Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 17 juin 2008 à 22h30
Modernisation des institutions de la ve république — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Je dois prendre mes responsabilités, m’expliquer devant vous, mes chers collègues, et tenter de répondre aux questions que vous êtes en droit de vous poser.

Je siège au Sénat depuis 1998 et il me semble que, pour les Français de l’étranger, cette intervention est l’une des plus importantes de mon mandat.

« Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat » : le sixième alinéa de l’article 9 du projet de loi constitutionnelle résume, en quatre mots, soixante-deux ans d’attente ! Rendez-vous compte, mes chers collègues, de ce que cela signifie : des députés élus par les Français de l’étranger ! Un relais, dans l’autre chambre du Parlement, pour faire entendre une voix qui doit parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres ! Un Parlement plus représentatif, plus proche des préoccupations de ceux qui sont loin !

Je sais les réticences, voire le désaccord de certains d’entre vous : le deuxième « bonus constitutionnel » du Sénat, maison des Français de l’étranger, disparaîtrait avec ce texte. Pourtant, j’espère pouvoir vous convaincre de la nécessité d’une avancée réclamée par tous nos compatriotes, ou presque, et par leurs représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger, cette assemblée d’élus locaux au suffrage universel direct qui représente 2, 2 millions de Français expatriés et qui a adopté ce projet à l’unanimité, moins neuf abstentions.

Mais permettez-moi de passer en revue les principales objections que j’ai pu entendre depuis quelques mois, et de tenter d’y répondre.

Une première interrogation revient souvent : pourquoi les Français de l’étranger devraient-ils élire des députés ?

La véritable question est en fait celle-ci : pourquoi n’est-ce pas déjà le cas ? Les Français de l’étranger sont les seuls citoyens à élire des représentants dans une seule chambre du Parlement. Pourquoi ce déni de représentation ?

Lorsque la proposition de représenter les Français établis hors de France s’impose, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en reconnaissance de leur rôle dans la Résistance, elle se heurte à l’impossibilité matérielle d’organiser des élections en territoire étranger. Les relations internationales sont en effet délicates au sortir du conflit mondial, notamment avec l’Est et les anciennes colonies.

Il faut bien comprendre que seules ces considérations matérielles empêchent la création de députés, aussi bien en 1946 qu’en 1958. Le scrutin au suffrage universel indirect s’impose alors comme la seule solution. Et c’est donc au Sénat, alors Conseil de la République, que les Français établis hors de France obtiennent huit représentants.

Mais le suffrage universel direct existe depuis 1976 pour nos compatriotes vivant à l’étranger. En effet, à cette date, la loi organique a autorisé l’organisation de l’élection du Président de la République et des scrutins référendaires dans les centres de vote ouverts à l’étranger. Les Français établis hors de France ont également pu voter dans les consulats pour élire les députés français au Parlement européen en 1979.

La dernière grande étape d’expansion du suffrage aura été la loi de 1982, qui institue l’élection des membres du Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE – devenu depuis l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE –, au suffrage universel direct. La conséquence immédiate de ce nouveau mode de scrutin est que le CSFE devient, en 1983, le collège électoral à part entière des douze sénateurs des Français établis hors de France.

Aujourd’hui, les Français de l’étranger votent dans les 580 centres de vote ouverts à l’étranger. L’impossibilité matérielle d’organiser des scrutins au suffrage universel direct en territoire étranger a disparu.

L’obstacle étant levé, il nous faut franchir la dernière étape.

Accorder une représentation à l’Assemblée nationale aux Français établis hors de France, c’est énoncer une double affirmation : celle de l’appartenance des Français de l’étranger à la communauté nationale et celle du besoin que nous avons d’une présence française à l’étranger forte, mobile et attachée à son pays d’origine.

Deuxième objection fréquemment formulée : les Français établis hors de France sont déjà très bien représentés.

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