Intervention de Annie David

Réunion du 23 juillet 2008 à 15h00
Droits et devoirs des demandeurs d'emploi — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis en cette soirée du 23 juillet 2008, à vingt et une heures trente, pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.

Si j’insiste sur cette date et sur cette heure, c’est pour manifester mon mécontentement quant à l’organisation de nos travaux.

En effet, monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé, avec le Gouvernement, de déclarer l’urgence, qui plus est pendant la session extraordinaire, sur un texte qui aurait mérité deux lectures dans chacune de nos deux assemblées, nous avons pu le constater ce matin lors de la réunion de la commission mixte paritaire ! De nombreux points ont été soulevés et le président Méhaignerie a souhaité qu’un bilan de l’application de ce projet de loi soit fait par les deux rapporteurs dans un an. L’article 2 bis mérite à lui seul que nous engagions à nouveau le débat.

En outre, ce texte n’aurait pas dû voir le jour en dehors du calendrier social, qui inclut la négociation sur la nouvelle convention d’assurance chômage et qui doit prendre en compte les évolutions en matière de chômage. Je ne reviendrai pas sur tout ce que nous avons dénoncé lors de l’examen de ce projet de loi.

Comme vous l’avez rappelé voilà un instant, monsieur le secrétaire d’État, pour le Gouvernement, ce projet de loi est une étape importante dans la politique que vous mettez en œuvre : plus de flexibilité et moins de droits pour les salariés, en contrepartie d’une plus grande liberté et de profits accrus pour les entreprises !

Pourtant, je le rappelle, seul un demandeur d’emploi sur deux inscrits à l’ANPE est indemnisé. Force est de constater que la notion du « chômage volontaire » n’a guère de sens pour celles et ceux qui ne perçoivent pas d’indemnisation. Et pourtant, ces demandeurs d’emploi restent inscrits sur les listes de l’ANPE, malgré les contrôles et les pressions de plus en plus fortes dont ils sont l’objet. Cela montre bien leur volonté de travailler.

Des sanctions, des pressions, il en existait déjà, elles ont même été renforcées avec le décret n° 2005-912 du 2 août 2005 qui avait introduit certaines modifications dans les critères de l’offre acceptable d’emploi.

Malgré la crise économique dans laquelle la France est durablement plongée, la généralisation de la précarité et du « précariat », cette forme de précarité appliquée aux salariés, vous partez du postulat idéologique selon lequel les demandeurs d’emploi ne veulent pas travailler et vous les rendez responsables de leur situation.

La désindustrialisation massive de notre pays et les délocalisations boursières devraient pourtant vous interpeller. Mais vous n’évoquez aucun de ces sujets, préférant renvoyer le chômage de masse à la responsabilité individuelle des salariés privés d’emploi.

Lors de nos débats, les sénatrices et sénateurs communistes ont tenté d’attirer l’attention du Gouvernement et de la majorité sénatoriale sur la notion de « responsabilité sociale de l’entreprise ». Autant dire que notre invitation à la réflexion est restée lettre morte. Ce qui vous importe, c’est moins d’engager un réel débat sur les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi que d’obliger ces derniers à accepter n’importe quelle offre.

Et, de ce point de vue, vos ambitions sont claires : pour réduire le chômage d’ici à 2012, imposer la notion d’employabilité.

La réduction du chômage que vous voulez est tout artificielle, et vous le savez. D’une part, parce que l’évolution démographique est telle que, naturellement, le nombre des demandeurs d’emploi va diminuer. D’autre part, avec la notion d’employabilité, qui est au cœur de votre politique, vous pouvez vous dispenser, comme dans le présent texte, de proposer à chaque demandeur d’emploi un travail de qualité, correspondant à ses qualifications, assorti d’une juste rémunération et d’un rythme compatible avec sa vie familiale. Non, il n’est ici question que de faire correspondre la demande du marché avec des salariés corvéables et flexibles à merci ! Vous leur imposez une « occupation » qu’ils ne pourront refuser. Nous sommes donc très loin de la définition du travail qui nous est chère.

Mais le texte est également très éloigné de cette valeur travail dont vous vous faisiez l’écho durant la campagne pour l’élection présidentielle, car l’employabilité – mot bien barbare ! –, si elle satisfait aux exigences comptables d’un chômage à moins de 5 %, ne répond pas aux exigences sociales.

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