La bonne dette, c’est celle qui finance l’investissement productif, porteur d’avenir, tandis que la mauvaise dette, c’est celle qui finance le fonctionnement.
Analysons le problème de la dette dans la durée. Je n’évoquerai pas l’hypothèse d’une monétisation de la dette, une mesure concevable au Japon et même aux États-Unis, mais pas en France du fait des règles fixées par la Banque centrale européenne. Écartons l’hypothèse de l’inflation, qui diminue objectivement le montant de la dette en euros constants, ce qui n’est jamais dit. La gestion de la dette publique doit s’inscrire dans le meilleur trend de croissance possible pour l’économie française à long terme.
Partout dans le monde, on assiste à un grand retour du politique et, n’ayons pas peur des mots, de l’État. La vraie question est de savoir comment vous le percevez, madame la ministre. Est-ce un expédient provisoire, une parenthèse que l’on ouvre avec le désir de la fermer aussi vite que possible, les critères de Maastricht n’étant que provisoirement suspendus, et toutes les règles aveugles européennes, avec la prohibition des aides d’État et le principe de la concurrence libre et non faussée, devant reprendre demain toute leur vigueur ?
Ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux se fonder sur un nouveau modèle de développement qui équilibrerait le marché par une certaine extension de la sphère publique, avec un État anticipateur et programmateur, attaché à transformer durablement l’abondante épargne liquide dont nous disposons pour favoriser des investissements de long terme qui garantiront notre croissance ultérieure : famille, éducation, recherche, innovation, infrastructures énergétiques et de transport ferroviaire, logement social, économies d’énergie, hôpital public, voitures propres ? Pour ce faire, il faudrait s’appuyer sur les collectivités locales, mais vous leur tenez la bride trop serrée.
Nos possibilités de croissance dans le long terme conditionnent la solvabilité future de la France. Il faut se défaire d’une vision comptable pour avoir une vision économique. Il faut poser le problème du rôle des banques dans la transformation de l’épargne, et pas seulement celui de la Caisse des dépôts et consignations, et viser à la protection et au développement du site de production national. Mais il faudrait que l’État n’ait pas peur de son ombre, ni en France ni en Europe ! Cela suppose que l’on prenne les moyens d’investir et, j’ajoute, de protéger. Il faut avoir la volonté d’ouvrir cette page-là, madame la ministre !