Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur l’accessibilité, domaine dans lequel la France accuse, par rapport à d’autres pays, un retard qu’il lui faut combler.

Les problèmes d’accessibilité restent nombreux dans les domaines du transport, du logement, de l’information, du travail, de la santé et de l’éducation. La loi du 11 février 2005 précise que l’accessibilité est autant physique qu’intellectuelle. Elle prévoit que tous les lieux publics, les parties communes des bâtiments d’habitation, ainsi que les logements neufs devront être accessibles aux personnes handicapées d’ici à 2015.

Or, selon une étude récente, en cinq ans, seuls de 5 % à 15 % des bâtiments recevant du public et dépendant de l’État ou des collectivités territoriales ont été mis aux normes pour l’accueil des handicapés. Aussi, les associations ont-elles exprimé de vives inquiétudes concernant le respect des délais de mise aux normes des transports et des établissements ouverts au public.

L’Association des paralysés de France a créé un baromètre de l’accessibilité afin d’évaluer l’état d’avancement des mises aux normes en France par rapport aux engagements pris. Les résultats publiés en février dernier sont très inquiétants. Le manque d’incitation de l’État laisse les acteurs de terrain face à des difficultés inextricables.

En ce qui concerne les transports, nous sommes loin des objectifs fixés par la loi. L’article 45 prévoit ainsi : « Dans un délai de dix ans à compter de la date de publication de la présente loi, les services de transport collectif devront être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite. » À mi-parcours, il apparaît que cette échéance ne pourra pas être respectée.

Cet article prévoit également la création de schémas directeurs d’accessibilité par les autorités compétentes pour l’organisation du transport public dans les trois ans à compter de la publication de la loi. Il prévoit également la mise en place de transports de substitution, ainsi que l’établissement par chaque commune d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics.

Où en sommes-nous ? Le baromètre de l’APF montre que nous sommes bien loin d’avoir atteint les objectifs de la loi de 2005 sur le handicap. Nombre de schémas directeurs d’accessibilité des transports ne sont pas finalisés.

Les actions entamées par les villes sont insuffisantes pour permettre à la France de respecter l’échéance de 2015. Aujourd’hui, si 97 % des chefs-lieux départementaux déclarent avoir créé une commission communale pour l’accessibilité, comme le prévoit la loi de 2005, 75 % de ces commissions n’ont organisé aucune réunion depuis le mois de septembre 2008. En outre, 73 % des villes interrogées n’ont jamais élaboré le rapport annuel d’état des lieux sur l’accessibilité au sein du cadre de vie et 21 % des collectivités n’ont toujours pas effectué l’état des lieux de leurs transports, alors que 60 % des villes interrogées n’ont aucune ligne de bus entièrement accessible. De grands efforts sont encore à réaliser dans la signalétique.

Il y a, au niveau législatif, la marque d’une incompréhension de la réalité du terrain. Pour preuve : on laisse de grandes responsabilités aux collectivités territoriales pour réaliser les objectifs en termes d’accessibilité et, dans le même temps, le Gouvernement leur accorde de moins en moins de moyens financiers et de liberté.

On a parlé de 2009 comme d’une « année noire du handicap ». En effet, elle a été marquée par toute une série de remises en cause, reports, amendements, recours ou annonces gouvernementales qui sont revenus progressivement sur les principes fondateurs de la loi de 2005.

Comme l’a expliqué mon collègue Jacky Le Menn, au cours de l’année 2009, le Gouvernement a tenté à plusieurs reprises d’étendre les possibilités de dérogations en matière d’accessibilité, y compris pour le cadre bâti neuf, alors que le Conseil d’État a clairement jugé de telles dérogations illégales.

Par ailleurs, on observe certaines aberrations réglementaires. Ainsi, depuis le 1er octobre 2007, l’accessibilité des bâtiments et des logements n’est plus contrôlable lors de l’instruction des permis de construire puisque les plans de l’intérieur des bâtiments ne font plus partie des pièces constitutives du dépôt de dossier. On n’a donc, à présent, aucun moyen de vérifier si les critères de qualité et de conformité en matière d’accessibilité sont respectés. Par conséquent, on risque de plus en plus de se retrouver avec des ouvrages non conformes, sans aucune possibilité de revenir en arrière.

Il faut améliorer l’aspect qualitatif, en augmentant le nombre d’ascenseurs dans l’habitat et de logements en rez-de-chaussée.

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée à l’accessibilité de certains établissements. Je pense notamment aux universités, au Sénat – notre belle maison ! – ou encore aux tribunaux et prisons, établissements dans lesquels on observe d’importants retards, alors que la mise aux normes a déjà été effectuée aux États-Unis, dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni ou en Espagne.

On constate aujourd’hui un réel manque d’accompagnement de la loi, de pilotage politique, de recensement des données et l’absence d’un véritable centre de ressources rassemblant les outils dépareillés.

Je souhaite véritablement que l’État prenne une telle question au sérieux et y mette du sien !

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