Intervention de Bernard Vera

Réunion du 26 novembre 2008 à 15h20
Loi de finances pour 2009 — Débat sur l'évolution de la dette de l'état

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la dégradation de la situation économique et sociale du pays ne manque pas d’entraîner des conséquences pour le moins regrettables sur les comptes publics et motive, notamment, un développement de l’émission de titres de dette publique.

Depuis 2002, l’encours de la dette publique n’a pas cessé de croître, à tel point que le montant de la dette négociable de l’État s’élève aujourd’hui aux alentours de 1 000 milliards d’euros.

Fin 2001, la dette publique était déjà de 613 milliards d’euros. Sept années de gestion libérale des affaires publiques auront conduit à une aggravation de l’endettement public telle que les engagements financiers de l’État ont quasiment doublé.

Le programme d’émission de la dette pour l’année 2009, consacré pour les deux tiers au seul amortissement de la dette existante, s’élèverait en principe à 165, 4 milliards d’euros. À dire vrai, procéder à l’émission d’un tel volume de titres de dette publique pour ne consacrer finalement que 12 milliards ou 13 milliards d’euros à l’accroissement du patrimoine de la nation pose un grave problème.

En 2008, les émissions de dette ont été particulièrement importantes. Ainsi, le volume des émissions d’obligations assimilables du trésor, les OAT, et de bons du trésor à intérêts annuels, les BTAN, depuis le début de l’année a d’ores et déjà dépassé les 100 milliards d’euros. Les émissions de bons du trésor sont particulièrement élevées, l’encours de ces recettes de trésorerie étant effectivement passé de 78 milliards d’euros à la fin de l’année 2007 à 118 milliards d’euros aujourd’hui.

Pour faire face à la réduction de ses recettes fiscales comme à ses charges de trésorerie, l’État émet donc de plus en plus de titres à court terme, ce qui est le signe d’une détérioration évidente de la situation courante.

Cette progression de la dette peut inquiéter. Elle a d’ailleurs été largement instrumentalisée à ce titre.

Il est toujours plus facile d’imposer des sacrifices aux salariés, aux familles et aux retraités de ce pays quand on leur fait croire que l’endettement public ne permet plus de faire face à la situation et conduit l’ensemble de la politique gouvernementale sur la voie de l’austérité. Cette vision des choses est cependant incomplète et, pour tout dire, mensongère, dès lors que l’on examine plus attentivement les processus qui ont conduit à cette situation.

Le pari pris par le Gouvernement durant l’été 2007 avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a manifestement conduit à l’aggravation de la situation économique et sociale. En effet, qu’avons-nous constaté en lieu et place de la croissance ? Tout le contraire !

Bien avant même que les places boursières ne soient secouées par la tempête venue d’outre-Atlantique, notre économie était frappée de plein fouet par la récession. Ce qui n’était encore qu’une récession tendancielle au début de l’année n’a cessé de gagner en vigueur au fil du temps.

Le faible accroissement du nombre d’heures supplémentaires s’est pour l’essentiel gagé sur la disparition des contrats de travail intérimaire. Il a donc conduit à une déperdition d’emplois dans nombre de secteurs, y compris dans ceux qui conservaient un minimum d’activité.

Les mesures de défiscalisation dont ont bénéficié successions et donations et les limitations de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, n’ont donné lieu qu’à une baisse des recettes fiscales, une optimisation par les bénéficiaires de la gestion de leur patrimoine et un véritable gaspillage de la dépense fiscale, tout en ne mobilisant que de très faibles sommes pour le financement de l’économie.

Ainsi, les 620 millions d’euros d’allégement de l’ISF consentis à ceux des contribuables assujettis à cet impôt qui ont investi dans les petites et moyennes entreprises n’ont permis de lever qu’un milliard d’euros de fonds propres pour ces dernières, soit environ un demi-millième des crédits bancaires en cours !

Les mesures favorables à la transmission du patrimoine ont, pour leur part, provoqué un tarissement de l’offre de logements, tandis que celles relatives à la défiscalisation des emprunts immobiliers conduisaient au maintien des taux d’intérêt et des prix à un niveau élevé.

Au cours de la dernière période, marquée par les difficultés de trésorerie courante de l’État, la loi TEPA a été l’un des principaux facteurs de progression de la dette publique. En outre, comme le pari économique pris par Nicolas Sarkozy, son gouvernement et sa majorité s’est transformé en quasi-stagnation économique, tous les déficits, sans exception, se sont creusés ! Avec le déficit de l’État, le déficit du commerce extérieur, le déficit de la sécurité sociale et l’endettement accru des grandes entreprises publiques, la dette publique a vraiment de beaux jours devant elle !

Cette augmentation de la dette publique est due à la fois à l’absence de croissance, aux cadeaux donnés, aux décisions budgétaires mises en œuvre depuis 2001 et à l’austérité budgétaire imposée à la dépense publique directe depuis plusieurs années. Le gel de la dépense publique, la logique comptable, les suppressions massives de postes de fonctionnaires, la limitation de la progression des dépenses sociales et les tours de passe-passe dont les collectivités locales ont été les victimes sont autant de facteurs qui ont freiné la croissance, bloqué le développement de l’activité et contribué à la dégradation de la situation.

L’endettement public, c’est aussi l’insuffisance des efforts en faveur d’une meilleure rémunération des agents du secteur public, élément essentiel du pouvoir d’achat des ménages, surtout dans un contexte d’appauvrissement des salariés du secteur privé encouragé par cette aveugle politique d’allégement du coût du travail.

L’endettement public, c’est aussi la tromperie sur l’acte II de la décentralisation, conduisant les collectivités territoriales à porter, comme partenaires obligés, une part du déficit de l’État et à financer, vaille que vaille et avec leurs moyens – souvent la hausse de la fiscalité –, les transferts de charges qui ne sont jamais justement compensés.

Chaque loi de finances depuis 2002 a été marquée par ces orientations sans que le déficit de l’État s’en trouve réellement réduit et sans qu’aucune de ces décisions ait pu permettre de relancer l’activité économique. Nous en avons encore eu l’illustration dans ce débat.

À quoi la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés servira-t-elle ? À rien, sinon à dégrader les comptes publics ! À quoi le maintien du régime particulier des sociétés foncières servira-t-il ? À rien, sinon à imposer aux fonds publics de supporter une partie du coût des mésaventures financières de ces entreprises sous la forme d’un manque à gagner de recettes fiscales et de cadeaux inconsidérés en récompense des errements de la spéculation immobilière !

Nous devons incontestablement choisir la voie de la réduction des déficits. Cependant, ce choix impose de modifier la philosophie générale du budget.

C’est en soumettant la dépense fiscale et les choix budgétaires fondamentaux à une véritable analyse critique, en examinant l’efficacité sociale et économique des dispositifs existants et en identifiant les leviers les moins coûteux et les plus productifs de croissance que nous créerons les conditions de l’inversion de l’effet « boule de neige » de l’endettement public.

De manière générale, les Françaises et les Français n’ont plus qu’à constater amèrement qu’ils travaillent une bonne partie de l’année pour assurer le pouvoir d’achat des rentiers qui vivent de la dette publique.

Voilà, mes chers collègues, les éléments qu’il nous semblait utile de rappeler dans ce débat thématique.

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