Intervention de Pierre Mauroy

Réunion du 17 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Pierre MauroyPierre Mauroy :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 4 octobre prochain, la Constitution de la Ve République aura cinquante ans. Certes, ce point a déjà été souligné mais, en ce jour, il faut le répéter.

Mis à part les lois constitutionnelles de la IIIe République, la Constitution de 1958 bat le record de longévité des quinze constitutions que la France a connues depuis 1789. Qu’on le veuille ou non, les institutions qu’elle a instaurées ont au moins eu le mérite de s’être adaptées sans heurt majeur aux contextes politiques et sociaux très différents qui se sont succédé au cours de ce demi-siècle. Elles auront survécu à vingt-trois modifications constitutionnelles et même permis, à trois reprises, la cohabitation d’un président et d’un Premier ministre de bords politiques opposés.

Je m’associe pleinement aux hommages rendus au général de Gaulle et à François Mitterrand, le premier pour avoir été le fondateur de cette Constitution, le second pour l’avoir maintenue.

Pourquoi réformer cette Constitution une nouvelle fois ?

À l’évidence, une réforme de la Constitution ne peut répondre à elle seule à la crise persistante du politique qui sévit depuis des années en France, ainsi qu’en Europe d’ailleurs. Elle peut toutefois y contribuer. C’est pourquoi les socialistes ne sont pas hostiles à cette démarche, loin de là. Ils la jugent même nécessaire aujourd’hui. Toutefois, ils ne veulent pas du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République dont nous débattons cet après-midi, et qui est loin de faire l’unanimité au sein même de la majorité !

Avant moi, Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et Robert Badinter ont déjà exposé les principales raisons de l’opposition des parlementaires socialistes au projet qui nous est soumis.

Pour ma part, j’insisterai plus particulièrement sur deux aspects essentiels à mes yeux, à savoir le renforcement, au détour de l’article 7 du texte, de la présidentialisation du régime institutionnel français et la question du Sénat, qui nous concerne.

La révision constitutionnelle de 1962, qui a instauré l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, a bien sûr conféré un tour présidentialiste à nos institutions, même si la caractéristique d’un régime parlementaire, à savoir la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, est maintenue.

L’émergence du fait majoritaire, puis, en 2000, l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont encore accentué la prééminence du Président de la République, qui cumule les prérogatives d’un Premier ministre parlementaire et d’un président élu. De grâce, mes chers collègues, n’allons pas plus loin !

Or, l’article 7 du projet de loi constitutionnelle, tel qu’il a été adopté par la majorité de l’Assemblée nationale et qui modifie l’article 23 de la Constitution, sous un aspect que certains peuvent juger anodin, pose en fait la question de la nature même de notre régime institutionnel. Cet article prévoit que le Président de la République « peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote ».

Ne nous y trompons pas, cette disposition, nouvelle dans notre Constitution, symbolise une évolution vers un régime présidentiel, et donc une personnalisation du pouvoir que l’actuel Président de la République appelle sans doute de ses vœux et qu’il met d’ailleurs déjà en pratique.

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