Intervention de Pierre Mauroy

Réunion du 17 juin 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Pierre MauroyPierre Mauroy :

Je sais que, à droite comme à gauche, certains sont favorables à un « présidentialisme à la française ». Pour ma part, j’y suis opposé, comme la majorité des socialistes. C’est la raison pour laquelle nous défendrons tout à l’heure, comme l’ont fait les députés socialistes, un amendement de suppression de l’article 7 du projet.

En effet, le régime présidentiel ne correspond ni à l’histoire politique de notre pays, ni au souhait des Français qui se souviennent – en tout cas ceux qui aiment l’histoire – que la seule expérience de régime présidentiel que la France ait connue, de 1848 à 1851, sous la IIIe République, a abouti au coup d’État du 2 décembre 1851 et à l’instauration du second Empire. Et je ne parle pas des pleins pouvoirs accordés à Pétain qui ont mis fin au régime parlementaire car, là, nous sommes hors norme, hélas !

Enfin, la tradition républicaine française ne permet pas d’importer un système à l’américaine, dont les règles d’équilibre entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, comme l’organisation de la vie politique, sont très différentes des nôtres.

Dès lors, qu’apporterait la venue du Président de la République devant le Parlement réuni en congrès ? Nicolas Sarkozy explique que, « puisque le Président gouverne, il doit être responsable ». Certes, mais devant qui ? Dans la mesure où le Gouvernement a renoncé à faire du chef de l’État le chef de l’exécutif en ne modifiant pas l’article 20 de la Constitution, cette venue n’a pas de sens. Il ne peut pas être responsable devant le Parlement, alors que lui-même est doté de la même légitimité que celle des parlementaires, celle du suffrage universel direct. Aucune des deux légitimités ne pouvant être supérieure à l’autre, le Président de la République ne peut être responsable que devant les seuls électeurs !

Cette prise de parole du Président devant le Congrès ne ferait qu’ajouter à la confusion entre les deux têtes de l’exécutif, dont les rapports sont parfois difficiles, voire signerait la fin de la fonction de Premier ministre telle qu’elle est conçue dans la Constitution. Cette dualité n’a finalement pas si mal marché depuis cinquante ans. Personnellement, je ne m’en plains pas pour la part que j’y ai prise, dans une harmonie que l’on a d’ailleurs souvent soulignée entre le Président et le Premier ministre. Ce qu’en pense le Premier ministre actuel, je ne le sais pas. Peut-être nous fera-t-il un jour des confidences ? Quoi qu’il en soit, nous devons conserver cette dualité.

La répartition des rôles entre le Premier ministre et le Président de la République a incontestablement permis une souplesse de fonctionnement, le plus souvent favorable au Président, qui tire sa force de la fonction d’arbitre que lui confie l’article 5 de la Constitution et qui le place au-dessus des contingences politiciennes. À lui de garder la force et la sagesse de cette fonction d’arbitre. Pourquoi aller plus loin ?

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : je suis, avec beaucoup, un partisan convaincu du régime parlementaire. Dans ce cadre, je me suis prononcé à de nombreuses reprises, d’abord devant la commission Vedel voilà maintenant quelques années, en faveur d’un Président de la République élu pour un mandat de sept ans non renouvelable. Mais je suis réaliste ; le temps a passé et l’on ne reviendra pas sur le quinquennat.

Dès lors, il me semble qu’il faut prendre notre système tel qu’il est. Ne nous mettons pas tous à rêver !

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