Je ne fais d’ailleurs que relayer une remarque exprimée par la Cour des comptes dans un rapport récent et selon laquelle il faut aujourd’hui dépasser le stade du chiffrage global et volontariste des réformes pour parvenir à une évaluation plus affinée de l’impact des dispositifs envisagés sur l’ensemble des acteurs concernés. Je pense, notamment, à la loi sur les retraites de 2003 ou à la réforme de l’assurance maladie de 2004, dont les effets ont été évalués de façon très grossière et… optimiste. Nous avons négligé l’évolution des comportements et les interactions avec d’autres mesures.
Il ne faut pas s’étonner des difficultés d’application des lois, de leur insuffisante mise en œuvre ou de l’impasse financière à laquelle elles mènent si on n’a pas, au préalable, réfléchi à leurs conséquences et mesuré leurs implications.
Deuxièmement, en matière de contrôle toujours, nous ne pouvons plus nous contenter de grandes incantations et soutenir que le Parlement va s’investir de plus en plus dans cette mission, sans pour autant lui en donner les moyens. J’ai encore le souvenir des propos tenus sur ce sujet par l’ancien président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, lors de l’ouverture d’une session, ainsi que des propos identiques tenus par le président Poncelet, demandant que le Gouvernement laisse au Parlement un peu plus de temps pour procéder au contrôle. Au-delà de ces belles déclarations, nous n’avons malheureusement jamais pu constater l’expression d’une véritable volonté politique, tant au sein de la conférence des présidents que de la part du Gouvernement, pour que le Parlement exerce effectivement cette mission de contrôle.
C’est pourquoi je suis assez satisfait que l’Assemblée nationale ait proposé d’inscrire cette idée à l’article 48 de la Constitution.
Toutefois, je ne suis pas certain que les modalités retenues, à savoir réserver une semaine sur quatre à l’action de contrôle, soient les meilleures. Selon moi, cela sera difficile à respecter en fin de session et avant l’interruption des travaux de la fin du mois de décembre. C’est pourquoi il me semblerait plus judicieux et plus opérationnel d’inscrire dans la Constitution que le quart du temps de travail parlementaire, apprécié globalement, sera réservé au contrôle.
Dans le même esprit, je propose que le Sénat puisse consacrer une séance par semaine aux questions d’actualité au Gouvernement. Pourquoi se contenter d’une séance tous les quinze jours, alors qu’une telle séance a lieu au moins une fois par semaine à l’Assemblée nationale ?
Ma deuxième série d’observations concerne plus particulièrement les finances publiques et sociales.
Je comprends parfaitement le souci de nos collègues députés qui les a conduits à inscrire dans la Constitution la question du respect d’un objectif d’équilibre des finances publiques. Nous « traînons » en effet depuis trop longtemps des déficits publics et sociaux qui viennent invariablement accroître chaque année la dette publique de notre pays.
Cette situation détestable revient, en fait, à reporter sur nos enfants et petits-enfants la charge de nos dépenses d’aujourd’hui, même si, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, nous avons adopté, pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, une disposition qui ne permet plus désormais au Gouvernement de transférer l’ensemble de la dette sans prévoir les recettes qui permettront d’en assurer le financement et de ne pas reporter la dépense sur les générations futures.
Je ne suis cependant pas persuadé que la disposition générale qui a été introduite par l’Assemblée nationale soit réellement efficace, car elle ne tient pas suffisamment compte, à mon avis, des aléas extérieurs de tous ordres, notamment économiques, auquel notre pays peut se trouver soumis.
Il n’en reste pas moins que l’objectif doit absolument être atteint et qu’il convient de se donner les moyens de faire en sorte qu’il le soit. C’est dans cet esprit que le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, le président et le rapporteur général de la commission des finances, respectivement Jean Arthuis et Philippe Marini, ici présent, et moi-même avons déposé un amendement visant à encadrer constitutionnellement le vote des « niches » fiscales et sociales. Si cette disposition est adoptée, l’entrée en vigueur d’une mesure de réduction ou d’exonération d’impôt, de cotisation ou de contribution sociale, sera conditionnée à son approbation par la prochaine loi de finances, en matière fiscale, ou par la prochaine loi de financement, en matière sociale.
Je vous rappelle que le Sénat a adopté, au mois de janvier dernier, une proposition de loi organique allant dans ce sens. Nicolas About et moi-même étions à l’origine de cette initiative. On nous avait alors opposé un risque d’inconstitutionnalité. Nous souhaitons lever ce risque et c’est pourquoi nous estimons indispensable de faire figurer cette mesure dans la Constitution.
À l’époque, M. Xavier Bertrand avait beau jeu de dire qu’une telle disposition avait un caractère inconstitutionnel, mais qu’il n’y était toutefois pas opposé sur le fond. Eh bien, nous mettons aujourd’hui le Gouvernement devant ses responsabilités : puisqu’il y était à l’époque favorable, il s’agit désormais de passer à l’acte et d’introduire cette disposition dans la Constitution afin que nous ne soyons plus confrontés à cette difficulté.