De plus, ces amendements reviennent sur les principes même de la décentralisation en privant la région de la responsabilité des transports franciliens. Il s'agit d'un grave déni de démocratie.
En adoptant ces nouvelles mesures, le Parlement ne respecte pas le vote des électeurs de la région d'Île-de-France, qui ont porté une majorité de gauche au sein de l'exécutif régional. La majorité sénatoriale ne s'honore pas en soutenant de telles manoeuvres politiciennes.
Parallèlement, le Gouvernement s'est également servi de cette lecture devant l'Assemblée nationale pour faire ratifier par amendement la simplification de la procédure de déclassement des biens de Réseau ferré de France, RFF.
Cette simplification va, en réalité, permettre à RFF de déclasser, puis de céder plus rapidement, des terrains pour alimenter son budget, afin de faire face au désengagement de l'État dans le secteur des transports.
Déjà devant le Sénat, le Gouvernement, par voie d'amendement, avait permis la ratification d'une ordonnance fondamentale dans le domaine du transport aérien, qui entérinait un transfert de responsabilité de l'État sur les exploitants d'aérodromes pour la mise en oeuvre des missions de sûreté.
Or, la prévention des actes de terrorisme et la sauvegarde de l'intégrité du territoire représentent des missions éminemment régaliennes dont la responsabilité doit rester à l'État.
Dans le secteur aérien, comme dans d'autres domaines, les objectifs sont les mêmes. Il s'agit pour l'État de se décharger de ses missions régaliennes, en faisant appel soit aux collectivités territoriales, soit à l'initiative privée.
Les conditions dans lesquelles se fait le travail parlementaire sont inacceptables. La déclaration de l'urgence sur les textes, le fait que la commission saisie au fond n'ait pas examiné ces amendements, la ratification des ordonnances par simple amendement du Gouvernement semblent devenir les instruments privilégiés de celui-ci pour diriger le travail parlementaire.
On revient de cette manière sur les fondements du pacte républicain et sur les principes mêmes de souveraineté nationale.
Mais venons-en au contenu de ce projet de loi.
Nous persistons à dire que, loin de permettre le développement des transports et d'assurer une meilleure sécurité, ce texte risque d'accroître l'insécurité des transports en soumettant ce secteur aux impératifs du marché, en déréglementant le droit des salariés, en faisant fi des impératifs de préservation de l'environnement et de développement durable.
La première mesure de ce texte correspond à la transposition en droit interne du deuxième paquet ferroviaire entérinant l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international le 1er janvier prochain et du fret national le 31 mars prochain.
Je tiens à rappeler que les parlementaires communistes réclament depuis de nombreuses années un moratoire sur les effets économiques et sociaux de la libéralisation des secteurs publics, notamment des secteurs ferroviaire, aérien et maritime, et que cette demande légitime n'a jamais trouvé de réponse.
Au regard des attentes exprimées à plusieurs reprises par le peuple français, il semble pourtant que l'un des premiers mandats du Gouvernement devrait être de solliciter les institutions européennes pour la réalisation de ce moratoire.
De plus, le rejet du traité constitutionnel européen, exprimé le 29 mai dernier, a été l'occasion pour nos concitoyens d'exprimer leur refus des politiques ultralibérales, de la déréglementation à tout va et du démantèlement des services publics.
Le Parlement européen n'a pas entendu ce message, puisque les députés viennent de voter le troisième paquet ferroviaire qui ouvre à la concurrence le transport de passagers.
Le Gouvernement français n'a pas plus tenu compte du résultat du référendum, puisqu'il nous propose aujourd'hui d'adopter ce projet de loi.
En amont, il a déjà préparé l'ouverture à la concurrence par l'adoption du plan fret ferroviaire.
Mais que constate-t-on ? L'offre de transport et la sécurité ont-elles été améliorées ? Loin de là, le rail a encore perdu des parts dans le transport de marchandises. Ce plan s'est soldé par une perte de capacité du réseau, par la fermeture de nombreuses gares, de nombreux sillons, moins 18 %, et par la suppression d'emplois.
Ce plan a également mis 200 000 camions supplémentaires sur les routes depuis sa mise en oeuvre en 2004. Au terme de ce plan, ce sont 1 million de camions supplémentaires qui sont attendus.
Sur ce point, je tiens à vous rappeler que le rapporteur de l'Assemblée nationale pour la mission « Transports » estimait, lui aussi, qu'un bilan d'étape approfondi du plan fret ferroviaire, préparant l'ouverture à la concurrence devait être établi. Cette proposition n'a pas davantage été reprise par le Gouvernement.
Alors que l'État doit s'engager en faveur du rééquilibrage modal afin de respecter ses engagements pris lors du sommet de Kyoto, les parts du transport routier de marchandises n'ont cessé de croître. Cela s'explique par une politique plus que généreuse du Gouvernement d'allégement de charges et d'assouplissement de la réglementation du travail, comme en témoignent les articles 15, 16 et 17 de ce projet de loi.
Le patronat routier va bénéficier également, grâce au plan du Gouvernement du 12 septembre dernier, d'un nouveau dégrèvement de taxe professionnelle sur les camions de plus de 16 tonnes, plan qui va coûter à l'État 400 millions d'euros. Toutes ces mesures s'ajoutent au dégrèvement de taxe professionnelle pour les camions de 7, 5 tonnes déjà accordé dans la loi de finances pour 2005 et accentué dans la loi de finances pour 2006.
Cette démarche de libéralisation vise à favoriser les nouveaux entrants dans le transport ferroviaire, qui, ne nous leurrons pas, seront plus intéressés par les profits à court terme sur les lignes rentables que par la qualité du service et la satisfaction des besoins.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment, pour leur part, que le développement et la sécurité des transports passent par la maîtrise publique des investissements dans les infrastructures et le matériel de transport.
Sur ce point, l'audit sur les infrastructures de transport estimait à 600 millions d'euros supplémentaires les besoins de financement des infrastructures de transport.
Or, dans le projet de loi de finances pour 2006, seulement 70 millions d'euros supplémentaires sont accordés à ce financement. Ce sous-investissement chronique aboutira, si rien ne change, à la suppression de 60 % des lignes d'ici à 2025.
Le projet de loi de finances a également entériné le désengagement de l'État en faveur du désendettement de la SNCF et de RFF.
Pourtant, il est urgent de définir une conception de la politique des transports pour permettre à l'État de dégager des priorités au regard, non de la rentabilité escomptée, mais des impératifs d'intérêt général de sécurité des réseaux, d'aménagement du territoire et d'égal accès des usagers à la mobilité.
Dans ce sens, la possibilité de partenariat entre les secteurs public et privé, si elle n'est pas contestable par principe, comporte le risque de la création de monopoles privés sur certains segments du réseau.
On peut d'autant plus s'inquiéter de la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre les conditions d'un désengagement de l'État dans le financement des infrastructures que la privatisation engagée des autoroutes prive l'agence de financement des infrastructures de ressources pérennes.
Ainsi, l'on s'en remet, par ce projet de loi, à l'initiative privée pour établir des priorités dans le choix des infrastructures à financer. Cela est extrêmement dangereux au regard des missions de service public qui incombent à l'État.
Malgré quelques dispositions positives de ce texte concernant les transports aériens et maritimes, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, vous n'en serez pas surpris, mes chers collègues, voteront contre ce projet de loi, qui fragilise la sécurité des usagers et des personnels et qui renonce au développement d'une offre de transport digne de notre pays.