Intervention de Marie-Anne Montchamp

Réunion du 18 janvier 2005 à 10h00
Questions orales — Sécurité routière et prise de médicaments

Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées :

Monsieur le sénateur, de nombreux médicaments, dont les psychotropes, sont susceptibles de donner lieu à des effets comme la somnolence, la perte de connaissance, les vertiges, les étourdissements, les troubles visuels, les hallucinations, les troubles auditifs, la sensation d'ébriété, avec des modifications du comportement, parfois des idées suicidaires, qui peuvent entraîner des accidents.

S'agissant en particulier des benzodiazépines, la sédation, les troubles amnésiques, la diminution de la concentration et les altérations de la fonction musculaire sont en effet autant de symptômes qui peuvent exercer une influence défavorable sur l'aptitude à conduire des véhicules. Ces effets sont d'autant plus marqués que la dose est importante, qu'il est fait usage simultanément d'alcool ou d'autres produits agissant sur le système nerveux central.

Par ailleurs, les principales maladies neurologiques et psychiatriques s'accompagnent toutes de modifications plus ou moins importantes de la cognition, de la vigilance ou de l'attention.

Depuis la directive européenne du 26 octobre 1983, les effets des médicaments sur la capacité de conduite et l'utilisation de machines sont identifiés dans une rubrique spécifique du résumé des caractéristiques du produit de l'autorisation de mise sur le marché.

La France a été l'un des premiers pays européens à compléter ces mentions par l'application du pictogramme que vous avez évoqué sur les conditionnements, mesure qui a ensuite été reprise par la directive européenne du 6 novembre 2001.

En février 2003, sur proposition du comité interministériel de la sécurité routière, la direction générale de la santé a demandé à l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, d'évaluer la pertinence d'une gradation de ce pictogramme en fonction de la dangerosité des médicaments. Un groupe d'experts constitué par l'AFSSAPS a classé, à partir du profil pharmacodynamique des 5000 spécialités comportant actuellement un pictogramme, les effets potentiels des médicaments sur la conduite selon quatre critères : effets sur la vigilance, sur la vision, sur le comportement, sur l'équilibre et le système cardiovasculaire, etc.

Un sous-groupe d'experts chargé de l'évaluation épidémiologique du risque a étudié les données de pharmacovigilance, les données expérimentales et d'accidentologie publiées à ce jour.

S'agissant de la proportion d'accidents mortels de la circulation liés aux psychotropes, on ne dispose que de données non validées par les experts compte tenu de la difficulté à attribuer la responsabilité de l'événement au médicament ou à quantifier la part prise par le médicament dans la survenance de l'accident.

Une revue de la littérature internationale portant sur les cinq dernières années montre que l'exposition à un médicament potentiellement responsable est retrouvée chez 1 % à 10 % des accidentés de la route. Les benzodiazépines sont les substances les plus fréquemment en cause, mais peu d'autres classes ont été étudiées.

Ce sous-groupe travaille actuellement sur la faisabilité d'études permettant d'évaluer l'exposition aux médicaments des sujets responsables d'accidents et de cerner les familles thérapeutiques les plus fréquemment mises en cause.

Le groupe d'experts a proposé une méthode de gradation du pictogramme allant du niveau 0 - médicaments ne présentant aucun effet identifié - au niveau 3 - danger majeur pour la conduite automobile. Cette gradation se traduira par l'apposition sur le conditionnement d'un pictogramme décliné en trois niveaux de risque, 1 à 3, accompagné de deux phrases courtes précisant le risque encouru et la conduite pratique à tenir.

Le classement dans chacun des grades nécessite l'analyse, pour chaque médicament, du profil pharmacodynamique, de l'évaluation épidémiologique et de données complémentaires telles que le dosage, la voie d'administration, les conditions d'utilisation et de délivrance, les interactions, la pharmacocinétique, les indications.

L'examen des classes représentant a priori le risque potentiel le plus élevé, notamment celle des médicaments du système nerveux central, est en cours et devrait permettre l'apposition du nouveau pictogramme et des messages d'accompagnement sur les conditionnements de ces produits dans le milieu de l'année 2005.

Monsieur le sénateur, la France sera alors le premier pays européen à mettre en place un tel système de gradation du risque.

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