Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 26 novembre 2008 à 15h20
Loi de finances pour 2009 — Débat sur l'évolution de la dette de l'état

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

… ont été les seules à produire de la bonne dette au cours des dernières années. Cela rend d’autant plus dangereux le scénario que vous avez retenu au cours de ces deux derniers jours quand il s’est agi de débattre des finances locales et des dotations de l’État.

On entend parler à l’extérieur de cette enceinte de plans de relance au niveau de l’Union européenne ou au niveau national. Toutefois, comme nous l’avons dit ce matin lors de l’examen de l’article 33, on voit mal comment, à structure budgétaire inchangée, l’Union européenne pourrait impulser cette relance. Soyons honnêtes, il s’agit plutôt d’une addition de plans nationaux. Plutôt que d’avoir un débat académique, il me semble plus pertinent de poser la question du lien entre la relance et la dette.

Pour ce qui concerne les divergences d’appréciation sur cette relance entre la France et son principal partenaire européen, l’Allemagne, il convient de regarder l’état des finances publiques des deux pays pour comprendre, sinon partager, les réticences de Mme la chancelière Angela Merkel, le fait non négligeable que l’Allemagne entre dans une période électorale étant mis de côté.

Alors que les niveaux d’endettement des deux pays étaient jusqu’à présent à peu près comparables, l’Allemagne ayant dû absorber la réunification, un décrochage va se produire au détriment de la France. Dès avant même les effets de la crise, alors que la France connaissait une croissance certes faible mais tout de même supérieure à celle de son voisin allemand, vous avez laissé filer les déficits. Mme Merkel, très prosaïquement, ne veut donc pas payer pour nous, ni pour d’autres, qui n’ont pas consenti au bon moment les efforts nécessaires. J’ajoute que l’Allemagne reste une référence pour les investisseurs du fait de son potentiel de croissance, supérieur au nôtre, et de sa maîtrise des déficits pendant les périodes qui s’y prêtaient.

Madame la ministre, vous avez confirmé qu’un plan de relance national serait annoncé par le Président de la République d’ici à quelques jours. Il pourrait s’élever à 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB, et pourrait même comprendre des mesures fiscales. Alors même que nous débattons du projet de loi de finances pour 2009, cette annonce relativise beaucoup les débats que nous avons engagés depuis une semaine. Aux dires des conseillers du Président de la République, ce plan de relance ne devrait pas trop peser sur l’endettement. Toutefois, comment pouvons-nous apprécier la dette de l’État alors même que celle-ci a bondi en 2008 ?

Comme nous l’avons constaté lors du débat sur le collectif budgétaire qui s’est déroulé voilà plus d’un mois, le Parlement a adopté un plan d’urgence en faveur des banques. Nous avons alors mis en évidence son lien avec l’accroissement de la dette de l’État. Mais qu’en sera-t-il avec ce nouveau plan de relance, qui aura forcément un impact que nous ne sommes pas en mesure d’apprécier ?

Depuis le début de cette discussion, le Gouvernement indique que ce projet de loi de finances pour 2009 ne prévoit pas de relance budgétaire, ce que nous constatons du reste. Mais, comme l’a fort brillamment souligné notre collègue Jean-Pierre Chevènement, il faudrait relancer l’économie en finançant des équipements.

Aura-t-on recours ou non à l’emprunt ? On ne voit pas comment y échapper. Quelle sera alors la frontière entre les investissements publics et l’incitation aux investissements privés ? L’État devra-t-il apporter des garanties aux investissements privés ? Dès lors, sera-ce considéré comme de la dette publique ? Nous n’en savons rien.

La question essentielle doit, me semble-t-il, être posée au niveau de la zone euro, car il nous faut mobiliser les liquidités des non-résidents pour les grands marchés financiers européens. Cette question me paraît autrement plus cruciale que le fait de faire des moulinets autour d’un « fonds souverain » à la française de 20 milliards d’euros, qui redonne une nouvelle actualité au concept fumeux de « patriotisme économique » cher au précédent Premier ministre.

L’encours de la dette publique des États-Unis est comparable à celui de la zone euro, mais la dette privée des entreprises est moitié moindre dans la zone euro. Nous avons là l’opportunité historique de présenter aux investisseurs de meilleurs atouts que les États-Unis. Mais la présidence française de l’Union européenne saura-t-elle saisir cette opportunité, alors qu’elle est sur le point de s’achever ? Je n’en suis pas certaine.

Enfin, la baisse des taux à court terme attendue de la part de la Banque centrale européenne dégagerait plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui pourraient être mobilisés à condition que l’épargne des ménages, certes abondante, puisse être réorientée vers les investissements productifs dont nous allons avoir besoin. Mais ces questions ne sont pas abordées ici !

Les circonstances exceptionnelles motivent l’affranchissement des critères maastrichiens, mais encore faut-il que l’on oriente correctement les marges de manœuvre laissées par cette souplesse provisoire ! Il nous faut prévoir les conditions susceptibles de retrouver durablement la croissance, laquelle, seule, nous permettra de dégager de nouvelles recettes, et ce pour que la dette soit moins omniprésente dans nos débats. Or nous craignons de ne pouvoir le faire à la sortie de la crise, sauf à faire porter encore davantage le poids de l’effort sur les ménages les plus modestes et les collectivités locales.

Parler ce soir de la dette est certes utile mais, par ces temps extraordinaires, le brouillard qui recouvre son évolution ne sera pas levé ! En tout cas, il ne le sera pas aujourd'hui !

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