En dépit des amendements que nous avions déposés, vous vous êtes refusés à confirmer par écrit que le demandeur d’emploi puisse expressément préciser l’ensemble des conditions d’emploi qu’il pourrait accepter, à commencer par la durée et le type de contrat.
La notion de projet personnalisé n’est à ce titre qu’un leurre, car, de personnalisé, il n’aura que le nom ! Sa durée réelle ne sera que de trois mois, puisque, à cette échéance, vous en prévoyez une révision automatique.
Nous aurions pu légitiment espérer que cette révision ne puisse résulter que de la demande expresse du demandeur d’emploi constatant que son projet personnalisé ne lui permet pas de retrouver un emploi. Mais encore aurait-il fallu considérer les demandeurs d’emploi comme des partenaires, victimes d’une logique économique.
Quant à la période de trois mois, elle paraît tout simplement irréaliste ! Le marché du travail est tel qu’il est très improbable, dans un tel délai, de retrouver un emploi de qualité, correspondant à sa formation, à ses compétences et avec la rémunération adéquate.
Passé ce délai, la nouvelle institution aura la charge d’orienter les demandeurs d’emploi non pas vers l’offre correspondant le plus à leurs aspirations et à leurs compétences, mais vers celle qui leur permettra l’accès à l’emploi le plus rapide.
Une fois encore, vous maniez la sanction avec talent, en organisant la dégressivité des droits autour de trois paliers.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez affirmé que la rémunération de ces demandeurs d’emploi ne serait pas inférieure au SMIC, mais cette déclaration de pur principe est en contradiction avec ce que ce projet de loi prévoit, à savoir une rémunération au niveau du revenu de remplacement.
Surtout, la dégressivité est un outil de plus dans votre politique de contrainte. Vous considérez, à tort, qu’en diminuant les droits et prétentions des chômeurs, leur retour à l’emploi sera plus précoce. Au moins votre attitude est-elle claire : l’existence du chômage tient au fait que les demandeurs d’emploi refusent de se réinsérer sous le prétexte que le système d’assistance est plus profitable que le retour à l’emploi.
En outre, estimant que la seconde cause du chômage tiendrait au coût de la main-d’œuvre, qui serait trop élevé, vous organisez la dégressivité, ce qui vous permet, de manière indirecte, de peser sur l’ensemble des salaires !
Finalement, vous ne faites que proposer aux salariés une forme de partage du chômage en multipliant les « petits boulots », donc le travail précaire. Vous réglez la question du chômage par le bas en diminuant les revenus et en augmentant la pauvreté.
Ces idées ont beau avoir été contredites par les évaluations des dispositifs d’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires, vous continuez malgré tout à organiser un nouvel affaissement des salaires et des normes d’emploi.
Notre système de solidarité nationale, qui est lui-même assis sur les salaires, sera une victime collatérale de ce projet de loi. Des salaires plus bas, ce sont moins de cotisations pour les caisses de l’État et pour les organismes de solidarité. Vous aurez alors beau jeu de dénoncer la faiblesse de notre système de protection sociale, de poursuivre vos restrictions pour, in fine, imposer une réforme générale de la protection sociale, faisant la place belle aux assurances privées et à l’individualisation. Décidément, tout se tient !
Quant à la création d’un médiateur national prévue à l’article 1er bis issu des travaux de l’Assemblée nationale, que vous venez d’évoquer, monsieur le secrétaire d’État, elle ne peut nous satisfaire totalement.
Le groupe CRC avait proposé une commission de recours amiable afin de suivre l’exécution de ce projet de loi, s’agissant en particulier du projet personnalisé. Reconnaissez que notre proposition était plus ambitieuse que celle qui a été retenue par l’Assemblée nationale, notamment parce que nous privilégiions le collectif en prévoyant la présence des organisations syndicales au sein de cette commission, alors que vous vous en remettez à un médiateur plénipotentiaire. En outre, les missions qui lui sont conférées ne sont pas identiques à celles que nous proposions de lui attribuer.
Mais cela nous permet au moins de nous interroger sur les droits des demandeurs d’emploi, contreparties théoriques aux obligations que vous renforcez.
Demain, les salariés privés d’emploi ne pourront pas se retourner contre l’institution si celle-ci leur propose des offres d’emploi ne correspondant ni à leurs compétences ni à leur projet personnalisé. Pas de recours non plus contre les employeurs, qui disposeront toujours de la possibilité de se priver de la compétence et du savoir-faire du service public de l’emploi. L’accompagnement « sur mesure » que vous évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, comme contrepartie aux nouveaux devoirs, s’avère bien creux !
L’amendement que nous avions présenté dans le but d’instaurer une obligation de transmission des offres d’emploi à la nouvelle institution ne remettait nullement en cause les règles européennes proscrivant le monopole public. Il avait pour seule vocation de rendre obligatoire la communication d’une offre d’emploi à la nouvelle institution, libre à l’employeur de maintenir sa collaboration avec le secteur privé s’il le souhaitait.
En ce sens, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse n’est satisfaisante ni sur le fond ni sur la forme.
En effet, comment envisager des sanctions à l’encontre de demandeurs d’emploi qui ne sont pas informés de la totalité des offres disponibles sur le marché ?
En rejetant notre amendement, vous n’aviez qu’un objectif : ne pas empiéter sur le secteur privé, celui-là même avec lequel le secteur public devrait coopérer, dans une relation profondément inégalitaire : au privé, les jeunes diplômés, les salariés les plus aisément « reclassables », puisque tel est le terme employé par ces sociétés ; au public, les personnes les plus en difficulté, les plus éloignées du travail, les moins formées. Et ce alors même que, de l’aveu de tous, il est aujourd’hui impossible de mesurer l’efficacité du secteur privé par rapport au secteur public.
Comme nous l’avions compris avec la loi dite de modernisation du service public de l’emploi, la privatisation est en route !
Pour ce qui est des droits des demandeurs d’emploi, nous n’avions guère d’espoirs. Car, pour créer des droits, il fallait imposer des obligations aux entreprises. Or, on ne trouve rien de tel dans votre texte.
Nous avions d’autant moins d’espoirs que vous avez déconnecté artificiellement ce projet de loi de la future négociation sur la convention d’assurance chômage. Cela ne peut que nous inquiéter pour l’avenir. Nous redoutons que cette négociation soit, pour le patronat, l’occasion de durcir plus encore l’offre raisonnable d’emploi. Autant vous dire que les sénatrices et sénateurs communistes seront vigilants !
Enfin, je tiens à réaffirmer notre total désaccord avec la disposition instaurée à l’article 2 bis, sur la proposition de la majorité UMP. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, d’avoir noté que nous n’avions pas été en mesure d’en débattre.
L’article 2 bis organise la suppression des dispenses d’emploi pour les chômeurs de plus de cinquante-six ans. Il aurait été souhaitable d’évoquer cette question en séance publique.
L’application de cette disposition sera en effet lourde de conséquences pour les salariés licenciés en raison de leur âge, de leur présupposé manque de compétitivité ou de leur coût trop élevé. Car, la réalité dans notre pays, c’est que des milliers de nos concitoyennes et concitoyens sont chaque année licenciés parce qu’ils sont trop expérimentés, trop qualifiés et par conséquent trop chers ! Les dispenses visaient à prendre en compte cette réalité. Elles venaient pondérer la grande difficulté pour ces salariés de retrouver un emploi.
Mais de tout cela, votre gouvernement n’a cure, préférant l’approche comptable. Au final, vous faites payer à ces salariés le poids économique d’une gestion d’entreprise elle-même comptable et désengagée de toute responsabilité sociale. Et comment pourrait-il en être autrement, alors qu’aucune disposition n’empêche les employeurs les moins scrupuleux de licencier les salariés les plus âgés ?
Cette disposition aurait pu être discutée si vous aviez dans le même temps rétabli le dispositif prévu dans la loi Delalande, que vous avez abrogée. Mais telle n’est pas votre préoccupation, monsieur le secrétaire d’État. Au-delà de vos discours et de l’intitulé de ce projet de loi, vous n’êtes pas dans une logique de droits contreparties de devoirs.
Monsieur le secrétaire d’État, le plein-emploi est bien évidemment le souhait de toute politique ambitieuse, et il n’est pas hors de portée, au contraire. Or la voie néolibérale que vous persistez à emprunter n’est pas la bonne, puisque non seulement elle vous a conduit à perdre la course à la croissance mais, avec ce texte, elle façonne une société où l’emploi précaire et peu rémunéré deviendrait la norme !
Or une politique de plein-emploi doit nécessairement prendre en compte la conjoncture économique et sociale et s’affranchir de la vision archaïque et simpliste du marché du travail, vision dont ce texte est empreint. Cela implique nécessairement de ne pas réduire la politique de l’emploi à une vision purement quantitative.
Nous sommes persuadés que la clé pour résorber le chômage et relancer la croissance passe par l’augmentation des salaires. Et il n’est nul besoin d’agiter l’épouvantail de la compétitivité, car cette amélioration passe non pas par la baisse du coût du travail, mais par le relèvement des niveaux de formation, des capacités créatives des systèmes productifs et par l’investissement dans la recherche et le développement.
À l’instar du Gouvernement, nous aspirons au plein-emploi, mais pas à n’importe quel emploi, n’importe où et pour n’importe quel salaire !
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez donc que les sénatrices et sénateurs communistes votent contre ce texte.