Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer de répondre aux questions que vous avez soulevées à propos de la dette. Cependant, comme Mme Bricq m’y invite, je me permettrai de ne pas m’en tenir à cela et d’aborder également le rapport entre dette et plan de relance.
S’agissant de l’évolution du rapport dette publique sur PIB, vous vous demandez, monsieur le rapporteur spécial, si la crise financière a ralenti l’effort pluriannuel de désendettement public mis en œuvre depuis 2006 sur la base des recommandations du fameux rapport dit « rapport Pébereau ». La dette publique s’élevait à 63, 9 % du PIB à la fin de l’année 2007, soit un niveau inférieur à l’objectif de 64, 2 % fixé par le Gouvernement.
La dette publique devrait s’accroître dans les années à venir, pour atteindre 66, 2 % du PIB en 2008 et 67, 9 % du PIB en 2009.
Cette hausse attendue ne traduit pas un relâchement de l’effort structurel ; elle reflète l’effet mécanique d’une dégradation de la conjoncture économique sur fond de crise financière, le fléchissement de la croissance nominale ayant un effet direct sur le ratio de la dette via le mécanisme du dénominateur que vous connaissez bien mieux que moi.
Cette hausse intervient par ailleurs dans un contexte où les conditions de marché d’ici à la fin de l’année 2008 ne sont pas réunies pour procéder à des cessions d’actifs non stratégiques dans des conditions satisfaisantes, comme nous le faisons régulièrement, et comme nous l’avions inscrit dans le projet de loi de finances pour 2008. En effet, il n’aurait pas été raisonnable, dans le cadre d’une gestion patrimoniale, conservatrice et prudente des actifs de l’État, d’opérer de telles cessions d’actifs.
Vous avez insisté, monsieur le rapporteur général, sur l’impact sur la dette publique du plan national de financement de l’économie que les deux assemblées ont adopté dans la loi de finances rectificative du 16 octobre dernier. Sa mise en œuvre a un effet direct sur la dette publique, laquelle augmente de 0, 6 point de PIB en 2008.
Cette hausse n’est pas une singularité française, puisque la plupart des pays de l’Union européenne, treize pour être précise, ont mis en place des plans de soutien à leur secteur bancaire ou au financement de leur économie. En général, d’ailleurs, ils ont dû le faire dans des conditions moins favorables que la France, parce que notre secteur bancaire se trouve actuellement dans une meilleure position que celle d’au moins deux de nos grands voisins avec lesquels nous travaillons habituellement et qui ont engagé un processus de refinancement de leurs banques.
Dans ces conditions, le besoin de fonds propres pour relancer le crédit sera moindre en France qu’ailleurs. Je prendrai à ce titre un seul exemple : nous prévoyons un plan de refinancement de l’ordre de 10 milliards d’euros, alors que les Pays-Bas ont été obligés d’engager, pour la consolidation des fonds propres d’une seule de leurs banques, une somme équivalente.
Notre prévision d’une hausse de la dette de 0, 6 point de PIB en 2008, liée, je le répète, à l’adoption du plan national de financement de l’économie, s’explique, d’une part, à hauteur d’un milliard d’euros, par la prise de participation de l’État, d’ores et déjà effectuée, dans la banque belgo-luxembourgo-française Dexia et, d’autre part, par les acquisitions de titres subordonnés pour soutenir le crédit, par le biais des six principaux réseaux bancaires français, à hauteur de 10, 5 milliards d’euros, somme qui n’est pas encore décaissée à ce jour, l’opération étant soumise à l’examen de la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne. Je compte d’ailleurs obtenir un accord de la DG « Concurrence » et de la Commission à l’occasion du prochain conseil Ecofin.
Avant d’aborder la question de l’encadrement des encours de dette à court terme que vous avez soulevée, monsieur le rapporteur spécial, je souhaite revenir en quelques mots sur le financement de l’État en 2009.
L’État doit faire face en 2008 et en 2009 à des besoins de financement élevés, qui s’élèvent respectivement à 158, 9 milliards d’euros et à 170, 2 milliards d’euros. Ces deux montants correspondent principalement au refinancement de dettes passées arrivant à échéance. Le second diffère d’ailleurs de la somme de 165, 4 milliards d’euros figurant dans le projet de loi qui vous a été transmis. Ce nouveau montant reflète notre prévision d’une augmentation du déficit. Le Gouvernement présentera au Sénat, à l’occasion de l’examen de l’article d’équilibre, un amendement visant à intégrer cette nouvelle prévision.
Pour couvrir ce besoin de financement, l’Agence France Trésor émettra en 2009 135 milliards d’euros, contre 116, 5 milliards d’euros en 2008, de titres de moyen et de long terme, net des rachats. Cette hausse s’explique essentiellement par le montant, en 2009, des amortissements de dette mentionnés précédemment.
Une partie du besoin de financement sera financée, comme en 2008, par un recours accru aux instruments de court terme. Il est ainsi prévu d’augmenter de 30, 5 milliards d’euros, contre 25, 1 milliards d’euros dans le texte qui vous a été transmis, l’encours des BTF, les bons du Trésor à court terme.
L’augmentation des emprunts à court terme et leur utilisation pour couvrir une partie du besoin d’emprunt à moyen et long termes répond à un souci de bonne gestion : elle permettra d’éviter, en 2009, un ressaut brutal des émissions à moyen et long terme de l’État, afin de préserver les conditions de financement de ce dernier sur ce compartiment.
S’agissant de la question du plafond d’endettement, j’en arrive, monsieur le rapporteur spécial, à votre observation relative à l’article 34 de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que le plafond d’emprunt ne couvre que les emprunts à moyen et long termes de l’État, c’est-à-dire les emprunts dont la durée est supérieure à un an.
La crise actuelle est venue rappeler aux banques et aux États l’importance de disposer d’outils pour gérer la liquidité. La France serait privée de ces outils s’il existait un plafond d’endettement limitatif pour la dette de court terme. En effet, les emprunts à court terme sont essentiellement utilisés pour couvrir les besoins de trésorerie.
En revanche, le Gouvernement a souhaité la transparence la plus totale pour la bonne information de la représentation nationale : le tableau de financement associé au projet de loi de finances pour 2009 expose très clairement, d’une part, les émissions et les remboursements de dette à moyen et long termes et, d’autre part, la variation de la dette à court terme, sous réserve, bien évidemment, des modifications que je viens d’indiquer, compte tenu de la décision de recourir, de manière un peu plus importante, aux BTF.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur général, l’impact de l’inflation sur la charge de la dette, question qui nous a tant occupés l’année dernière.
En 2008, nous avons souffert d’une conjugaison exceptionnelle de deux facteurs : une forte poussée inflationniste et un ralentissement économique. Il avait été prévu, dans le projet de loi de finances pour 2008, en cohérence avec les anticipations des économistes, une inflation de 1, 5 % en moyenne. Selon toute probabilité, elle sera inférieure à 3 %, puisqu’elle devrait finalement se situer entre 2, 8 % et 2, 9 %.
Ce bond a mécaniquement conduit à relever de 2, 5 milliards d’euros la provision budgétaire destinée à rembourser les intérêts de nos emprunts indexés sur l’inflation, pour la porter à 4, 6 milliards d’euros.
Ce surcoût ponctuel ne remet pas en cause l’intérêt pour l’État d’émettre ces titres, qui attirent une population d’investisseurs soucieux de protéger leurs dépenses contre une envolée de l’inflation. Je pense notamment aux caisses de retraite ou aux banques qui distribuent le livret A. Il s’agit aussi d’une bonne manière de diversifier le financement de l’État, du point de vue tant de la géographie que de la catégorie d’investisseurs. C’est un véritable enjeu au regard de notre « indépendance de financement », laquelle est tout aussi importante que notre indépendance énergétique.
En ce qui concerne l’impact de la crise, vous avez relevé à juste titre, monsieur le rapporteur général, les évolutions des « primes de risque », communément appelées les « spreads » par les banquiers, des États européens et entre les différents États européens. Vous vous interrogez sur une éventuelle « sanction » que nous infligeraient les marchés.
Comme vous l’avez justement fait remarquer, la crise a indéniablement un impact sur la manière dont les États se financent. Tout en introduisant de la flexibilité afin de satisfaire au mieux la demande plus volatile des investisseurs, l’Agence France Trésor n’a pas remis en cause les grands principes de sa stratégie d’émission, à savoir la prévisibilité, la transparence et la régularité. Ce sont d’ailleurs ces principes que nous continuerons de suivre dans les semaines qui viennent, car ils s’avèrent avantageux dans le contexte actuel.
Le ratio de couverture des adjudications au cours de cette année, qui mesure l’excès de l’offre par rapport à la demande, est globalement similaire à ce qu’il a été en 2006 et 2007, quels que soient les produits. Au début de l’année 2008, il a même été légèrement meilleur que par le passé, notamment pour les titres indexés.
Compte tenu des incertitudes des acteurs et de la volatilité des marchés, les risques sont réappréciés et les obligations des États les mieux notés sont donc recherchées. Il y a une fuite vers la qualité et la liquidité. Celle-ci fut particulièrement notable concernant les bons du Trésor dans les semaines qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers. En conséquence, les taux auxquels nous nous finançons à court terme sont avantageux, les titres sont recherchés : 2, 2 % en moyenne sur les bons du Trésor à trois mois, contre 4 % en moyenne jusqu’en septembre 2008. Une évolution majeure et brutale est donc survenue à partir du 15 septembre 2008.
Nous observons par ailleurs une divergence importante des spreads entre les différents États européens. Avec la création de l’euro, le niveau des taux des États membres avait convergé de manière régulière. Ainsi, début 2007, les taux à trois ans de tous les États de la zone euro se tenaient dans un corridor étroit de 10 points de base. Cette convergence était notamment due à l’activité d’arbitrage d’un certain nombre de banques et d’investisseurs. La crise financière a eu peu à peu raison de ces arbitrages, et ce corridor s’est élargi progressivement, au bénéfice des États considérés comme les plus sûrs par les investisseurs.
Ce corridor, qui était donc de 10 points de base, s’est élargi à 50 points de base après le sauvetage de Bear Stearns, pus à 75 points de base après la faillite de Lehman Brothers et, enfin, à environ 200 points de base aujourd’hui.
La France se situe en bas de ce corridor, soit à 30 points de base au-dessus de l’Allemagne, tandis que l’Italie et la Grèce se trouvent en haut du corridor, respectivement à 100 et 200 points de base au-dessus de l’Allemagne, qui sert de référence, puisque son point de base est le plus bas. Celui-ci est considéré comme le plus sûr, pour des raisons qui n’ont pas tant à voir avec la solidité de l’économie allemande qu’avec la qualité des titres allemands, qui sont les plus liquides qui soient, puisque ce sont les seuls qui soient livrables dans le cadre du contrat à terme de référence de la zone euro, le Bund, lequel a supplanté le MATIF, à la fin des années quatre-vingt-dix. C’est grâce à ce facteur de liquidité que l’émission de dettes allemandes se situe tout en bas du corridor largement élargi que je viens de décrire.
En ce qui concerne le financement du plan de relance, que vous avez évoqué les uns et les autres, le Président de la République l’a annoncé, les pouvoirs publics doivent envisager l’utilisation de l’ensemble des mesures disponibles pour faire face au financement des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises. C’est ce que nous avons fait !
Nous devons également faire face aux menaces de ralentissement économique et prendre d’autres mesures qui sont actuellement à l’étude. Vous comprendrez que, en l’état, je ne revienne pas sur le détail de chacune d’entre elles, car nous sommes encore en cours d’expertise.
Dans le cadre de cette relance, nous devons bien évidemment appliquer un certain nombre de critères, fixés pour l’ensemble des partenaires de l’Union européenne, et qui ont été rappelés cet après-midi dans la communication de la Commission européenne, laquelle s’applique à lister les secteurs qui paraissent les plus propices à une relance concertée, en insistant évidemment sur son caractère concentré, seul gage d’une véritable efficacité. On peut regretter à cet égard que la Grande-Bretagne, dont les positions avaient été considérées comme l’un des possibles chemins à suivre, ait décidé d’ouvrir la voie seule, un peu en amont des autres pays de l’Union européenne, en prenant une mesure relative à la TVA. Celle-ci constitue, me semble-t-il, une mesure de désinflation compétitive un peu isolée : ce sera peut-être une réussite, mais c’est certainement un pari risqué.
Dans une situation de crise, où les comportements de marché habituels ne fonctionnent pas, le seul acteur qui puisse véritablement intervenir, c’est évidemment l’État. Je rejoins là certains des commentaires de M. Chevènement en ce qui concerne le rôle utile de ce dernier dans les circonstances que nous traversons actuellement.
Autre caractéristique de la relance qui doit être engagée par l’ensemble des pays de l’Union européenne : elle doit être rapide, ciblée et forte.
C’est d’ailleurs pour ces raisons que, dans sa communication, la Commission européenne a fait référence cet après-midi non pas à un taux de 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne, qui aurait correspondu à 130 milliards d’euros, mais bien à un taux de 1, 5 %, ce qui nous rapproche beaucoup plus des 200 milliards d’euros qui seraient engagés par l’ensemble des pays de l’Union européenne, selon les moyens appropriés à leur économie.
Bien évidemment, on ne relance pas de la même façon selon que le taux de chômage du pays est de l’ordre de 5, 5 % à 6 %, comme dans certaines économies de l’Union européenne, ou qu’il se rapproche de 8 %, comme c’est le cas de notre voisin allemand.
De la même manière, on ne relance pas de façon identique si le système bancaire et les activités de services sont prédominants ou si l’activité industrielle doit être maintenue et orientée vers des secteurs stratégiques, ce qui est le cas de la France.
En tout état de cause, les critères de rapidité, de force et de ciblage sont applicables, nous semble-t-il, quels que soient les cas.
Nous travaillons donc activement à la préparation, au cadrage, au calibrage et à l’estimation, eu égard notamment au rapport coût-avantage, des différentes mesures qui peuvent être envisageables pour la France. Bien entendu, l’ensemble de ces mesures seront évoquées en temps utile, de telle sorte qu’elles puissent être concertées avec nos partenaires, après avoir été utilement calibrées et mesurées.
Le Président de la République l’a rappelé, nous souhaitons que cette relance intervienne dans un cadre coordonné. C’est l’approche que nous avions adoptée pour le soutien au secteur financier et je vous remercie, monsieur Gaudin, d’avoir souligné, en la matière, la qualité de la présidence française de l’Union européenne.
La communication de la Commission constitue donc le cadre dans lequel nous souhaitons nous inscrire avec nos partenaires européens pour effectuer cette relance. Ceux d’entre vous qui ont déjà pris connaissance de ce document ont d’ailleurs pu noter que les dix modes de relance envisagés par la Commission corroborent les mesures que nous avons prises au niveau national.
Nous avons, en quelque sorte, anticipé le plan de relance européen. Nous avons soutenu l’activité en allégeant certaines charges fiscales ou sociales qui pèsent sur le travail – je pense notamment à l’exonération des heures supplémentaires, si souvent décriée ; nous avons tenté d’amortir les effets de la globalisation, en étendant notamment le contrat de transition professionnelle ; nous avons essayé de relancer l’investissement, en particulier en encourageant le financement des petites et moyennes entreprises ; enfin, nous avons pris des mesures qui tendent à soutenir la recherche et le développement.
Il nous appartiendra, dans le cadre d’un véritable plan de relance, de soutenir, d’encourager et de développer ces différentes mesures.
Monsieur Gaudin, vous avez souligné l’importance des critères de Maastricht et, plus généralement, des règles que les pays de la zone euro se sont fixées. Je partage, bien sûr, votre point de vue. Mais respecter les règles, c’est aussi utiliser l’intégralité du dispositif que nous avons contractuellement convenu d’utiliser.
Or le pacte de stabilité et de croissance révisé prévoit qu’un pays dont le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB peut ne pas être soumis à la procédure de déficit public excessif si ce dépassement est à la fois exceptionnel, temporaire et limité. Le caractère exceptionnel peut résulter soit d’un évènement inhabituel hors du contrôle de l’État-membre concerné et qui a un impact majeur sur le déficit des administrations publiques, soit d’un ralentissement économique sévère, à savoir une croissance réelle annuelle négative ou une longue période de très faible croissance. C’est le premier volet.
L’autre volet des « flexibilités » offertes par le pacte de stabilité concerne la mise en œuvre des mesures correctrices suite à l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif. Le Conseil de l’Union européenne peut en effet tenir compte des « circonstances exceptionnelles » lorsqu’il adresse des recommandations à un État-membre dans le cadre de cette procédure, en lui donnant tout simplement plus de temps pour réduire son déficit structurel. C’est très clairement cette voie qu’a privilégiée la Commission dans sa communication puisque, sans indiquer expressis verbis qu’elle prévoit de mettre entre parenthèses la règle des 3 %, elle indique néanmoins que, pendant une période de deux ans, les « flexibilités » pourront être utilisées et qu’il sera légitime pour les besoins de la relance collective et concertée de dépasser ce seuil, à condition évidemment d’engager des dépenses ou de prévoir des mesures fiscales qui ne soient pas de nature à obérer les finances publiques de manière durable. Selon la Commission, il est en effet inévitable que certains États dépassent le seuil des 3 %.
C’est la raison pour laquelle les mesures de relance que nous serons amenés à prendre devront être temporaires, réversibles, ciblées et rapides.
C’est bien cette voie que nous allons privilégier dans l’ensemble des domaines évoqués par la Commission, ainsi que dans tous les autres qui paraîtraient souhaitables et efficaces du point de vue français.
Revenons maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, à la distinction entre les bonnes et les mauvaises dettes.
Un peu comme les médecins différencient le bon cholestérol du mauvais, vous avez, monsieur le rapporteur général, évoqué la distinction importante entre la « bonne dette », qui sert à financer des investissements d’avenir, et la « mauvaise dette », qui ne finance que les dépenses courantes. Vous avez souligné que l’augmentation de la dette en 2009 appartenait clairement à la première catégorie.
Naturellement, pour le bien-être des générations futures, une réduction de la dette est, en général, souhaitable. Mais, dans le cas présent, qu’adviendrait-il si l’État ne prenait pas la relève de circuits de financement défaillants ?
Je le disais tout à l’heure, les mécanismes de marché et les agents économiques ne fonctionnent pas selon leurs modes habituels. Dans une telle situation, il est normal que l’État intervienne pour relancer la croissance et que, à cette fin, il soit amené à s’endetter.
Qu’adviendrait-il en effet si l’État ne prenait pas le relais des circuits classiques pour aider les PME à se financer et pour relancer les projets d’infrastructures, lesquels, s’ils sont mûrs et prêts à l’emploi – vous me passerez l’expression –, peuvent véritablement relancer la croissance.
Ainsi, l’augmentation de la dette reflète le sauvetage du système bancaire, du système productif et de son financement : il s’agit donc clairement d’un investissement qui, nous l’espérons, portera rapidement ses fruits.
Monsieur Chevènement, je vous remercie de votre intervention de grande qualité sur un sujet qui, nous le savons tous ici, vous tient particulièrement à cœur. Naturellement, je ne partage pas toutes vos appréciations sur le rôle que doit tenir l’État, sur le long terme, en matière économique. Mais je vous rejoins lorsque vous appelez de vos vœux un État « anticipateur et programmateur ». J’ajouterai, pour ma part, « régulateur », tant la crise que nous venons de traverser illustre à l’envi combien ce rôle est indispensable, sans être contradictoire avec une économie libre de marché.
Je crois que votre analyse se rapproche de celle de M. le rapporteur général lorsqu’il distingue entre la « bonne dette », celle qui finance les investissements de long terme, et la « mauvaise dette », c’est-à-dire celle qui, par opposition, finance seulement les frais de fonctionnement.
Je vous rejoins encore quand vous soulignez que la compétitivité constitue le problème économique essentiel de la France. Vous touchez là, monsieur le sénateur, l’un des aspects les plus importants de la politique économique du Gouvernement. C’est en effet en soutenant l’investissement productif, la recherche et le développement, en encourageant l’innovation et en améliorant la productivité de nos entreprises que nous allons réussir, tout simplement, à remettre la France sur le chemin de la compétitivité. C’est aussi en procédant à des réformes structurelles que nous arriverons à instaurer une croissance durable dans notre pays, car elle sera justement passée par la case « compétitivité ».
Évidemment, je ne partage pas votre avis lorsque vous qualifiez de « frileuse » la politique du Gouvernement et sa réponse à la crise financière. Les mesures déjà annoncées depuis octobre ont conduit à réorienter près de 50 milliards d’euros vers les activités productives, soit 2, 5 points de PIB. Vous avez mentionné tout à l’heure le nombre de points de PIB consacrés par les États-Unis et le Royaume-Uni à la relance de leur économie. Mais cet effort massif consenti par ces deux économies est aussi proportionnel à la difficulté dans laquelle se trouvent leurs secteurs financiers respectifs ; celle-ci justifie largement qu’un effort particulier soit engagé dans ces secteurs et dans ces pays en particulier.
L’action européenne et internationale du Président de la République en matière de réponse à la crise financière a mis la France en position de leader – vous me pardonnerez l’utilisation de cet anglicisme – et, certainement, en position d’inspiratrice pour les grandes réformes internationales qui sont en cours de mise en œuvre. Le communiqué du G 20 s’inspire en effet très largement d’un certain nombre des conclusions du Conseil européen qui l’a précédé et même de celles d’un Conseil restreint qui avait été convoqué dans le cadre de l’Eurogroupe par le Président de la République.
Toutes ces mesures – sans compter le plan de relance sur lequel nous travaillons actuellement –, grâce au soutien sans faille du Parlement en général et du Sénat en particulier, ont permis en moins de deux mois de mobiliser l’ensemble des forces de l’économie française, qu’il s’agisse de ses forces de financement, indispensables à son bon fonctionnement, ou de ses forces productives, par le biais, tout simplement, d’un soutien aux PME, lequel sera complété par celui que nous engagerons dans le cadre du plan de relance que le Président de la République annoncera prochainement.