Or, comme l’a dit tout à l’heure M. Jean-Pierre Raffarin, une arme qui ne peut servir qu’une fois est à l’avenir dépourvue de crédibilité.
De plus, nous travaillons avec le postulat que nous aurons toujours une majorité parlementaire. Or l’expérience nous montre que cette garantie n’existe pas pour la nuit des temps. En 1967, la majorité parlementaire n’a tenu qu’à une voix. En 1988, elle était très mince. Pour peu que soit un jour réintroduite, comme en 1986, la représentation proportionnelle rêvée par certains, on assistera inévitablement au retour des majorités improbables, des alliances douteuses et des coalitions instables.
Prises isolément, les mesures adoptées accordant aux assemblées une plus grande maîtrise de l’ordre du jour ainsi que la délibération en séance plénière du texte issu des travaux de la commission ne sont pas en elles-mêmes dangereuses ; mais conjuguées à la limitation de l’article 49, alinéa 3, elles peuvent conduire une majorité frileuse ou frondeuse à paralyser durablement l’exécutif.
Le gouvernement, placé dans une situation où il n’a pas la majorité, devra négocier l’inscription de ses projets à l’ordre du jour, l’adoption de ses amendements en séance plénière et compter, sinon avec l’obstruction, du moins avec un combat retardateur de sa majorité, d’autant plus soutenu que le recours à l’article 49, alinéa 3, aura été épuisé en une seule fois, au cours d’une session qui dure sept mois. L’issue de ce combat ne fait aucun doute : c’est l’inertie, l’attentisme et l’inaction qui guettent un gouvernement étrillé avec, en prime, le discrédit.
Les rédacteurs du projet de loi, en proposant que le recours à la motion de confiance ne puisse porter que sur un seul texte, non financier, ont tenté de désamorcer la critique, mais il ne s’agit que d’une demi-mesure. Le véritable débat, c’est de savoir s’il faut maintenir ou supprimer l’article 49, alinéa 3 ; ce n’est pas de le rafistoler.
L’amendement de la commission des lois rétablit l’article dans sa rédaction originelle, assorti d’une consultation de la conférence des présidents. Je le voterai en souhaitant que cette rédaction ne fasse pas les frais d’un compromis ultérieur, bien que je sois sans trop d’illusion sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.
Il paraît que, dans d’autres enceintes, d’aucuns s’étonneraient que le Sénat puisse émettre une opinion sur cette question au motif qu’il n’est pas directement intéressé par cette disposition.
Ainsi, en tant que Français, j’ai le droit d’avoir une opinion sur l’article 49, alinéa 3, mais cela m’est dénié en tant que parlementaire et en tant que sénateur !
Je prétends que cette affaire intéresse le Parlement dans son ensemble, car il s’agit de l’équilibre des pouvoirs. Aucune des dispositions du projet de loi constitutionnelle ne doit nous être étrangère.