Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais aborder ce débat sur les effectifs de la fonction publique, que nous avons traditionnellement chaque année, sous l’angle du contexte international actuel.
À entendre un certain nombre d’orateurs, on pourrait effectivement avoir le sentiment que le service public « à la française » est ultra-menacé, que nos administrations manquent de moyens et qu’il y a véritablement péril en la demeure.
En vérité, parmi les vingt et un pays les plus développés membres de l’OCDE, la France occupe le troisième rang pour la part des emplois publics dans les dépenses totales, derrière la Suède et la Norvège. Si l’on y ajoute les personnels de santé, la France est deuxième, après la Belgique.
La réalité est que notre pays, aujourd'hui, dispose d’une bonne fonction publique, mais sans doute au-delà de ses moyens.
En France, un actif sur cinq travaille dans la fonction publique. Les dépenses de personnel constituent le premier budget de l’État. En y ajoutant les intérêts de la dette, c’est 70 % de l'ensemble des crédits qui sont ainsi consommés. En la matière, la marge de manœuvre de l’État est donc extrêmement faible.
Depuis dix ans, 85 % des efforts de l’État ont été orientés vers les dépenses de personnel. Sur la même période, la masse salariale de la fonction publique a augmenté deux fois plus vite que l’inflation. Loin d’être en baisse, le traitement des fonctionnaires connaît donc au contraire une progression.
Monsieur le secrétaire d'État, on ne peut pas en dire autant des quatre actifs sur cinq qui travaillent dans le secteur privé, lesquels n’ont pas vu, depuis dix ans, leur pouvoir d'achat afficher une telle évolution.
Telle est, au regard du contexte international, l’exception française.
Aux dires de votre collègue M. Woerth, la maîtrise de la dépense garantit la solvabilité de l’État. Avec ce budget 2009, nous sommes à un rendez-vous important : pour la première fois, le Gouvernement tient l’engagement, pris voilà quelque temps par la majorité parlementaire, de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.
L’effort fourni pour satisfaire cet objectif est important, et nous vous en félicitons. Pour autant, du point de vue de la masse salariale, le résultat n’est pas significatif et l’ordre de grandeur reste à peu près le même. Si l’économie globale est de l’ordre de 700 millions d'euros, compte tenu du fait que la moitié sera redistribuée pour motiver le personnel et restructurer les administrations publiques, le gain pour l’année budgétaire à venir s’établit à 350 millions d'euros.
En définitive, selon les indications de notre collègue député Georges Tron dans son rapport spécial, l’effort qui est demandé sur la masse salariale permettrait d’économiser 1, 6 milliard d'euros sur quatre ans. Cela ne représente qu’un peu moins de 1 % de notre déficit budgétaire.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, telle est, aujourd'hui, la réalité.
Les administrations publiques se voient donc demander un effort, certes important, mais qui se traduit, sur le plan budgétaire, par un résultat plutôt faible.
De surcroît, cet effort est susceptible d’être occulté par l’évolution des emplois des opérateurs de l’État, retracée dans l’annexe jaune au projet de loi de finances pour 2009. Si un certain nombre d’opérateurs ont été supprimés, d’autres ont néanmoins été créés. Nous ne savons donc pas si l’exécution budgétaire permettra de respecter les objectifs fixés en la matière. Force est de constater que, au cours des derniers exercices, les opérateurs de l’État ont représenté la source principale de l’augmentation des effectifs de la fonction publique.
À cela s’ajoute une interrogation, qui porte sur le coût des centaines de contrats aidés annoncés par le Président de la République. Non budgétisé pour l’instant, il oscille pourtant, selon les estimations, entre 150 millions d'euros et 200 millions d'euros.
Cela nous amène à tirer un bilan de la première phase d’application de la RGPP. À mon sens, compte tenu de la situation de crise actuelle, l’effort annoncé à la suite des trois conseils de modernisation des politiques publiques réunis jusqu’à présent est certes important, mais probablement insuffisant.
La mise en œuvre de la RGPP devrait permettre de réaliser globalement 7 milliards d'euros d’économies sur les quatre années à venir, dont environ 3 milliards d'euros sur les dépenses de personnel. C’est un résultat relativement faible, compte tenu des engagements financiers qu’il nous faudra respecter pour tenter d’amortir les effets de la crise économique.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais vous fournir une piste de réflexion, en évoquant l’exemple suivi par l’un de nos voisins européens.
En 1990, l’Italie se trouvait à peu près dans la même situation que la France aujourd'hui : les dépenses de personnel de la fonction publique y représentaient 13 % du PIB. Le premier ministre de l’époque, M. Romano Prodi, que tout le monde connaît et qui est une référence au niveau international, a alors entamé un plan de rénovation, lequel a permis de ramener cette proportion à 10 % du PIB en 2000.
M. Prodi a sanctuarisé les cinq fonctions régaliennes de l’État et a redéfini le champ de ses missions. Sans doute ne faut-il pas aller jusque-là, mais l’un des défauts de la RGPP est, à mon avis, de n’avoir pas été élaborée selon le même raisonnement.
Monsieur Mahéas, le gouvernement italien a pris des mesures incitatives, notamment en faveur des fonctionnaires désireux de rester dans la fonction publique au-delà de l’âge légal de départ à la retraite : ceux-ci bénéficient désormais, à partir de cet âge, du reversement de leurs cotisations sociales, ce qui permet de réaliser une double économie. Il a également privatisé un certain nombre de services.
Monsieur le secrétaire d'État, si les Italiens, comme les gouvernements de beaucoup d’autres pays d’ailleurs, ont pu le faire, nous le pouvons aussi ! La France est le deuxième pays de l’OCDE par le poids de sa fonction publique. Nous sommes dans la situation d’un automobiliste qui, disposant d’une voiture de qualité fonctionnant bien, n’a plus les moyens de l’entretenir. Deux solutions s’offrent à nous : soit nous adaptons notre véhicule, soit nous le laissons au bord de la route !