Intervention de François Fillon

Réunion du 17 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

François Fillon, Premier ministre :

C’est aussi donner au Parlement les garanties les plus poussées de sincérité, de respect et de vigilance.

Au vu de ces garanties, il me semble tout à fait acceptable, et même d’autant plus légitime, que le Président de la République se voie reconnaître le droit d’intervenir devant le Congrès, sa déclaration ne faisant l’objet d’aucun vote.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’encadrement très strict du droit de message tire son origine de circonstances historiques anciennes et aujourd’hui dépassées.

Notre démocratie mérite aujourd’hui plus de confiance, plus de clarté dans l’échange. Par sa définition très restrictive, le texte qui vous est soumis conserve à cette intervention présidentielle un caractère exceptionnel.

Enfin, le projet de réforme vise à renforcer le pouvoir et la protection des citoyens.

L’initiative populaire est l’un des traits d’une démocratie vivante. Une proposition de la commission Balladur recommande l’instauration d’un référendum d’initiative populaire. Le Gouvernement est acquis à ce principe, dont les modalités restent soumises à votre réflexion.

Les risques de dérives d’une telle procédure ne nous ont pas échappé et nous serons attentifs aux propositions d’encadrement que vous formulerez. Elles auront vocation à figurer dans la future loi organique qui organisera la procédure.

La création d’un défenseur des droits des citoyens constitue, elle aussi, une avancée notable au profit de chaque Français. Dans le prolongement de l’excellent travail accompli par le Médiateur de la République et d’autres autorités indépendantes, ce défenseur des droits des citoyens tirera de son ancrage constitutionnel une autorité morale et une efficacité beaucoup plus grandes.

Prévoir la possibilité que chaque citoyen, s’il s’estime lésé par un service public, puisse être entendu est une disposition qui se passe d’argument. Un même pragmatisme suggère d’introduire dans la culture juridique française, comme c’est d’ores et déjà le cas dans la plupart des grands pays démocratiques, l’exception d’inconstitutionnalité.

Les juridictions françaises savent d’ores et déjà écarter l’application d’une loi qu’elles jugent non conforme à une convention internationale. Si vous en décidez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, elles feront désormais preuve du même scrupule à l’égard de cette norme première qu’est notre Constitution. Franchement, il est difficile d’expliquer à nos concitoyens que, si, pour dire le droit, tous les textes internationaux peuvent être invoqués, tel n’est pas le cas pour la Constitution. J’en suis convaincu, cette réappropriation par les citoyens de notre loi fondamentale ne peut vous laisser insensible.

À ce propos, je veux dire à mon ami Adrien Gouteyron que les craintes d’un gouvernement des juges doivent être dissipées. En effet, le filtrage des requêtes prévues permet d’assurer que le Conseil constitutionnel ne sera saisi que des contestations les plus sérieuses, qu’il n’aura pas eu l’occasion d’examiner dans le cadre du recours parlementaire.

Cette réforme aura de surcroît des vertus pédagogiques, puisqu’elle incitera chacun d’entre nous à être encore plus attentif au respect de notre texte constitutionnel. La loi en sortira confortée dans son autorité et elle y gagnera en légitimité. Au final, ce sont notre État de droit et notre démocratie qui en sortiront renforcés.

En dernier lieu, le projet de loi constitutionnelle organise la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

L’évolution du rôle dévolu à l’autorité judiciaire dans une démocratie moderne commande que le Président de la République cesse d’assurer la présidence du CSM ; il la transmettra au Premier président de la Cour de cassation ou à son procureur général. Pour garantir l’indépendance et l’ouverture du Conseil, des personnalités qualifiées seront appelées à y siéger.

Beaucoup d’entre vous ont formulé le souhait que la parité soit maintenue en matière disciplinaire. Le Gouvernement se montrera ouvert à votre préoccupation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les questions que ce projet de loi constitutionnelle nous pose sont sans détours.

Serons-nous à la hauteur de l’occasion historique qui s’offre à nous ? Serons-nous capables de dépasser nos logiques d’affrontement pour faire aboutir un projet où prime l’intérêt général ? Refuserons-nous un texte qui renforce le poids du Parlement et les droits du citoyen ?

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