Intervention de Rachida Dati

Réunion du 17 juin 2008 à 22h30
Modernisation des institutions de la ve république — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Rachida Dati, garde des sceaux :

Ce travail prolonge l’examen attentif auquel s’est livrée l’Assemblée nationale, qui a apporté des améliorations substantielles au texte du Gouvernement.

Je vois dans la qualité des travaux parlementaires, dans la richesse des débats qui sont les vôtres, une preuve supplémentaire du bien-fondé de notre projet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la question constitutionnelle est posée depuis très longtemps, quasiment depuis les origines de notre Ve République puisque, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, la réforme la plus importante de la Constitution, l’élection du Président de la République au suffrage universel, est intervenue seulement quatre ans après l’adoption de notre loi fondamentale.

Je voudrais, après nombre d’entre vous, notamment M. de Rohan, saluer la lucidité et même la prescience du général de Gaulle, car il a su concevoir une Constitution qui s’est révélée à la fois durable et forte.

Chacun a sa sensibilité propre. MM. Baylet et Fauchon ont défendu avec conviction leur préférence pour un régime présidentiel. Je comprends leur logique, mais notre intention est claire depuis l’origine : évoluer dans le sens de la revalorisation du Parlement, qui est également une condition du changement plus profond que vous préconisez, mais sans remettre en cause les fondements de nos institutions.

Le Gouvernement est prêt à entendre tous les arguments et à évoluer sur certaines dispositions. Cependant, j’invite chacun au bon sens et à la responsabilité : aller beaucoup plus loin, ce serait ruiner l’équilibre du texte ; aller moins loin, ce serait en ruiner l’ambition.

Madame Borvo Cohen-Seat, il faut en avoir conscience, bien souvent, la surenchère est synonyme d’immobilisme. C’est une posture facile et confortable.

Permettez-moi, monsieur Bel, de vous retourner votre invitation à faire preuve d’audace !

Je constate que, sur plusieurs points du projet, nous approchons d’un compromis, même si des ajustements, des précisions sont toujours possibles ou nécessaires.

Cela est vrai des pouvoirs nouveaux conférés au Parlement. Il faut « sortir du carcan du parlementarisme rationalisé », a souligné M. Mercier. Le partage de l’ordre du jour, l’examen du texte de la commission en séance publique, innovation chère au doyen Gélard, l’accroissement des délais d’examen des textes sont autant de mesures qui modifieront en profondeur nos méthodes de travail ; du reste, le président About ne s’y est pas trompé. Le renforcement de la mission d’évaluation et de contrôle, souligné par le président de Raincourt, correspond également à une modernisation nécessaire du rôle du Parlement.

Ces réformes imposeront au Gouvernement d’associer le Parlement à ses projets encore plus en amont. Notre volonté réformatrice en sortira confortée.

Un Parlement aux pouvoirs renforcés est le gage d’un État qui rend des comptes et, donc, d’un État plus efficace, mieux géré, et d’une démocratie irréprochable.

Nous approchons également d’un compromis concernant l’encadrement du pouvoir de nomination du Président de la République, lequel sera assorti d’un contrôle parlementaire, au travers d’un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes. Les modalités selon lesquelles cet avis sera rendu méritent sans doute d’être précisées ultérieurement, comme l’a souligné à juste titre le président Hyest.

L’encadrement des opérations extérieures est un autre élément majeur de la revalorisation du Parlement. L’examen attentif auquel s’est livrée la commission des affaires étrangères nous permettra d’ailleurs d’apporter des précisions utiles sur la façon dont s’exercera ce contrôle et, notamment, sur la manière dont les délais seront calculés. M. de Rohan a bien souligné les enjeux de cette mesure : il s’agit de concilier l’information indispensable du Parlement et la sécurité de nos forces armées.

Un consensus se dessine par ailleurs autour de plusieurs dispositions du projet renforçant les pouvoirs des citoyens, comme l’a rappelé M. Alfonsi. Je tiens d’ailleurs à remercier le président Hyest de sa contribution sur ces aspects du projet de loi constitutionnelle. Je pense plus particulièrement aux précisions apportées concernant le périmètre d’intervention et les pouvoirs du Défenseur des droits des citoyens, qui constitue l’une des innovations majeures de ce texte.

Je pense également à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Sur ce dernier point, le Gouvernement sera ouvert aux préoccupations que vous avez exprimées quant à la composition des formations siégeant en formation disciplinaire. Il conviendra aussi de veiller, comme nous y invite le président Haenel, à la légitimité de cet organisme aux yeux de nos concitoyens.

Enfin, Mme la présidente Gisèle Gautier a eu raison de relever le progrès que constitue la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes en matière professionnelle, même si nous avions souhaité que celle-ci soit plutôt inscrite dans le préambule.

Bien entendu, certains points suscitent encore des interrogations ou des inquiétudes.

Je comprends, tout d’abord, les interrogations exprimées avec beaucoup de conviction par le président de Rohan sur l’encadrement de l’article 49, alinéa 3. En en restreignant l’usage à un texte par session, les projets de loi relatifs aux finances publiques n’étant de toute façon pas concernés, nous avons recherché un équilibre. Je crois profondément que cet outil, s’il doit naturellement être préservé, ne peut devenir sans risque un instrument banalisé de gestion de l’agenda parlementaire : un gouvernement qui ne pourrait mettre en œuvre son programme législatif qu’au prix d’une contrainte permanente serait, dans la réalité, profondément affaibli. Un outil de dissuasion doit s’accommoder d’un usage parcimonieux.

MM. Frimat, Badinter et Mauroy me permettront de ne pas partager leur analyse : non, cette réforme ne renforce pas les pouvoirs du Président de la République. Vous contestez, messieurs, la faculté ouverte à ce dernier de s’exprimer devant le Parlement. Mais comment justifier la pratique désuète qu’a évoquée le président de Raincourt ? Le choix du Congrès permettra d’abandonner une formule inadaptée à notre temps, tout en marquant le caractère solennel et exceptionnel de cette intervention.

Je voudrais également apaiser la crainte qu’a pu susciter notre volonté de conférer des droits supplémentaires à l’opposition. Je suis persuadée qu’il s’agit d’un élément déterminant du rééquilibrage de nos institutions ; M. Badinter l’a d’ailleurs rappelé à juste titre. Il s’agit non pas de conforter un bipartisme imaginaire, mais d’aboutir à un meilleur partage des pouvoirs et prérogatives aujourd’hui concentrés entre les mains du parti majoritaire.

Notre projet s’efforce de lever les obstacles constitutionnels qui s’opposent actuellement à ce que des droits particuliers soient conférés à chacun des groupes parlementaires. Nous sommes également sensibles au souhait du président Mercier de voir figurer le terme de « pluralisme » dans le texte constitutionnel.

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