Si c’est le cas, il serait temps de le donner.
Le droit des traités prévoit que l’entrée en vigueur d’un traité nécessite le consentement de tous les États ayant participé à sa négociation. La convention de Vienne de 1969 pose, dans l’article 24 de la section 3, le principe que « un traité entre en vigueur dès que le consentement à être lié par le traité a été établi par tous les États ayant participé à la négociation. »
D’un point de vue juridique, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est donc conditionnée par la ratification unanime des 27 États membres de l’Union européenne.
C’est pourquoi, au nom de mon groupe, je demande à la commission des lois d’examiner, avant le début de la discussion des articles du projet de loi de révision constitutionnelle, les conséquences du rejet du traité de Lisbonne sur notre Constitution.
Monsieur le rapporteur et président de la commission des lois, mes collègues et moi-même attendons, vous le comprendrez, une réponse claire et précise. Vous ne pouvez vous y dérober, comme vous l’avez fait en début d’après-midi à l’issue de notre rappel au règlement.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que nous avions eu l’occasion de souligner en début d’année, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre xv de la Constitution, que ces dispositions validaient par avance le traité de Lisbonne. Elles manifestaient de fait l’approbation du contenu du traité et méconnaissaient le pouvoir d’autorisation de ratification de la souveraineté nationale.
En 2008, pour le traité de Lisbonne, comme en 2005, pour le traité établissant une Constitution pour l’Europe, le même schéma a été retenu : valider par avance le traité en y faisant explicitement référence dans la Constitution française.
L’argument avancé pour justifier cette procédure est que la généralité de la formule a pour objet de lever l’ensemble des obstacles juridiques à la ratification du traité. En fait, il s’agit de forcer le destin, de prendre acte de l’entrée en vigueur d’un traité avant que tous les instruments de ratification n’aient été déposés.
Pourtant, faut-il le rappeler, en 2005, le peuple français, par le référendum du 29 mai 2005, avait clairement et massivement exprimé son refus à l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Après la victoire du « non » au référendum, qu’est-il advenu de l’article 1er du projet de loi constitutionnelle de 2005 ? Comme nous l’avions prévu, il est resté inscrit dans la Constitution française, devenant lettre morte.
Oui, cet article est resté inscrit dans notre Constitution jusqu’à l’adoption, en 2008, d’un nouveau projet de révision constitutionnelle dont l’article 1er prévoyait de remplacer les dispositions du second alinéa de l’article 88-1.
Aujourd’hui, la même erreur ayant été commise dans la loi constitutionnelle de 2008, avec la validation anticipée du traité de Lisbonne, nous sommes confrontés à la même difficulté.
Une disposition inopérante est inscrite dans notre Constitution. Il convient donc de la supprimer. Il est pour le moins regrettable que le Gouvernement n’ait tenu aucun compte de ce qui s’est passé en 2005, qu’il n’en ait tiré aucune leçon !
Que signifie cette procédure, qui aurait pu être évitée, en 2005 et en 2008, par la notification expresse de l’inapplicabilité de ces deux lois constitutionnelles en cas de rejet du traité modificatif ? Ne s’agit-il pas, sous couvert de cohérence juridique, de valider par avance une disposition non acceptée par le peuple et, en conséquence, de passer outre la souveraineté nationale ?
Pour le traité de Lisbonne, le Gouvernement pensait qu’il n’avait pris aucun risque, cette fois-ci. En effet, Nicolas Sarkozy avait décidé de passer outre à la décision du peuple français de mai 2005 en l’annulant par un vote du Parlement.
Plus généralement, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne s’étaient entendus pour contourner les peuples en s’assurant que les ratifications parlementaires seraient préférées aux consultations populaires. Seul le gouvernement irlandais a dû recourir au référendum, puisque la Constitution de la République irlandaise lui en faisait l’obligation. On connaît le résultat : il fait obstacle à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui était escomptée au 1er janvier 2009.
Aujourd’hui comme en 2005 – mêmes causes, mêmes effets ! –, le second alinéa de l’article 88-1 de la Constitution et la loi constitutionnelle du 4 février 2008 doivent être abrogés. Aussi, nous vous invitons, mes chers collègues à voter le renvoi en commission, afin que nous puissions analyser les conséquences du référendum irlandais.