Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 26 novembre 2008 à 15h20
Loi de finances pour 2009 — Débat sur l'évolution de la dette de l'état

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Selon M. le ministre du budget, si le déficit budgétaire va dépasser le seuil de 3 % du PIB en 2009, il ne s’agit que d’une « évolution conjoncturelle ». Voilà donc une présentation quelque peu lénifiante. Le Gouvernement ne change rien aux dépenses. Il enregistre les moins-values fiscales. Il nous présente un déficit budgétaire à hauteur de 57, 6 milliards d’euros. Dans ces conditions, la dette publique qui atteignait au 30 juin 2008, comme M. le rapporteur spécial l’a rappelé, 1269, 3 milliards d’euros, devrait atteindre 68 % du PIB en 2009.

Le Gouvernement prétend faire rapidement diminuer la dette pour la ramener à environ 65 % du PIB en 2012 contre les 61, 8 % initialement prévus, objectif aléatoire pour ne pas dire irréaliste parce qu’il table sur un retour à la croissance rapide : 2 % en 2010, 2, 5 % en 2011 et en 2012. Rien n’est moins sûr.

En fait, madame la ministre, vous réussissez ce miracle de nous présenter un budget qui est à la fois déflationniste et laxiste.

Nous sommes loin d’un budget volontariste face à la crise. Je ne prendrai qu’un seul exemple : le Gouvernement affiche une haute priorité en matière de recherche et d’enseignement supérieur, mais il supprime 900 postes dans l’enseignement supérieur.

Vous êtes prise à contre-pied par la conjoncture. Certes, vous renoncez à comprimer davantage les dépenses ou à recourir à des impôts nouveaux et, de ce point de vue, je ne saurais que vous approuver. Comme le dit M. le rapporteur général, « il ne faut pas ajouter la crise à la crise ».

Mais quelle frilosité dans votre politique ! Certes, M. Sarkozy a annoncé hier, à Valenciennes, un plan de relance dont on dit qu’il atteindrait 19 milliards ou 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB. Mais aux États-Unis, on parle de 500 milliards à 700 milliards de dollars, soit au moins 5 % du PIB, et M. Obama a annoncé vouloir créer 2, 5 millions d’emplois d’ici à 2011.

Quant à M. Gordon Brown, il annonce une baisse de 2, 5 points du taux de la TVA et un déficit budgétaire qui pourrait atteindre 8 % du PIB britannique.

En réalité, s’agissant de la conception d’une politique de relance, nous sommes quelque peu prisonniers de la frilosité de Mme Merkel, et sans doute aussi de la vôtre. Mais l’Allemagne dispose d’une marge budgétaire plus importante que la nôtre, puisque son déficit budgétaire ne dépasse pas 0, 5 % du PIB, et le gouvernement fédéral semble refuser le rôle de locomotive européenne qui lui incomberait pourtant naturellement.

La relance européenne sera vraisemblablement insuffisante et elle ne contribuera pas à une stratégie de relance coordonnée à l’échelle mondiale, qui était pourtant l’objectif affirmé par le G20 à Washington, le 15 novembre dernier.

Nous attendons donc du Gouvernement et de la présidence française de l’Union européenne beaucoup plus d’audace politique et stratégique.

En réalité, le Gouvernement est victime, me semble-t-il, d’une campagne culpabilisatrice que vous avez vous-même orchestrée sur la base du rapport Pébereau sur la dette de 2006 et dont M. Fourcade nous a fait encore entendre tout à l’heure les harmoniques. §Je reconnais que c’était le précédent gouvernement !

Mais puisque nous voulons parler de la dette, parlons-en !

Il n’est pas difficile de montrer que l’État a été depuis trente ans l’artisan de sa propre « déshérence financière », pour reprendre l’expression de l’économiste Jean-Luc Gréau.

De 1974 à 1982, il a vécu sur l’illusion d’un retour rapide à la grande croissance des Trente Glorieuses. Puis, victime de sa propre politique de désinflation compétitive, il a accepté, à partir de 1982 et tout au long des années quatre-vingt, de payer des taux d’intérêt assassins.

La dette publique, qui était de 21 % en 1980, est passée à 32 % du PIB en 1991. Mais le pire était encore à venir, quand, après avoir signé les accords de Maastricht – M. le rapporteur général en a constaté la suspension, la volatilisation –, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion