Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 23 juillet 2008 à 15h00
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi « garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour recevoir les enseignements prévus par les programmes » : c’est ce que vous avez indiqué, monsieur le ministre, en première lecture à l’Assemblée nationale, lors de votre présentation du texte.

Or le dispositif que vous proposez ne répond pas à l’impératif de continuité du service public de l’éducation nationale. Il vise à instaurer une prestation minimale de surveillance, bien en deçà des missions de l’école. Il ne s’agit pas d’un service minimum.

Non seulement cette prestation ne sera pas assurée par les personnels du service public, sinon il s’agirait d’une atteinte manifeste au droit de grève censurable par le Conseil constitutionnel, mais elle ne permettra pas non plus de dispenser aux enfants présents l’enseignement habituel.

Il ne s’agit donc assurément pas, avec ce texte, de concilier deux principes à valeur constitutionnelle.

L’école, y compris l’école maternelle, malgré ce que certains représentants de la majorité peuvent en penser, n’est pas une garderie.

Par ailleurs, l’accueil pourra s’organiser dans des locaux extérieurs à l’école, un centre de loisirs par exemple, ce qui prouve bien que nous ne sommes pas ici dans le cadre de la continuité du service public de l’éducation nationale. En réalité, vous le reconnaissez vous-même en affirmant que le service qu’il est demandé aux communes d’assurer constitue seulement une prestation d’accueil et de surveillance des enfants.

En outre, contrairement à ce que nous avions proposé en première lecture, ce projet de loi ne comporte aucune garantie en matière de compétences sanctionnées par un diplôme pour les personnes susceptibles d’assurer l’accueil des enfants. Il s’agit, à nos yeux, d’une carence grave.

En effet, il n’est pas acceptable que les maires, lorsqu’ils mettent en place, sur leur initiative, un service relevant de leurs compétences, qu’il s’agisse d’un accueil de loisirs ou d’un accueil périscolaire avant et après la classe, soient soumis à des règles contraignantes pour garantir la sécurité des enfants, alors que celle-ci passe au second plan et qu’aucune qualification des personnels n’est exigée quand il s’agit d’assurer l’accueil des enfants en cas de grève, comme le leur impose le Gouvernement ! Peu importe finalement que le texte mentionne les « qualités requises » ou les « qualités nécessaires pour encadrer des enfants », cette logorrhée n’apportant aucune garantie aux familles.

Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, une mère de famille, même nombreuse, n’est pas naturellement compétente pour encadrer, toute une journée, les enfants de toute une classe. Cela exige un professionnalisme qui ne relève pas de l’inné. Décider que l’on peut transplanter dans une classe, du jour au lendemain, un intervenant quelconque pour y faire de la garderie peut être apprécié, à juste titre, comme un manque de considération flagrant pour les professionnels de l’enseignement et de l’animation. Votre conception du droit d’accueil constitue, au regard de la suppression annoncée des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, un élément supplémentaire de la négation de la spécificité de la mission éducative des enseignants.

Il faut que le Gouvernement soit bien dépourvu pour qu’un serviteur de l’éducation nationale tel que vous, monsieur le ministre, en vienne à ce genre de mesures ! Car vous étiez pris entre deux feux : soit instituer un minimum de qualifications et rendre votre dispositif, déjà compliqué à mettre en œuvre, notamment dans les petites communes, totalement inapplicable, soit vous retrancher derrière le code de l’action sociale et des familles, qui, vous le répétez à l’envi, n’exige aucune qualification particulière ni n’impose de normes en termes d’encadrement tant que l’accueil ne dépasse pas quatorze jours. Les parents seront ravis d’apprendre que leurs enfants pourront être surveillés par le garde-champêtre ou la secrétaire de mairie ! Pour notre part, nous ne cautionnerons pas ce genre d’aberration.

Ce qui n’a pas été concédé au Sénat l’a été en partie à l’Assemblée nationale. Vous avez été obligé de faire machine arrière s’agissant du dévoiement proprement scandaleux de la mission de l’école que constituait la généralisation de la garderie à tous les cas d’absence. Vous avez évolué également sur la responsabilité pénale des maires, mais cela ne rend pas votre projet de loi plus acceptable à nos yeux.

La surveillance sera réservée aux absences imprévisibles. Il n’en reste pas moins que vous faites de cet accueil un substitut au remplacement des enseignants : vous continuez ainsi de faire glisser dangereusement les missions de l’école.

La rupture s’opère aussi à l’éducation nationale. On l’avait déjà vu avec les suppressions massives de postes, désormais on s’attaque clairement aux missions de l’école républicaine.

Si le dogmatisme prévaut dans votre politique éducative, nous sommes forcés de vous reconnaître un pragmatisme avéré dans l’anticipation des conséquences sur le terrain de la mise en œuvre de cette politique. Le Gouvernement redoute-t-il une rentrée « chaude » ? En effet, l’application de ce texte est prévue au plus tard le 1er septembre 2008.

Quand les parents d’élèves se rendront compte de la réalité de ce dispositif d’accueil par rapport au service minimum que vous leur avez vendu dans le cadre de votre campagne de communication tous azimuts et réaliseront, au sortir des vacances, que le Gouvernement les a leurrés, ils auront toutes les raisons de joindre leurs protestations à celles des enseignants.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce texte.

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