Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 18 janvier 2005 à 21h30
Développement des territoires ruraux — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, faute de pouvoir trouver une ligne directrice dans le projet de loi soumis à notre examen et en l'absence d'une cohérence thématique dans ce qui l'éloigne du développement des territoires ruraux, objet même de son intitulé, nous ne pouvons qu'espérer que ce texte, riche de près de quatre-vingts articles suffisamment vastes dans leur contenu pour lui conférer la nature de « projet portant diverses dispositions en matière rurale, touristique, de montagne, de zones humides et du littoral, urbanistique et faunistique, cynégétique, voire fiscale », nous ne pouvons qu'espérer, dis-je, que cette deuxième lecture permettra au moins quelques avancées sur des sujets quotidiens auxquels sont confrontés les élus locaux des zones rurales et certaines catégories de nos concitoyens. Mais nous n'avons pas l'espoir de donner à ce texte une lisibilité qui nous permettrait d'en faire une loi référence de cette législature...

Je m'en tiendrai, pour ma part - l'exégèse générale ayant été faite par M. Bernard Piras pour le groupe socialiste -, à quelques sujets chers aux élus de la montagne, aux habitants et aux salariés de ces territoires d'altitude, pour beaucoup éligibles aux fonds structurels européens ou classés en zones de revitalisation rurale.

S'agissant du volet économique relatif à ces territoires, et plus particulièrement de sa composante touristique, vous connaissez, messieurs les secrétaires d'Etat, l'attente des élus au sujet des règles du jeu concernant les procédures en matière d'unités touristiques nouvelles, les UTN, et d'opérations de rénovation de l'immobilier de loisir dans les villages résidentiels de tourisme.

Depuis les premières ébauches de ce texte, et tout au long des échanges qui ont eu lieu durant la navette parlementaire, des questions ont été posées à ce sujet.

Pour les UTN, il reste maintenant à préciser le contenu du décret tant attendu ou à lui trouver dans cette enceinte une alternative législative.

Sur ces deux sujets, les UTN et les opérations de rénovation de l'immobilier de loisir dans les villages résidentiels de tourisme, vous ne pourrez échapper à une décision.

Dans un domaine connexe aux unités touristiques nouvelles, il devient urgent d'accompagner les initiatives locales pour lutter contre le phénomène des volets clos, ces friches touristiques aujourd'hui inoccupées, pour certaines à l'abandon, dont la revitalisation et la rénovation constitueraient autant de nouvelles capacités d'accueil pour des clients et des salariés qui font vivre les stations, sans avoir recours à de nouvelles urbanisations galopantes.

Le dispositif arrêté devra être opérationnel tant dans les stations d'altitude que dans les stations thermales ou côtières. Prenons garde à ne pas en exclure une des composantes ! Or le texte qui nous est proposé ne nous le garantit pas.

En matière de logement, élément incontournable de la dynamique économique ou tout simplement de la présence d'une population permettant le maintien des services publics, les nouvelles sociétés d'investissement régional doivent voir leur champ d'investigation conforté pour accompagner les attentes exprimées sur le terrain et qui n'aboutissent pas faute de capacités d'interventions locales. Nous présenterons des amendements sur ce sujet.

Il en est de même en ce qui concerne la maîtrise des espaces périurbains, qui devra s'effectuer dans un souci d'équilibre des territoires et en cohérence avec les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ainsi que de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, en prenant mieux en compte le développement du fait intercommunal.

Evoquant le tourisme et le logement, je rappellerai également le rôle trop souvent passé sous silence des salariés saisonniers, dont ce projet de loi devrait montrer le caractère essentiel et les spécificités, en les intégrant dans les législations existantes et à venir. L'affirmation de ce principe serait un appel à ne pas les oublier, comme ils l'ont trop été par le passé.

Je souhaiterais, pour ne pas allonger inutilement ce débat, m'en tenir enfin à un point particulier : particulier dans le problème posé, puisqu'il vise un animal qualifié de « prédateur », le loup, et particulier dans la façon dont le Gouvernement le traite... ou ne le traite pas.

En tant qu'élu d'un département qui a eu, à de multiples occasions - Mme Annie David y a fait référence tout à l'heure -, la particularité d'être confronté à des « effets collatéraux » liés à la présence du loup, je veux dire ici que la situation ne peut perdurer sans que nous connaissions les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

Toute tergiversation sur ce sujet n'est pas compréhensible. C'est l'Etat central, relayé sur le terrain par ses représentants, qui doit dire l'option qu'il privilégie face aux attentes des élus, des populations concernées et du monde agricole. Il doit le faire sans chercher à faire s'opposer les « anti » d'un côté et les « pro » de l'autre, en les laissant localement s'affronter pour en tirer la conclusion qu'on ne peut rien faire tant les positions s'affrontent passionnellement.

La doctrine de l'Etat doit être arrêtée et connue : chacun pourra ensuite la faire sienne ou la rejeter.

L'attentisme sur ce dossier déstabilise tous les acteurs concernés, radicalise les deux camps et entraîne une couverture médiatique disproportionnée dont on se passerait volontiers localement.

Quelle est la position du Gouvernement face à la proposition faite par la Suisse de modifier le contenu de la convention de Berne sur ce point ? La question est simple et appelle une réponse permettant d'orienter les dispositifs à adopter sur le plan régional.

Nombre des orateurs qui se sont exprimés à cette tribune ont abordé le problème des technologies de l'information et de la communication. Je n'avais pas prévu d'intervenir sur ce point, mais il a été tellement évoqué que je ne peux pas ne pas vous faire part d'un cas particulier.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, si vous avez l'occasion de venir dans le département de la Savoie, je vous invite à passer à Saint-Maurice-de Rotherens, petite commune de quelques centaines d'habitants où l'aspiration de la population et de son premier magistrat n'est pas de figurer parmi ces fameuses « zones blanches » qui seront bientôt couvertes par les réseaux de téléphonie mobile, mais tout simplement de bénéficier d'un service de téléphonie fixe.

En effet, il s'agit d'une des cinq communes, disséminées sur le département de la Savoie, qui sont aujourd'hui dotées d'un répartiteur communal à fiches. Je vous invite à découvrir l'obsolescence de ce type de matériel ! C'est simple : tous les abonnés doivent à tour de rôle accepter plusieurs jours de suite de ne pas être desservis, car ces répartiteurs n'arrivent plus à couvrir l'ensemble des demandes.

La population confrontée à cette difficulté se tourne vers M. le maire, objet de toutes les récriminations, et c'est à lui qu'il appartient alors d'établir le lien avec l'opérateur national. Pour ce faire, il prend son téléphone portable, il monte dans sa voiture, il parcourt une dizaine de kilomètres - car, bien évidemment, sa commune n'est pas couverte par le téléphone mobile - et il négocie avec France Télécom, qui envoie un de ses agents, lequel enlève la fiche d'une famille, en remet une à une autre qui pourra être desservie quelques jours. La seule possibilité qu'ait obtenue le maire, c'est que l'auberge communale ne figure pas dans ce tourniquet des abonnés qui, d'une semaine à l'autre, ne sont pas desservis.

France Télécom, sollicitée à l'issue d'un CIADT auquel vous avez fait référence, s'était engagée à répondre positivement au maire de cette commune pour que toutes les familles puissent effectivement disposer d'un service qu'elles sont aujourd'hui en droit d'attendre. L'engagement a été pris pour qu'il puisse être répondu à cette demande avant la fin de l'année 2006. Il n'y a donc plus que deux ans à attendre !

Messieurs les secrétaires d'Etat, si ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux avait été doté d'une ligne budgétaire importante, j'aurais volontiers plaidé à cette tribune pour qu'une partie de la dotation soit attribuée à ces cinq communes. J'aurais alors espéré que vous puissiez dégager quelques crédits permettant à ces cinq communes d'être desservies, et j'aurais eu le sentiment que cette solidarité des territoires à laquelle vous faites référence se traduit dans des actions concrètes.

Malheureusement, comme beaucoup d'orateurs l'ont dit, il n'y a pas de dotation budgétaire dans ce projet de loi.

Messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, sur ces quelques points relatifs à la montagne, à ses élus, à ses habitants et à ses salariés, nous espérons encore, pourquoi pas, des avancées qui n'ont pas pu être possibles jusqu'à ce soir.

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