez le Mur de Grammont, monsieur le secrétaire d’État !

Il revient donc au Gouvernement de faire des propositions et d’agir de telle manière que, à l’occasion de sa présidence, la France endosse le maillot jaune de l’Union !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, assurer la présidence de l’Union européenne constitue une responsabilité passionnante et exigeante, en un temps où les Vingt-Sept ont de si nombreux et si lourds défis à relever !

Pour faire avancer l’Europe, cette présidence doit être mise au service de l’Union et de chacun de ses membres, qu’ils soient anciens ou nouveaux, grands ou petits, qu’ils y croient ou qu’ils donnent le sentiment de moins y croire. Elle doit, bien plus encore, être mise au service de tous les Européens. Aujourd'hui, les Européens nous attendent !

La présidence française qui va s’ouvrir a été, monsieur le secrétaire d’État, minutieusement préparée, à tel point d’ailleurs – mais c’est un peu la loi du genre – que le principal peut sembler aujourd’hui acquis. Le principal sans doute, mais pas ce « plus », qui réside dans le fait que la construction européenne doit devenir réellement notre affaire à tous : celle des dirigeants de l’Union et de nos États, bien sûr, celle des parlementaires européens et nationaux, certainement, celle, surtout, de tous les Européens.

Les succès comme les échecs de cette présidence nous concerneront tous. Il est donc heureux que nous puissions avoir aujourd’hui ce temps de débat. Dans le même esprit, nous avons apprécié la rencontre proposée par le Premier ministre aux représentants des délégations pour l’Union européenne de nos deux assemblées. Les échanges que vous avez multipliés, monsieur le secrétaire d’État, avec tous vos homologues, en y associant souvent tel ou tel d’entre nous, ont également revêtu une importance essentielle, et je pense que ceux que nous avons pu nous-mêmes avoir avec nos collègues des autres parlements nationaux ou du Parlement européen n’ont pas été inutiles.

Ce « plus » qu’il va donc falloir maintenant apporter dépend d’abord de la « manière » que la France saura adopter et du « ton » qu’elle sera capable de donner à tous les débats au cours des prochaines semaines. Le succès sera en particulier fonction de notre capacité à inscrire les priorités proposées dans une démarche d’ensemble, cohérente et porteuse de sens.

Ainsi, ne pourrions-nous pas présenter les quatre priorités annoncées – climat et énergie, PAC, immigration et défense – non pas seulement comme une liste d’ambitions, mais bien comme quatre manières complémentaires de progresser vers une réponse à la seule vraie question du moment, à savoir celle de la paix dans le monde, et vers la réalisation de la condition nécessaire que constitue, pour obtenir cette paix, le développement ? « La paix, c’est le développement », disait déjà Paul VI…

L’Europe, qui a su reconstruire la paix sur son sol, doit aujourd'hui relever le défi du développement dans le monde. Elle seule sans doute peut le faire. C’est ce qui lui permettrait de redevenir un vrai projet, notamment aux yeux des jeunes.

Vos quatre priorités, monsieur le secrétaire d’État, servent cette ambition. Elles le feraient sans doute encore mieux si vous explicitiez aussi vos préoccupations économiques et sociales, et surtout si vous les rapprochiez afin de marquer leur complémentarité et de leur donner leur pleine signification politique.

Notre démarche doit en effet gagner en lisibilité, en clarté et en vérité.

Nos partenaires, tous les Européens attendent aujourd'hui de la France qu’elle redonne un élan à une construction européenne qui s’essouffle et bute, du coup, sur des obstacles qui restent souvent d’importance secondaire si on les compare aux vrais enjeux. S’agissant des conséquences du « non » irlandais, qui, lui, n’est pas secondaire, ce « plus », cette « manière », ce « ton » que j’évoquais et que j’appelle de mes vœux, se révéleront tout particulièrement nécessaires.

Avant d’en revenir au cas de l’Irlande, je livrerai trois réflexions générales concernant la communication sur l’Europe et l’attente des Européens, la responsabilité européenne des politiques, et enfin le couple franco-allemand.

Tout d’abord – on l’a souvent dit et répété, mais manifestement ce n’est pas encore suffisant –, il nous faut retrouver le sens de l’émerveillement devant le chemin parcouru et développer un réel effort de communication pour faire comprendre ce que représente vraiment l’Union, non seulement pour chaque Européen, mais aussi dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

On a beaucoup dit que nous n’avions pas su célébrer l’avènement de l’euro ou l’élargissement de 2004, événements pourtant formidables dans l’histoire du monde et qui relevaient encore, voilà seulement un quart de siècle, de la plus complète utopie.

Il ne sera jamais trop tard pour saluer de tels événements exceptionnels, mais admirons d’abord le fait que, en ce premier semestre de 2008, ce soit la Slovénie qui ait été appelée à présider l’Union et qu’elle ait parfaitement tenu son rôle. Ne banalisons pas de telles réalités, qui pourraient passer inaperçues alors qu’elles doivent nous ramener à l’essentiel : le Premier ministre slovène était en prison pour délit d’opinion en 1989 ! Dans le même ordre d’idées, le ministre de la défense de Lituanie, que j’ai rencontré la semaine dernière, est né à Krasnoïarsk, ville où ses parents étaient déportés. Voilà qui n’est pas du tout banal !

N’oublions jamais, mes chers collègues, que l’Europe, c’est avant tout les droits de l’homme, et que cette Europe-là n’a pas de prix. §C’est pour cette raison que nul n’a le droit de jouer avec l’Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Le XXesiècle fut, pour nous Européens, celui de tous les cauchemars. Nous revenons de très loin ! Le chemin parcouru, admirable, nous condamne à poursuivre dans la voie ouverte dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans la voie consacrée par la chute du mur de Berlin.

J’en viens à ma deuxième réflexion : les gouvernants et les parlementaires, tant de l’Union que des États, doivent désormais tous assumer une réelle responsabilité à l’égard de l’Europe.

N’instrumentalisons pas l’Europe au service de nos petits intérêts ! Ne rejetons pas sur l’Europe nos incapacités particulières ! Lorsqu’un chef d’État signe un traité européen, il s’engage à faire le maximum pour que ce dernier soit ratifié par son propre peuple et pour accompagner solidairement ses homologues dans les efforts qu’ils consentent dans leurs pays respectifs. S’il s’agit d’affaires intérieures des États, ce sont aussi des affaires intérieures de l’Union !

Plusieurs d’entre nous ont pu participer, voilà quelques jours, à un débat intéressant avec des collègues parlementaires suédois…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

… qui, issus de différents partis politiques, nous ont tous affirmé successivement qu’ils souhaitaient que leur pays adopte l’euro mais que, l’opinion publique n’y étant pas prête, ils attendraient…

Sur la question européenne plus encore que sur toute autre, je pense que, pendant un certain temps encore, il appartiendra aux politiques de « tirer » les opinions, et non le contraire !

La réconciliation franco-allemande serait-elle intervenue aussi rapidement et profondément si l’on avait attendu que Français et Allemands la réclament ? Les Allemands étaient-ils spontanément disposés à abandonner leur mark au profit de l’euro ? Je n’ose imaginer l’issue de référendums qui auraient pu être organisés à l’époque sur de tels sujets !

Ce n’est pas en « attendant » les opinions que l’on construit le monde. Les responsables politiques nationaux doivent « monter en ligne », naturellement porteurs de l’intérêt national – c’est leur rôle –, mais aussi, et peut-être désormais surtout, chargés de défendre, même si cela est moins immédiatement populaire, l’intérêt supérieur commun, que minent au contraire, jour après jour, les ravages provoqués par les égoïsmes nationaux qui se cachent derrière les « retours nets » et les « j’en veux pour mon argent » !

Le jour où l’intérêt commun disparaît, l’idée européenne meurt. Avant de faire quelque procès que ce soit à nos partenaires, interrogeons-nous sur nos propres attitudes. Sommes-nous véritablement convaincus que le premier intérêt national à défendre est bien cet intérêt commun européen, et fondons-nous nos discours et nos choix sur cette idée ? En réalité, chez nous comme ailleurs, la tentation de la démagogie n’est jamais bien loin.

Ma troisième réflexion concerne le couple franco-allemand.

« Au moment où nous nous apprêtons à exercer la responsabilité de la présidence de l’Union, il est, pour nous Allemands, d’une importance décisive de lui redonner un élan durable. Seule une vigoureuse rénovation d’une relation franco-allemande qui a fait ses preuves peut permettre d’y parvenir. »

Ainsi s’exprimait le 27 novembre 2006, à la veille de la présidence allemande de l’Union européenne, Richard von Weiszäcker, alors président de la République fédérale d’Allemagne. Remplaçons « pour nous Allemands » par « pour nous Français », et nous pourrons reprendre cette citation mot pour mot ! Faisons-la donc nôtre !

L’Alsacien, le Rhénan que je suis se trouve intimement convaincu qu’il n’y a pas d’avenir pour l’Union si le couple franco-allemand n’assume pas solidairement sa responsabilité toute particulière à l’égard de l’Europe, si chacun des deux pays ne fait pas tout pour comprendre et respecter l’autre, pour s’en faire entendre et pour se placer, avec lui, au service de l’Union. Tout est là ! C’était déjà vrai dans l’Europe des Six ; ça l’est plus que jamais, même si c’est d’une façon différente, dans l’Union à vingt-sept !

Il nous faut adresser à notre partenaire allemand un discours univoque, direct, confiant et engagé. Il ne peut plus être question entre nous – jamais, ni ouvertement ni de façon subliminale ! – d’arrière-pensées, de zones d’influence ou de leadership. En ce sens, l’accord de Hanovre sur l’Union pour la Méditerranée est venu très heureusement clore une bien inutile querelle, et le climat qui régnait à Straubing, comme les engagements qui furent pris dans cette ville, sont de bon augure pour l’avenir.

Il est bon, enfin, que nous reprenions à notre compte, avec les Tchèques et les Suédois, la formule du « portage à trois » inaugurée par les Allemands avec leurs successeurs à la présidence, à savoir les Portugais et les Slovènes. La crise née du vote irlandais vient à point nommé souligner le bien-fondé de cette démarche. À tous égards, le Président de la République a bien fait de se rapprocher immédiatement de nos amis Tchèques.

Aujourd’hui, même si, sans les apports du traité de Lisbonne, nous devrions pouvoir progresser au moins sur les dossiers essentiels du climat et de l’énergie et de la PAC, bien des efforts déployés pour préparer notre présidence risquent d’être compromis par le vote irlandais. Je suis heureux que, sur ce point crucial, les plus hautes autorités allemandes et françaises aient choisi de réagir conjointement.

Le vote des Irlandais, auxquels l’Europe a pourtant offert un avenir qu’ils n’osaient imaginer voilà cinquante ans, pose de véritables questions, d’ordre général. Certaines d’entre elles étaient d'ailleurs apparues dès le mois de juin 2005, à la suite des votes français et néerlandais.

Le traité a été présenté comme « simplifié », ce qui fut sans doute une erreur, je n’hésite pas à l’affirmer : un texte appelé à prévoir de manière précise le fonctionnement d’une Union de vingt-sept États ne peut être ni très concis ni réellement simple. À la vérité, sa nature le qualifie plutôt, évidemment, pour un examen par voie parlementaire, c’est-à-dire par des responsables politiques auxquels les peuples ont précisément donné mandat de traiter de tels sujets. Nous devons au passage réaffirmer avec force que la voie parlementaire est parfaitement démocratique !

Il se trouve que l’Irlande, en l’état actuel de sa constitution, devait tout de même emprunter la voie du référendum. Or, avec une telle procédure, hélas, démocratie peut rapidement rimer avec démagogie ! S'agissant d’un texte complexe, le « oui » est naturellement plus difficile à défendre qu’un « non » dont les tenants vont « surfer » sur toutes les inquiétudes, que celles-ci aient ou non un lien avec le traité. C’est ainsi que l’on commence à jouer avec l’Europe… Il est tellement plus facile de détruire que de construire !

Bien sûr, ce n’est pas là une raison pour baisser les bras devant le fantastique besoin d’explications exprimé par tous les Européens. Cette attente, ce besoin, la présidence française doit les entendre et y répondre ! Pour l’Europe, nous sommes engagés dans un exercice de démocratie très exigeant.

Avec ce référendum, nous étions confrontés au cas de figure le plus difficile, celui où un « non » semblait sans conséquences pour le citoyen qui l’exprimait, où le défoulement était donc gratuit et n’impliquait certainement pas, en tout cas, une sortie de l’Union. Il est si agréable, et tellement plus facile, de prendre ce qui est bon sans avoir à en payer le prix !

Nous voyons se heurter ici deux principes démocratiques. Comme tous les Européens, les Irlandais doivent pouvoir s’exprimer et rester maîtres de leur avenir. Toutefois, leur vote entraîne des conséquences pour nous, qui aspirons également à maîtriser notre destin, lequel se trouve être commun avec le leur !

Il ne s'agit donc plus d’une affaire purement intérieure à l’Irlande. Si, en démocratie, chacun a le droit de voter, il est aussi un moment où, tous étant concernés, la majorité fait la décision. Comment, dès lors, concilier ces deux fondements de la démocratie ? Aujourd'hui, nous devons nous fixer comme objectif incontournable la ratification du traité, ne serait-ce que parce que celui-ci représente un progrès dans le sens de la démocratie – ce principe au nom duquel, précisément, certains le refusent ! On ne pourra aller bien loin à vingt-sept avec un Conseil européen sans existence juridique, à une époque où les peuples attendent légitimement de lui qu’il intervienne de manière transparente et forte sur des sujets aussi sensibles que les frontières, les nominations ou le budget.

Je rappelle au passage qu’à Philadelphie la Convention américaine avait prévu que la constitution des États-Unis serait adoptée si neuf des treize États fondateurs appelés à se fédérer l’acceptaient. Nos maux actuels viennent de ce que nous avons été beaucoup plus démocratiques dans nos exigences que ne l’étaient les Américains voilà deux siècles !

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, faudra-t-il que la présidence française appelle chacun des vingt-sept États membres à la fois au pragmatisme et à la responsabilité. Il ne peut être question de renoncer ou de repartir pour une énième tentative avec un nouveau texte « super-simplifié ».

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

L’Europe y perdrait toute crédibilité, dans le monde comme aux yeux des Européens.

Il est heureux que trois nouveaux pays aient ratifié le texte au moment même où l’Irlande le rejetait. Il faut poursuivre ce processus et mettre les Irlandais en face de leurs responsabilités devant l’histoire et devant le continent, mais en restant à leurs côtés et à l’écoute de leurs questions, qui, au demeurant, sont bien souvent celles de tous les Européens.

La France se voit donc confier aujourd'hui une mission peu ordinaire. Il lui appartient de l’assumer. Dans cette perspective, monsieur le secrétaire d'État, elle devrait trouver les ressources d’imagination et de volonté politique nécessaires dans l’exemple que nous ont laissé Robert Schuman et Jean Monnet. Le problème que ceux-ci avaient à résoudre n’était-il pas bien plus difficile encore ? Pourtant, ils ont su surmonter l’insurmontable et construire, sur un champ de haines et de ruines, une Europe de la paix et des droits de l’homme.

Monsieur le secrétaire d'État, les sénateurs du groupe de l’UC-UDF vous soutiendront pour que la France se mette, tout au long des prochains mois, au service de cette Europe-là, qui constitue la véritable Europe, celle dont nous sommes le plus fiers. Nous sommes à vos côtés pour que la France se place au service de tous les Européens, dont l’attente est immense.

Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le report du débat sur les priorités de la présidence française avait finalement tout d’un acte prémonitoire !

La situation qui se présente à nous désormais est somme toute plutôt décevante, voire inquiétante. Que comprendre du nouveau message qui vient de nous parvenir de la part de nos amis Irlandais ? Celui-ci rappelle d’abord le manque de démocratie européenne, en exprimant le sentiment qu’à partir de 2009, avec la mise en œuvre de la réforme institutionnelle, l’Irlande n’aurait plus eu les moyens de peser sur les décisions de la même façon qu’auparavant.

Pourtant, ce traité comporte de nombreuses dispositions institutionnelles très positives, qui permettent de rapprocher l’Europe de ses citoyens, comme le renforcement des pouvoirs du Parlement européen en matière de codécision, l’affermissement du rôle des parlements nationaux, la consolidation du vote à la majorité qualifiée, qui pourra être étendu grâce à la « clause passerelle », le droit de pétition des citoyens européens et la désignation du président de la Commission européenne par le Parlement européen, si du moins cette nomination n’est pas « ficelée », pendant la présidence française, au cours de tractations diplomatiques qui contourneraient la concertation démocratique.

Toutefois, ce traité, dont le Président de la République revendique la paternité, n’est-il pas finalement trop institutionnel et pas assez mobilisateur pour les citoyens européens ? Il ne s’agit là que d’une question, parmi toutes celles qui se posent à nous désormais.

Pour l’heure, le contexte incite plutôt à la retenue, sinon à la prudence. Je ne voudrais pas, à la différence du Président de la République et du Gouvernement, dont la cacophonie a précédé et suivi le vote irlandais, céder à la tentation de minimiser la gravité de la situation.

Je m’interroge, en particulier, sur les déclarations du Président de la République, qui a affirmé, sans attendre le Conseil européen, qu’il n’était pas question de suspendre le processus de ratification du traité de Lisbonne, alors que l’Irlande a annoncé qu’elle n’avait pas l’intention de consulter de nouveau ses citoyens.

Le Conseil européen de cette semaine aura la tâche de présenter un éventail de solutions face à des déclarations aussi divergentes. Je ne pense pas qu’une réponse ferme et définitive puisse être formulée à cette occasion : il faut se donner le temps de la réflexion, tant les conséquences de l’option qui sera retenue pourraient changer la nature de l’Union européenne.

Néanmoins, la situation exige aussi de savoir rebondir rapidement. La présidence française n’aura pas d’autre choix que de revoir ses priorités et de proposer des projets qui recueillent, enfin, l’adhésion des citoyens. Ce qui est évident, c’est qu’elle ne pourra plus se contenter de projets flous. Une certaine précipitation et improvisation a entouré le projet d’Union pour la méditerranée. Ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga vous en parlera de manière plus précise.

Les déclarations sur les priorités de la présidence française de l’Union européenne pour la politique européenne de sécurité et de défense constituent l’exemple même de cet effet « poudre aux yeux » qu’affectionne l’exécutif.

La réactualisation de la stratégie de sécurité européenne pour la prochaine décennie se trouve déjà lancée, par une décision prise en décembre 2007.

Le renforcement des capacités civiles et militaires est lui aussi envisagé depuis longtemps, mais il est temps de préciser quelles sont les propositions françaises et quels seraient les « nouveaux projets capacitaires structurants » mis en œuvre.

Nicolas Sarkozy estime que le budget consacré par l’Union européenne à la défense devra être revu à la hausse. On imagine bien, compte tenu de l’état des finances de notre pays et des dernières remontrances européennes à l’encontre de la gestion financière du Gouvernement, avec quel entrain nos partenaires accueilleront une telle proposition !

Il s'agit là, par ailleurs, d’un rendez-vous des occasions manquées d’entrée de jeu, s’agissant notamment de la réalisation d’un Livre blanc européen sur la défense et la sécurité !

Nicolas Sarkozy considère peut-être que l’édification d’une Europe de la défense indépendante n’est pas incompatible avec la consolidation et même l’extension de l’OTAN. C’est là un pari risqué : il nous place à la remorque d’un allié important, crucial même, qui surtout mène dans le monde des politiques que nous ne partageons pas, que nous contestons et que parfois, heureusement, nous avons condamnées.

La franchise du secrétaire national à l’Europe de l’UMP, Alain Lamassoure, est à ce titre tout à fait rafraichissante : « La mise en place de la défense européenne sera politiquement impossible tant que nous n’aurons pas le feu vert de Washington. Une négociation sera menée sur la réforme de l’OTAN, dans laquelle la France est disposée à reprendre toute sa place. Il faudra ensuite un accord sur le partage des rôles avec l’OTAN. Comme cette négociation ne pourra commencer que lorsqu’il y aura une nouvelle administration américaine, et comme il ne sera pas facile d’obtenir le soutien nécessaire d’un Gordon Brown fragilisé, il sera difficile de lancer de grandes initiatives lors de cette présidence. » Dont acte ! Il n’y a rien à espérer du second semestre de 2008.

Dans la situation qui prévaut désormais, le pacte pour l’immigration que vous vous apprêtez à proposer paraît incongru, tant l’objectif affiché ne parvient pas à masquer la volonté française de faire adopter par nos partenaires européens une politique d’immigration répressive. Nous regrettons vivement que cette présidence défende la vision d’une Europe qui se replie sur elle-même en définissant les moyens de se protéger des autres, d’exclure plutôt que d’inclure.

Pour la France, il s’agit en fait de résister à la tentation de transposer à l'échelle européenne des choix nationaux ou, pis encore, de proposer à nos partenaires européens des dispositions écartées à l’échelon national. Tel n’est pas le rôle de l’Europe ! Une politique, qui plus est en matière d’immigration, ne se définit pas par une moyenne établie entre des législations et des traditions différentes, voire divergentes.

La France et l’Allemagne se sont prononcées la semaine dernière pour une interdiction européenne des régularisations massives d’immigrés en situation illégale au sein de l’Union. Or l’efficacité d’une politique d’immigration ne peut se mesurer à l’aune du seul chiffre des expulsions, qu’il s’agirait seulement d’accroître. Elle ne peut être assurée que si elle combine normes communes en matière d’immigration légale, lutte contre la criminalité organisée et véritable politique de codéveloppement.

Nous aurions souhaité que la présidence française privilégie le renforcement d’une politique européenne d’immigration légale, qui se pencherait sur le droit des migrants et sur les moyens d’assurer leur intégration sereine et non condescendante. La perpétuation d’une tradition d’accueil constitue certes une autre manière, différente de celle que vous mettez en œuvre, de rassurer les citoyens qui ont besoin de l’être, mais elle est tout aussi efficace.

Le compromis qui s’est dégagé sur le projet de directive instaurant des règles communes pour l’expulsion des immigrés illégaux vers leur pays d’origine annonce bien le ton du pacte pour l’immigration que vous préparez, puisque cette directive en sera l’un des volets.

Comment peut-on ainsi utiliser l’Europe pour faire régresser notre droit ? Ne nous leurrons pas : si cette directive est « moins-disante » que notre droit, elle vous offrira le moyen de faire adopter par la suite une législation nationale moins protectrice, en invoquant les minima européens. Pensez-vous vraiment que c’est ce qu’attendent les citoyens français aujourd’hui ?

Pourtant, mon optimisme m’incite à dire que l’Europe peut tant faire pour apporter une réelle valeur ajoutée à la vie quotidienne de nos concitoyens ! S’est-elle trop éloignée, précisément, du quotidien de ses citoyens ? L’une des réponses à apporter à la situation actuelle, c’est le développement et le renforcement de l’Europe sociale. Toutefois, ce qui aurait dû constituer votre priorité essentielle se trouve totalement absent de votre programme, qui consiste essentiellement en un patronage de négociations en cours, en conférences ou en manifestations diverses.

Nous regrettons qu’il n’y ait pas, de la part de la France, de véritable initiative législative ; dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, on ne peut affirmer, comme l’a fait votre collègue Xavier Bertrand, que l’année 2008 sera celle du redémarrage de l’Europe sociale.

Vos intentions ne construisent en réalité aucune véritable stratégie d’impulsion.

Entend-on promouvoir l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? Mais votre collègue Mme Dati vient de s’opposer à l’amendement demandant son inscription à l’article 11 de la Constitution lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la réforme des institutions !

Une proposition de directive interdisant les discriminations fondées sur le handicap est-elle en cours d’élaboration ? Il s’agit d’une initiative de la Commission européenne, comme vous le reconnaissez vous-même !

Envisagez-vous de mettre en place un agenda social européen ? C’est un hasard de calendrier : il revenait de toute façon à la présidence de préparer son élaboration, pour qu’il soit mis en œuvre en mars 2010 !

S’agissant, sur ce dernier point, des orientations que vous défendrez, notre conception de l’Europe sociale n’est pas celle qui consiste à mettre l’accent sur la lutte contre le travail illégal et les fraudes sociales à l’échelon européen.

En quoi la généralisation de l’opt-out britannique en matière de durée légale du travail serait-elle un progrès pour les travailleurs, comme l’a clamé très sérieusement M. Xavier Bertrand à la sortie du conseil qui a adopté la semaine dernière la proposition de directive sur le temps de travail ? Comment l’expliquerez-vous aux citoyens ? Dire que cela ne s’appliquera pas en France est une manière de reconnaître que la législation française est, pour l’instant, plus protectrice… mais jusqu’à quand ?

Nous souhaitons que la présidence française soit porteuse, en matière sociale, de projets qui garantissent réellement les droits des citoyens européens.

Il faudrait notamment davantage qu’un simple forum, devant se tenir les 28 et 29 octobre prochains, pour traiter des services sociaux d’intérêt général, ou qu’un simple calendrier pour entamer une phase de réflexion, annoncée par M. Xavier Bertrand lors de son audition à l’Assemblée nationale.

D’une manière plus générale, rien n’est dit sur l’élaboration d’une législation-cadre sur les services d’intérêt général. À nos yeux, il ne peut y avoir d’agenda social ambitieux sans la programmation de l’adoption d’une directive-cadre.

La présidence française fournit au Gouvernement une occasion unique de donner une impulsion politique, seule à même de dépasser le refus de la Commission européenne de légiférer.

Nous demandons que la présidence française élabore sans tarder une feuille de route et un calendrier précis à faire entériner par le Conseil européen de décembre 2008, en vue de l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général.

La France a également une occasion rare de donner une impulsion forte à de grands projets qui seront décisifs pour les années à venir.

Pourtant, on peut s’étonner aujourd’hui de son silence sur la préparation de la révision des perspectives financières dont elle devait être saisie. Nous regrettons que la présidence française n’envisage pas de lancer une grande réflexion en amont de cette révision, parce que c’est lors de ces nouvelles négociations que s’élaboreront les politiques européennes de demain. Pour pouvoir conduire des politiques plus volontaristes, l’Europe doit se doter d’un budget plus important, d’un véritable budget qui permette de mobiliser les capacités au bon moment, au bon endroit, et de répondre aux situations imprévues.

Je reste optimiste, parce que l’Europe ne s’arrête pas pour autant. De nombreux dossiers sont en cours de traitement et de nouveaux défis doivent être relevés.

Nous souhaitons qu’une impulsion forte soit donnée au paquet « énergie-climat ». Cela n’est pas synonyme, encore une fois, de précipitation : cet ensemble de dispositions devra avoir un contenu décisif en vue de lutter contre le réchauffement climatique.

On soutient qu’une volonté politique commune existe de parvenir à un accord, mais aujourd’hui, seule la date butoir de l’accord fait l’objet d’un consensus. Avec tout l’enjeu lié à une politique énergétique commune et des sujets tels que la sécurité de l’approvisionnement énergétique, la menace de délocalisation des industries, le développement des énergies renouvelables, le débat relancé sur le développement de l’énergie nucléaire ou la place des biocarburants, un accord obtenu à tout prix risquerait de se réduire à un catalogue d’intentions ou de renvoyer les vraies décisions à une date ultérieure, comme les Vingt-Sept ont trop souvent tendance à le faire, et pas toujours à bon escient.

Un bon accord privilégiera les mesures concrètes, d’autant plus indispensables dans la situation de crise énergétique que nous connaissons aujourd’hui.

Il reste une interrogation de poids : comment mettre en œuvre un accord d’apparence ambitieuse lorsqu’aucun financement n’a été prévu par le cadre financier d’ici à 2013 ? Le rôle d’impulsion de l’Union européenne ne pourra alors être assuré.

À l’évidence, la crise énergétique impose une solution européenne : nous ne cessons de prôner une diminution du taux de la TVA sur les produits de première nécessité. L’essence pourrait désormais entrer dans cette catégorie, tant nombre de citoyens en dépendent pour exercer tout simplement leur métier.

La modification du taux de la TVA à l’échelon européen est difficile ; nous le savons bien, puisque que cela exige un accord unanime. Peut-être pourrait-on réfléchir à d’autres solutions, telles que la taxation des profits pétroliers, idée que vous a soumise le ministre des finances italien. Toute décision en ce sens ne sera efficace qu’à l’échelle de l’Europe.

Dans tous les cas, la solution pour alléger le coût du pétrole pour les citoyens les plus vulnérables ne peut être qu’une solution européenne concertée, politique.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement la Macédoine. §

Il faudrait que l’Union européenne se départisse de son attitude ambiguë. La lenteur du processus conduisant à l’ouverture de négociations d’adhésion n’est pas étrangère aux difficultés que la Macédoine rencontre aujourd’hui. Il serait judicieux que la présidence française prenne en charge attentivement cette candidature, débloque la situation en mettant tout son poids dans la balance pour que l’on parvienne à un accord bilatéral entre la Grèce et la Macédoine sur le futile sujet du nom de ce pays et obtienne que le Conseil européen de décembre 2008 engage enfin les négociations d’adhésion de la Macédoine à l’Union européenne.

La Grèce vient de faire connaître une nouvelle fois, hélas ! son opposition à l’ouverture de telles négociations. Cela suffit ! Peut-elle elle-même se prévaloir d’avoir été un nouveau membre exemplaire lors de son admission dans l’Union, voilà quelques années ? Le Conseil européen de cette semaine sera l’occasion d’une première concertation.

Je comprends, dans un sens, pourquoi le Gouvernement annonce le « retour de la France en Europe » par le biais de cette présidence, trois ans après le « non » des Français au traité constitutionnel.

Tout rejet des traités n’est finalement jamais vraiment positif pour ceux qui l’expriment et conduit souvent le pays concerné à être exclu du cercle de confiance des partenaires européens. Il me paraît inquiétant que les Irlandais n’aient vu comme seul chemin, pour peser sur les décisions européennes, que le « no » qu’ils ont prononcé lors de leur référendum. Ironie du sort, c’est la France qui doit désormais aider l’Europe à sortir de la crise qui s’ouvre aujourd’hui avec le « non » irlandais !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

La France pourra marquer son retour en Europe si elle parvient à déployer une réelle capacité de mobilisation et de conciliation, en dosant savamment célérité et patience afin de trouver une solution appropriée pour l’Irlande et pour l’Europe.

Nous espérons que l’ampleur du défi que vous avez aujourd’hui la responsabilité de relever n’empêchera pas la concrétisation de projets qui répondent aux souhaits des citoyens européens dans leur ensemble et à leurs demandes immédiates. C’est eux qu’il faut convaincre du bien-fondé de l’Europe, pas nous. Faites en sorte que l’Europe s’intéresse et se consacre aussi à la vie quotidienne des citoyens.

Je considère que les efforts doivent se conjuguer. Des résultats concrets seront indispensables. Nous sommes prêts à soutenir toute initiative menant à une stratégie positive et constructive pour une relance. Ne laissons pas se déliter l’Europe !

Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons connaître vos pistes de relance et savoir quelles priorités vous assignerez désormais à la présidence française.

J’ose espérer que vous reviendrez devant notre assemblée non pas en décembre, au moment de la conclusion de la présidence française, mais à mi-parcours de son exercice, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. … afin de rendre compte à la représentation nationale des actions et démarches que vous aurez entreprises, au nom de l’Europe et pour le bien de l’Europe et de ses citoyens. N’oublions pas que ces derniers auront l’occasion d’un nouveau rendez-vous démocratique avec l’Europe, celui des élections européennes de juin 2009.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment entamer ce débat sans évoquer le référendum irlandais ? Les Irlandais ont rejeté clairement le traité de Lisbonne, par un « non » sans appel : en cela, ils ont pris leurs responsabilités !

Je souhaite, au nom du groupe de l’UMP et à la suite de M. le président de la délégation pour l’Union européenne et de M. le président de la commission des affaires étrangères, que ce résultat ne remette pas en cause les priorités de la présidence française de l’Union. Nous devons au contraire nous concentrer sur les objectifs concrets que nous avions fixés et travailler à les atteindre.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes confrontés à un paradoxe, car le « non » irlandais est peut-être, en définitive, une véritable chance pour la future présidence française : c’est un appel à faire davantage, et peut-être mieux, que ce qui était prévu, même si cela demandera bien sûr un peu plus de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Montrons aux citoyens que l’Union européenne peut répondre à leurs préoccupations quotidiennes, d’abord en les protégeant. C’est le souhait du Président de la République, que nous faisons nôtre.

En ce qui concerne les institutions, le problème reste entier. Le Conseil européen des 19 et 20 juin prochains devrait permettre de dégager les grandes lignes.

Pendant six mois, notre pays va porter une lourde responsabilité dans le processus de relance et d’approfondissement de la construction européenne. Cela doit être envisagé avec une certaine gravité.

La France devra proposer, prendre des initiatives et convaincre ses partenaires de la pertinence de ses priorités et de la justesse de ses choix. Faisons-le sans arrogance et avec le souci de concilier les avis des autres pays membres, notamment de l’Allemagne.

À cet égard, je soulignerai, comme plusieurs intervenants l’ont déjà fait, que depuis quelques mois le couple franco-allemand a retrouvé sa vitalité. Il faut s’en féliciter. Il s’agit d’un axe majeur de notre diplomatie, dont l’affaiblissement ne peut jamais être compensé. Soyons-en convaincus, mes chers collègues : le couple franco-allemand est une réalité incontournable, qu’il ne faut pas ignorer. Il est plus que jamais au cœur de l’Europe, et sans lui, rien n’est possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé les grandes lignes de la politique européenne que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre lors de la présidence française de l’Union. Nous les approuvons pleinement, au même titre que les deux lignes directrices qui ont été annoncées : promouvoir l’Europe en tant que protection et conduire une présidence « citoyenne ». Ce dernier point est lui aussi très important.

Les Français, nous le savons, semblent se méfier du monde, en avoir peur. C’est dans l’Europe qu’ils placent leurs espoirs de pouvoir maîtriser les évolutions globales qu’ils ont trop souvent l’impression de subir.

Parmi les sujets que nos concitoyens considèrent comme particulièrement prioritaires figure bien sûr l’énergie, le contexte actuel de hausse des prix représentant une préoccupation singulièrement aiguë.

L’approvisionnement en énergie est une priorité absolue pour l’Union européenne et pour la France. Notre pays doit soulever les questions touchant à la sécurité du continent en matière d’approvisionnement énergétique. Il doit aussi promouvoir le rôle du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique.

La politique européenne de l’énergie est en effet étroitement liée à la lutte contre le changement climatique. L’objectif est de mettre en place une Europe du développement durable et de l’innovation. Dans l’élan de son Grenelle de l’environnement, la France peut faire de l’Union européenne un exemple mondial en matière de protection de l’environnement.

La maîtrise des flux migratoires constitue une autre priorité à laquelle nous souscrivons volontiers. L’Europe est soumise à des tensions démographiques et économiques importantes Tous les États membres sont concernés, même si les situations sont diverses, 80 % des flux ne concernant que cinq pays, dont la France.

Il est donc nécessaire de coordonner les actions des États membres et d’assurer leur cohérence avec les politiques communautaires. Il s’agit de voir dans quelle mesure nos politiques en matière de traitement des demandes d’asile d’une part, d’accueil et d’intégration d’autre part, ainsi que nos actions concrètes en termes de lutte contre l’immigration illégale et de développement solidaire, peuvent être mieux harmonisées et partagées.

Au-delà de la définition d’une politique d’immigration commune à l’échelon européen, qui est indispensable et dont l’élaboration a d’ailleurs déjà commencé, l’immigration clandestine doit être, selon nous, l’un des thèmes phares de la présidence française.

La mise en place d’une collaboration avec les pays du Sud pour élaborer une solution collective apparaît comme une priorité évidente. La création d’un « pacte européen sur l’immigration », dont l’idée est défendue brillamment par M. Brice Hortefeux dans toutes les capitales européennes, est un projet remarquable qui doit être mis en œuvre. Il n’impose aucun transfert de souveraineté à l’échelon européen, chaque État membre étant libre d’accueillir ou non des étrangers. Protéger les frontières extérieures de l’Union, organiser l’immigration légale et mettre en place une politique commune de l’asile nous semblent des objectifs de bon sens.

J’en viens à l’’Europe de la défense. Nous y travaillons depuis les années quatre-vingt-dix. Les Européens doivent avoir les moyens militaires de leurs ambitions politiques. La politique européenne de sécurité et de défense, qui est inscrite dans le traité de Lisbonne, devrait nous permettre, à terme, de répondre à cette exigence.

Nous considérons que l’édification d’une Europe de la défense n’est pas incompatible avec l’existence de l’OTAN : l’une et l’autre sont au contraire complémentaires, comme le montre le nombre croissant des crises dans lesquelles l’Union européenne et l’OTAN déploient ensemble leurs moyens sur le terrain. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement alors que vingt et un des vingt-six alliés de l’OTAN sont membres de l’Union européenne et que vingt et un des vingt-sept partenaires de l’Union sont membres de l’OTAN ?

Nous pensons que la défense européenne dépend de l’engagement de chaque État et que tous les pays membres de l’Union peuvent y prendre part.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement l’Union pour la Méditerranée.

Les initiatives que vous nous avez annoncées, monsieur le secrétaire d’État, nous paraissent excellentes. L’élargissement prévu à vingt-sept pays du Nord et vingt-sept du Sud est une bonne chose. Les objectifs que vous envisagez me semblent réalisables.

Enfin, la France doit engager une réflexion sur le réexamen des politiques européennes et de leur financement après 2013, s’agissant en particulier de la politique agricole commune. Notre intérêt est de le faire dès maintenant, sans attendre l’échéance de 2013. Il faut en effet éviter que le débat agricole soit submergé par celui sur les perspectives financières pour la période 2013-2020.

Paradoxalement, la hausse des prix agricoles mondiaux constitue selon nous un atout pour préparer l’avenir de la PAC dans de bonnes conditions. Par conséquent, faisons-le sans attendre.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, malgré les difficultés, la présidence française de l’Union européenne apparaît comme une chance pour notre pays d’assurer son « retour en Europe », pour reprendre l’expression du Président de la République, et comme une occasion de mobiliser toute son énergie pour recréer une envie collective d’Europe. Après l’échec du référendum irlandais, nous devons montrer que nous pouvons rassembler et rassurer.

Le traité de Lisbonne n’est pas mort, le processus de ratification doit continuer. Cela demandera une forte volonté politique, conjuguée à une tout aussi forte adhésion des sociétés civiles et des opinions publiques.

Il est donc urgent de conférer un élan renouvelé à l’Union européenne. Comme l’a souligné M. Josselin de Rohan, les pays de l’est du continent qui ne sont pas encore membres de l’Union européenne rêvent de l’Europe. Les Irlandais, pour leur part, semblent ne plus rêver de l’Europe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. … mais leur réveil risque d’être difficile. À la présidence française de les aider à bien se réveiller !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Qui plus est, les femmes ne sont pas très bien servies, puisque Alima Boumediene-Thiery et moi-même intervenons en fin de débat, après toute une série de messieurs, très respectables par ailleurs ! C’est ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Tout d’abord, le projet d’Union pour la Méditerranée sera-t-il l’un des points forts de la présidence française de l’Union européenne ?

Nous souhaitons avec vous, monsieur le secrétaire d’État, la réussite dans cette partie du monde de projets pragmatiques menés avec persévérance. Toutefois, notre inquiétude concerne la méthode suivie par la France ; nous craignons qu’elle ne soit pas la bonne.

Au départ, l’unilatéralisme de la France a en effet suscité une méfiance générale parmi les Européens et du scepticisme, voire un rejet violent, chez tels chefs d’État du Sud, dont les peuples sont bâillonnés, ce qui fait que nous ne savons rien de leur opinion.

Aujourd’hui, le projet d’Union pour la Méditerranée ne se réduit-il pas à une relance à grand spectacle du processus de Barcelone, alors qu’il pourrait être porteur d’espoir ? Mais pour cela, il faudrait que les causes de l’échec du processus de Barcelone aient été analysées et que l’on y ait remédié. C’est loin d’être le cas !

Les pays que nous prétendons rassembler autour d’un projet commun sont trop divisés, sur le plan interne et entre eux, leurs intérêts divergent trop d’avec les nôtres, nous sommes trop divisés nous-mêmes pour qu’une instance supplémentaire réussisse là où le processus de Barcelone a échoué, alors que les circonstances sont beaucoup moins favorables qu’au lendemain des accords d’Oslo.

J’évoquerai à cet égard quelques obstacles, quelques interrogations.

Comment inspirer confiance à la fois aux autocrates et aux peuples dont ils contrarient l’aspiration à une réelle citoyenneté ? Nos ambiguïtés diplomatiques ont un coût pour nous !

Comment persuader l’innombrable jeunesse de la rive sud que nous prétendons établir avec les pays où elle vit des relations d’égalité et de parité, pour reprendre vos propres termes, monsieur le secrétaire d’État, au moment même où l’Union européenne prépare des moyens juridiques communs pour lui fermer ses portes ?

Notre crédibilité est aussi atteinte par notre refus de regarder les réalités en face. Comment réunir dans le même projet l’Algérie et le Maroc, opposés à propos du Sahara occidental et incapables de s’entendre sur le tracé de leur frontière ? Comment faire travailler sur des projets communs Chypre et la Turquie, le Liban et la Syrie ? Comment faire accroire à la Turquie que ce projet n’est pas un moyen de dissoudre sa demande d’adhésion dans un vague ensemble ? Comment, surtout, réunir les Palestiniens et les Israéliens alors que la colonisation accélérée de la Cisjordanie et le siège de Gaza ruinent toute illusion de paix, même dans l’esprit de Condoleezza Rice ?

Nous sommes là au cœur de l’échec du processus de Barcelone, monsieur le secrétaire d’État, et voilà que l’Union européenne, à la veille de la présidence française, annonce ce qui se négociait sous la table depuis mars 2007 : l’approfondissement du partenariat entre l’Union européenne et Israël, c’est-à-dire l’octroi d’un statut de quasi-membre de l’Union à ce pays sans qu’aucune des conditions posées, qu’il s’agisse du respect des conventions internationales dans les territoires palestiniens militairement occupés, du respect des résolutions de l’ONU ou de la mise en œuvre de la feuille de route, soit remplie ! Avons-nous oublié les exigences, concernant tant leurs relations avec leurs voisins que le traitement de leurs minorités, auxquelles l’Union soumet les nations qui sollicitent l’adhésion ?

La France, qui s’apprête à présider l’Union, devra cesser de prendre des initiatives diplomatiques désordonnées et incompréhensibles pour ses partenaires, qui nous valent beaucoup d’inimitiés.

Un jour, tel dirigeant est placé au banc d’infamie ; le lendemain, il est invité à assister dans la tribune d’honneur au défilé du 14-Juillet : qui y comprend quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Nous réunissons à Paris la conférence des donateurs d’Annapolis, mais nous subissons en maugréant à peine toutes les entraves mises par Israël à la réalisation des projets à financer. Nous condamnons la colonisation de la Cisjordanie, mais nous laissons nos entreprises y prêter la main. Tout cela est incohérent et contre-productif.

Aussi souhaitons-nous que, pendant sa présidence, la France prenne elle-même et contribue à faire adopter à ses partenaires des positions claires, cohérentes et compréhensibles par tous, à commencer par les peuples de l’Union.

Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, les solutions sont connues de tous et depuis longtemps. Il faut les mettre en œuvre pour libérer les Palestiniens de l’oppression et assurer la pérennité de l’État d’Israël, pour tarir la source du ressentiment des peuples arabes et des musulmans contre l’Occident, pour rendre possibles des progrès politiques dans le bassin méditerranéen, enfin pour éloigner une menace qui pèse directement sur notre propre sécurité.

Or, en renforçant ses liens avec Israël sans exiger de ce pays l’acceptation d’un véritable État palestinien dans les frontières de 1967, l’Union se prive volontairement de toute capacité d’influence. Ce n’est certainement pas ainsi qu’elle atteindra l’objectif fixé !

Monsieur le secrétaire d’État, ce que nous attendons de la présidence française, ce n’est pas une intervention miraculeuse de l’Union européenne contre tous les risques naturels, écologiques, économiques, politiques ou autres qui pèsent sur la Méditerranée, c’est une prise de position courageuse et assumée, de la part de notre pays, pour qu’une voix au moins s’élève au service de la paix au Proche-Orient.

Il faut clairement faire entendre à Israël que, après avoir gagné les guerres, il faut aujourd’hui gagner la paix : ce doit être le préalable à tout partenariat renforcé avec l’Union européenne, préalable sans lequel l’idée de l’Union pour la Méditerranée ne sera qu’un gracieux feu d’artifice, effroyablement suivi des véritables explosions meurtrières d’une série de violences abominables.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la délégation pour l’Union européenne, mes chers collègues, qu’il me soit d’abord permis de me réjouir que mon intervention ne soit qu’un interlude entre celles de deux collègues femmes, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga et Alima Boumediene-Thiery !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le secrétaire d’État, quelques jours après le « non » irlandais, il s’agit évidemment de rendre l’Europe non seulement plus proche et plus démocratique, mais surtout positive aux yeux de nos concitoyens.

Au demeurant, j’indiquerai à l’adresse de M. Bret, dont j’ai écouté l’intervention avec amitié et respect, que décrire la construction européenne comme un « croquemitaine », alors même qu’elle a permis de mettre un terme à l’arbitraire, à l’horreur, à la barbarie, à la guerre, est un contresens que nous ne pouvons pas commettre ici au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Puisque tout a déjà été dit par mon excellent collègue Robert del Picchia au nom du groupe de l’UMP, je me bornerai à évoquer les efforts entrepris à l’échelle européenne en vue de la libération du potentiel des petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Je m’intéresse depuis des années à l’élaboration d’une législation européenne en faveur de la petite entreprise, à l’instar du s mall business act américain. Cette idée a été défendue avec courage et audace par Christine Lagarde, alors ministre déléguée au commerce extérieur – je l’avais d’ailleurs accompagnée à Bruxelles –, et s’inscrivait dans la stratégie de Lisbonne.

Je rappelle qu’aux États-Unis le small business act, voté en 1953, en pleine guerre de Corée, a permis, à une époque où il fallait libérer les énergies créatrices, de mettre en place une agence fédérale indépendante dont le mandat est de conseiller les PME, de défendre leurs intérêts et de leur faciliter l’accès au capital privé. C’était le temps où des entreprises naissaient dans des garages de la Silicon Valley, tandis que Sophia-Antipolis n’existait pas encore…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Nous avions, dans un premier temps, envisagé de nous inspirer purement et simplement du small business act. Cependant, notre projet a dû être élargi, car une clause réservataire sur le modèle américain imposait une renégociation à l’échelon européen de l’accord sur les marchés publics de l’OMC, voie dans laquelle la France n’a pas été suffisamment suivie par ses partenaires européens.

Le Gouvernement, s’il a continué de défendre sa proposition de réciprocité avec les États-Unis pour l’accès aux marchés publics des PME, n’en a pas oublié pour autant les autres mesures en faveur des PME qui constituent le fond de la méthode américaine et devraient permettre d’obtenir un accord à l’échelon européen. Je me félicite, à cet égard, de la persévérance française, les résultats déjà constatés montrant bien que lorsqu’il y a une volonté politique, il y a un chemin, comme l’affirmait le général de Gaulle.

M. le secrétaire d’État approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Depuis, une grande consultation a été lancée par la Commission, à laquelle ont été associés les gouvernements des États membres, ainsi que, j’en puis témoigner, les représentants des PME. Les premières conclusions, qui ont été publiées à la fin du mois d’avril, constitueront le socle de la proposition que formulera la Commission pour un small business act à l’européenne ; ce devrait être l’événement marquant de ces prochains jours.

S’inspirant des travaux du Sénat – cela soit dit en toute immodestie ! –, de ceux de Mme Lagarde, ainsi que du rapport établi par Lionel Stoléru à la demande du Président de la République, la France a fait parvenir ses conclusions dès l’annonce de la consultation. Nous souhaitons que la présidence française soit l’occasion d’encourager vivement cet engagement en faveur des entreprises petites et moyennes, facteur d’innovation, de prévention des délocalisations, de progrès et de dialogue social.

À titre personnel, je suis attaché à certaines mesures qui permettraient de répondre à des exigences précises de simplification et de clarification du statut des PME, de telle sorte que puisse être amélioré leur accès aux marchés privés et publics, ainsi qu’au financement. Nous y reviendrons prochainement, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie.

Je souhaiterais par exemple qu’à l’occasion de la présidence française l’environnement des PME soit amélioré, car c’est d’elles que dépend la véritable croissance, que l’esprit d’entreprise soit promu et l’accès à la mobilité professionnelle simplifié, les créateurs de PME étant généralement d’anciens salariés ayant changé de cap.

Je souhaite en outre l’adoption du brevet communautaire, à laquelle nous avons beaucoup travaillé, le développement de l’aide aux entreprises dans leurs démarches, par l’amélioration de leur information et la sensibilisation des donneurs d’ordres, l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés et la création d’un fonds de garantie destiné aux PME.

En résumé, mes chers collègues, la priorité doit être donnée à la croissance des PME, les entreprises de taille intermédiaire, comptant de 250 à 2 000 salariés, manquant cruellement, alors que ce sont elles qui permettront à l’Europe, si nous supprimons les effets de seuil, de connaître une vraie croissance.

Je tiens à faire observer que, dans le cadre de la législation nationale, le projet de loi de modernisation de l’économie représente un premier pas audacieux, puisque son article 7 a pour objet d’instaurer, en matière de passation des marchés publics, un traitement préférentiel pour les PME innovantes, sur lesquelles l’effort doit porter.

Je conclurai, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en soulignant que la volonté française a permis qu’une nouvelle ère s’ouvre au regard de l’amélioration de la compétitivité des PME. Nous devons avoir pour ambition que celle-ci s’inscrive enfin au premier rang des objectifs européens : c’est un des vœux que je forme à la veille de la présidence française de l’Union.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le secrétaire d’État, alors que la France s’apprête à présider l’Union européenne – vaste chantier ! –, je souhaite vous interpeller sur un seul point, à savoir la directive, validée le 5 juin par les vingt-sept ministres de l’intérieur de l’Union, qui doit être discutée le 18 juin prochain au Parlement européen.

Ce texte, dit « directive “retour” », vise à instaurer des règles communes en matière de traitement des étrangers en situation irrégulière, quels que soient leur situation spécifique, leur temps de séjour, leur situation de travail, leurs liens familiaux, leur volonté d’intégration ou leur succès dans ce processus.

Cette directive doit permettre, dans certains États de l’Union européenne, de garantir des droits à des personnes qui en étaient dépourvues. Vous m’autoriserez cependant à considérer que, au contraire, elle marque un durcissement supplémentaire des conditions de détention et d’expulsion des migrants sans papiers.

Non seulement ils seront tous « éloignés », selon les termes si politiquement corrects de ce texte qui masquent toute la violence que génère une expulsion, mais on prévoit de surcroît la possibilité de les enfermer pour une durée pouvant atteindre dix-huit mois, avant de les expulser vers leur pays d’origine.

En outre, ce texte met en place une systématisation de l’interdiction du territoire de l’Union pendant cinq ans pour les personnes expulsées, ce qui revient à les exclure et à les criminaliser, en créant, dans le champ juridique européen, une procédure de bannissement.

Cette directive « retour » prévoit également la détention et l’éloignement des personnes vulnérables – notamment les femmes enceintes, les personnes âgées, les victimes de tortures, les malades – et des mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés, au mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ces étrangers en situation irrégulière se verront renvoyés vers des pays par lesquels ils n’ont fait que transiter, sans avoir de lien réel avec ceux-ci.

Plus grave encore, le texte permet la détention et l’expulsion forcée des mineurs isolés vers un pays tiers, où ils n’ont ni famille ni tuteur légal.

Enfin, le texte prévoit la suppression de l’obligation pour les États de fournir l’aide juridictionnelle gratuite, obligatoire au nom du droit à la défense.

Ainsi, les dispositions de cette directive « retour » placent les étrangers en situation irrégulière sous un régime d’exception. Elles violent un certain nombre de droits et principes posés par de grandes conventions internationales dont la France est signataire, notamment le droit pour tous de chercher asile et protection.

On nous dit que ce texte est le fruit d’un compromis, qui fut long à obtenir, entre les vingt-sept États membres de l’Union, offrant de nouvelles garanties et des droits à des personnes qui étaient l’objet de normes arbitraires dans certains États.

Cependant, est-ce une raison suffisante pour accepter la généralisation de procédures d’enfermement, de bannissement et d’expulsion des personnes sans papiers dans toute l’Union européenne ? Nous craignons que cette directive ne devienne la norme européenne sur laquelle vont être tentés de s’aligner tous les pays.

Nous savons tous que l’on ne se résout jamais à l’exil de bon cœur. Pour survivre et faire vivre leur famille, ces hommes et ces femmes ont souvent été obligés de quitter leur pays et leur famille pour fuir la misère, les déficits économiques qui vont souvent de pair avec les déficits démocratiques…

En Europe, nous sommes conscients que les migrants contribuent à la prospérité et la richesse de nos pays. Ils sont employés dans le bâtiment, dans les services aux personnes, dans les hôpitaux, dans les restaurants, acceptent des places que ne peuvent pas ou ne veulent pas occuper nos concitoyens. Ils paient des impôts et participent au financement des retraites et des caisses sociales, dont les prestations ne leur sont que très rarement accessibles, en raison de leur séjour irrégulier. Ils contribuent également au dynamisme démographique de notre société, qui connaît un vieillissement certain. Ils aident à maintenir la relation entre les actifs et les inactifs, garante de la cohésion sociale, et participent au dynamisme du marché interne européen par leur consommation.

Alors soyons honnêtes et reconnaissons que les migrants sont une chance pour l’avenir de l’Union face aux défis démographiques et financiers que celle-ci doit relever. Toutes les études nous le confirment.

Or, depuis plusieurs années, l’Union européenne adopte des politiques toujours plus fermes et plus répressives en matière d’immigration et d’asile. Pourquoi ? Pour susciter des peurs et trouver des boucs émissaires eu égard à notre incapacité à répondre aux problèmes de notre société ?

Ce projet de directive préfigure l’installation d’un modèle européen criminalisant les étrangers sans papiers et les demandeurs d’asile, et organisant leur enfermement généralisé, ce qui risque d’engendrer de nouveaux malheurs dont l’Europe portera la responsabilité.

Tout cela est à l’opposé de l’image que l’Union européenne tente d’exporter à l’étranger : celle d’un continent phare éclairant le monde de ses droits et de ses libertés fondamentales et accueillant les victimes.

Il y va donc non seulement de la vie de milliers de migrants, qui se trouvent humiliés et criminalisés, parfois persécutés à leur retour au pays, mais également de l’image de l’Union européenne à travers le monde. Alors qu’elle incarne un certain idéal, il est tout à fait regrettable que l’on se contente, en matière de politique d’immigration et d’asile, d’un dispositif répressif et rétrograde, en complète contradiction avec nos principes fondateurs.

Pour finir, je tiens à citer des propos tenus à Paris par M. Nicolas Sarkozy le 18 mars 2007, au cours de sa campagne électorale : « Je veux être le Président d’une France qui se sente solidaire de tous les proscrits, de tous les enfants qui souffrent, de toutes les femmes martyrisées, de tous ceux qui sont menacés de mort par les dictatures et par les fanatismes [...]. Je ne passerai jamais sous silence les atteintes aux droits de l’homme au nom de nos intérêts économiques. Je défendrai les droits de l’homme partout où ils sont méconnus ou menacés [...]. »

Je prends donc acte de ces mots, en espérant que M. le Président de la République s’en souviendra et qu’il s’opposera avec force et vigueur à cette directive « retour », surnommée à juste titre « directive de la honte ».

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler que les droits fondamentaux sont universels. Leur application ne peut donc pas s’arrêter aux frontières de l’Europe, ni ne concerner que les seuls citoyens européens !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Je remercie d’abord tous les intervenants pour ce très riche débat. Les ambitions que nous nourrissions dans l’optique de la présidence française de l’Union européenne étaient déjà grandes, mais chacun de vous les a encore étendues en apportant sa pierre.

Je remercie en particulier le président de la commission des affaires étrangères, M. de Rohan, le président de la délégation pour l’Union européenne, M. Haenel, ainsi que MM. de Montesquiou, Badré, Boulaud, del Picchia et de Broissia de nous encourager à poursuivre le processus de ratification du traité de Lisbonne.

Je remercie en outre le président de la commission des affaires culturelles, M. Valade, le président de la commission des affaires économiques, M. Émorine, le président de la délégation pour l’Union européenne ainsi que MM. de Montesquiou, Badré et Bret d’avoir évoqué des questions politiques européennes concrètes, qu’il s’agisse de l’énergie, de la politique agricole commune, de l’immigration, des PME ou de la situation dans les Balkans. En effet, on attend de l’Europe et de la présidence française qu’elles abordent de telles questions, et je dirai, pour reprendre l’expression de M. de Broissia, que nous voulons faire en sorte que l’Europe soit « positive ».

J’indiquerai, en réponse à MM. Haenel et Badré, que nous ne souhaitons pas « forcer la main » à l’Irlande. D’ailleurs, nous ne serions pas les mieux placés pour le faire !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Enfin, nous ne croyons pas que l’idée de créer aujourd’hui un « noyau dur » pour répondre au « non » irlandais soit bonne. L’Irlande ne souhaite pas être marginalisée, et elle nous aidera à apporter les bonnes réponses.

Pour l’heure, nous devons vérifier que tous les États sont d’accord pour que le processus de ratification du traité de Lisbonne se poursuive et étudier toutes les solutions ou pistes possibles. Ce n’est qu’ensuite que nous demanderons aux Irlandais de présenter leurs propres propositions, lorsqu’ils auront eu le temps de mener leurs consultations, d’évaluer le résultat du référendum et de nous indiquer les décisions politiques importantes à prendre pour ce qui les concerne.

Par conséquent, je ne vois pas en quoi il y aurait sur ces différents aspects une quelconque cacophonie gouvernementale, monsieur Boulaud !

Sur ce même point, j’objecterai à M. Bret que l’on ne peut pas prétendre que le Président de la République ait reçu une « réponse cinglante » au travers du résultat du référendum irlandais. Le processus de ratification du traité a surtout permis à la France de redevenir un acteur clé sur la scène européenne. Où en serions-nous aujourd’hui si, à la veille de la présidence française de l’Union, nous n’avions rien fait ?

Je note d’ailleurs, monsieur Bret, que trois des principaux candidats à la dernière élection présidentielle, s’ils divergeaient sur la question du mode de ratification, se sont toujours accordés sur le fait qu’il convenait d’agir et de prendre des initiatives en ce domaine.

Enfin, je veux affirmer très clairement que nous ne stigmatisons pas les Irlandais : ce ne sont ni des ingrats ni des ignares.

S’agissant de la République tchèque, monsieur de Montesquiou, elle a indiqué hier qu’elle ne s’opposerait pas à un consensus si l’on ne tentait pas d’influencer le débat qui se déroule dans le pays.

Quant au Premier ministre britannique, il s’est engagé le 12 juin à poursuivre le processus de ratification du traité de Lisbonne et a confirmé hier qu’il irait jusqu’au bout de cette démarche.

En ce qui concerne les débats sur la mise en œuvre du traité et sur les responsabilités respectives du président du Conseil et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ils seront, à mon sens, renvoyés après les élections européennes.

M. Badré a souligné à juste titre, pour sa part, que nous devons faire en sorte d’assurer la complémentarité de nos priorités, qui doivent être mises au service du développement et constituer une réponse aux défis globaux que doit relever l’Union européenne.

Plusieurs intervenants, en particulier MM. de Rohan, Haenel, de Montesquiou et Bret, ont évoqué la politique européenne de sécurité et de défense, dans des termes bien sûr différents.

L’expérience des dix dernières années l’a montré : le progrès de la politique européenne de sécurité et de défense dépend davantage de la volonté politique que du cadre institutionnel, j’y insiste. Le cadre de décision existe et fonctionne. Le problème réside davantage dans les capacités.

Comme l’a souligné M. Haenel, cette politique est déjà une politique à géométrie variable. Paradoxalement, monsieur Bret, la plus importante opération relevant de la politique européenne de sécurité et de défense, qui est menée au Darfour, au Tchad et en République centrafricaine, est actuellement commandée par un général irlandais et l’Irlande en est le deuxième contributeur !

Le traité de Lisbonne permettait précisément de développer la politique européenne de sécurité et de défense à géométrie variable au travers de la « coopération structurée permanente », dont on devait préparer la mise en œuvre. Ce qui est clair, c’est qu’avec la suspension du processus de ratification du traité de Lisbonne cette démarche ne pourra pas être mise en place pour le moment, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’autres coopérations engagées dans ce cadre.

Cela ne doit pas nous empêcher de travailler à des projets structurants dans les domaines aérien et maritime, ce qui nous éviterait de connaître à nouveau les situations de pénurie que nous avons notamment rencontrées lors du lancement de l’opération au Darfour. Nous devons conduire ce travail avec nos principaux partenaires, en particulier le Royaume-Uni et l’Allemagne, et avec tous les pays qui souhaiteront participer à ces projets opérationnels.

Cette politique ne remet pas en cause les statuts de neutralité. L’Irlande et l’Autriche ont contribué à l’Eufor, je le rappelle, et la Suède, qui a également un statut de neutralité, est avec la France le seul État membre à avoir participé à toutes les opérations relevant de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous devons donc continuer de débattre avec nos partenaires, qui savent bien que leur statut de neutralité n’est en aucun cas remis en question dans le cadre de cette politique.

J’en viens maintenant aux différentes questions qui ont été soulevées par M. Valade.

Le thème de la défense de la propriété intellectuelle, qui a également été évoqué par M. de Broissia au travers de la question du brevet communautaire, sera bien sûr à l’ordre du jour de la présidence française. Est notamment prévue l’élaboration d’un projet d’accord de lutte contre la contrefaçon avec les États-Unis et le Japon.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

En outre, des discussions sur les brevets auront lieu, en tenant compte des diverses susceptibilités et sensibilités concernant les questions linguistiques. Nous devrons débattre très franchement avec nos partenaires espagnols et allemands – les premiers étant plus susceptibles que les seconds, peut-être ! – et préparer un plan d’action en matière de lutte contre la contrefaçon, ciblé sur la coopération opérationnelle.

La « riposte graduée » ne peut être imposée, mais doit être négociée avec les fournisseurs d’accès à Internet, conformément aux préconisations du rapport de M. Denis Olivennes. Je remercie ceux qui ont mené des actions pédagogiques en ce sens au Parlement européen, notamment M. Jacques Toubon.

Le paquet « télécoms » sera, par ailleurs, traité lors d’une réunion informelle des ministres de la culture et une contribution de la Commission sur le droit d’auteur est attendue pour l’automne. Nous espérons notamment qu’elle permettra d’allonger la durée des droits voisins.

S’agissant toujours des télécommunications, monsieur Émorine, nous sommes très prudents sur la question du régulateur unique, telle qu’elle est présentée par la Commission.

Nous souhaitons une ouverture des réseaux des opérateurs historiques, parce qu’une certaine libéralisation est nécessaire dans ce domaine et qu’il faut tenir compte des évolutions technologiques, et nous sommes favorables à une extension du service public universel à l’accès à Internet et au haut débit.

S’agissant maintenant des très importantes questions relatives au sport posées par M. Valade, il est vrai que la suspension du processus de ratification du traité de Lisbonne nous prive d’une base juridique pour agir, mais nous souhaitons néanmoins aborder cette thématique sous la présidence française.

Ainsi, leur rivalité sportive actuelle n’a pas empêché la France et les Pays-Bas de rédiger conjointement un mémorandum !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Ce mémorandum traduit deux conceptions différentes, mais nous sommes d’accord sur le fait qu’une double formation est nécessaire, ainsi qu’un véritable encadrement de la profession d’agent de joueurs. En effet, c’est la seule profession qui ne soit pas du tout encadrée à l’échelon européen !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Cela représente tout de même un problème.

Par ailleurs, nous devons réfléchir à la gestion des clubs. Nous avons d’ailleurs eu une réunion sur ce sujet à Nyon avec le président de l’Union européenne de football association, M. Michel Platini, et d’autres présidents de fédération. J’en parlerai avec mes collègues le 12 juillet prochain à Brest.

La question du « 6+5 » et d’une certaine réintroduction du critère de nationalité dans la composition des équipes est beaucoup plus délicate. Je le dis à l’adresse de M. Valade, qui est très attaché à un certain club…

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Au regard du droit communautaire, des arrêts rendus par la Cour de justice des Communautés européennes, des prises de position de la Commission européenne et du Parlement européen, les voies d’avancement sur ce sujet sont objectivement très restreintes, et ce quel que soit le jugement que l’on porte. Toutefois, sous la présidence française, nous nous efforcerons de répondre à vos préoccupations.

M. Emorine a raison de souligner que nous devons concilier les objectifs sous-tendus par le paquet « énergie-climat » et la nécessité de prendre en compte la compétitivité des entreprises européennes, en faisant en sorte d’inclure les importations dans le partage des quotas pour lutter contre les délocalisations. C’est un point important des accords franco-allemands que nous souhaitons développer sous la présidence française.

De même, nous voulons accroître les interconnexions est-ouest en matière énergétique en faisant davantage valoir la solidarité énergétique.

Comme M. de Montesquiou l’a indiqué, nous voulons mettre en œuvre les principales orientations du rapport Mandil en ce qui concerne la coopération avec la Russie – cela ne signifie pas que l’on soit d’accord sur tout ! –, pour parvenir à un équilibre entre l’énergie nucléaire et l’utilisation des énergies renouvelables, et pour garantir une efficacité énergétique.

MM. Emorine et de Montesquiou ont évoqué la politique agricole commune.

Lors du sommet de la FAO, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui s’est tenu à Rome, la France a proposé de développer un partenariat pour l’alimentation mondiale et l’agriculture, en mettant l’accent sur la qualité alimentaire, l’équilibre des territoires et la sécurité alimentaire mondiale.

Pour en revenir au domaine social, M. Bret a évoqué la question du temps de travail.

L’accord sur le temps de travail auquel est parvenu le conseil des ministres européens de l’emploi n’est en rien un recul en matière de protection des travailleurs. Au contraire ! Auparavant, on pouvait travailler jusqu’à 78 heures par semaine, notamment en Grande-Bretagne. Or ce nouveau texte baisse ce plafond, bien que de manière insuffisante pour certains. Ainsi, le recours à la clause de l’opt-out au-delà de 48 heures est maintenant strictement encadré et soumis à des conditions.

En outre, ce texte, qui est enfin lié à un accord important sur la protection des travailleurs intérimaires, s’inscrit dans une perspective de progrès de l’Europe sociale. C’est le premier texte sur ce sujet issu des travaux des ministres européens de l’emploi qui sera débattu au Parlement européen. Il faut l’apprécier en dépit de ses insuffisances et en tenant compte du fait qu’il ne concerne absolument pas la durée légale du travail en France.

MM. Bret et Boulaud ont évoqué le pacte européen pour l’immigration.

La priorité de ce pacte n’est pas la lutte contre l’immigration illégale. Au demeurant, réguler les flux migratoires en Europe est même une nécessité.

D’ailleurs, l’Europe, quelles que soient les sensibilités des différents gouvernements, qu’ils soient socio-démocrates, libéraux ou conservateurs, n’a pas abordé de manière globale les questions migratoires.

En adoptant une approche globale, nous souhaitons élargir les perspectives et traiter tous les volets relatifs à l’immigration en y incluant les migrations économiques, l’asile – le point le plus difficile – et le développement.

La directive « retour », sujet grave évoqué notamment par Mme Boumediene-Thiery, ne fixe que des standards minimaux et n’oblige en aucun cas les États membres à diminuer leurs garanties.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

On peut évidemment regretter, madame Boumediene-Thiery, que ces standards ne soient pas assez élevés. Mais il appartient au Parlement européen de se prononcer sur ce point. C’est ce qu’il fera demain. Toutefois je considère qu’il vaut mieux avancer un peu que pas du tout !

Auparavant, certains pays n’avaient pas mis en place une réglementation en la matière, n’avaient pas fixé de plafond et ne prenaient donc pas en compte le respect de la dignité.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Il faut pourtant le redire !

Il est donc préférable que tous les pays privilégient le retour volontaire au retour forcé. Je dois préciser que sept pays prévoyaient une durée de rétention illimitée. Celle-ci sera désormais plafonnée, et rien n’empêche la France de maintenir son délai de trente-deux jours, le plus court d’Europe.

Enfin, cette directive « retour » n’est pas incluse dans le pacte proposé par la présidence française à ses partenaires, qui, lui, insiste sur les aspects de l’intégration et contribue à organiser l’immigration au sein de l’Union européenne. Car, comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, nous sommes dans une situation de déficit démographique.

Sur la base des propositions que j’ai énumérées tout à l'heure, j’indique à MM. de Montesquiou et Boulaud que je ne reviendrai pas sur le fait que la politique sociale sera l’une des composantes très fortes de la présidence française. Nous chercherons à obtenir le maximum d’accords possibles en soulevant les thèmes les plus importants que sont le retour à l’emploi, l’inclusion sur le marché du travail, ainsi que la lutte contre les différentes formes de pauvreté, qui nous paraissent devoir être également mises en exergue.

MM. de Broissia et de Montesquiou ont parfaitement raison, il faut aussi mettre l’accent sur les PME. Nous avons œuvré pendant un an – c’est l’une de nos victoires, et pas la moindre ! – pour que chacun s’accorde à vouloir mettre en place un Small Business Act à l’européenne, qui permettrait de faire bénéficier les PME d’un traitement préférentiel. Nous sommes d’ailleurs parvenus, lundi dernier, à un accord avec l’Allemagne pour agir en commun dans ce domaine.

Sur les questions relatives à l’élargissement, la présidence française accordera une attention toute particulière à l’ARYM, l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Il est encore trop tôt pour dire si ce pays, qui a obtenu le statut de candidat en 2005, est apte à ouvrir des négociations, mais l’Union européenne doit continuer à l’aider et à assurer sa stabilité dans le contexte nouveau provoqué par l’indépendance du Kosovo. Nous appelons inlassablement la Grèce et l’ARYM à trouver un accord sur le choix du nom de ce pays. C’est la principale difficulté qui a encore été évoquée hier lors du conseil des ministres européens des affaires étrangères.

MM. Boulaud et Del Picchia ont évoqué la question de l’après-2013 en matière financière.

Je tiens à rappeler ici que le mandat des députés européens arrive à son terme, tout comme celui de la Commission. Il sera donc particulièrement difficile à la présidence française de se substituer à ces deux autorités. Dans ce contexte, et si j’en crois ce que j’ai entendu de la part tant du parti socialiste européen que du parti populaire européen ou du parti libéral européen, il sera difficile d’engager ce débat avec le Parlement européen avant la fin de l’année.

Au sujet des relations entre Israël et l’Union européenne, je précise à Mme Cerisier-ben Guiga qu’elles ne peuvent être dissociées du contexte politique régional. À cet égard, l’Union européenne a rappelé sa position sur le processus de paix et elle a fait part de sa préoccupation constante sur la progression continue des colonies. Tant que cette situation perdure, je le dis clairement, l’Union ne pourra parvenir à un accord politique avec Israël.

Quant à l’Union pour la Méditerranée, le processus de Barcelone a été paralysé par un contexte politique qui existe toujours, et est même aggravé ; Mme Cerisier-ben Guiga n’a pas tort de le souligner. Il a été également paralysé par une bureaucratie trop forte, par la faible attention portée au Sud et par des financements limités.

Dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, nous souhaitons corriger cette situation en prévoyant une gouvernance à parité Nord-Sud, une coprésidence et un secrétariat Nord-Sud, en proposant des approches par projets qui favorisent la coopération, même si c’est difficile, ainsi que des financements variés – communautaires, avec des pays tiers et des partenariats public-privé –, qui n’existaient pas dans le processus de Barcelone.

Il est donc cohérent d’inviter à cette conférence l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée au Sud. Pour vous parler très franchement, si nous devions attendre, dans le cadre du rapprochement que vous souhaitez avec les pays arabes, avec le monde musulman, que ces pays aient des statuts démocratiques comparables aux nôtres, …

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

… cela prendrait malheureusement un certain temps, et le premier sommet de l’Union pour la Méditerranée ne se réunirait pas le 13 juillet prochain !

Contrairement à ce que vous avez dit à propos des initiatives diplomatiques contradictoires, nous profitons là d’une opportunité. Considérant qu’un dialogue s’est noué entre Israël et la Syrie à propos du Golan, que le Liban a un nouveau président de la République, il nous semble souhaitable d’associer ce pays riverain au sommet qui aura lieu les 12 et 13 juillet prochain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce pays sera invité à participer, comme les autres, au défilé du 14 juillet. L’invité d’honneur sera le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon et, à cette occasion, les troupes des Nations unies défileront. C’est un symbole de paix particulièrement fort que de réunir, le 14 juillet prochain, sous la présidence française, Israël, la Syrie et le Liban. Cette rencontre me paraît œuvrer davantage au service de la paix que toute autre considération.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Monsieur le président, je vous prie de m’excuser de prolonger mon propos, mais le débat a été très riche.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Plus que jamais, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, un accord stratégique franco-allemand est nécessaire. Imaginez ce que serait aujourd’hui une division franco-allemande. Bien sûr, le couple franco-allemand doit être ouvert aux coopérations avec les autres partenaires. Je constate d’ailleurs, dans l’exercice de mes fonctions, que l’Europe reste un modèle d’attractivité.

L’Europe des Vingt-sept n’est pas en cause dans le « non » irlandais. Aucun des nouveaux États membres n’a refusé le processus de ratification jusqu’à aujourd'hui. L’Europe reste, pour ceux qui veulent la rejoindre, un gage de paix et de développement, comme M. de Rohan l’a indiqué.

J’attire votre attention sur le fait que nous avons demandé au Conseil européen qui s’est tenu en décembre – c’est peut-être passé inaperçu – qu’un groupe de réflexion soit lancé sur l’avenir de l’Union européenne. Présidé par M. Felipe Gonzalez, assisté de Mme Vaira Vike-Freiberga et M. Jorma Ollila, et composé de neuf à douze membres, ce groupe de réflexion retrouve toute son actualité dans le contexte du « non » irlandais au référendum et permettra de dessiner de nouvelles perspectives.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Enfin, il est vrai qu’il existe une contradiction dans le projet européen entre la stratégie à moyen terme qui est mise en œuvre et les préoccupations à court terme des citoyens. Sur ce point, je rejoins plusieurs orateurs qui ont souligné que l’on ne pouvait continuer qu’en prenant mieux en compte ces attentes.

Ainsi que M. de Montesquiou l’a souligné, nous avons notre part de responsabilité dans cet éloignement par rapport aux institutions. C’est ainsi qu’il faut plus de politique, plus de démocratie, plus de réactivité, plus de politiques communes. Nous devons rester un espace de sécurité et de prospérité et répondre aux défis globaux.

Comme M. Badré l’a indiqué, nous ne devons pas avoir honte du chemin parcouru et nous devons être fiers d’avoir construit une union des peuples unique au monde, fondée sur le droit, la démocratie, le développement et les droits de l’homme. Rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviendrai régulièrement devant vous pour réaffirmer ces valeurs.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement qui sera imprimée sous le n° 397 et distribuée.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.