Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que de très nombreux accidents peuvent être imputés en France à la prise de médicaments psychotropes, tranquillisants ou antidépresseurs, il est particulièrement étonnant qu'aujourd'hui encore il n'y ait pas de dépistage systématique des médicaments à risque lors de la survenance d'un accident, ce qui fait que nous ne disposons pas, pour l'heure, de statistiques fiables sur le nombre de Français victimes d'accidents de la route sous l'influence de tels médicaments.
En Belgique, pays proche de ma région, l'Institut pour la sécurité routière a récemment dévoilé que 15, 6 % des victimes d'accidents de la route étaient sous l'influence de tranquillisants, d'antidépresseurs ou de somnifères. Aux Etats-Unis, une étude rapporte le chiffre de 20 %.
En Ecosse, une autre étude a conclu que les conducteurs sous médicaments de la classe des benzodiazépines ont davantage d'accidents, jusqu'à quatre fois plus que les autres ; les tranquillisants sont plus concernés que les somnifères et constituent un important facteur d'accidents de la route.
Aux Pays-Bas, une étude a démontré que les consommateurs de certains tranquillisants présentaient pendant les deux premières semaines de traitement un risque d'accident cinq à six fois supérieur à la normale ; il est comparable à celui d'un taux d'alcoolémie de 1 gramme par litre.
Or chacun sait bien que notre pays - il a souvent été dénoncé à ce titre - est le champion du monde en matière de consommation de médicaments psychotropes ; malgré cela aucune statistique scientifique du phénomène n'est réalisée.
De la même manière, la loi du 18 juin 1999 qui réprime la conduite sous l'influence de stupéfiants a écarté l'imputation de prise de médicaments de nature à altérer gravement le comportement du conducteur. Seul un petit pictogramme parfaitement illisible figure sur les boîtes des médicaments concernés.
Au moment où nous assistons à une traque permanente de l'automobiliste sous toutes ses formes, n'y aurait-il pas lieu de l'avertir préventivement des risques qu'il encourt et qu'il fait encourir à d'autres par l'absorption de tels médicaments ?
Dans cette affaire, on a le sentiment que, depuis bien longtemps et pour des raisons obscures, aucune véritable volonté politique ne s'est manifestée pour alerter les Français sur la très grave dangerosité de ces médicaments. Rappelons que le dictionnaire Vidal déconseille la conduite automobile pour cent trente spécialités pharmaceutiques et, parmi celles-ci, figurent douze médicaments de la classe des benzodiazépines qui présentent un risque encore plus élevé au volant. Notre ancienne collègue Marie-Claude Beaudeau, dans une intervention remarquée dans cet hémicycle, affirmait que ces derniers peuvent être à la source de drames familiaux, mais aussi à celle d'une multitude d'accidents de la circulation.
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui autorise la commercialisation des médicaments, devrait engager une grande campagne d'information à destination des praticiens et des Français en attirant leur attention sur la dangerosité au volant des médicaments psychotropes.
Je compte par ailleurs sur M. le ministre de la santé afin que le Parlement puisse très rapidement disposer de statistiques fiables sur le rôle joué par les médicaments psychotropes dans la survenance des accidents de la circulation.
Je l'invite également à user de sa très grande autorité morale afin de mettre solennellement en garde nos compatriotes sur les risques de conduite après la prise de médicaments psychotropes en favorisant, notamment, l'apposition de messages d'alerte plus explicites sur les emballages des médicaments concernés.