La mise en place de cet article, en 1958, visait à remédier aux errements des républiques antérieures. Le but recherché était de conforter la notion de majorité, fondement essentiel du régime parlementaire, et de lutter contre l’instabilité ministérielle.
La Constitution de 1946 disposait que la confiance ne pouvait être refusée au gouvernement qu’à la majorité absolue des députés.
Dans la pratique, les majorités se disloquaient parce que la mise en minorité du gouvernement sur un texte, due le plus souvent à la défection de ses amis ou prétendus tels ou d’une partie des membres de sa coalition, conduisait ce dernier à démissionner sans attendre que la confiance lui fût refusée. Ainsi privait-on l’exécutif des moyens de gouverner sans prendre pour autant directement la responsabilité de sa chute.
C’est sur l’initiative des ministres d’État, Pierre Pflimlin et Guy Mollet, tous deux anciens présidents du Conseil, que les dispositions actuelles de l’article 49, alinéa 3, ont été incluses dans notre Constitution. C’était le fruit de leur expérience parlementaire.
L’objet de l’article 49, alinéa 3, est double.
Il est en premier lieu de contraindre une majorité craintive ou rétive à adopter tout ou partie d’un texte à laquelle elle est opposée, mais que le gouvernement estime indispensable à la poursuite de sa politique.
Il répond, en second lieu, au souci de mettre un terme à une obstruction parlementaire continue, plus connue sous le nom de filibuster, qui retarde le vote de la loi de manière systématique et bloque l’action gouvernementale.
Le Premier ministre nous a dit tout à l’heure que c’est cette forme d’action qui s’était développée, mais le fait qu’elle se soit développée récemment n’enlève rien au problème auquel on doit faire face avec une majorité rétive.
Pour Michel Debré, l’arme de l’article 49, alinéa 3, est l’ultima ratio. Elle ne saurait être utilisée que pour les projets que le gouvernement juge essentiels, et son abus constitue une preuve de faiblesse, car il traduit le manque de confiance de la majorité à l’égard de l’exécutif et il contribue – c’est un fait – à caricaturer et à affaiblir la fonction parlementaire.
La motion de censure constitue, quant à elle, le pendant et la réplique à l’article 49, alinéa 3, car il est normal que l’opposition cherche, même si elle ne parvient pas à renverser le gouvernement, à dénoncer la politique du projet de loi qu’elle réprouve.
Ainsi, chacun est amené à prendre ses responsabilités, la majorité en se solidarisant avec le gouvernement lorsque sa confiance est sollicitée, et l’opposition en témoignant de manière solennelle sa méfiance à l’encontre de ce même gouvernement et en appelant très logiquement à sa démission.
L’utilisation parfois hors de propos de l’article 49, alinéa 3, par certains gouvernements a conduit à la mise en cause du dispositif. Faut-il rappeler, mes chers collègues, que cet article a été invoqué trente-neuf fois entre le 23 juin 1988 et le 3 avril 1993, dont vingt-huit fois par le gouvernement de Michel Rocard ?
Quelle innovation nous propose-t-on pour cet article ? Un encadrement, en limitant le recours à ce dernier pour les seuls projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale et en restreignant son usage pour un seul autre texte par session ou à un texte au cours d’une session extraordinaire.
Les restrictions apportées par la nouvelle rédaction de l’article 49, alinéa 3, sont dangereuses pour le Gouvernement. L’impact de cet article procède de sa capacité dissuasive.