Mes chers collègues, étant élus de territoires où les échelons électifs se superposent, vous n’imaginez pas combien il est difficile de n’être représenté que dans une seule assemblée. Être absent d’une chambre, c’est être souvent méconnu, parfois réduit à l’état de caricature, c’est entendre, impuissant et frustré, les approximations et contrevérités proférées par des orateurs insouciants à des tribunes auxquelles on n’a pas accès.
Bref, les Français établis hors de France ne veulent pas, si j’ose dire, rester bancals.
J’aborde à présent un troisième point : l’Assemblée des Français de l’étranger va disparaître.
L’actuel article 39 de la Constitution dispose, dans sa dernière phrase, que « les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat ».
L’Assemblée nationale a considéré que cette partie de l’article 39 devait, en tant que « dommage collatéral » de la création des députés représentant les Français de l’étranger, être supprimée. On peut y voir un risque de disparition de la fameuse « instance représentative », à savoir l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ce serait peut-être aller un peu vite ! Voté en 2003, soit cinquante-cinq ans après la création du CSFE, l’alinéa constitutionnel qui avait été proposé par notre collègue Christian Cointat institue seulement une prévalence du Sénat pour les Français de l’étranger.
La prévalence du Sénat a été la consécration de son propre rôle de « maison des Français de l’étranger », pas de celui de l’Assemblée des Français de l’étranger. En aucun cas, celle-ci n’a attendu cette priorité de la Haute Assemblée pour exister. L’Assemblée des Français de l’étranger n’était pas inscrite dans la Constitution et ne le sera pas plus demain. Soit !
Dès lors, pour apaiser les inquiétudes, il suffirait d’ajouter, à l’article 34, par exemple, un alinéa aux termes duquel il serait indiqué que la représentation élective des Français de l’étranger est assurée au sein des assemblées parlementaires et de l’Assemblée des Français de l’étranger. C’est vraisemblablement ce que nous allons faire, si M. le rapporteur le veut bien et si mes collègues adoptent ces propositions.
Mes chers collègues, la défense du Sénat et de ses prérogatives préoccupe nombre d’entre vous. Pourtant, il ne tient qu’à nous, sénateurs des Français de l’étranger, de garder l’avantage.
La prévalence du Sénat ne concernait que les projets de loi, que nous pourrons toujours modifier. À nous l’initiative des propositions ! Chacun sait que, de toute façon, la grande majorité des propositions de loi adoptées en la matière sont d’origine sénatoriale, et c’est tout à notre honneur.
Notre prévalence sera, à l’avenir, le fait de notre expertise, héritée de notre histoire, et d’une intimité avec les problématiques propres à nos compatriotes résidant à l’étranger, non d’une ligne dans la Constitution.
On ne nous enlève rien, finalement, on ne fait qu’ajouter ailleurs.
Aurions-nous si peur de la concurrence ? Je ne le pense pas, non plus que mes collègues représentant les Français établis hors de France.
On nous dit aussi que le nombre de sénateurs représentant les Français établis hors de France va être réduit.
Je rappelle les propos du Président de la République, qui a été très clair sur ce sujet : il y aura des députés et toujours des sénateurs. De six, ces derniers sont passés à douze en 1983, pour compenser, certes, l’absence de représentation à l’Assemblée nationale. Toutefois, depuis 1983, le nombre de Français résidant à l’étranger a plus que doublé, pour devenir le septième « département » en ordre d’importance électorale. Le nombre de douze sénateurs semble donc tout à fait approprié.
Enfin, on objecte que les circonscriptions seront trop grandes et que cela coûtera trop cher de permettre à certains députés des Français de l’étranger d’aller voir leurs électeurs ; l’argument a souvent été avancé à l’Assemblée nationale. Je réponds que mes onze collègues et moi-même sommes élus dans le cadre d’une circonscription qui s’étend au monde entier. Celle des députés sera beaucoup plus petite.
Au demeurant, à notre époque, un élu ne se rend plus sous les préaux des écoles : nous dialoguons avec les Français de l’étranger sur Internet, et cela fonctionne beaucoup mieux ! Les députés feront comme nous !
Nos collègues députés s’interrogent : combien seront-ils à être élus ? On le sait : douze. Comment seront-ils élus ? C’est là une question que nous nous poserons plus tard. Pour l’instant, l’objectif est que le présent projet soit adopté. Nous étudierons plus tard les modalités du découpage et du vote.