Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 18 janvier 2005 à 21h30
Développement des territoires ruraux — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, les territoires ruraux de la France prennent des visages multiples : les « campagnes des villes », les « nouvelles campagnes » et les « campagnes les plus fragiles ». Ces terminologies traduisent des réalités différentes et difficiles à délimiter.

Ici, les conflits d'usage deviennent fréquents, les agriculteurs subissant de plein fouet la pression foncière et l'expansion démographique. Là, s'agglutinent des gens d'horizons très divers et émergent des dynamiques qu'il faut encourager. Ailleurs enfin, la campagne se meurt, donnant un sentiment d'abandon aux habitants et d'impuissance aux élus.

Le présent projet de loi répond-il aux enjeux et aux nouvelles attentes des territoires ruraux ? Leur apporte-t-il les outils et les moyens nécessaires à un développement économique, social et culturel équilibré ?

Au sein de notre groupe, certains affichent un réel scepticisme, d'autres expriment même de la déception.

Certes, ce texte a le mérite d'exister. Oui, il comporte quelques avancées, notamment en matière de revitalisation des zones rurales, en matière d'emploi, ou encore en ce qui concerne la pluriactivité, le patrimoine bâti et la chasse. Toutefois, il s'apparente à un catalogue de mesures sectorielles et techniques et ne met pas en perspective une vision à long terme pour nos campagnes.

Ainsi, certains chantiers, pourtant prioritaires, ne sont même pas mentionnés. Comment, en effet, permettre un développement harmonieux des territoires ruraux sans aborder le dossier des finances locales ?

La France est malade de ses inégalités et il faudra bien un jour aborder de manière concrète le problème de l'insuffisance des moyens fournis à certaines collectivités - surtout aux plus petites d'entre elles - et, plus généralement, la question de la péréquation.

En proposant des exonérations en tout genre, la plupart sans compensation financière, ce projet de loi risque finalement d'aggraver la fracture territoriale. Comment, en effet, des communes pauvres pourraient-elles se permettre de telles exonérations ?

Comment espérer renforcer l'attractivité des territoires ruraux sans s'attaquer au problème des travaux d'infrastructure ? Le développement des moyens de communication et de transport est évidemment capital pour rompre l'isolement de certaines zones. Or, là encore, il n'y a rien - ou pas grand-chose - dans le projet de loi.

Enfin, comment parler de ruralité sans répondre aux inquiétudes profondes des agriculteurs quant à leur avenir, notamment dans la perspective de la mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune ? Nous sommes nombreux à regretter que le projet de loi de modernisation agricole que vous nous annoncez n'ait pu être intégré au présent projet de loi.

Au sein des départements d'outre-mer, et singulièrement de la Guadeloupe, que je représente ici, la position de la profession agricole est claire : « Le projet de loi de développement des territoires ruraux [...] reste en complet décalage par rapport à nos réalités locales. » Et la chambre d'agriculture de la Guadeloupe de rappeler que « les organisations professionnelles agricoles des DOM, soutenues par les parlementaires et les assemblées régionales et départementales ont, depuis tantôt, défendu le principe d'une loi de programme agricole spécifique à nos régions ultramarines ».

Pour ces professionnels, le monde rural peine à sortir du modèle colonial, et le spectacle d'une agriculture en déclin qui n'a pas pu devenir compétitive produit une image dégradée dans l'opinion. Tout cela est le résultat de l'inexistence d'une véritable politique agricole en Guadeloupe, politique qui n'est possible que si l'on prend en compte les spécificités de nos territoires.

Au-delà de cette analyse, nous considérons que l'accès aux services publics et à une offre de soins satisfaisante est également déterminant, car aucune famille, si désireuse soit-elle de vivre à la campagne, ne s'installera dans une zone dépourvue d'écoles, de collèges, de médecins, d'hôpitaux, de services des postes et télécommunications.

Le présent projet de loi prévoit le renforcement des maisons de services publics, mais aussi des aides financières et des mesures fiscales favorisant l'installation des professionnels de santé en milieu rural, l'exercice en cabinets de groupe ainsi que la constitution de pôles de soins.

Nous ne sommes cependant pas sûrs que ces dispositions soient suffisantes, car, depuis plusieurs années, nous assistons à la disparition progressive des services publics en zone rurale alors même que les politiques d'aménagement du territoire sont censées contenir ce phénomène.

S'agissant plus particulièrement de La Poste, l'abandon d'une partie des services, la sous-traitance des missions résiduelles à des opérateurs privés et la mise à contribution financière des communes semblent témoigner d'un certain désengagement de l'Etat.

Il est à craindre que la possibilité offerte par l'article 37 du projet de loi de déléguer une mission de service public à une personne privée ne renforce cette situation pour l'ensemble des services.

En conclusion, je dirai que ce projet de loi n'est pas porteur d'une réelle ambition pour nos campagnes. Il apporte tout au plus quelques mesures utiles sur certains aspects. Soyez donc convaincus, messieurs les secrétaires d'Etat, que les membres du groupe RDSE resteront très attentifs aux débats à venir, notamment à celui qui sera consacré à la modernisation de l'agriculture. Dans cette attente, les votes au sein de notre groupe seront partagés et, personnellement, je m'abstiendrai.

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