Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat sur l’évolution de la dette de l’État est traditionnel dans notre assemblée, quelques heures avant le vote de la première partie du projet de loi de finances. Malheureusement, je crains que cette coutume ne s’apparente, chaque année, à une sorte de rituel, nos discussions ne produisant pas d’effets visibles.
Malgré ce pessimisme initial, nous devons nous saisir des problématiques liées à l’endettement de notre pays. Nous devons le faire pour rendre des comptes à nos concitoyens, pour préparer l’avenir des générations futures et pour justifier notre politique budgétaire face à nos partenaires européens.
Or nous ne pouvons que constater l’inexorable creusement de la dette : de 66, 2 % du PIB en 2008, elle devrait passer à 67, 9 % en 2009, pour une prévision à 65, 6 % en 2012.
Au-delà même du fait que notre pays vit partiellement à crédit, le plus inquiétant est le poids croissant de la charge de la dette dans la gestion annuelle de nos finances publiques.
D’après les prévisions corrigées, la charge de la dette s’élèverait à 44, 8 milliards d’euros en 2009, celle-ci devant augmenter ensuite de 3 % en 2010, puis encore de 4 % en 2011. Autant dire que le dynamisme de cette charge dépasse largement celui de l’inflation, et donc celui des dépenses « classiques » du budget de l’État !
Dès lors, est-il normal de faire progresser moins vite les dépenses attachées à de véritables politiques publiques que l’évolution du remboursement de notre dette ?
Rappelons que cette charge est du même ordre de grandeur que le déficit public, lequel devrait s’élever à 57 milliards d’euros l’année prochaine. Si la dette est nécessaire quand il s’agit d’investissements d’avenir, elle devient en revanche pénalisante quand sa charge constitue 80 % de notre déficit budgétaire. Ainsi les seuls intérêts de notre dette grèvent-ils dans une proportion non négligeable les très faibles marges de manœuvre laissées au gouvernement.
Ce dynamisme de la charge de la dette tient naturellement à l’exceptionnelle hausse des prix en 2008, qui affecte non seulement le capital mais aussi les intérêts à rembourser. De même, l’augmentation du besoin de financement de l’État de près d’un milliard d’euros et l’absence de réalisation de cessions d’actifs ont largement contribué au bond de la charge de la dette en 2008.
Il faut être très vigilant en matière de charge d’intérêt de la dette. Elle augmente proportionnellement à celui de l’endettement et même, parfois, davantage. Elle finit donc par mobiliser la plupart des recettes publiques.
Si nous laissons filer la dette publique, nous plaçons l’État dans une situation de quasi-faillite. En effet, plus la dette sera élevée, plus il faudra faire des efforts pour la stabiliser, ces efforts pouvant prendre la forme d’une hausse des prélèvements obligatoires ou celle d’une suppression de dépenses publiques. Pour échapper à ce cercle vicieux, il est donc nécessaire de stabiliser la dette publique à un niveau raisonnable.
Ces effets macroéconomiques ne peuvent excuser le comportement qui est le nôtre depuis trente ans et qui a creusé la dette publique.
Cette réalité est profondément injuste pour les générations futures. Nous créons effectivement les conditions d’une rupture intergénérationnelle en faisant peser sur nos enfants et nos petits-enfants le poids de nos inconséquences actuelles.
Signalons que la dette que nous accumulons est loin d’être destinée à des investissements d’avenir, tels l’éducation, l’enseignement supérieur ou la recherche.
Ainsi, sur la période 2002-2007, pour un effort moyen de 3, 5% du produit intérieur brut en faveur de la recherche et développement et de l’enseignement supérieur en France, nous obtenons un taux de croissance de moins de 1, 6 %, alors qu’en Suède, sur la même période, un effort massif d’investissement de 5, 3% du PIB dans ces domaines entraîne une croissance de 3, 1 %. Comment expliquer qu’avec 52, 5 % du PIB de dépenses publiques, la France n’en consacre que 3, 5 points aux politiques d’avenir ?
Avec la dette explicite mesurée dans les comptes nationaux et la dette implicite résultant des engagements de retraite, nous achetons à crédit la paix sociale en reportant la résolution des conflits sur nos descendants.
Nous sommes liés aux générations futures par un pacte tacite. Ne transformons pas ce lien qui devrait être constructif en une dépendance financière dont ces générations seraient victimes, à cause d’un héritage qu’elles voudraient sans doute refuser.
Nous avons débattu ce matin des prélèvements en faveur de l’Union européenne. Les chiffres relatifs aux perspectives d’endettement public que j’ai cités nous montrent que nous allons largement dépasser les critères de Maastricht dès l’année prochaine. La Commission européenne ne nous pénalisera pas car – c’est un fait – les circonstances économiques internationales sont exceptionnelles.
Le seuil de 60 % du PIB, que l’endettement public ne doit pas franchir, a été approuvé démocratiquement dans toute l’Europe. Respectons-le, car, si nous n’en sommes pas capables aujourd’hui, nous ne serons pas davantage capables de limiter demain notre endettement à 80 %, 100 % ou 150% du PIB. Comme tout seuil, il revêt un caractère arbitraire, mais il présente également des vertus pédagogiques et financières, alors, faisons-nous un peu violence !
Notre pays doit faire un effort de maîtrise de la dette, en particulier vis-à-vis de ses partenaires. Nous ne pouvons pas donner de leçons de bonne gestion européenne, même après une bonne présidence française, si nous ne sommes pas le moins du monde capables de donner l’exemple. D’autres États parviennent à gérer le présent avec rigueur tout en anticipant l’avenir avec détermination. Prenons-en acte !
La rigueur budgétaire n’est pas réservée aux autres. Hier encore, le président élu des États-Unis annonçait que, face à la crise économique, la réforme du budget n’était pas une option, mais une nécessité. Barack Obama a ensuite détaillé ses projets visant à supprimer toutes les dépenses superflues et faire toutes les économies possibles dans le budget américain.
Pour conclure, j’aimerais simplement insister sur le fait que la réduction de la dette doit être une véritable priorité nationale.
La modification de l’article 34 de notre Constitution dans le cadre de la réforme institutionnelle adoptée cet été fait de l’équilibre des comptes publics un objectif général de gestion de nos finances publiques. La loi de programmation des finances publiques votée il y a quelques semaines participe d’une nouvelle manière d’aborder l’équilibre des comptes. Elle nous permet également d’affecter automatiquement les surplus budgétaires au remboursement de la dette. Reste à l’appliquer concrètement.
Cela exige essentiellement une volonté politique forte et inflexible.