Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, notre débat me semble très riche, et il montre l'intérêt que nous portons à nos territoires ruraux. Je m'en réjouis ! Comme de nombreux ruraux, je me félicite de l'inscription à l'ordre du jour de cette seconde lecture, tant attendue et longtemps retardée.
Les territoires ruraux ont besoin de perspectives et attendent des solutions. L'aménagement de notre territoire et l'équilibre de notre société en dépendent. Cependant, nous savons bien que ce projet de loi ne peut répondre à toutes les questions du monde rural et que la réforme de la PAC et l'avenir de notre agriculture sont aussi des éléments clés de son devenir.
« A chaque jour suffit sa peine », dit le proverbe ; nous en reparlerons lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole. Il faudra alors veiller à ce que ces textes ne se contredisent pas et à ce que les espoirs d'aujourd'hui se concrétisent sur notre territoire.
Je voudrais tout d'abord saluer le remarquable travail de nos rapporteurs, Jean-Paul Emorine et Ladislas Poniatowski. Ils ont apporté leur connaissance du terrain à ce rapport, riche de propositions. Et je n'oublie pas les rapports pour avis en première lecture de nos collègues Joël Bourdin et Pierre Martin.
Il y a, me semble-t-il, dans ce projet de loi, de grands sujets de satisfaction. Naturellement, je ne les aborderai pas tous. Permettez-moi, toutefois, d'évoquer un instant le cheval.
Dans ce domaine, nous avons fait de grands progrès. Alain Lambert, Jean-François Lamour, Hervé Gaymard ont marqué ensemble leur volonté de reconnaître la filière équine comme une grande activité agricole. Ce projet de loi achève leur programme et, naturellement, nous nous en félicitons.
Messieurs les secrétaires d'Etat, il faudra cependant encore penser à assurer la compétitivité de la France face à ses concurrents européens, dont la fiscalité dans ce domaine est très avantageuse ; il conviendra également de réfléchir à la place des haras nationaux, qui manquent, me semble-t-il, d'une véritable dimension nationale et d'un projet de société. Tous ceux qui les connaissent y sont très attachés.
De nombreux thèmes sont encore à développer, tels que le cheval dans le domaine de l'environnement, du handicap, de la ville.
La fréquentation du vivant est un élément très positif dans un monde urbanisé et bétonné : le rapport avec un cheval ou un poney est bien autre chose que de taper dans un ballon ou d'utiliser un engin mécanique !
Ce ne sont là que des pistes ; nous essaierons de les développer dans le cadre du groupe sénatorial consacré au cheval. Et pourquoi ne pas en charger les haras nationaux ?
Quelques inquiétudes remontent néanmoins jusqu'à nous ; je veux m'en faire l'écho.
Ainsi, le texte ne précise pas si les éleveurs élargissant leur activité à la préparation ou à l'entraînement - mais pour qui l'activité de production reste la plus importante - se voient désormais dans l'obligation de passer au régime réel ou s'ils peuvent conserver le choix de leur régime d'imposition. Il en va de même des agriculteurs qui se diversifient vers des activités de préparation, d'entraînement ou d'utilisation d'équidés. J'aimerais avoir quelques précisions sur ce point.
Autre satisfaction, le choix des zones de revitalisation rurale, les ZRR, pour aider les zones rurales à se développer est très utile et satisfaisant. Il faut cependant veiller à ce que l'application des décisions prises dans ce cadre soit facilitée sur le terrain : voilà quelques années, sur la même question, les différents interlocuteurs n'avaient pas mis beaucoup de zèle à informer à leur sujet ni à rendre possible leur mise en oeuvre.
Enfin, et malheureusement, une déception : l'absence totale d'avancée sur le problème de la participation pour les voies nouvelles et réseaux, la PVNR, qui a été récemment remplacée par la participation pour voirie et réseaux, la PVR. Nous nous heurtons là à une vraie difficulté et à une contradiction entre la loi et son application. Heureusement, l'intervention du ministre, M. Bussereau, me rassure, et je l'en remercie bien sincèrement. Il est souhaitable, dans ce domaine, d'aboutir rapidement, et vous me pardonnerez d'y revenir.
Je partage totalement l'objectif affiché de favoriser le maintien et la remise en état du patrimoine rural. Mais il se heurte aux dispositions actuelles de la PVR : avant la création de cette mesure, il était beaucoup plus facile qu'aujourd'hui de mettre en oeuvre un projet de restauration ou de transformation du patrimoine.
Désormais, messieurs les secrétaires d'Etat, en raison du cloisonnement de notre droit, certaines constructions dont l'intérêt architectural est réel ne peuvent être sauvées de la ruine malgré la volonté de leur propriétaire. Ces bâtiments, qui pourraient aisément être réhabilités ou transformés en maisons d'habitation, sont laissés à l'abandon parce qu'ils ne sont pas raccordés aux réseaux d'eau et d'électricité. Les pétitionnaires sont pourtant disposés à s'acquitter du coût des travaux nécessaires ; mais les dispositions strictes du code de l'urbanisme interdisent le financement privé de raccordements supérieurs à cent mètres et les communes qui voudraient prendre cette dépense en charge n'en ont pas les moyens financiers. Dès lors, des pans entiers de notre patrimoine rural sont appelés à disparaître, faute de dispositions adaptées.
J'avais déposé, en première lecture, un amendement visant à permettre le raccordement au-delà de cent mètres des constructions existantes présentant un intérêt architectural ou patrimonial. Je l'ai retiré, parce qu'il m'avait été répondu que trop peu de bâtiments étaient concernés. En réalité, le problème se pose dans de nombreuses régions.
Je me permets donc de formuler un souhait : que soient bientôt adoptées des dispositions permettant de préserver de manière effective le patrimoine rural bâti présentant un intérêt architectural.
Les échanges de la première lecture m'avaient laissé espérer que ce dossier pourrait progresser au cours de la navette, le ministre de l'agriculture, et je l'en remercie, s'étant engagé à examiner avec son collègue chargé de l'équipement par quelles voies et moyens pourraient être réglés les problèmes réels que j'avais soulevés. C'est la raison pour laquelle, messieurs les secrétaires d'Etat, j'insiste auprès de vous pour qu'une réflexion sérieuse s'amorce au sein des départements ministériels concernés.
Je pense - je l'ai même vérifié - qu'un certain nombre d'experts ont pu mesurer l'importance du sujet et ses conséquences. Peut-on, messieurs les secrétaires d'Etat, faire aboutir à brève échéance la réflexion qu'il me semble nécessaire de conduire ? Il faut envisager les solutions juridiques qui permettent de financer dans les meilleures conditions le raccordement des constructions anciennes situées à plus de cent mètres des réseaux ; peut-être, par exemple, serait-il possible de faire réaliser les travaux en maîtrise d'ouvrage publique, la dépense étant intégralement couverte par un fonds de concours de l'auteur de la demande de raccordement ?
Au-delà du cas spécifique des difficultés posées par la PVR, il faudra, à mon sens, réfléchir globalement sur le patrimoine bâti existant, dont le traitement varie fortement, dans le code de l'urbanisme, selon la nature et l'état des bâtiments. Sans doute faudrait-il clarifier les diverses dispositions du code en ce domaine, dans la mesure où le bâti existant présente des particularités très différentes de celles des constructions nouvelles, auxquelles le code du l'urbanisme et les différents documents réglementaires sont principalement destinés.
Enfin, il me semble que l'effort pourrait aussi tendre à la définition de l'intérêt architectural ou patrimonial du bâti ancien, entendu au sens large. En particulier, l'identification de ce patrimoine serait plus simple si l'on n'était pas obligé d'en référer à un collège d'experts.
Le patrimoine bâti participe souvent à la diversité et à la richesse de nos paysages, et je regrette que le projet de loi n'accorde pas suffisamment de place à la problématique des paysages.
Pour conclure, messieurs les secrétaires d'Etat, je souhaite vous redire toutes les attentes du monde rural. Le texte dont nous commençons l'examen représente pour lui un très grand espoir ; c'est pourquoi je ne peux que soutenir votre volonté et celle du Gouvernement de donner à nos territoires ruraux et à ceux qui y vivent au quotidien un véritable projet d'avenir.